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Vernon Subutex – Luz Despentes 

14 Nov

En guise de préambule, évacuons les débats stériles qui aiment faire bruisser les réseaux où l’on a que ça à foutre : L’association Virginie Despentes/Luz. « Carpe et lapin » pour certains pisse-froid. Parce que Despentes a ouvert sa gueule après les attentats de Charlie et que ce n’était pas bienvenu. Oui. Sans doute. Mais je pars d’un principe : si Luz bosse avec elle, il en sait bien plus sur la dame que les pisse-froid, que vous, toi ou moi. Il est légitime à juger. Next.

Ceci étant dit, on va pouvoir parler de ce qui est véritablement intéressant : leur « Vernon Subutex ». Pour qui a lu Despentes, on sait que son écriture explose à la gueule. Sa façon de raconter cisaille, secoue mais est d’une proximité folle. Pour moi, elle a été une claque. Une baffe que j’ai prise justement avec Subutex avant de détricoter le reste de ses œuvres. Ensuite, Luz. L’indélébile Luz. Son dessin qui, lui, vous enveloppe sans rien vous épargner, vous cajole avec brutalité. Deux méthodes de narrations aux mêmes conséquences : si vous y êtes sensible, elles vous chopent, vous embarquent. Pas la peine de lutter. Vous êtes cuits.

Alors ici, le risque était que ces deux talents se court-circuitent. Que les monstres se neutralisent. Trop de trop aurait pu éteindre les flammes. Après la très oubliable série de Canal Plus, l’attente était immense de voir Vernon reprendre vie dignement.

Pour cette BD, les effets ne se sont pas annihilés. Bien au contraire. Je ne vous raconterai pas l’histoire de Subutex. Si vous avez lu les trois volumes de Despentes, inutile de rabâcher. Si vous ne connaissez rien à cette histoire, la plongée n’en sera que meilleure. Je rappellerais seulement que Vernon – obscur disquaire lumineux – voit sa vie s’effilocher en même temps que son époque. Sans un rond en poche, avec pour seul trésor la musique, il se retrouve à la rue. Son entourage, pourtant oublié, va partir à sa recherche.

L’intrigue a l’air un peu mince, résumée de cette manière. Trois romans pour ça ? Deux bandes dessinées de 300 pages chacune pour cette nouvelle version ?

Pourtant.

Dès la couverture de la BD, Vernon envoie du bois. Il flamboie. Marchant dans un crépuscule incendiaire, il nous emmène sans nous laisser le choix. Il ne sait pas où il va. Il chute mais ce n’est pas une perdition. Autour, les fils arrachés de sa vie vont bientôt se retisser. En attendant, on va échouer avec lui de canapé en morceau de trottoir. De précarité en déchéance. On devient ce mec si attachant qui crashe sa vie avec le panache de ceux qui font semblant de ne rien voir. Mais en même temps on est La Hyène, détective hors-norme qui peut détruire ou sauver sur un claquement de doigts. Aussi, ce beauf de droite si frustré par sa vie étriquée. Cette hardeuse ou ces clodos si beaux. Cette gamine voilée et rigoriste, ce père inquiet. On va danser, picoler, rouler les restes de mégots, baiser, vivre et mourir. Gagner et perdre. Ou le contraire. Etre homme, femme, trans, jeune ou vieux. Parce que si Vernon est le fil, la pelote est partout. Nous sommes cette génération de désillusions qui se désagrège. On a rien et tout à voir avec eux. On s’accroche pour donner du sens. Pas Vernon qui, lui, a lâché et finalement a sans doute raison.

Le trait de Luz est un volcan. Eruptif. Fouillis fouillé, rien n’est superflu. Rien n’est le fait du hasard. Du noir à la couleur, il donne le tempo vibrant de ces vies déglinguées. Les croquis débordent du livre. Il donne une épaisseur impressionnante à la dématérialisation de la vie de Vernon. Les mots de Despentes tapent juste. Ne sont pas empêchés par la luxuriance de Luz. Les deux s’harmonisent. Et puis il y a la musique… Elle est dans chaque page. Elle ne fait pas de la figuration. Un personnage à part entière. On regrette même qu’un QR code ne soit pas intégré au bouquin pour entendre la BO de ce film dessiné.

Au final, le défaut majeur de cette BD est de n’être que le Tome I. On arrive au bout du pavé et déjà on en redemande !

Heureusement, La Hyène nous rassure comme elle rassure un Vernon fracassé et pas encore de retour dans la vie : « Ne t’en fais pas. Détends-toi… Tu es fêlé, ça arrive à plein de gens… tu vas revenir »

Oui, reviens Vernon. On t’attend.

« Vernon Subutex » Luz – Despentes / Volume 1 / Editions Albin Michel 

 

Fabienne Desseux

 

 

 

L’aigle noir, histoire d’une chanson très discutée…

11 Nov

Il y a des chansons dont on perçoit dès le début qu’il y a une histoire particulière dans leur genèse, on dit parfois que les chansons sont les autobiographies de ceux qui les écoutent. * Selon l’âge et la période, des hypothèses diverses surgissent, et deviennent des sortes de légendes urbaines. Pour ma part, j’ai été intrigué par cet étrange chanson-rêve, sans avoir une piste quelconque.

Ce que disait Barbara :

Alors qu’elle finalise un nouvel album en 1970, Barbara se rend compte qu’il lui manque un titre. Elle raconte avoir retrouvé dans le tiroir d’une commode un texte écrit quelques années plus tôt, à la suite d’un rêve dans lequel elle aurait vu un aigle descendre sur elle. Elle se met au piano et compose une musique sur ce texte en s’inspirant d’une sonate de Beethoven.. (Le texte de Barbara reprend quelques mots de la prophétie de l’aigle d’Ézéchiel, Bible Segond (Ezéchiel 17.1-24)

De son vivant, Barbara se dérobait à chaque fois, prétextant que cela ne concernait qu’elle : « Ce ne sont pas les paroles qui sont importantes… », disait-elle.

Et elle a dit de cette chanson qu’elle l’avait rêvée, « un rêve plus beau que la chanson elle-même .. »

Et puis, à la suite de la publication de ses mémoires en 1998, une interprétation bien plus sombre de L’Aigle noir fut supposée … interprétation dont on va voir qu’elle ne tient pas compte de ce qu’a dit Barbara de sa chanson.

Démonstration par Thierry Desseux***,

L’aigle noir n’a rien à voir avec son père. C’est une invention de psychologues de comptoir qui perdure… non seulement ils n’ont pas lu les paroles mais ils n’ont pas un centimètre d’argument pour appuyer cette théorie ! Barbara elle-même n’a jamais donné la moindre explication sur le fond et encore moins accréditée cette pure idiotie. « L’Aigle noir » (sorti en 1970) évoque plus sûrement sa folle histoire d’amour avec le peintre Luc Simon (de 1962 à 1964). Les paroles sont bien trop consentantes, lumineuses et exaltées pour raconter cet enfer qu’elle a vécu enfant. C’est d’amour dont il s’agit.

