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Entretien avec Milos Asian pour le concert de présentation de son nouvel album « Breathe in, breathe out » aux Vivres de l’Art de Bordeaux

9 Mai

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Jeudi 11 mai 2023 aura lieu aux Vivres de l’Art à Bordeaux le concert de présentation du nouvel album de Milos Asian, « Breathe in, breathe out ». L’artiste girondin  [https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2015/09/27/milos-unplugged-awakening-rencontre-avec-lartiste-en-preparation-de-son-4eme-album-finance-par-le-public/], acteur engagé depuis plusieurs décennies du milieu musical alternatif, qui trouva auprès de lui, dans son bar El Inca, plus qu’un lieu d’expression et de rencontres foisonnant, un véritable foyer chaleureux au creux duquel se tissaient, nuits après nuits, les liens tenaces d’une toile solidaire qui permis à de nombreux artistes de jouer, rencontrer le public, et établir des contacts entre eux, et dont certains continuent de recourir aux services de son studio d’enregistrement, Kitchen Studio, consacre donc un nouvel enregistrement à ses propres compositions, qui seront jouées en tournée au cours des prochains mois. Rien d’étonnant à ce que nombre de musiciens, anciens ou récents collaborateurs, et copains, aient participé à ce disque, le truffant d’instruments et embellissant son envergure sonore d’une richesse harmonique bien sentie. A travers ces douze titres, d’humeur généralement folk, mais dont les musiques se baladent dans un peu tous les genres auxquels Milos a touché et qu’il a aimé (Folk, Reggae, Rocksteady, Pop-rock alternatif), c’est un contraste entre les couleurs musicales enjouées aux allures inoffensives de comptines pour enfant, et des thématiques ressenties (ou pressenties?) comme parfois sombres, glauques ou tristes, qui bouscule et intrigue, sans toutefois qu’on en devine toujours le sens exact et précis, l’écriture de Milos laissant la place bien souvent à une multitude de possibilité d’interprétation, comme nous allons le voir avec lui. Entre influences plus inconscientes que calculées, mais toujours assumées tout de même, possibilités interprétatives, et ouverture à la libre appropriation par chacun de mots avec lesquels écrire sa propre histoire, Milos semble se promener, de chanson en chanson, à travers des paysages évasifs et oniriques. Mais laissons le nous raconter cela, lui-même, puisque l’artiste nous a accordé un entretien la semaine passée

Capture d’écran 2023-05-08 223148– Milos, bonjour et merci de nous accorder cet entretien. On a plaisir à te retrouver avec ces douze nouveaux titres, à travers lesquels s’entend une large palette instrumentale, et beaucoup d’échos de musiques qu’on imagine aisément parmi tes principales influences. On retrouve également à tes côtés sur l’enregistrement nombre de musiciens locaux, avec lesquels tu as déjà collaboré, comme Doclaine (Nicolas Deghuilem) [https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2020/07/01/sortie-de-louves-de-doclaine-entretien-avec-lartiste/] : peut-on y voir une envie de rassembler toutes les richesses qui ont développé et étoffé ta musique ?

Doclaine! C’est un excellent musicien. Il a mis de l’harmonium sur l’album.  C’était magnifique ; cela donne une couleur, même si l’instrument n’est pas tout devant. Inviter beaucoup d’instruments était une volonté ; je voulais faire participer tous les artistes avec lesquels je travaille. C’est  un album collaboratif ; j’aime bien collaborer, et souvent avec les mêmes. Et musicalement j’ai voulu faire un mélange d’un peu tout ce que je fais depuis le début. Parce que j’ai consacré un album à la Folk, un au Reggae, et ainsi de suite. Sur « I scream you scream », j’entends quelque chose qui m’évoque la fin plutôt d’une chanson des Dexys Midnight Runners. Mais il ya plein de trucs dans cette chanson : un coté Rocksteady, qui part après en Punk, un côté un peu sautillant. Elle parle de complicité et de fusion, à la Bonnie&Clide, ou des projets un peu Woodstock de sauver la planète qu’on peut avoir quand on est jeunes. Et, j’avais envie qu’on retrouve sur cet album un peu un mélange de tout ce que je fais : il y a une chanson un peu à la Pixies, un Reggae, pas mal de Folk, un peu de Pink Floyd, Radiohead, Tori Amos. Ce n’est pas spécialement calculé, mais dans chaque chanson j’entends un truc qui me fait penser à une chanson que j’aime. Je m’en rends compte après coup ; ce n’est pas vraiment prémédité. La mémoire imprègne des choses qui ressortent inconsciemment. A la base ces chansons sont écrites pour du guitare-voix, donc c’est fait pour être chanté en acoustique.

