Archive | novembre, 2020

Les Sans Voies…

27 Nov

L’histoire commence l’été dernier, au P’tit bonheur, à Riom. Mon fils, Dominique, fidèle à ce lieu riche en belles découvertes, revient captivé par un groupe qu’il vient de voir en concert : Maman, tu devrais les écouter, c’est vachement bien ! – C’est quoi ?Les Sans Voies.  Sachant bien que l’on a pas tout à fait les mêmes gouts musicaux avec mon fils, je le questionne encore : Oui, mais c’est comment ?Du rock poétique. C’est d’abord poétique qui a fait tilt ! Nous les avons écoutés ensemble, et oui, c’est vachement bien.

Et le bon côté d’internet, en ces temps de confinement, c’est qu’on peut communiquer. Et ce sont eux qui se présentent, merci à Baptiste d’avoir répondu à mes questions, pour sa disponibilité :

Les Sans voies, c’est Baptiste Souque : Chant : Guitare, Théo Souque : Chant : Saxophone / Piano, Benoît Pinatel : Basse, Grégoire Dery : Guitares / Chant, Baptiste Poignonec : Batterie.

 -Qui êtes- vous ?
– Baptiste : Nés en 2017, un soir de printemps, Sans Voies a évolué sans se presser. Le groupe souhaite créer des ponts entre la chanson française aux textes qui touchent, et le rock qui leur fait tourner les têtes, et les cœurs ! C’est autour de cette alchimie que le groupe s’est formé, pour mélanger, pour rassembler. À cinq, emmené par un saxophone, Sans Voies mélange le rock, la pop, le slam, le jazz… Pour en faire découler un cocktail qu’il veut plein de cœur, et surtout plein d’envie. C’est cette envie, fondées sur des désillusions du monde qui les entoure, de rencontrer un public, de l’emmener ailleurs, au creux d’un texte ou tout au fond d’une mélodie qui fait l’essence de Sans Voies.
Un pied en Haute Loire, l’autre en région lyonnaise, le groupe veut voyager et ne se fixe aucune frontière, aucune limite pour partager ses chansons.

– Comment est né votre groupe ?-
– Baptiste : Sans Voies est né de la rencontre musicale de deux frères, Théo et Baptiste, avec Grégoire, un ami de longue date ! Ensemble ils commencent à mettre en musique des textes à eux. L’envie dès le départ est là, de dire des choses, de les mettre en musique pour les faire rencontrer aux gens, à travers des concerts. C’est leurs textes, leurs musiques, inspirés d’influences aussi diverses qu’enrichissantes, que les jeunes musiciens veulent faire passer au public. Puis le pop et le rock leur titillent les oreilles, et Benoit, cousin de Théo et Baptiste rejoignent le groupe comme point d’ancrage d’une section rythmique, avant que Poigno ( Baptiste) ne sorte ses baguettes pour venir sceller ce qu’est maintenant Sans Voies !

– et pourqoi les Sans Voies?
– Baptiste : Ce nom de groupe a emergé je ne me souviens plus vraiment . C’était à un moment de nous vie où on cherchait un peu où aller, et nous avions l’impression qu’il n’y avait nulle part ou aller, nulle part pour nous, on s’est donc retrouvé sans direction, sans voies. Et puis le groupe de musique est né .

– et maintenant ?
– Baptiste : Après plus de 50 concerts en trois ans, Sans voies cherche désormais à partager ses nouvelles chansons. Basés en Haute Loire et en région lyonnaise, le groupe a tourné dans la Loire, le Rhône, mais également dans la Drôme, l’Ardèche, le Puy de Dôme, le Vaucluse, la Nièvre, la Savoie…Et souhaite bien, une fois le monde à nouveau en ordre, pouvoir explorer de nouveaux lieux, et rencontrer, encore et encore, de nouvelles personnes.

– Un premier EP va sortir en novembre 2020 Rien qu’un peu, une naissance ?
– Baptiste : Rien qu’un peu, c’est une naissance, c’est un début. Après deux années à enregistrer des morceaux de manière totalement artisanale, Sans Voies décide de passer, à l’année 2020, par la case studio. Un travail long et formateur avec Lori Pearlson ( ingénieur du son du groupe) accouche de 4 morceaux. Les morceaux de l’album parlent d’espoir et de désillusion ( Rien qu’un peu), d’enfance envolée et de nostalgie ( Le courage d’exister), de la peur d’être submergé par un monde trop grand, trop hostile pour nous ( Les crues).
Sans Voies en concert c’est deux heures de musique, pour seulement deux reprises. Une telle figure sur cet album, comme une évidence en ces temps où on ne les entend plus,  »  Les Anarchistes » rugissent à nouveau sur ce disque. Comme un merci à Léo Ferré pour ce qu’il nous a laissé.

Ce que les médias ont dit de vous :

Le Musicodrome :
Dans sa bonne humeur criante, sa complicité souriante, son énergie débordante, d’une poésie émouvante aux paroles criantes de vérité, Sans Voies réussit son premier concert au Nid de Poule : Le groupe est à l’écoute du public, et n’hésite pas à jouer avec lui, à donner autant qu’il reçoit.

Radio escapades :
Ce groupe est génial. Ils ont des morceaux à te faire tomber en larmes mais ils arrivent à se marrer entre chaque chanson et c’est un pur régal de les voir et de les entendre.