NB: « Je raconte parfois aux amis – mais seulement aux amis – cette histoire confidentielle de « L’Aigle noir », Quand Barbara quitta Luc, elle écrivit « un beau jour ou était-ce une nuit… » Et l’Aigle noir demeure le secret de leur amour et leur amour de secret. (Luc Poindron)

Et sur le plan musical, Thierry Desseux précise :

cette chanson est montée comme Marienbad (lyrique, une envolée, presque dansante) et non comme Mon enfance ou Nantes (sombre, grave et intérieure)… CQFD

En réponse à une question sur les mémoires inachevées :

elle révèle en effet l’inceste dont elle fut l’objet par son père (dans son autobiographie inachevée). Mais sans référence aucune avec la chanson. Barbara a rarement expliqué ses titres. Le récit de « Nantes » en revanche crève les yeux. Mais cette version autour de l’Aigle noir est une aberration : « emmène-moi… retournons au pays d’autrefois… pour cueillir des étoiles… allumer le soleil… et faire des merveilles. » Quelle victime de viol écrirait cela ?

Suite à une question sur le rêve d’une enfance avant l’inceste,

… elle a souvent parlé d’un rêve oui, c’est exact. Mais rien de plus. Et c’est une chanson d’amour. D’ailleurs elle ne la chantait pas avec douleur (comme ses autres titres dramatiques)… mais avec grandiloquence et éclat !  (Thierry Desseux)

Dernier élément de compréhension :

Franchement ! Jamais Barbara n’aurait dédicacé sa chanson à Laurence sa nièce, si cela avait été l’histoire de l’inceste de Barbara. ( Nèsnès )

Suivons aussi Pierre Dac dans son conseil, Ecouter les autres c’est encore la meilleure façon d’entendre ce qu’ils disent. Voici donc le texte intégral, à vous de lire,

Un beau jour ou peut-être une nuit
Près d’un lac je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part,
Surgit un aigle noir.

Lentement, les ailes déployées,
Lentement, je le vis tournoyer
Près de moi, dans un bruissement d’ailes,
Comme tombé du ciel
L’oiseau vint se poser.

Il avait les yeux couleur rubis
Et des plumes couleur de la nuit
À son front, brillant de mille feux,
L’oiseau roi couronné
Portait un diamant bleu.

De son bec, il a touché ma joue
Dans ma main, il a glissé son cou
C’est alors que je l’ai reconnu
Surgissant du passé
Il m’était revenu.

Dis l’oiseau, ô dis, emmène-moi
Retournons au pays d’autrefois
Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles.

Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Comme avant, sur un nuage blanc,
Comme avant, allumer le soleil,
Être faiseur de pluie
Et faire des merveilles.

L’aigle noir dans un bruissement d’ailes
Prit son vol pour regagner le ciel

(Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis
J’avais froid, il ne me restait rien
L’oiseau m’avait laissée
Seule avec mon chagrin)**

Un beau jour, ou était-ce une nuit
Près d’un lac je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel,
Et venant de nulle part
Surgit un aigle noir.

Et voici la chanson dans laquelle 6 vers ont été supprimés

* « Que toute chanson soit autobiographique c’est certain. Simplement, il s’agit de l’autobiographie de celui qui l’écoute ».
La chanson est non pas l’enfance de l’art mais bien plutôt son adolescence.   Philippe Forest

**On apprit bien plus tard qu’elle s’était même autocensurée et n’avait jamais chanté intégralement toutes les paroles de l’Aigle noir, tel que couché sur le papier. « J’avais froid, il ne me restait rien, l’oiseau m’avait laissée seule avec mon chagrin. »

***Thierry Desseux : Romancier, parolier, interprète. Chroniqueur radio. Auteur d’Affaires Criminelles. Ancien journaliste

L’intégrale des chansons
Clic sur l’image –>

  Norbert Gabriel

Avec l’aide précieuse de Thierry Desseux

Et Catherine Laugier pour le tableau ci-dessous.

Le peintre Luc Simon a réalisé beaucoup de tableaux avec des oiseaux, et il avait dans son atelier un aigle noir empaillé, de plus, ce tableau est assez éloquent sur « un aigle noir venant de nulle part …

L’art est essentiel #la culture est essentielle # les artistes sont essentiels

29 Oct

En préambule à cette réflexion de Camille Solal, on peut mettre en exergue :


« Aujourd’hui j’ai envie de partager ma pensée et de prendre position. Sur quel sujet me direz-vous ?

C’est une réflexion de fond en réaction à des annonces gouvernementales qui, depuis le mois de mars maintenant, ont mis systématiquement les artistes dans la case “non essentielle.”

En effet pendant les confinements, les commerces “essentiels” restent ouverts. Et tout ce qui n’est pas “essentiel” ferme.

C’est-à-dire, selon ces mesures, les théâtres, les cinémas, les salles de concert, toutes les manifestations culturelles.

Qu’est-ce que cela signifie profondément ? Et bien cela signifie profondément pour ceux qui prennent ces mesures que les artistes ne sont donc pas essentiels à la vie.

Donc que la vie peut être vécue sans art et sans culture. Et même pire, que la vie menée par les artistes et les personnels de la culture n’ont aucun sens, dans le sens justement que ce n’est pas “essentiel”.

J’ai évidemment un réel problème avec cette vision ; peut-être que c’est une maladresse de communication ?

Peut-être qu’on aurait pu dire “nous savons que la culture et l’art sont absolument essentiels et fondamentaux à la vie telle que nous la chérissons, mais puisqu’il faut bien faire des choix et des arbitrages nous allons limiter à la vie du corps physique c’est-à-dire la nourriture et le papier toilette. “

C’eût été une communication plus respectueuse et pour le coup qui aurait fait plus de sens.
Surtout qu’il n’y a pas si longtemps, presque 15 jours maintenant, un professeur de la république a été décapité et que l’argument principal qui a été brandi pour lui ou contre lui était le droit à l’art et à la culture. Donc il faut se mettre en cohérence et ne pas utiliser l’art et la culture seulement quand ça « arrange » n’est-ce pas ? Car enfin nous sommes tous des êtres éminemment spirituels, la vie seule du corps physique ne suffit pas, cela s’appelle la survie.

Or la survie est normalement conditionnée à quelques heures, quelques jours voire quelques semaines lorsqu’on est à l’hôpital et qu’on se bat contre la mort, lorsqu’on est pris dans une avalanche, lorsqu’on est tombé dans un ravin etc. Dès que le stimulus de danger de mort est passé alors la vie reprend son cours ; y compris chez des malades très graves atteints de cancers longue durée, ils cherchent à « profiter » de la vie et pas juste à « survivre ». Car survivre pour survivre n’a aucun sens.