– Et comment se décide les arrangements du coup avec les musiciens ?

En fait j’enregistre seul  tous les instruments à la maison en mode maquette (guitare, basse batterie, claviers, ect..) donc, et je l’envoie à mes musiciens pour qu’ils aient un aperçu de ce que je cherche . Et après on les joue en live et chaque musicien va trouver un truc sympa à jouer avec son instrument. Après ça va peut-être se retrouver dans l’album ou pas, on choisit en fonction de si ça imprègne les chansons. Celles-ci ont été jouées en live pendant deux ans, et plusieurs propositions différentes ont été essayées. Par exemple « Candlelight » à la base a été écrite avec et pour des claviers ; je la jouais au mellotron. Et puis j’ai invité un ami, Stéphane Jach, à faire des flûtes. Il a repris un peu le thème, posé sa vibe, mis sa couleur. Il y a une autre chanson où Quentin Gendrot, au violoncelle, qui a l’oreille parfaite et entend tout ce qui est juste ou faux, a proposé des cordes. Chacun a un peu son mot à dire sur mes compositions. En fait je ne sais pas vraiment écrire de la musique, donc j’enregistre mes démos avec mes mélodies, j’indique comment j’aimerais que soit l’esprit de la chanson, et je suis à l’écoute des propositions des musiciens. Avant j’étais un peu plus directif, avec un côté « duce », lorsque j’étais jeune. Aujourd’hui je suis plus cool et à l’écoute.

– Est-il déjà arrivé qu’une chanson s’en retrouve modifiée musicalement, au point que sa musique raconte finalement autre chose et change son esprit, mais que tu décides de garder cette autre proposition ?

Non, pas vraiment. La seule fois où ça a pu arriver, c’était avec l’album de Reggae. Évidemment je n’ai pas écrit toutes ces chansons en Reggae, donc les transformer a pu en modifier quelque chose ; ça s’est mis en place tout seul.

Capture d’écran 2023-05-08 223229– Plusieurs chansons présentent comme un contraste frappant entre leur musique, assez guillerette, aux airs de comptine enfantine, et des textes, laissant place à de nombreuses interprétations possibles, mais qui peuvent sembler aborder des sujets glauques, sombres, douloureux, comme la deuil, la rupture. De quoi parlent-elles ?

Y a quelques chansons tristes, mais pas tant que ça. « Hungover » et « Out in the cold » touchent des sujets sensibles. Au début de « Hungover », ce qu’on entend, c’est mes parents dans le salon qui parlent des herbes hallucinogènes du Pérou. La chanson raconte l’histoire d’un monsieur retiré de l’armée, désormais à la retraite qui voit sa vie défiler, il se rappelle de tous ses bons moments qu’il a pu avoir. « Hungover », c’est la gueule de bois du lendemain, quand tu te retrouves seul devant ton miroir. Pas mal de personnes connaissent ces moments de solitude, qui plus est, à la vieillesse, après une vie remplie. « Out in the cold » parle, elle, d’un jeune homme, un peu en dépression, qui rencontre un chien qui lui donne la patate et se remet à courir. Il se retrouve un jour dans le stade où il courait, après une cuite -encore une histoire de cuite et gueule de bois-, se réveille, se dit qu’il connait ce lieu, et se remet à courir, après s’être retrouvé devant le miroir. Encore une fois, une histoire de miroir ; je crois que j’aime bien cette image. Ensuite beaucoup de chansons parlent de mon enfance, mon adolescence, mes souvenirs. Il y a beaucoup de souvenirs là dedans. Quant aux thèmes du deuil ou de la rupture, on pourrait sentir ça, effectivement. Je ne sais pas s’il y a vraiment une chanson de rupture ou d’amour là dedans, sauf peut-être « Man for diner », qui parle des hommes qui sont « pour le diner ». Tu sais, les histoires de femmes qui te prennent et qui te jettent après, qui t’attendent pour te manger, qui te mangent, mais qui te jettent ensuite.