Rock à Gogo :
Quand la poésie s’accoquine au rock, c’est toujours pour notre bien et ça donne Sans Voies. Les cinq garçons d’origines et d’horizons divers ont trouvé leur route pour partager leurs états d’âme. Guitares, chants, basse/batterie et sax:harmonica nous emmènent sur les chemins doux amers de la chanson française, entre Léo Ferré et Noir Désir.

 Que dire de plus ? J’ai été  profondément touchée par les textes des chansons, avec une folle envie de partager l’ambiance  de ce groupe devant une scène vivante. Un EP très prometteur, qui  nous met des fourmis dans les jambes, et des débordements d’émotions au coeur. En attendant de les voir , écoutez les… Rien qu’un peu : 

Tant qu’il restera, le corps de nos amours
tant qu’il restera, l’histoire de leur contours,
tant qu’il restera, ton coeur dans le velours
tant qu’il restera, nos âmes tout autour.

Tant qu’il restera, des yeux pour voir au loin
tant qu’il restera, des prières sans devin,
nous regarderons, demain à petit feu
nous réinventerons, de l’amour rien qu’un peu

Rien qu’un peu plus de rage
se donner du courage  (bis)

Tant qu’il restera, des vieux pour croire s’aimer
tant qu’il restera, de l’aube dans les vallées
tant qu’il restera, tiédeur où s’enivrer
et tant qu’il restera, la folie pour flâner
tant qu’il restera, du beau dans l’innocence
tant qu’il restera, souvenir de nos enfances

Nous regarderons demain à petit feu
nous réinventerons, de l’amour rien qu’un peu
Rien qu’un peu plus de rage
se donner du courage…

Sur youtube : Youtube/sansvoies

La page facebook : Facebook.com/sansvoies.

Contact : Tournées et management : Baptiste Souque   sansvoies@gmail.com   Tél : 06 31 23 91 87

Danièle Sala

Mésaventures photographiques…

22 Nov
Préambule et avatars, fable graphique sans paroles,
les mésaventures de La Joconde
.

Il fut un temps qui semble bien révolu, où les reporters d’images, les photographes avaient une certaine exigence qualitative dans leurs productions. Et montraient des photos qui étaient des œuvres d’art.

Aujourd’hui, les néo Atget-Brassaï-Capa-Doisneau inondent les réseaux sociaux de selfies en gros plan, hideux en général, même Garbo n’aurait pas survécu à un selfie gros nez en contre plongée parfois, la narine en majesté n’est pas ce qui se fait de plus glamour dans le genre.

C’est comme le cinéma, les grands écrans disparaissent de plus en plus devant les petits écrans où l’Everest ressemble à une taupinière, et dans les machin-phones, le monde est en carte postale 9×15… mais pourquoi ces vitupérations de vieux schnoque malengroin ?

Alors voilà la raison de cette humeur chafouine : ayant entrevu sur une page dédiée, une photo attribuée à Doisneau, deux choses m’ont surpris : une qualité de tirage très peu Doisneau, qui était un excellent tireur, et une date manifestement fausse . Une rapide recherche a montré que cette photo avait été revue dans un logiciel aux effets discutables ; en faisant une comparaison avec la gastronomie, c’est comme si on lavait les huitres avec de l’eau javellisée, est-ce bien raisonnable ? Un artiste à la palette pinterest a donc pensé qu’il était urgent de retravailler une photo de Doisneau pour « l’améliorer »… et, circonstance aggravante, de la montrer.

Les dommages causés par internet en matière de photo, c’est la diffusion et la compression d’images « allégées » avec une perte de qualité plus ou moins dommageable. Une photo numérique originale pesant 2 ou 3 Mo (voir plus) ne peut pas être fidèle quand elle est réduite à moins de 100 ko. Idem pour un tirage argentique 30×40 revu et numérisé en 100 ko.

©Robert Capa, photo originelle en N&B, malencontreusement colorisée par un gougnafier inconscient.

De plus, quand c’est publié sur facebook, il y a la compression si on utilise et réutilise une photo à partir d’un autre groupe FB on perd en qualité à chaque fois. Pour arriver à des photos sans aucun piqué, parfois floues, charbonneuses, et il y a des jours où on tombe avec stupéfaction sur une photo de Robert Capa dont la moitié inférieure a été colorisée en rose immonde, y compris un chien et des chaises qui n’avaient rien demandé. La voici, –> ce genre d’horreur est souvent publié sur pinterest, qui parait compiler les pires assassinats de photos mythiques. Il semble que la philosophie de ce logiciel est de mettre à disposition des « amateurs » de quoi bidouiller et mutiler des photos d’archives.

Les méfaits du numérique à la portée du premier hurluberlu venu permettent de douter des bienfaits du progrès.

Pour ce qui est de la compression, voilà ce que ça donne, avec une photo de Doisneau compressée -à droite-   et la même presque normale.( Clic pour agrandir)

 

Et ne parlons pas des recadrages intempestifs qui sont des charcutages hasardeux, parce qu’il faut caser la photo dans une page, donc on retaille selon l’humeur. Et on dénature souvent l’intention de l’auteur.