Et l’essence même, l’essentiel de la vie c’est la recherche ou plus exactement la définition du sens. Je vous invite sur le sujet à lire ou à relire « La logothérapie » de Viktor Frankl . C’est un psychiatre autrichien qui a survécu aux camps de concentration et d’extermination et qui a pu analyser son vécu sous le prisme du détenu qu’il était mais aussi du psychiatre en exercice. Il a donc pu analyser ses réactions et celles de ses co-détenus ainsi que celles des gardes. Il a pu constater que les détenus qui survivaient étaient ceux qui parvenaient à trouver ou plus exactement a décider un sens à leur vie; ils n’étaient pas juste dans la survie physique car la mort pouvait frapper à chaque seconde, à chaque minute, à chaque heure sans aucun préavis, sans aucun sens et le corps était un champ de ruines. Il explique que les codétenus se retrouvaient comme ils le pouvaient pour raconter des histoires le soir, essayer de mettre de l’humour et se remonter le moral avec des chansons et préféraient même parfois rater la soupe plutôt que ces moments alors qu’ils étaient littéralement affamés . N’est-ce pas bouleversant de lire cela ? Que peut-on en déduire sur l’essentiel? Quelles sont les premières choses que nous souhaitons faire lorsque nous avons échappé à la mort, lorsque nous sortons de l’hôpital où que nous nous savons « condamnés » ? Probablement Voir des amis? , écouter de la musique?, danser? , aller au théâtre?, voir un film?, dessiner? etc. ?c’est-à-dire ce qui est fondamentalement essentiel à la vie en tant que telle et non à la survie.

En tant qu’artiste moi-même, en tant qu’art-thérapeute et en tant que coach je suis meurtrie dans ma chair par cette confusion des mots, par ces décrets que nous sommes « non essentiels » et je trouvais fondamental de m’exprimer aujourd’hui sur ce sujet.

Moi-même j’ai laissé passer tous ces mois en acceptant les différentes mesures et en acceptant cette communication tout en la vivant affreusement mal, en culpabilité, en me disant que oui je devais me mettre de côté, sacrifier ce qui faisait le sens de mon existence même pour l’effort commun.

Jusqu’à aujourd’hui où, en sondant profondément le sens des choses, en ayant pris le recul nécessaire, je trouve absolument vital, absolument essentiel de dire que les artistes, les personnes qui font le monde de la culture, de l’art, de la musique, tous les acteurs techniques qui rendent cela possible, qui mettent en scène, en lumière, qui créent des costumes, des décors, tout ce qui contribue à la vitalité, à la nourriture spirituelle est donc essentiel et vital à nos êtres et que ces personnes et ces métiers sont donc des acteurs majeurs de la qualité et du sens de la vie tout court.

Donc Véritablement, fondamentalement, éternellement essentiels.

Aujourd’hui encore la France est attaquée . Et certains veulent nous faire passer du côté obscur, et éteindre la lumière. Éteindre la joie. Éteindre la sublimation, éteindre le sublime. Annihiler la pensée au nom de la croyance. Donc aujourd’hui plus que jamais nous, artistes, personnes de l’art et de la culture, sommes essentiels.

Ce n’est pas une question d’argent, ce n’est pas une question de salaire tous les mois, il s’agit du sens même de la vie de millions de personnes.

Merci de respecter cela.

 Camille Solal

Clic sur l’image et allez voir –>

L’Albertmondialiste délocalise ..

26 Sep

Photo ©NGabriel

Les jeunes se foutent du passé et les vieux n’ont pas confiance en l’avenir, (surtout le leur) et entre les deux, les anciens enfants et futurs vioques achètent des trucs et des machins étonnants, comme des djeans avec des trous neufs. Selon Yvan Dautin, un fin observateur de la vie qui va, une des maximes selon la mode qui court est: « Je dépense donc je suis. » Mais qui faut-il suivre pour être ? Et être quoi ?

J’ai trouvé une réponse à ces questions qui me chatouillent, avec Albert. Le Grand Albert, l’immense Meslay, celui qui délocalise les absurdités du monde qui boite dans un wonderland d’humour picaresque fondé sur un bon sens que personne ne peut contester, ces quelques extraits vont le démontrer avec brio.

Ces lignes sont tirées d’un ouvrage qui vient de paraître, en vente libre, chez des vrais libraires de préférence. Morceaux choisis :

  • La retraite c’est très dangereux, les chiffres sont là : Selon un chiffre vrai, chiffre vrai, le taux de mortalité est beaucoup plus élevé chez les retraités que chez les actifs !
  • D’après les statistiques, l’on meurt de moins en moins chez soi et de plus en plus à l’hôpital ; donc, d’après les statistiques, si on supprime les hôpitaux, on augmente l’espérance de vie !

  • Je constate aussi que la mort est une chose importante, car, quand on réfléchit un peu, lon s’aperçoit qu’on est beaucoup plus longtemps mort que vivant. Si, bien sûr, mes calculs sont exacts…
  • Le réchauffement de la planète étant essentiellement dû à l’activité humaine, c’est-à-dire au travail, ce fléau, il faut encourager la paresse en étant conscient que notre magnifique planète ne sera sauvée que par les fainéants !
  • Et, s’il existe des Experts Internationaux extraterrestres, qui nous regardent – et qui peut-être se moquent – ils doivent penser que l’homme est un pyromane qui met le feu à la forêt, et qui, gros malin, pour ne pas se faire prendre, se cache dedans !
  • Humour du Bostwana : « Pour en finir une bonne fois avecle trafic d’ivoire, il suffirait simplement d’exterminer les éléphants ! » Personnellement, j’aime beaucoup l’humour noir.
  • Brève achetée pas cher à un comique aborigène, humour aborigène :
    « Il y a des végétariens qui trichent, ils mangent des plantes carnivores ! »
  • Vue par les vaincus, les Anglais, la Guerre de Cent Ans ne fut qu’une guerre éclair ratée.
  • Si, avec le réchauffement planétaire, la Terre se retrouve sous la mer, les poissons domineront un monde sans plage..
    Mais restons positifs !
    La Terre deviendra enfin une Mer de paix car le poisson est un animal pacifique !
    En effet, si, sur terre beaucoup d’animaux chassent, en mer, aucun, aucun aucun poisson ne pêche !

Les particularités typographiques ont été définies avec Jean-Paul Liégeois, les caractères gras indiquent les passages où le public s’esclaffe, car Albert Meslay est un homme de spectacle, qui poussait la conscience professionnelle à se grimer en cours de sketch à la radio, au temps où elle était radio sans images. Mais vous pouvez vous esclaffer où vous voulez, en lecteur libre refusant les ordres et autorités, avec l’humour de Meslay Albert, jongleur du syllogisme et de l’absurde irréfutable, tout est possible.
C’est paru récemment au Cherche Midi, 130 pages, préface de Guillaume Meurice, postface d’Albert Algoud, un recueil pour comprendre l’essentiel, du big bang à la fin du monde, dont on n’a jamais été si près.