– Illustration parfaite de la possibilité de mésinterprétation, alors, puisque celle là, par exemple, m’a laissé imaginer qu’elle évoquait la mort personnifiée au féminin qui va venir te prendre, et non pas une femme.

Oh c’est génial! C’est beau, ça. Mais tu sais, mes chansons démarrent souvent par des paroles jetées intuitivement, sans l’idée de parler de quelque chose de précis, et puis ça se dessine au fur et à mesure. Pour « Can you set me free? », j’avais des images d’un pompier en train de courir à travers un immeuble en feu, puis de quelqu’un qui jette de la peinture sur les murs, un peu des images de folies de personnes dans des asiles qui voudraient être libérées, alors que les paroles pourraient aussi bien s’entendre comme une prière d’être libéré d’un lien affectif. « Be my dear deer », c’est l’histoire d’un chasseur qui voit une biche tous les jours et qui aimerait bien faire sa vie avec. C’est ce que je vois quand j’écris et je chante. Mais après chacun peut s’approprier les chansons comme il le veut. La chanson porte sur un jeu de mot entre « dear » (« chérie ») et « deer » (la biche), et j’imagine le chasseur partir avec la biche un jour et devenir biche lui-même pour vivre leur histoire.

– Comme dans le Lac des cygnes ?

Ah, ouais! Il va falloir faire un clip pour ça ; j’attends l’hiver prochain, ou peut-être aller dans un pays, genre la Norvège ou l’Islande. On peut faire en peu de temps avec des moyens modestes. L’idée est que le clip soit un support pour la chanson et pas que la chanson devienne une bande-son pour un mini-film. Parfois il arrive de voir un clip, puis d’écouter la chanson ensuite sans le clip et de la trouver décevante, parce qu’on s’aperçoit que sans les images, c’est beaucoup moins bien. L’image t’emmène, et ça permet de mieux vendre. Alors si ta chanson est bien à la base, et que l’image est bien, comme chez Bjork, c’est cool. Mais pas si la chanson est médiocre et que sans les images, elle ne raconte rien.

Capture d’écran 2023-05-08 223120– J’avoue avoir été surprise et alléchée de lire sur la pochette de l’album un titre en Français, « Dans les rivières » puisqu’on a coutume de t’entendre chanter en anglais depuis toujours. Et puis, ce n’était qu’un titre de chanson dont les paroles sont en Anglais. Y a-t-il un trait d’humour?

C’est déjà un titre! Il faut bien commencer quelque part… Je ne sais pas en fait. Je crois que ce sont les sons Electro qui m’ont fait penser à des rivières. Alors celle-là par contre parle de rupture, pour le coup, de ces moments où tu commences à être vraiment copain-copain ou copain-copine avec quelque qu’un, dans un truc fusionnel, à partager beaucoup, t’échanger les habits, ces choses là. Mais pour revenir à ta question, si un jour je chante en Français, j’aurais envie de chanter des choses sérieuses. Ce que je fais là a une légèreté, un côté comptine, qui, je crois, ne collerait pas avec ce que j’aimerais chanter en Français. Mais ce n’est pas facile d’écrire en Français. Déjà, parce que là, tout le monde va me comprendre. En Anglais, je suis un peu dans ma zone de confort, dans mon cocon. Comme on se dit qu’en France, les gens comprennent moins bien l’Anglais, et le perçoivent plus intuitivement qu’intellectuellement, c’est moins stressant sur scène ; on n’a pas la crainte d’être jugé sur la qualité littéraire du texte. J’écoute beaucoup Alain Bashung, Mathieu Boogaerts, Christophe Miossec, Arthur H, Mano Solo bien sûr, des artistes comme ça, qui ont une qualité de plume incroyable. Ce sera toujours Bashung, le meilleur! Mais, c’est cool s’il y a des « petits » Bashung comme Arman Méliès, Bertrand Belin.

– Dans un futur album, peut-être, alors, aura-t-on le plaisir de t’écouter en Français. Un mot sur la pochette de l’album qui intrigue : qui l’a réalisé et que représente-t-elle?