Oublié l’heureux temps quand un photographe amateur mais exigeant, passait une heure ou deux, plus parfois pour peaufiner un tirage 24×30 sur un beau papier, en débouchant les ombres, en faisant monter les blancs, le ciel et les nuages, en nuançant le rendu avec papier brillant ou semi-mat, ou un Agfa aux tons chauds… Tout n’est pas négatif (!) dans les temps modernes de la photographie numérique, la couleur est à la portée de 2/3 clics , encore faut-il être un peu sobre dans les fantaisies colorées et photoshopages échevelés.

Sur un plan général, avec la profusion de « captations » lors de spectacles, c’est la fantasia de photos mal cadrées, surexposées, floues, autant d’attentats envers l’artiste en scène qui voit devant lui des gens qui le regardent à travers un écran timbre poste alors qu’ils ont le cinémascope live devant eux. J’en ai vus aussi qui passent une partie de la soirée à envoyer aux copains leurs œuvres d’art, pendant que the show go on … Ou qui font leur courrier en attendant que ça se passe … Un sommet de la grossièreté fut ce moment inoubliable où deux couples au pied du micro, avec deux personnes dos à la scène, ont passé leur temps à bavasser et téléphoner à je ne sais qui … Mais foin de ces récriminations oiseuses, en attendant des jours meilleurs, voici deux points de vue qui me semblent essentiels dans l’approche de la photographie, en général et aussi pour les photos de spectacles ,

«  Suggérer c’est créer, décrire c’est détruire. » (Robert Doisneau)

et en écho,
« Une bonne photo c’est quand on aime plus le sujet que ses propres photographies. » (Jean-Marie  Périer.)
Et pour illustrer ce que dit Jean-Marie Périer, la première photo de scène qui m’a fait comprendre ce que j’avais envie de voir, une photo d’artiste montrant ce qui  reste dans l’esprit du public après le spectacle.

 

Annick Roux… les belles rencontres du hasard, il y a quelques années en 2007, je suis allé par erreur à La Reine Blanche ayant vu une info sur une soirée avec plusieurs artistes… Par erreur, c’était une soirée privée, mais on m’a laissé entrer. Et parmi les artistes invités, Annick Roux, que je ne connaissais pas, et qui m’a ébloui, avec entre autres son interprétation du « Général à vendre » qui se termine par le regard émerveillé et rêveur de l’enfant. Au retour, j’avais quelques photos, dont celle-là, qui a été une révélation, et elle correspond parfaitement à ce que dit Jean-Marie Périer sur les photos d’artistes. Merci Annick.

Norbert Gabriel

Vernon Subutex – Luz Despentes 

14 Nov

En guise de préambule, évacuons les débats stériles qui aiment faire bruisser les réseaux où l’on a que ça à foutre : L’association Virginie Despentes/Luz. « Carpe et lapin » pour certains pisse-froid. Parce que Despentes a ouvert sa gueule après les attentats de Charlie et que ce n’était pas bienvenu. Oui. Sans doute. Mais je pars d’un principe : si Luz bosse avec elle, il en sait bien plus sur la dame que les pisse-froid, que vous, toi ou moi. Il est légitime à juger. Next.

Ceci étant dit, on va pouvoir parler de ce qui est véritablement intéressant : leur « Vernon Subutex ». Pour qui a lu Despentes, on sait que son écriture explose à la gueule. Sa façon de raconter cisaille, secoue mais est d’une proximité folle. Pour moi, elle a été une claque. Une baffe que j’ai prise justement avec Subutex avant de détricoter le reste de ses œuvres. Ensuite, Luz. L’indélébile Luz. Son dessin qui, lui, vous enveloppe sans rien vous épargner, vous cajole avec brutalité. Deux méthodes de narrations aux mêmes conséquences : si vous y êtes sensible, elles vous chopent, vous embarquent. Pas la peine de lutter. Vous êtes cuits.

Alors ici, le risque était que ces deux talents se court-circuitent. Que les monstres se neutralisent. Trop de trop aurait pu éteindre les flammes. Après la très oubliable série de Canal Plus, l’attente était immense de voir Vernon reprendre vie dignement.

Pour cette BD, les effets ne se sont pas annihilés. Bien au contraire. Je ne vous raconterai pas l’histoire de Subutex. Si vous avez lu les trois volumes de Despentes, inutile de rabâcher. Si vous ne connaissez rien à cette histoire, la plongée n’en sera que meilleure. Je rappellerais seulement que Vernon – obscur disquaire lumineux – voit sa vie s’effilocher en même temps que son époque. Sans un rond en poche, avec pour seul trésor la musique, il se retrouve à la rue. Son entourage, pourtant oublié, va partir à sa recherche.

L’intrigue a l’air un peu mince, résumée de cette manière. Trois romans pour ça ? Deux bandes dessinées de 300 pages chacune pour cette nouvelle version ?

Pourtant.