Norbert Gabriel

Jen Iza et Ben, les enfants d’abord ..

28 Août

 

Nous sommes un certain nombre à avoir applaudi Jennifer Quillet dans ses multiples talents, aux côtés de Nathalie Miravette ou Pierre Margot, comme multi instrumentiste, ou partenaire de jeux de scène dans des compositions burlesques à rendre jaloux Buster Keaton ou Frégoli…

Et puis, éclipse, disparition des scènes, pourquoi ?

« Parce qu’un jour j’ai réalisé qu’une heure trente de très grand plaisir en scène me séparait deux jours de ma fille , et le bilan a été vite fait. » Et parfois il y a des tournées …

Dans son parcours, musicienne, enseignante, animatrice dans diverses structures éducatives et culturelles, il y avait tout pour la suite : « auteure de livres pour jeune public » Avec mademoiselle Daenerys, comme source d’inspiration et pilote d’essai …

Le résultat se concrétise par deux livres réunissant des jeux, des activités manuelles, et de la recherche aussi … Grâce aux voyages spatio temporels d’Iza et Ben : un bon moyen pour les parents de se mettre à jour pour ne pas paraître un peu bécassou devant leurs enfants. Même si on se considère comme un puits de science, il y a quelques exercices qui peuvent ramener à une pincée de modestie.. Et c’est aussi un bon moyen de s’exercer à une utilisation combinée des travaux à l’ancienne, et des moyens modernes du web si vous avez des lacunes en égyptologie ou voyages interplanétaires…

L’auteure Jennifer Quillet / Jen Killy décrit ce projet réalisé :

Une série de livres pour la jeunesse. Chaque histoire intègre l’enfant lecteur qui va aider les héros grâce à de nombreuses activités (bricolages, recettes, jeux, expériences) tel un livre d’activité scénarisé.
Mon but est d’amener l’enfant à participer à l’histoire via le jeu et les activités manuelles.
Activités et Goodies

Retrouvez tous les bricolages du livre sur le site, clic sur  : 

Vous pourrez les télécharger, les imprimer, et les partager à votre convenance, pour le plaisir de toutes et de tous.

NB : Ayant un peu dépassé l’âge qui est « la cible » je regrette de ne plus avoir de petits enfants en âge de partager avec eux ces aventures d’Iza et Ben , mais on ne guérit jamais de son enfance, et c’est une bonne maladie finalement.

Norbert Gabriel

Olivia Ruiz, La commode aux tiroirs de couleurs…

11 Juin


Ce récit-roman est en quelque sorte la revanche posthume d’une petite fille espagnole, Rita Monpean Carreras qui voulait devenir Joséphine Blanc, française de nom et de souche, face à l’accueil réservé à ces réfugiés espagnols de merde puants et sales … Mais quelques décennies plus tard, Olivia Blanc à l’état civil, choisit d’être Olivia Ruiz, en mémoire de ces femmes, ses grand’mères, venues d’Espagne en des temps tragiques. Mémoires réinventées, et par ces mémoires croisées familiales, Olivia Ruiz construit la «mamiethologie » qui a fait d’elle l’héritière de ces femmes debout.

Le talent d’écriture, c’est savoir exprimer des sentiments ou des situations complexes en quelques mots, comme ici « … en cent cinquante kilomètres, nous avions grandi de plusieurs années. » Est-ce Rita qui parle ou Olivia qui résume, l’important est de faire ressentir ce que vivent les déracinés, les exilés, qui doivent se reconstruire dans un pays étranger.

Dans ce roman-récit, l’auteure nous emmène dans une fresque kaléïdoscope  maitrisant la réalité des histoires familiales, et les récits imagés, en vraie conteuse-chroniqueuse d’un siècle d’histoire, chaque tiroir de la commode a nourri le récit, dit « roman » l’argument étant l’héritage d’une commode à tiroirs qui sont autant de chapitres de «choses vues» selon Hugo, mais vécues dans la famille. Ouvrir ces tiroirs, c’est maintenir les souvenirs en vie, dit Rita… Et Olivia ajoute, avec une tendresse malicieuse, « … une commode bien rangée et bien remplie, ça rend l’imagination des enfants incroyablement fertile. »

Epilogue : quand vous aurez terminé ce livre, vous ne pourrez plus jamais rester indifférents face aux déracinés-migrants-réfugiés, quels qu’il soient, où qu’ils soient, d’où qu’ils viennent … Enfin, j’espère …

Bande son possible:

et peut-être que vous y croiserez Rita …

 

Norbert Gabriel

Le cas Erwan Larher, auteur

23 Mai

Titre : « Le 1 et le 3 », par Hum Toks / E.5131 / Eric SABA

Sous-titres possibles :

– 2 romans, 1 chronique…

– Erwan Larher, membre de la tribu…

– Comment parler de soi, de lui et d’autre chose ?

– Chronique ni tête…

©Dorothy-Shoes

©Dorothy-Shoes

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Roman n°1

Qu’avez-vous fait de moi ? : un mec qui imagine sa vie, les nanas, quand il sera riche et qui commence par essayer de… trouver un emploi… La suite ? Il s’interroge. Et il a raison. Parce que le pauvre gars ne saisit pas tout. Et pourtant, autour de lui, il s’en passe des choses…

Roman n°3

L’abandon du mâle en milieu hostile : un mec insipide qui sort avec la fille la moins insipide qui soit, qui voit sa vie défiler, thuriféraire, et qui s’interroge… quand tout est fini. Alors, on recommence.

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Hum, hum… On adopte le style d’Erwan Larher assez vite : efficace, jeu sur le mot, la structure, le renversement des points de vue, contre-pied, raquette de squash à la main, recherche du terme hétéroclite… Put one coin ! Erwan prend à cœur son rôle de narrateur, caresse, en apparence et dans le sens du poil, le lecteur en se jouant de lui, car au bout : la surprise. Il n’envisage pas l’écriture sans la surprise, le jeu, le plaisir. Et le petit plus dont il est question tout de suite.

2 lettres pour commencer : EL

Cher Erwan,

En écrivant L’abandon du mâle en milieu hostile, ton troisième roman, tu t’inscris dans un mode qui ne plaira pas à tous : manipulation, paranoïa, complot ? Il faut être un peu au clair avec soi-même et avec le monde pour s’engager sur cette voie. Tu me feras remarquer que ton premier récit Qu’avez-vous fait de moi ?, déjà, respectait, à la ligne, le manifeste originel du « parfait parano(e) ». Tu me parleras alors de ton deuxième roman et je t’arrêterai bien vite pour te dire « laisse-moi la surprise, je ne l’ai pas encore lu ». Concernant ce premier roman et ce dernier en date, que dire ? Ils m’ont plu.