C’est Gwenael Marseille qui l’a faite. C’est un batteur, de métier, et il jouait sur mon premier album. Mais il est également peintre et a décidé depuis plusieurs années de se consacrer à ses toiles : il fabrique lui-même ses couleurs, à l’ancienne, comme les peintres du Moyen-âge, et a coutume de reprendre ses tableaux et les remanier. Du coup on trouve plusieurs couches de couleurs, et la toile n’est jamais finie. Elle fait deux mètres sur deux, et un jour, je lui avais dit que sa toile serait parfaite pour un album, mais à l’époque, je préparais un album de Reggae et ça ne collait pas. Et avec cet album, je suis revenu le voir pour lui faire écouter la démo, et on était d’accord tous les deux que ça collait. Il faut savoir que ses toiles m’ont aussi inspiré des chansons. Ce tableau intitulé « A battre la chamade » représente l’armée de l’air, et ses codes musicaux de battements de tambour qui transmettaient des messages, des informations ou des ordres, alors que les ennemis étaient sensés croire que ce n’était que de la musique.

 

Miren Funke

Photos : Carolyn Caro

Lien : https://milosasian.com/

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Yves Jamait à La Cigale le 15 Avril 2023

16 Avr

 

J’essaie de trouver les notes qui s’aiment , a dit Mozart… Il y est assez bien arrivé. Yves Jamait essaie de trouver les artistes qui s’aiment, autant dans ses spectacles que dans ses Bars à Jamait… Et il y arrive assez bien..
Dans ces deux soirées à La Cigale, salles très bien remplies, samedi, c’était quasi complet, le public a confirmé  Rien, rien ne m’a jamais rendu aussi heureux que les chants les chants des hommes. *
Le chant désespérément humain des frangins de vie et de bourlingue, de verres en vers, avec Dimey, Si tu me payes une verre, je n’te demand’rai pas où tu vas, d’où tu viens, si tu sors de cabane , nous referons le monde, oscillants mais debout, ou Leprest, quand j’ai vu, je bois double… Ils inventent des musiques métissées de toutes les douleurs, des chants de cœur battant, de cicatrices ouvertes, et dans cette farandole barzinguée c’est la vie qui danse et renaît chaque matin. Et La Cigale a chanté et dansé avec la bande à Jamait… Avec un décor et des lumières d’une qualité rares. Merci à Didier Grebot et sa formidable équipe.

En 3 ou 4 chansons portrait d’artiste, avec un large extrait du Bar à Jamait à Saulieu, avec ces amis qui s’aiment pas seulement sous les sunlights ..

L’autre

 

J’en veux encore

 

Bar à Saulieu

 

Et c’est dans ce Bar à Saulieu, qu’il y a eu ces beaux échanges de regards … Merci Yves Jamait … (Photos ©NGabriel)

*Nazim Hikmet  (Le chant des hommes)

Yves Jamait a été souvent présent dans le Blog collectif Le Doigt dans l’Oeil, ici avec Miren Funke pour un entretien très complet

Tournée « Parenthèse 2 » d’Yves Jamait : trois magiciens sur scène et entretien avec le chanteur

Norbert Gabriel

Jacques Yvart French troubadour…

3 Avr

yvartJacques Yvart est un des derniers authentiques troubadours citoyens du monde, auteur compositeur interprète, il a mis en musique Norge, Devynck, Dimey, Giono, Bergman, Aragon, Brassens, Rostand, Moalic, JP Hébert,… et ses compositions musicales voyagent dans toutes les musiques, ainsi Jean Giono associé à Keith Jarrett .. La sélection ci-dessous témoigne de cette richesse.. (Extraits du coffret 3 CD et 61 chansons… )

Yvart aime à dire que tous les poètes dont il a mis les textes en musique étaient « ses voisins de palier ». Parmi les rencontres déterminantes il y a bien sûr Georges Brassens, son parrain de Sacem qui l’invita deux fois à passer quatre semaines en première partie de récital à Bobino et enregistra « Jehan l’advenu » poème de Norge qu’Yvart avait mis en musique et sur disque en 1970. Avoir une de ses chansons interprétée par le maître sétois a été plus qu’une reconnaissance, « son bâton de maréchal » comme il l’assure.