Dès la couverture de la BD, Vernon envoie du bois. Il flamboie. Marchant dans un crépuscule incendiaire, il nous emmène sans nous laisser le choix. Il ne sait pas où il va. Il chute mais ce n’est pas une perdition. Autour, les fils arrachés de sa vie vont bientôt se retisser. En attendant, on va échouer avec lui de canapé en morceau de trottoir. De précarité en déchéance. On devient ce mec si attachant qui crashe sa vie avec le panache de ceux qui font semblant de ne rien voir. Mais en même temps on est La Hyène, détective hors-norme qui peut détruire ou sauver sur un claquement de doigts. Aussi, ce beauf de droite si frustré par sa vie étriquée. Cette hardeuse ou ces clodos si beaux. Cette gamine voilée et rigoriste, ce père inquiet. On va danser, picoler, rouler les restes de mégots, baiser, vivre et mourir. Gagner et perdre. Ou le contraire. Etre homme, femme, trans, jeune ou vieux. Parce que si Vernon est le fil, la pelote est partout. Nous sommes cette génération de désillusions qui se désagrège. On a rien et tout à voir avec eux. On s’accroche pour donner du sens. Pas Vernon qui, lui, a lâché et finalement a sans doute raison.

Le trait de Luz est un volcan. Eruptif. Fouillis fouillé, rien n’est superflu. Rien n’est le fait du hasard. Du noir à la couleur, il donne le tempo vibrant de ces vies déglinguées. Les croquis débordent du livre. Il donne une épaisseur impressionnante à la dématérialisation de la vie de Vernon. Les mots de Despentes tapent juste. Ne sont pas empêchés par la luxuriance de Luz. Les deux s’harmonisent. Et puis il y a la musique… Elle est dans chaque page. Elle ne fait pas de la figuration. Un personnage à part entière. On regrette même qu’un QR code ne soit pas intégré au bouquin pour entendre la BO de ce film dessiné.

Au final, le défaut majeur de cette BD est de n’être que le Tome I. On arrive au bout du pavé et déjà on en redemande !

Heureusement, La Hyène nous rassure comme elle rassure un Vernon fracassé et pas encore de retour dans la vie : « Ne t’en fais pas. Détends-toi… Tu es fêlé, ça arrive à plein de gens… tu vas revenir »

Oui, reviens Vernon. On t’attend.

« Vernon Subutex » Luz – Despentes / Volume 1 / Editions Albin Michel 

 

Fabienne Desseux

 

 

 

L’aigle noir, histoire d’une chanson très discutée…

11 Nov

Il y a des chansons dont on perçoit dès le début qu’il y a une histoire particulière dans leur genèse, on dit parfois que les chansons sont les autobiographies de ceux qui les écoutent. * Selon l’âge et la période, des hypothèses diverses surgissent, et deviennent des sortes de légendes urbaines. Pour ma part, j’ai été intrigué par cet étrange chanson-rêve, sans avoir une piste quelconque.

Ce que disait Barbara :

Alors qu’elle finalise un nouvel album en 1970, Barbara se rend compte qu’il lui manque un titre. Elle raconte avoir retrouvé dans le tiroir d’une commode un texte écrit quelques années plus tôt, à la suite d’un rêve dans lequel elle aurait vu un aigle descendre sur elle. Elle se met au piano et compose une musique sur ce texte en s’inspirant d’une sonate de Beethoven.. (Le texte de Barbara reprend quelques mots de la prophétie de l’aigle d’Ézéchiel, Bible Segond (Ezéchiel 17.1-24)

De son vivant, Barbara se dérobait à chaque fois, prétextant que cela ne concernait qu’elle : « Ce ne sont pas les paroles qui sont importantes… », disait-elle.

Et elle a dit de cette chanson qu’elle l’avait rêvée, « un rêve plus beau que la chanson elle-même .. »

Et puis, à la suite de la publication de ses mémoires en 1998, une interprétation bien plus sombre de L’Aigle noir fut supposée … interprétation dont on va voir qu’elle ne tient pas compte de ce qu’a dit Barbara de sa chanson.

Démonstration par Thierry Desseux***,

L’aigle noir n’a rien à voir avec son père. C’est une invention de psychologues de comptoir qui perdure… non seulement ils n’ont pas lu les paroles mais ils n’ont pas un centimètre d’argument pour appuyer cette théorie ! Barbara elle-même n’a jamais donné la moindre explication sur le fond et encore moins accréditée cette pure idiotie. « L’Aigle noir » (sorti en 1970) évoque plus sûrement sa folle histoire d’amour avec le peintre Luc Simon (de 1962 à 1964). Les paroles sont bien trop consentantes, lumineuses et exaltées pour raconter cet enfer qu’elle a vécu enfant. C’est d’amour dont il s’agit.

NB: « Je raconte parfois aux amis – mais seulement aux amis – cette histoire confidentielle de « L’Aigle noir », Quand Barbara quitta Luc, elle écrivit « un beau jour ou était-ce une nuit… » Et l’Aigle noir demeure le secret de leur amour et leur amour de secret. (Luc Poindron)

Et sur le plan musical, Thierry Desseux précise :

cette chanson est montée comme Marienbad (lyrique, une envolée, presque dansante) et non comme Mon enfance ou Nantes (sombre, grave et intérieure)… CQFD

En réponse à une question sur les mémoires inachevées :

elle révèle en effet l’inceste dont elle fut l’objet par son père (dans son autobiographie inachevée). Mais sans référence aucune avec la chanson. Barbara a rarement expliqué ses titres. Le récit de « Nantes » en revanche crève les yeux. Mais cette version autour de l’Aigle noir est une aberration : « emmène-moi… retournons au pays d’autrefois… pour cueillir des étoiles… allumer le soleil… et faire des merveilles. » Quelle victime de viol écrirait cela ?