Cher lecteur, quelques rappels concernant la manipulation, la paranoïa, le complot…

Faire sa Cassandre n’a rien de plaisant. Pourtant « les parano(e)s ! » finissent par adopter le terme qu’on leur colle. Ce terme qui devient doux comme une deuxième peau, ils en redéfinissent le sens, finissent par le porter comme un gonfanon et à fabriquer, avec leurs congénères, une petite tribu répondant au nom de « Salut les parano(e)s ! ». Ainsi, autour de la table, les regards échangés permettent aux parano(e)s en tous genres de se repérer les uns, les autres. Ils finissent par former un groupe, une entité, une carapace fraîche : le groupe débile, indélébile, de ceux qui annoncent… et la stratégie est simple : il s’agit de jouer sur le mot, le sens, la situation et de tout renverser… (en commençant par la définition, pour finir peut-être… par la table). Erwan, lui, écrit des romans.

©Dorothy-Shoes

©Dorothy-Shoes

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Erwan, puisque c’est de toi qu’il s’agit

Cher lecteur de Leblogdudoigtdansloeil (NB : c’est pas moi qui ai choisi le nom du webzine…),

C’est le deuxième auteur que je chronique ici. Le premier, Sébastien Ayreault, pour son très beau Loin du monde. Le second, Erwan Larher.

Ces deux-là se sont peut-être croisés, cette année, lors du Salon du Livre de Saumur, au cours duquel Erwan a gagné le « Prix Claude Chabrol ». Depuis, il a raflé d’autres prix et son roman L’abandon du mâle en milieu hostile se retrouve en haut des conseils de lecture pour l’été qui vient (à petits pas…). On parlerait, se murmure-t-il, d’une adaptation pour le cinéma…

©Sandra Reinflet

©Sandra Reinflet

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L’univers

Que puis-je dire de ses « héros » ? Des quidams. Et ce regard porté sur la société… ? Il dit « cynique », je dis « désabusé ». Le personnage principal… ? Il dit « couillon », je dis « naïf ». On peut cumuler les deux. Un héros, anti-héros, héros malgré lui de son plein gré, qui ne se retrouve jamais du bon côté de la barrière. Les filles… ? No comment. Si : un problème. Le blé… ? No comment. Si : un miroir aux alouettes, bien présent. Le rapport à la hiérarchie… ? No comment. Si : des dieux, des maîtres… des manipulations, des machinations. La politique… ? No comment… Ou plutôt, tant à dire… Le narrateur… ? Malin. Malin, joueur, coquin. Joueur et généreux. Un narrateur qui offre moult plaisirs : rebondissements, retournements, éclaircissements, tourneboulements. Un narrateur qui aime les mots, je veux dire par là : le son, le sens et le vocabulaire qui fait un pas de côté (ex : « alacrité »…). Un narrateur qui aime la structure, l’agencement, l’organisation de l’histoire offerte, les références : Metal Urbain, The Cure, Le Clézio, Echenoz ou la finale Noah-Wilander. Sans tout cela… point de plaisir. On l’a déjà dit.

Le personnage mâle, « le couillon », chez Erwan Larher, est toujours un peu paumé. C’est lorsqu’il imagine qu’il commence à saisir deux ou trois choses qu’il est au plus loin de la compréhension du monde ou de son environnement proche.

romans_larher

Mise à jour (mars 2016) : oui, le 2 et le 4 existent… une chronique bientôt.
Et le 5, à venir (avril 2016).

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Machination

Le narrateur offre le point de vue d’un personnage, une représentation erronée, déformée de la société, du réel… images et illusions. Erwan met en scène (pensons qu’il a écrit pour le théâtre aussi) l’oubli, l’aveuglement, devant le paraître, une cécité collective qui ne concerne pas que le personnage principal, l’impossibilité de saisir ce monde qui NOUS entoure, qui donne à voir, multiplie les écrans et les informations… pour mieux tromper… ?

Tiroir supplémentaire à cette présentation bien commode : Erwan joue, fabrique ce jeu des illusions, des ombres, des apparences, des flagrants mensonges… Il se joue aussi de toi (moi), lecteur, et, dessillé (initié), tu y trouveras du plaisir.

©Dorothy-Shoes

©Dorothy-Shoes

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Et puis ?

On avance dans ses récits et l’on se dit qu’Erwan Larher a décidément beaucoup d’imagination, que tout est inventé. On n’est plus sûr de rien… Qui écrit, qui contrôle… ? C’est le mystère de l’écriture. L’écrivain, dingue de fables et de fantasmagories peut TOUT transformer en récit.

Qu’avez-vous fait de moi ?

J’ai pensé au Magnifique, le film avec Belmondo. J’en ai profité pour comprendre le titre.

L’abandon du mâle en milieu hostile

J’ai pensé à THX1138, au futur qui nous attend… Et je me suis dit : « Ils sont très forts ! Mais qu’ont-ils fait de lui ? ».

Pour finir

Erwan, c’est le genre de gars à te mettre en scène des négociations qui se dérouleraient loin des yeux et des oreilles des peuples européens et américains, entre l’UE et les USA pour construire un Grand Marché Transatlantique. C’est le genre de gars qui n’hésiterait pas à pousser le bouchon un peu loin… à essayer de te faire croire que les USA ont mis sur écoute le moindre bureau de la Commission Européenne. N’importe quoi !

Erwan… t’es un parano(e), ou quoi !???

Par Hum Toks / E.5131 / Eric SABA
Le 2 juillet 2013.

©Sandra Reinflet

©Sandra Reinflet

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Chronique des romans 2 et 4 d’Erwan :
https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2017/04/09/le-cas-erwan-larher-auteur-2/

Chronique du roman n°5 d’Erwan :
https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2016/05/08/marguerite-naime-pas-ses-fesses/

le blog d’Erwan Larher : http://www.erwanlarher.com/

le site de Dorothy-Shoes : http://dorothy-shoes.com/

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NDLR:  Pour le nom de ce Blog collectif, voir dans la page «  Qui nous sommes »  les tenants et aboutissants ..