Je ne peux pas oublier (Giono/ Jarrett)

https://www.youtube.com/watch?v=tOxy0kR56vk

Passager https://www.youtube.com/watch?v=4rhmQ6iZzuk

Blues du lombric https://www.youtube.com/watch?v=DDU3-zgecS8

Alabama blues https://www.youtube.com/watch?v=eAsRrOAJt48

Jamais plus « sax jazz » https://www.youtube.com/watch?v=76JEyEezRrg

Zone d’ombre https://www.youtube.com/watch?v=rIyQKaKzjwA

Un soir avec Dimey https://www.youtube.com/watch?v=vjYKBLeK1nQ

Paix aux baleines slam https://www.youtube.com/watch?v=UIzOZSerhPI

Blues https://youtu.be/Qv3f2fHXAsk?t=511

Pour en savoir plus sur le contenu vous verrez ici la richesse et la diversité des chansons qu’il a mises en musique pour la plupart. (61 titres originaux enregistrés entre 1975 et 2022 )

https://www.epmmusique.fr/fr/cd-chanson-francaise/3219-jacques-yvart-french-troubadour-.html

Eh l’amour pour l’amour
J’ai rêvé d’un pays sans pays je veux dire sans frontières
J’ai rêvé d’un printemps sans printemps pour arrêter le temps
et l’amour pour l’ amour je veux dire… pour l’amour…¨

on campus

Ce  voyageur est le seul français ayant tenu une chaire de chanson française dans une université américaine, où a été enregistré « Yvart on  campus » un double album en 1977 (Enregistré à University Of North Dakota, Grand Forks)

Norbert Gabriel

Festival Musicalarue 2022 : rencontre avec Opsa Dehëli

30 Mar

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Tribu de douze musiciens, dont les couleurs sonores ont fluctué et se sont chamarrées, au gré des arrivées successives de membres la rejoignant (notamment de l’orchestre symphonique Josem), important chacun son instrument, Opsa Dehëli, n’a, depuis sa fondation il y a bientôt dix ans, par des étudiants du DUT d’Animation sociale et socioculturelle de Bordeaux, cessé d’enrichir une musique composite, dont l’éclectisme se nourrit des influences et références respectives de chaque musicien, et qui vagabonde, tel un voyage culturel aux sources aussi variées que les horizons qu’il croque et explore. De voyage, il est aussi question géographiquement, puisque l’aventure collective amorcée dans une optique ludique et festive a fini par trimbaler les douze camarades, évoluant en technicité et professionnalisant leur  jeu dans la longévité, sur un parcours les amenant à faire danser d’autres publics, dans d’autres pays : Allemagne, Croatie, Estonie, Hongrie, Slovaquie, Lituanie, outre les scènes françaises. Un enregistrement live, « Uy Uy Uy ! » en 2016, auquel succéda en 2019 un premier album studio, « Resaca Bailón », chacun saisissant une photographie sonore d’un moment du groupe à l’esprit en constante fertilisation, précédait le tout récent « Troisième escale », disponible depuis quelques mois. Il s’y profilent une densité et une profusion de sources et d’énergies témoignant de l’amour des diversités et du mélange qui a vu la patte enjouée d’Opsa Dehëli pétrir un agrégat de musiques latino et sud-américaines (cumbia, mambo), de folklores balkanique et tzigane, de chanson créole, et de musiques méditerranéennes et proche-orientales (Grèce, Liban, Kurdistan). De son expérience de groupe d’artistes de rue et des diverses rencontres, lui vient sans doute la convivialité et l’aisance spontanée dans la communication avec le public, les publics d’ailleurs. Et ça tombait bien, puisque comme tout artiste présent au festival Musicalarue, Opsa Dehëli n’eut pas à partager ses compositions qu’avec un public d’habitués, mais également avec tout festivalier profitant de son passage à Luxey pour se hasarder par curiosité vers l’inconnu et l’imprévu et se laisser envouter peut-être. Et aller chercher et captiver des auditeurs non conquis et pas acquis d’avance, c’est précisément pour la formation un automatisme devenu élément indispensable du processus alchimique qui opère à chacune de ses dates. Quelques heures avant le concert, le groupe nous accordait un entretien.

Öps 5– Opsa, bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Votre musique a évolué au fil des années, au gré d’influences majeures variantes, des musique latino-américaines à celles d’Europe de l’Est, et le groupe a connu concomitamment des arrivées de membres. Vous disiez ne pas recruter les musiciens en fonction des instruments dont le groupe a besoin, mais plutôt composer avec les moyens du bord en quelque sorte, à partir des instruments qui intègrent la formation. Comment cela a-t-il influé sur l’évolution de votre musique?