Suite à une question sur le rêve d’une enfance avant l’inceste,

… elle a souvent parlé d’un rêve oui, c’est exact. Mais rien de plus. Et c’est une chanson d’amour. D’ailleurs elle ne la chantait pas avec douleur (comme ses autres titres dramatiques)… mais avec grandiloquence et éclat !  (Thierry Desseux)

Dernier élément de compréhension :

Franchement ! Jamais Barbara n’aurait dédicacé sa chanson à Laurence sa nièce, si cela avait été l’histoire de l’inceste de Barbara. ( Nèsnès )

Suivons aussi Pierre Dac dans son conseil, Ecouter les autres c’est encore la meilleure façon d’entendre ce qu’ils disent. Voici donc le texte intégral, à vous de lire,

Un beau jour ou peut-être une nuit
Près d’un lac je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part,
Surgit un aigle noir.

Lentement, les ailes déployées,
Lentement, je le vis tournoyer
Près de moi, dans un bruissement d’ailes,
Comme tombé du ciel
L’oiseau vint se poser.

Il avait les yeux couleur rubis
Et des plumes couleur de la nuit
À son front, brillant de mille feux,
L’oiseau roi couronné
Portait un diamant bleu.

De son bec, il a touché ma joue
Dans ma main, il a glissé son cou
C’est alors que je l’ai reconnu
Surgissant du passé
Il m’était revenu.

Dis l’oiseau, ô dis, emmène-moi
Retournons au pays d’autrefois
Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles.

Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Comme avant, sur un nuage blanc,
Comme avant, allumer le soleil,
Être faiseur de pluie
Et faire des merveilles.

L’aigle noir dans un bruissement d’ailes
Prit son vol pour regagner le ciel

(Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis
J’avais froid, il ne me restait rien
L’oiseau m’avait laissée
Seule avec mon chagrin)**

Un beau jour, ou était-ce une nuit
Près d’un lac je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel,
Et venant de nulle part
Surgit un aigle noir.

Et voici la chanson dans laquelle 6 vers ont été supprimés

* « Que toute chanson soit autobiographique c’est certain. Simplement, il s’agit de l’autobiographie de celui qui l’écoute ».
La chanson est non pas l’enfance de l’art mais bien plutôt son adolescence.   Philippe Forest

**On apprit bien plus tard qu’elle s’était même autocensurée et n’avait jamais chanté intégralement toutes les paroles de l’Aigle noir, tel que couché sur le papier. « J’avais froid, il ne me restait rien, l’oiseau m’avait laissée seule avec mon chagrin. »

***Thierry Desseux : Romancier, parolier, interprète. Chroniqueur radio. Auteur d’Affaires Criminelles. Ancien journaliste

L’intégrale des chansons
Clic sur l’image –>

  Norbert Gabriel

Avec l’aide précieuse de Thierry Desseux

Et Catherine Laugier pour le tableau ci-dessous.

Le peintre Luc Simon a réalisé beaucoup de tableaux avec des oiseaux, et il avait dans son atelier un aigle noir empaillé, de plus, ce tableau est assez éloquent sur « un aigle noir venant de nulle part … et aussi un diamant bleu …

26 Mars 2024, dernière pièce au dossier , le texte annoté par Barbara   « L’Aigle Noir ou Chanson pour Laurence »

l aigle noir chanson pour laurence

Histoire d’une chanson, Sultans of swing…

9 Nov

Once Upon a Time… Il était une fois en des temps anciens, on écoutait la musique à la radio au lieu de la regarder sur youtube, des musiciens qui eurent l’idée saugrenue d’ignorer la mode qui dansait entre disco et punkitude, pour jouer ce qui leur plaisait, attitude rebellissime à rebours de toutes les lois du commerce et du marketing… Et il se trouva quelques millions d’hérétiques pour les suivre dans leurs lubies d’artistes en marge.

Mark Knopfler , David Knopfler John Illsley et Pick Withers

Moi qu’étais déjà un quasi schnock aficcionado dans la bande des disciples de Django émules de Crolla, de Bix Beiderbecke ou de Sidney, Louis et Mahalia, Keith Jarrett et Nina Simone, Michel Haumont et Elisabeth Caumont, c’est peu dire que ça m’a réjoui.
Séduit, totalement, et intrigué par le son des guitares de Dire Straits, surtout le soliste Mark Knopfler, mystère

Mark Knopfler (Photo Paul A.Hebert/Invision/AP)

expliqué des années plus tard en voyant les vidéos, il joue sur une guitare Gibson Les Paul Special rouge ou une Stratocaster rouge, * mais avec les doigts au lieu d’un médiator, jeu moitié classique moitié picking.** Dans un autre style, c’est aussi une vidéo qui m’a révélé le mystérieux son des guitares du Buena Vista Social Club cubain, leurs guitares ont 8 cordes, mais ce ne sont pas des basses ajoutées, le Sol par exemple est « doublé » par une corde plus haute. Un peu comme les 12 cordes « Les quatre chœurs les plus graves sont composés de la corde habituelle doublée d’une corde à l’octave supérieure ; les deux chœurs les plus aigus comportent des cordes à l’unisson »

L’intérêt de doubler les cordes est d’obtenir une richesse de son impossible à rendre avec un accordage standard.