Entretien avec Mauro Ceballos pour parler de « Confin Art » : une initiative qui propose gratuitement aux enfants de France et du monde des dessins à colorier expliquant les thèmes liés à la pandémie et leur transmettant des principes solidaires pour résister aux angoisses et souffrances avec poésie, douceur et créativité

1 Mai

A l’heure où nombre d’artistes et travailleurs  de l’économie artistique s’angoissent légitimement pour l’avenir du secteur culturel et évènementiel et leur propre survie, certains ont choisi de mettre leur talent au service de la solidarité humaine pour épauler nos contemporains dans nos résistances individuelles et collective aux peurs, aux chagrins et au pessimisme en cette période anxiogène. Artiste pluridisciplinaire, Mauro Ceballos, batteur et percussionniste du groupe Guaka [Lire ici et ici], et auteur de la bande dessinée «Di Vin sang», entièrement réalisée et teintée avec des vins pour raconter l’histoire méconnue des liens entre Bordeaux, sa ville de résidence, et le Chili, son pays d’origine, et de l’épopée de l’implantation des vignobles et de la production de vin sur ses terres, qui a connu un large succès l’an dernier, produit depuis le début du confinement des dessins publiés gratuitement via les réseaux sociaux à destination des enfants, que ceux-ci peuvent imprimer chez eux pour les peindre et les colorier. L’initiative « Confin Art » qui a rapidement rencontré une popularité croissante ici et au-delà des frontières françaises, étant proposée en quatre langues, se révèle, en plus d’un moyen d’occuper les enfants quotidiennement durant les longues heures du confinement, être un outil pédagogique et un soutien psychologique intelligent et accessible à tous, dont les bienfaits se mesurent au nombre expansif des utilisations, partages et réactions enthousiastes qu’elle suscite. Elle œuvre à l’accompagnement des familles non seulement en occupant l’ennui et réveillant la créativité des enfants, mais également en abordant à travers chaque dessin des thèmes relatifs à la pandémie, compliqués et douloureux émotionnellement, parfois inintelligibles pour les plus petits, que l’auteur tente de leur expliquer simplement avec tact et douceur pour amener du réconfort, du bien-être et de la poésie, inculquer des principes de précaution, protection et soucis des autres, et rendre la période plus supportable -et sans doute même engendrer quelques vocations artistiques-. Décidé à poursuivre la démarche au moins jusqu’à la fin du confinement, Mauro Ceballos nous a accordé un entretien pour en parler.

 

– Mauro bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Comment t’es venue l’idée de cette initiative ?

En fait un jour avant le début du confinement, j’avais épuisé mon papier de dessin, et ne pouvais donc plus continuer à travailler avec du papier de qualité. Et comme mes deux filles étaient loin, l’une en Espagne et l’autre dans le nord de la France, j’ai cherché de quelle manière je pourrais les accompagner tous les jours, d’autant que je comprenais en regardant les exemples des autres pays que cette histoire allait prendre beaucoup de temps. Mes filles ne comprenaient pas pourquoi il fallait rester confinés, ni ce qu’était ce virus. J’ai voulu par des dessins leur expliquer ce qu’est un virus, ce qui nous arrive, quelles mesures peuvent nous protéger et comment on peut s’occuper à la maison, pour rendre l’enfermement plus supportable. Les deux premières semaines, il y avait eu beaucoup d’interventions dans les médias pour les adultes, mais rien pour expliquer aux enfants. Les enfants étaient complètement écartés de l’information. J’ai donc cherché comment expliquer avec des dessins aux enfants, à mes propres enfants d’abord. Et puis je les ai publiés sur la page facebook bordelaise «wanted community Bordeaux» [Lire ici], et leur visionnage et popularité a explosé. Il y a eu plus de trois cent messages et commentaires de soutien. Je n’avais pas pensé au préalable que d’autres enfants pouvaient se servir aussi de mes dessins, et j’ai été très touché par ces réactions. J’ai décidé de réaliser des dessins pour accompagner mes enfants chaque jour et de les publier pour que les autres aussi puissent s’en servir. Et puis trois voisins ont vu ça, l’un étant rédacteur, l’autre graphiste, et le dernier réalisateur de vidéos, et m’ont proposé de créer un groupe de travail. Ils m’ont donné un sacré coup de main pour impliquer la presse. Il y a pas mal de chose en France, pas encore dans les presses étrangères, mais petit à petit, il y a une expansion. On a tout fait nous même ; c’est le système hyper méga « D ». Nous avons mis en place des supports de presse et fait une vidéo, en quatre langues : Français, Anglais, Espagnol et Japonais. J’ai aussi commencé à travailler avec une personne russophone pour les traduire en Russe.

 

– Dans quel but ?

Comme je connais pas mal de monde dans plusieurs pays, des gens rencontrés au cours des tournées, et que le confinement existe partout, l’idée est de rendre l’initiative accessible aux citoyens d’autres pays. Cela a bien pris en Espagne, au Chili, au Mexique, en Italie et ça s’est propagé très vite. Aujourd’hui des milliers de parents s’en servent tous les jours et même des enfants harcèlent leurs parents pour qu’ils leur impriment les dessins. Et comme les gens envoyaient des messages de soutien ou remerciement, je me suis dis qu’il serait intéressant d’offrir les dessins accompagnés, chaque jour, d’un message d’une personne, un peu leader d’opinion de chaque pays, puisqu’avec Guaka, nous nous sommes liés à beaucoup de stars au cours des tournées. Un ami, vedette du cirque Arlette Gruss, qui a pu retourner au Chili avant le confinement a écrit un message ; et comme c’est un clown, il est connu des enfants et des parents. Des personnels travaillant à la télé, et aussi beaucoup de musiciens ont fait de même, comme Denis Barthe et les Hyènes [ici], Sergent Garcia, Shaka Ponk [ici], des acteurs et membres du Buena Vista Social Club. L’idée est de lancer un truc différent chaque jour et comme ce sont des gens très connus, ils partagent la page, ce qui fait qu’il y a de plus en plus d’enfants qui ont accès aux dessins.

 

– T’es-tu heurté à des réactions négatives ?

Oui, il y en a eu ; il y en a toujours. Philippe Poutou par exemple a participé, et des commentaires mal intentionnés s’en sont pris à lui en le traitant d’opportuniste et de tout. C’était la première fois que j’associais un homme politique à mon travail, et dès que tu fais rentrer la politique quelque part, il y a toujours des réactions virulentes. Heureusement d’autres ont pris sa défense. Moi, je ne réponds qu’aux commentaires bienveillants. Mais quand il y a des choses moches, je ne réponds pas. En plus mon travail est pour les enfants, pas pour eux. Ils doivent être tellement malheureux pour écrire des commentaires aussi malsains au sujet de dessins pour les enfants. Le malsain, il faut le tuer tout de suite, sinon après il te contamine. J’avais appelé Philippe, parce que c’est un pote, et il m’a écrit un mot très sympa. Mais après il y a toujours des gens cons et aigris qui essayent de salir ce qu’on fait de constructif. Mais si on en tient compte, on n’en finit jamais.

 

– Le but de tes dessins n’est pas uniquement d’occuper des enfants pour rendre le confinement supportable, mais aussi de les aider à comprendre l’actualité que nous subissons. Quels messages peut-on faire passer à des enfants ?