-Jérôme : Au départ, nous sommes tous étudiants en DUT de Carrières Sociales. Damien faisait du djembe, je jouais de la clarinette, Adrien du saxophone, et puis on a commencé à composer avec les humains qui étaient là. C’était une animation socioculturelle, dans un cycle qui n’était pas musical. C’était une bande de copains étudiants au départ ; il n’y a jamais eu cet axe artistique là. On a amalgamé les copains qui jouaient aussi un instrument, comme Clochette avec ses steel drums. Donc c’était un peu une blague au départ. Puis quand on a eu finit notre DUT, on a continué à jouer. Et on s’est professionnalisés. Mais du coup ça explique que l’axe artistique soit ainsi. Les musiques que l’on compose ne sont pas forcément inspirées que des musiques d’Amérique latine ou des Balkans, mais de tout ce qu’on aime.

-Max : On prenait un peu tout. Il y a des histoires de morceaux qu’on a repris, qui sont lunaires. Au début on faisait tourner trois ou quatre morceaux, qu’on rallongeait à souhait. Je me souviens un jour où on jouait rue Sainte Catherine à Bordeaux, nous n’étions que trois et je me suis calé derrière un ordinateur, en trouvant un son que j’aimais bien, une chanson libanaise qui s’appelle « Bint el shalabiya » [NDLR Fairuz], qu’on joue encore aujourd’hui, et les deux autres se sont collés avec moi, et une heure plus tard on jouait la chanson. Mal, mais on la jouait. Au début on ne se prenait vraiment pas la tête, car on n’avait aucune attente de ça. On jouait à dix pour un cachet dérisoire, qu’on dépensait ensuite en bières pour payer un after aux copains du DUT. Et puis, petit à petit, on a eu envie, non pas de se professionnaliser, mais de faire quelque chose d’un peu plus propre et carré, et d’explorer aussi d’autres cultures, comme la Créole par exemple. C’est comme ça qu’on a construit une espèce de voyage où on va en Grèce, au Kurdistan, un peu partout.

– Jérôme : Il y a eu tout un côté technique aussi qui a évolué. Au départ nous jouions beaucoup en acoustique, avant de nous amplifier avec des micros et d’apprendre à travailler le son.

-Max : Ça vient aussi du fait qu’avec les instruments qui se sont rajoutés au groupe, plus que des instruments, ce sont surtout des personnes qui se sont rajoutées, et chacune avec ses influences musicales différentes. Moi, qui viens de la campagne, je n’étais pas dans un milieu où j’avais coutume de voir plein de concerts. Jérôme faisait déjà des festivals, et il m’a apporté sa culture, notamment de musiques latines. Moi, j’écoutais pas mal de trucs des Balkans, et il y a eu un échange, et chaque personne a apporté son énergie et ses influences, et c’est cela qui a créé le voyage. Et au final on kife tous la musique que l’on fait ensemble. Il y a 8 ans, je disais que jamais je ne chanterais en Créole ; je détestais ça. Et aujourd’hui, tous les ans j’arrive avec une pépite créole. Mais on évolue tous ensemble, et chaque année on grandit et enrichie notre musique.

-Gaël : Il faut quand même dire que l’Amérique centrale, les Caraïbes, l’Amérique du Sud, ce sont des musiques qui ne sont quand même pas les mêmes. Mais ce sont des musiques qui ne possèdent pas les arrangements avec les instruments dont on joue tous ensemble. Nous sommes douze avec douze instruments. Nous écoutons une mélodie, un air, qu’on veut reprendre, et nous créons les arrangements, en prenant plaisir à choisir qui va jouer quoi sur quelle partie et à quel moment du morceau, selon ce qui nous plait et selon la pertinence que ça a. Parfois on change la tonalité, le tempo, qu’on accélère ou ralentit, parfois on rajoute des paroles, on créé des parties qui n’étaient pas là, à la base, dans le morceau original. C’est toujours un régal de mettre en place des résidences. 

 

-Pour ce qui est des reprises par exemple, est-ce plus facile pour vous de reprendre un air nu, sans arrangements instrumentaux et de tout créer en termes d’arrangements que retravailler et restructurer un morceau qui en possède déjà ?