Revenons à Dire Straits (« to be in dire straits », qui signifie « être dans une situation désespérée, dans la dèche ) et à Sultans of  swing.

Avec son phrasé très dylanesque et son jeu de guitare particulier, le morceau, à l’image du groupe à ses débuts, ne semble guère influencé par les modes du moment (entre disco des seventies et émergence du mouvement punk). Sultans of Swing est joué par une formation de groupe rock des plus classiques : deux guitares, une basse, et une batterie. La formation originelle du groupe comprenait Mark Knopfler au chant et à la lead guitar, David Knopfler à la guitare rythmique, John Illsley à la basse, et Pick Withers à la batterie.

L’histoire racontée par cette chanson est celle de différents membres d’un groupe de jazz prolétaire qui veulent juste jouer leur musique dans un petit club de Londres, et qui se moquent bien de leur popularité. Un des joueurs (Guitar George) est en réalité le musicien George Young, frère des guitaristes Angus Young et Malcolm Young. The Sultans of Swing était le groupe dans lequel il jouait.

La version studio du morceau comprend deux solos de guitare, le second, plus long, a été acclamé par les critiques, et est considéré comme l’un des plus grands solos de guitare de l’histoire du rock de par sa complexité, sa diversité, ses différentes versions, ainsi que sa particularité à n’être pratiquement jouable qu’aux doigts. Knopfler improvisa et rallongea ce solo à de nombreuses reprises au fil des concerts. Les versions les plus marquantes sont celles de l’album Alchemy (1984) et celle du concert en hommage à Nelson Mandela (1988), jouée en compagnie d’Eric Clapton qui ajouta sa petite touche personnelle au solo. Leur best-of sorti en 1998, Sultans of Swing: The Very Best of Dire Straits et la compilation de 2005 (Private Investigations – The Best of Mark Knopfler & Dire Straits) reprennent ce titre.

Premier enregistrement en 1977, plus de 5 mn, mais très vite en scène c’est une fiesta musicale de plus de 10 mn qui finit par cumuler plus de 300 millions de vues.

Première version, 1978

Avec Clapton (Hommage à Mandela)

Pour le jeu main droite,

*Pour les amateurs , voici la liste des guitares « rock » de Knopfler,
Clic sur la guitare —>

** Il semble qu’une partie de son style vient du fait qu’il a gardé une guitare de droitier alors qu’il est gaucher, donc sa main « forte » est sur le manche. (Précision de Goun Patrick  Largounez)

Et en résumé,  les guitares principales de Mark Knopfler

  1. Fin années 70, débuts de Dire Straits : Stratocasters et Telecasters Fender
  2. Années 80, Dire Straits au firmament : Stratocasters et Telecasters Schecter, et Les Paul
  3. Fin années 80, début années 90 : Pensa-Suhr MKI
  4. Seconde moitié années 90, débuts en solo : Les Paul 58, puis retour de la Fender originale
  5. Années 2000 : Stratocaster Fender modèle signature, Les Paul 58, et Pensa
  6. Seconde moitié années 2010 : Stratocaster signature, Les Paul signature, et Pensa

Last but not least, le texte de la chanson,

You get a shiver in the dark
Tu frissonnes dans l’obscurité
It’s raining in the park but meantime
Il pleut dans le parc mais entre-temps
South of the river you stop and you hold everything
Au sud de la rivière tu t’arrêtes et toute chose est mise en suspens
A band is blowing Dixie double four time
Un groupe souffle du Jazz Dixieland en 4/4
You feel all right when you hear that music ring
Tu te sens bien dès que tu entends ce morceau de musique

You step inside but you don’t see too many faces
Tu pénètres à l’intérieur mais tu ne vois pas beaucoup de visages
Coming in out of the rain to hear the jazz go down
Venir à l’intérieur à l’abri de la pluie pour entendre le jazz
Too much competition too many other places
Trop de concurrence trop d’autres lieux
But not too many horns can make that sound
Mais peu de trompettes peuvent produire un tel son
Way on downsouth, way on downsouth London town
Sur la route du sud, sur la route du sud de la ville de Londres

You check out Guitar George he knows all the chords
Tu observes George à la guitare, il connaît tous les accords
Mind he’s strictly rhythm he doesn’t want to make it cry or sing
Note qu’il ne se préoccupe que de la rythmique, il ne cherche pas à faire chanter ou pleurer sa gratte
And an old guitar is all he can afford
Et une vieille guitare est tout ce qu’il peut s’offrir
When he gets up under the lights to play his thing
Quand il apparaît dans la lumière pour jouer son morceau

And Harry doesn’t mind if he doesn’t make the scene
Et Harry se moque de ne pas faire de scène
He’s got a daytime job he’s doing alright
Il a un boulot de jour il s’en sort pas mal
He can play honky tonk just like anything
Il sait jouer le Honky Tonk de même que n’importe quoi d’autre
Saving it up for Friday night
Il réserve ça pour la nuit du vendredi
With the Sultans with the Sultans of Swing
Avec les Sultans, avec les Sultans du Swing