J’essaye de passer des messages très compliqués simplement. Une chose dont on ne parle pas par exemple est que beaucoup d’enfants sont en train de perdre leurs grands parents, sans pouvoir leur dire au revoir ni les accompagner pour l’enterrement. C’est tragique et ça complique le deuil. Mon travail vise donc à traiter ces thèmes. J’en suis actuellement à plus de 90 dessins, car parfois j’en créé plusieurs par jour, suivant les thèmes à aborder, mon inspiration du moment aussi. Si on calcule que ça va prendre entre 30 et 40mn à un enfant pour peindre un dessin, à raison de quatre dessins par jour on peut les occuper deux heures, ce qui est une sacrée pause pour les parents. C’est donc une aide pour les parents, car ça leur dégage du temps et en même temps j’essaye d’expliquer des choses aux enfants. Ce ne sont pas juste des dessins à la con qui ne racontent rien. Et comme les enfants peignent et colorient les dessins, ça leur créé une certaine connexion à l’image qui fait qu’ils s’en rappellent. Cette semaine par exemple le thème choisi est la violence dans les foyers, envers les femmes ou les enfants, les hommes aussi, les couples qui se déchirent. Il faut être non pas consensuel, mais doux pour traiter ces thématiques et proposer des solutions pour vivre un peu mieux le confinement. Je me rappelle que quand j’étais petit, mes parents se battaient tout le temps et j’essayais de dessiner des choses que je trouvais positives, et j’arrivais à calmer les choses. Je voulais juste qu’ils puissent s’aimer, pas se battre. Maintenant je vois la même problématique dans tous les pays. Il faut pouvoir expliquer aux enfants, leur donner des clés, et un peu de joie. Qu’au moins un enfant enfermé toute la journée avec des parents en train de se déchirer puisse s’évader dans le dessin. Psychologiquement ça peut les aider à affronter ces malheurs qu’ils sont en train de vivre. Et puis aussi leur apprendre les questions d’hygiène, à découvrir la musique, le théâtre, construire des jeux, faire attention aux handicapés. Je n’ai pas encore traité le thème des anciens, mais je vais le faire d’ici une ou deux semaines, car il y a dans les Ehpad des papis et des mamies qui peignent aussi. L’idée est surtout d’expliquer qu’il faut se protéger et rester confinés, et essayer de s’occuper et de rendre la vie plus belle. J’essaye aussi de m’inspirer des histoires des victimes du nazisme qui étaient dans les camps, des cosmonautes aussi qui passent un an enfermés dans une cabine spatiale éloignés de leurs proches, des gens qui sont en prison, des étudiants qui sont obligés de rester dans des chambres de 9m², enfin plein de choses auxquelles on ne pense pas lorsqu’on vit dans un endroit spacieux. Je pense toujours à ces gens et les messages sont aussi par rapport à eux. Et je pense aussi ce travail comme celui des dessinateurs de journaux qui dessinent tous les jours en rapport à l’actualité. Je n’ai pas encore touché les thèmes de la mort, de la perte, de la misère ; mais je préfère parler de tout cela à travers l’imaginaire et la solidarité. Ce n’est pas toujours évident, parce qu’on vit quand même dans un monde de merde. Mais il faut au moins essayer de le faire pour les enfants, sans être pédant, juste avec le cœur. C’est une forme de résistance : pouvoir résister tous les jours, et aussi être informés de ce qui se passe jour après jour.

 

Mauro Ceballos et ses amis lancent aujourd’hui un financement participatif en ligne pour compiler les 55 dessins réalisés en un album à destination des enfants de soignants et enfants démunis (Ddass, enfants de réfugiés, enfants hospitalisés). Vous pouvez y commander un exemplaire pour vous (15 euros), et pour chaque album acheté, un album sera offert à un de ces enfants, ou contribuer librement ici : ici

 

 

Miren Funke

Photo de Mauro Ceballos : Bacchus

Liens :

Vidéo de présentation : clic sur la télé–>

 

 

 

 

 

Facebook de l’artiste ->

 

 

et ici —->

 

 

 

 

 

Tronches de vies 

27 Avr

Côté culture, durant ces semaines de confinement, je n’ai pas eu beaucoup d’opportunités de faire chauffer ma carte bleue. J’ai quand même décidé de m’offrir une BD aux Éditions Lapin qui continuent de faire vivre leur petit commerce –  vaille que vaille, loin d’Amazon –  malgré le temps à l’orage.

Si j’ai opté pour « Tronches de vies » de la dessinatrice Soph’ ce n’est pas par hasard. Il y a quelques semaines, ma route virtuelle a croisé la sienne sur les réseaux sociaux et on a un peu discutaillé. Alors, comme je suis gentille, j’ai acheté son ouvrage. Pour voir… Le risque, dans ce cas-là, étant que je me retrouve déçue de cet achat fait par sympathie. Et que je sois obligée de louvoyer en disant « si, si, c’est vachement bien » alors qu’en vérité je trouve le résultat moyen-moyen, voire pire.

Sauf que « Tronches de vies », si si, c’est vachement bien.

Ah ben franchement, c’est drôle ! J’ai même éclaté de rire à la lecture d’une ou deux planches ce qui, en bande dessinée, ne m’était pas arrivée depuis un temps que les moins de vingt  ans ne peuvent pas connaître.

Alors attention, faut apprécier l’humour bête et méchant. Parce que ses personnages, Sonia, Robert ou Josiane, c’est pas le haut du panier ! Ils ont le cerveau en goguette, la matière grise en roue libre. Mais c’est pour ça qu’on les kiffe. Ils ont tendance à traîner un peu trop sur internet et dans les bars. Ils parlent beaucoup de cul, de leurs couples et de leurs gosses. Ils ont aussi une opinion concernant l’éducation, Vincent Lambert, la voyance avec des asperges, Houellebecq, la sodomie, les sondages, le maquillage vaginal, et l’écologie.

Une planche, une histoire, une vanne. C’est cash, c’est court, c’est percutant.

Cela s’explique parce que Soph’ fait aussi dans le dessin de presse. Elle sévit chez Mazette, magazine numérique, satirique et écologique. C’est cet esprit de concision et de tir au but qu’on retrouve dans « Tronches de vies ». La dessinatrice pousse loin le bouchon de notre connerie et de celle des autres. Les deux pieds bien ancrés dans l’actualité, elle n’hésite pas à mettre son nez partout même – et surtout – si ça ne sent pas bon.

Rire d’un humour grinçant est, pour moi, toujours un plaisir. Rire d’un humour qui ne s’embarrasse pas de pincettes et que certains trouvent de mauvais goût, aussi. Dans une époque où le masque est de rigueur, Soph’ ne se cache pas.

Elle y va frontalement et c’est ça qu’est bon !