And a crowd of young boys they’re fooling around in the corner
Et un groupe de gamins font les imbéciles dans un coin
Drunk and dressed in their best brown baggies and their platform soles
Soûls et habillés de leur plus beau pantalon bouffant marron et de chaussures compensées
They don’t give a damn about any trumpet playing band
Ils ne prêtent aucune attention au moindre groupe jouant de la trompette
It ain’t what they call rock and roll
Ce n’est pas ce qu’ils appellent du rock and roll
And the Sultans played Creole
Et les Sultans jouèrent du Créole

And then the man he steps right up to the microphone
Et ensuite il y a cet homme qui s’approche du microphone
And says at last just as the time bell rings
Et il dit à la fin alors que la cloche retentit
‘Thank you goodnight now it’s time to go home’
‘Merci bonne nuit maintenant il est temps de rentrer’

And he makes it fast with one more thing
Et il ajoute rapidement un petit détail supplémentaire
‘We are the Sultans of Swing’
‘Nous sommes les Sultans du Swing’

Norbert Gabriel

QUELQUE CHOSE DE VOUS…

5 Nov

QUELQUE CHOSE DE VOUS… Les podcasts de Virginie

PODCAST : moyen technologique qui permet de diffuser sur internet des fichiers audio ou vidéo. Au Canada francophone, c’est le terme baladodiffusion qui a été retenu. Les médias utilisent très souvent le terme podcast pour désigner cette technologie.

Saviez-vous que la grand mère de Nicoletta avait hébergé Django et sa famille en Savoie pendant la guerre ? Et que Marie Reinhardt a été tuée par un milicien en 44, avec un oncle de Nicoletta ? C’est ce qu’on peut apprendre dans la première partie de l’entretien avec Nicoletta, parcours biographique et artistique que Virginie Servaes propose dans cette série de podcasts tout-à-fait dans l’esprit des radioscopies de naguère.
En ces temps où la pensée se réduit souvent à un tweet de moins de 200 signes, il est agréable d’être invité dans un entretien où l’artiste peut se raconter en toute liberté, pas de formatage, pas de contrainte, c’est la parole sans filtre qui nous est offerte. C’est aussi une autobiographie, un journal intime ou presque, et c’est passionnant.

Parce qu’au delà de la vie d’artiste de Nicoletta, il y a un panorama élargi des coulisses de la production, des relations entre artistes, et des conflits générés par l’ambition de la création et les critères du marketing des cadres issus des écoles de commerce. Et des bonheurs de vivre en musique envers et contre tout.

On découvrira aussi que sans travail, le talent n’est qu’une sale manie* ,  au cas où on penserait que chanter sur une scène est aussi simple qu’en pousser une à la fin d’un repas de famille, et éviter la question imbécile :  et à part ça qu’est-ce que vous faites ?

Ce qu’on peut écouter c’est là
clic sur la TSF –>

 Tantôt connus ou étrangers à vos mémoires, ils ont tous en commun la passion de l’art au sens multiple et noble du terme . Virginie Servaes

Ecouter les autres, c’est encore la meilleure façon d’entendre ce quils disent.  Pierre Dac.

Ici le site
clic sur l’image –>

Norbert Gabriel

NB La citation exacte de Brassens est : « Mais sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie « .. Merci au vigilant Pierre Delorme.

Yves Vessière Stop !

5 Nov

En ces temps difficiles où l’on manque cruellement de spectacle vivant, on se console en écoutant  les albums, et celui-ci m’a été offert gracieusement.

Merci à Yves Vessière , merci à Michel Lagarde d’avoir été le passeur de ce qui est pour moi,  oui, j’ai honte, une fabuleuse découverte, un voisin de Montluçon ! Et je n’en avais jamais entendu parler ! 

Et c’est avec son huitième album, STOP !, que je découvre cet artiste, qui, après une vie d’ouvrier, peut désormais se consacrer à l’essentiel pour lui, et pour notre plus grand plaisir, à sa passion d’ auteur, compositeur, interprète, le tout en parfait accord, une voix claire et chaleureuse, des mélodies qui balancent, blues, tango, bossa nova, jazz, musiques nomades où flânent des airs d’accordéon, il est parfaitement bien entouré de musiciens de talent pour cet album.

Mélodies qui, au gré des chansons, accompagnent les mots d’un poète humaniste, des mots de bon pain, du quotidien, des mots du coeur qui réveillent nos propres interrogations, blessures d’enfance : S’il te plaît, regarde moi, Papa… Colère contre ceux qui détruisent l’humanité en détruisant la nature. Comment  ne pas dire avec l’abeille, la coccinelle, le papillon tous les animaux, et la terre / Stop à la pollution, aux continent de plastiques et aux polychlorobiphényles. 

Comment ne pas être bouleversés par cette évocation d’un orchestre à Auschwitz, qui a tué à jamais le goût du violon d’un musicien : L’enfer aussi a son orchestre / Et il était premier violon.

Par l’histoire de Solitude, métisse guadeloupéenne qui s’est battue contre l’esclavage: Et elle a rejoint les rebelles, les nègres marrons / Elle a combattu les troupes de Napoléon / Plus jamais subir, se battre pour l’abolition.

Ou encore par l’histoire de ce vieux pianiste de jazz aux doigts paralysés, qui joue encore Dans ses rêves.

Un regard sans concession sur le monde, et sur les humains, on a beau avoir tout appris, fait le tour du monde, bien souvent, on ne se connait pas soi-même : T’as visité bien des pays / Vécu parmi les indigènes / Mais comme ce vieux Socrate, j’te dis / Tu connais tout, sauf toi-même.

 Yves Vessière a compris l’importance de rester soi-même :

Tout p’tit, je voulais être Zorro / Et puis aussi Robin des bois / Je m’imaginais en héros / Mais maintenant, j’veux bien rester moi. / Oscar Wilde dit :  » Restez vous-mêmes / Tous les autres sont déjà pris » / On va pas en faire un poème / Restez vous-mêmes, je vous le dis ! 

 Et Yves Vessière reste lui-même, jongleur de mots et de notes, avec lucidité, mais aussi  avec humour, avec tendresse, avec cet amour de la vie qui amène toujours un rayon d’espoir. C’est à  Victor Hugo qu’il fait appel pour dire : Aime et ne désespère pas. Ou encore à Francis Carco pour dire son amour : Il pleut -c’est merveilleux. Je t’aime / Nous resterons à la maison: / Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes / Par ce temps d’arrière-saison.

D’ailleurs, il ne peut Pas Vivre sans : Elle, c’est ma tourterelle, moi, son fou de Bassan / Fou d’elle de bas en haut, en elle rien de lassant / J’peux pas vivre, pas vivre, pas vivre sans.

Observateur de la nature, il préfère l’harmonie à l’ordre des sapins, Les sapins, ça se tient droit, c’est discipliné / C’est comme les militaires. … Et puis j’aime l’espace, la lumière, la pluie / Le soleil de la vie, les formes, les couleurs / Enfin la poésie.

Et Les chemins de Saint-Jacques, pour la marche et l’amitié : Les chemins de Saint-Jacques ne montent pas au ciel / Les chemins de Saint-Jacques ne mènent pas à Dieu / Même si parfois en rêve, il te pousse des ailes / Si, malgré toi, peut-être, ça t’en rapproche un peu.

Il reste encore tant de choses à vivre ou à rêver :  Je voudrais voir aux Galapagos / Les tortues et les fous à pieds bleus / Je voudrais voir, c’est un rêve de gosse, / Tombouctou et quelques autres lieux / Et un jour…

Un jour… Je voudrais rencontrer Yves Vessière,  le voir sur scène,  l’applaudir, car chacune des chansons de cet album est Une chanson qui vous touche, qui fait mouche. 

 

Le site, clic sur la casquette –>

 

 

Danièle Sala

 

La mélancolie des incurables, Thierry Desseux

3 Nov

Dans l’art particulier d’assassiner ses semblables, on trouve aussi bien des esthètes du crime que des stakhanovistes résolus à entrer dans le Guinness Book et en tête de liste. Le héros de Thierry Desseux joue dans les deux catégories. En fait, il exerce son talent sans aucun a-priori, pourvu que le bilan soit positif … Positif, tout est relatif, le point de vue est discuté par les élus qui ornent son tableau de chasse. On pourrait sous titrer ce livre:  Les mille et une recettes qui permettent de trucider quelqu’un pour l’amour de l’art , ou pour son propre plaisir.  mais c’est quand même un peu ambigü, certains esprits faibles pourraient prendre ça au pied de la lettre, et par les temps qui courent …
Ce qui   rappelle une réflexion d’Irwin Molyneux*:  à force d’écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver.

Et des choses horribles, Thierry Desseux nous en fait un panorama élargi qui renvoie Barbe Bleue Gilles de Rais et le docteur Petiot en classe de CM1 face à ce bac + 15 de l’homicide tout azimut.

Dans cet inventaire débridé de toutes les horreurs possibles, avec interludes que le bon marquis de Sade aurait savourés avec gourmandise, il arrive néanmoins qu’on se prenne un coup de sympathie pour le nettoyeur qui escamote un Gil the badger de nos périmètres de vie. Je ne suis pas sûr que le héros soit motivé par des considérations visant à assainir le monde de ses scories, mais parfois, il joint l’utile à son agréable..

Je passerai sur les turpitudes sexuelles et autres dépravations dont l’auteur nourrit les pauses entre deux exécutions. On se laisse embarquer dans cette farandole sauvage menée par une sorte de métis d’Hannibal Lecter et Jack l’Eventreur grâce à l’écriture épurée et rythmée façon Céline .. ( Louis-Ferdinand, pas Céline Dion,) Ce qui pourrait être insupportable de violence cynique passe au second plan dans la musique des mots et des phrases, courtes, incisives, imagées, suggestives, et sur ce plan, je vous laisse goûter ces quelques mots : « Lélian fut dessiné en mode ithyphallique lors d’une séance de pose aux Beaux Arts. » C’est quand même plus classe dans les diners en ville de parler de « mode ithyphallique » que de bandaison chronique … Enfin il me semble … Last but not least, ce tueur sans état d’âme ne tue jamais par intérêt, un esthète vous dis-je … et dans notre époque mercantile, c’est méritoire.

La mélancolie des incurables, éditions Maïa collection Regards Noirs, c’est par là, allez-y voir, ça vaut la visite

* Irwin Molyneux Drôle de drame (Michel Simon)

Norbert Gabriel