Page FB Soph’ c’est là-bas  —–> clic sur le nez

ou bien sur ce que vous voulez…

« Tronches de vies » Éditions Lapin 111 pages 14 euros

 

Fabienne Desseux

À quoi ça rime…

12 Avr
 
 Jean-Pierre Fauré est un auteur compositeur interprète, conteur et comédien, né à Épinal . De nombreuses rencontres artistiques, notamment avec Allain Leprest, ont contribué à sa passion de la scène, des mots et de la musique.
À quoi ça rime de continuer à conter, à écrire, quand personne ne s’intéresse à tes histoires ? Changer le monde ? Il ne change pas.
 C’est vrai. Et si je conte encore aujourd’hui, c’est juste pour que le monde ne me change pas. 
Alors, à quoi ça rime ?
«  Depuis le temps qu’on écrit des chansons,
Parlant de luttes et de révolutions,
Contre les cols blancs qui assassinent,
Les exploiteurs de la famine, 
Vers où nos coeurs naufragés s’arriment
À quoi ça rime ? 
Le monde, Jean-Pierre Fauré le voit, avec lucidité, les faux paradis des supermarchés, pourtant, c’était beau :
 «  Ici, il y avait une clôture
Un pré trempant ses pieds dans l’eau
Un lézard bronzant sur le mur
Un arbre pulpant d’abricot…« 
Le nucléaire, les neutrons, les OGM, la pollution,  » Les fâcheux fachos du FN « , les guerres,  jusqu’à l’obsolescence de la vie. 
Sa France est rouge cerise entre l’orange et l’olivier :
 » Mon Dieu, ma France, que tu es belle
Quand tu es ainsi réunie
Quand coeurs et poings serrés se mêlent... » ( à Jean Ferrat). 
Mais, au-delà de ses vieux combats :  » Le point levé, rouge écarlate », la poésie l’attendait, au coin de la rue :
«  L’soir où j’ai posé mon ballot
Quand mon coeur a baissé les bras
Prêt à laisser à ces salauds
Mon drapeau et mes  » ça ira »
Elle s’est radinée bien tranquille
Et m’a regardé dans les yeux
Et moi, comme un vieil imbécile
J’ai pleuré pauvre bienheureux. « 
.
Une poésie populaire, qui raconte les fêlés de la vie, les héros du quotidien, les gens du voyage :
«  Qu’il vente ou bien qu’il flotte,
L’hiver quand ça grelotte
Qu’ça tombe comme à Gravelotte,
Dans sa jolie roulotte
L’un tissait sa pelote
De gentil croque-note
Avec une matelote qu’avait une jolie glotte. »
Les princesses de quat’sous :
 » Un matin, ils ont remplacé
Les caravanes par une pancarte
 » Séjour interdit aux nomades
La petite fille, j’l’ai jamais r’vue
Je n’sais as ce qu’elle est devenue
Mais elle a laissé dans mon âme
L’amour tzigane. »
La fée Carabosse :
 » Elle trottinait le long des quais
Dans ses haillons
Mais dans sa tête s’enivrait un
Accordéon
Quand elle passait devant la cour
D’récréation
Nous on l’app’lait fée Carabosse
On est méchant quand on est gosse.« 
.
Les combattantes, femmes, filles, mères ou grands-mères, qui subissent l’hégémonie des hommes : 
«  Qu’elles se nomment Malala,
Emily, Masih, Rosa
Qu’elles résistent dans un car
Juste pour pouvoir s’asseoir
Qu’elles refusent de mourir
Sous la violence en martyrs
Qu’elles se dressent pour crier NON
Au viol ou à l’excision. »
.
Jean-Pierre Fauré n’oublie pas ceux qui ont payés de leur vie leur amour de la liberté, comme Victor Jara.
Poésie des humbles, de la  » détresse des silencieux », ( Bruno Ruiz) comme cette vieille femme solitaire :
«  Sa mémoire se faisant la paire
Lui laisse un goût d’orange amère. »
L’impertinente cousine de Firmin, les filles du Coq hardi :
 » Mais un jour sombre et morose,
La bonne madame Rose
A dû pour la noble cause
Fermer sa maison close.
Maintenant ses pauvres filles
S’trimballent en talons aiguilles
De décembre jusqu’en janvier. »
Les bourrés du cabaret : 
 » C’est un cabaret pou des cas barrés,
Des gars dézingués, des gonzesses dégazées
Des tares à biscotte, des tarabiscotées
Si tu crains pour tes os, et ben t’as qu’à t’barrer. »
.
Les amoureux de hashtag love duo, Julie et Julot, qui passent à côté de la vraie vie. 
Les seigneurs ( à Jean-Roger Caussimon) :
«  Les seigneurs ne sont pas d’un pays.
Ils ont l’accent d’un peuple
Qui voyage sans fin.
Leurs ports sont les forêts,
Les étangs des prairies
Où l’amour naît d’un rien.
Baladeurs, baladins,
Chasseurs de nuits sans lune,
Enfants de la chimère,
Pourfendeurs de moulins,
L’eau, le vent et le feu
Sont toute leur fortune,
Ce sont des gens si bien. »
.
Les enfants de la misère  qui traînent le long des trottoirs.
Les amours de gosses, ou les amours inoubliables qui laissent des traces de  » Parfums », ou qui finissent  » chagrin ». Et les régimes désespérants qui ne laissent que :  » La part des anges ».
Mais aussi des odes à la nature, tout ce qui touche la sensibilité du  poète, comme cette maison abandonnée :  » La maison aux saisons mortes » qui lui livre l’histoire d’une vie, à travers les photos fanées. 
.
 » Jean-Pierre Fauré fait partie des humbles de la bonne chanson. Il a besoin de s’adosser à des fraternités, se frotter souvent à quelque exercice de célébration. C’est un pauvre qui a la rime riche, du jeu de mot malgré lui, presque obsédant. » dit justement Bruno Ruiz dans sa préface. Il célèbre ainsi Francesca Solleville,  » E Canta Francesca« , Jean Ferrat , Caussimon, José Correa qui a signé les dessins du livre,   Pierre Barouh , etc, et le livre est dédié à Paul Fort et Allain Leprest.

 

 » Ce livre se veut juste être un témoin; le reflet d’un univers. Surtout n’y voyez aucun orgueil, simplement une envie de partage et le désir de laisser une petite trace à ceux que j’aime... » 
.
 Mission accomplie pour le partage, chansons ou poèmes, humour ou nostalgie, Jean-Pierre Fauré est un artisan qui puise ses mots dans les carrières du vivant et de la mémoire,  et même là où on ne les attend pas, dans  »  un geste, un regard, un silence trop bavard ou un vacarme déchiré... » 
  » C’est pas que du vent, c’est des mots
Cris perdus d’un guillemot
Dans les villes et les hameaux,
Sans retenue
Pour vous dire la vie continue
Tête libre et les mains nues
Tout comme, inconnu,
Je suis venu. » 
Danièle Sala
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