-Max : En général le premier arrangement proposé lorsqu’on sélectionne un titre est assez ressemblant à l’original. Et puis on demande lequel d’entre nous voudrait proposer des choses. Si on s’aperçoit que le morceau ne laisse pas la place pour que les instruments s’expriment, on peut choisir de la créer. Et là on se fait des espèces de brain-storming. Lorsque je travaille un morceau, je l’ai parfois écouté mille cinq cent fois, je me le saigne, et l’ai gavé en tête et ne suis plus du tout assez objectif sur les arrangements. Donc les autres apportent des idées fraiches, et parfois on peut revenir dessus des mois après. C’est pour ça que très souvent à l’arrivée, notre version est très différente de l’originale. 

-Gaël : On a plusieurs méthodes d’ailleurs ; il n’y a pas une méthode de travail prédéfinie. Cela dépend des morceaux, et il y a parfois des morceaux qu’on croirait simples et rapides à arranger et qui ne le sont pas tant, et inversement des morceaux plus complexes avec beaucoup de parties qu’on peut croire compliqués et laborieux à travailler et qui s’avèrent l’être moins. Il n’y a pas de mode opératoire.

-Max : A part double tampon.

– Qu’est-ce ?

-Max : « Double tampon », ça veut dire : c’est acté. Tant qu’on n’a pas dit « double tamponnage », c’est que ce n’est pas sûr, il peut toujours y avoir quelqu’un qui revient à la résidence suivante sur des parties à modifier. On peut passer un après-midi à se demander si on fait « pam » ou « padam ».

– Damien : On voulait être animateurs socioculturels, donc on aime bien se prendre la tête sur les prises de décisions collectives, pour que tout le monde se sente bien dans le groupe. Si une personne se sent lésée à moment donné, on ne peut pas valider.

Max : Des fois on fait même des réunions pour préparer les prochaines réunions!

Comme dans la chanson « La sécurité de l’emploi » des Fatals Picards ?

-Max : Exactement! C’est hyper bien. Mais évidemment, comme nous sommes nombreux, cela peut être énergivore. Sur scène, on oubli tout, on est dans une osmose entre copains. Mais il est vrai que là par exemple, durant la pandémie, on a enregistré un album, en même temps préparé un spectacle avec Gambeat, et continué d’arranger des morceaux, et on se voyait souvent ; donc ça a été des moments de travail où ça brasse. Des fois c’est long, très long. Mais c’est parce que, de par nos études, on a des méthodes de travail effectivement où chacun doit être entendu et avoir la place de s’exprimer.

-Damien : C’est peut-être pour ça qu’on a cette énergie sur scène aussi, et qu’après neuf ans on s’entend toujours bien.

Gaël : Cette bienveillance ne vient pas de rien : si on peut avoir cette énergie et complicité sur scène, c’est grâce à ça.

 

Il y a dans votre musique beaucoup de passages instrumentaux. Est-ce que l’instrumental prime pour vous sur le besoin de porter un message par des textes?

Max : A la base, c’était carrément instrumental ; il n’y avait pas du tout de chant. Le chant s’est greffé petit à petit. Mais il n’y avait pas de volonté d’avoir des paroles engagées ou quoi que ce soit. Ce ne sont pas les textes qui portent le projet Opsa ; c’est vraiment plutôt l’amour du musical et du festif. Quand on met du chant, c’est plutôt pour apporter une autre couleur ; on utilise le chant vraiment comme un autre instrument mélodique. On n’écrit pas nos morceaux en se disant qu’on veut dire ci ou ça. On compose, et ensuite on ajoute ou pas des petites mélodies de chant.

Gaël : Cela dit, c’est le rajout de ces quelques textes, car certains sont légers, d’autres plus sérieux, qui fait que nous portons aussi un message : le message de la fête, de la danse, de la communication.

Vous avez joué plusieurs fois pour soutenir la cause de l’accueil des réfugiés, notamment un concert pour le Collectif des Migrants de Bordeaux (C.M.B) il y a quelques années, auquel je vous ai vus. L’engagement social, sinon politique, est-il aussi une dimension pour vous logiquement et intrinsèquement liée au message d’une musique telle que la votre?

Max : Justement, ça, c’est dans la démarche. On a eu la chance de faire une résidence ici avec Gambeat, qui est l’ancien bassiste de Manu Chao. Et lui nous interpellait sur le fait que notre musique déjà en elle-même porte un message, même indépendamment des prises de paroles qu’il peut y avoir durant le set : est-ce que ce voyage musical très éclectique ne suffit pas déjà à exprimer un engagement? Et ensuite on est quand même politisés individuellement, et donc par nos actions ou les endroits où on va jouer, on est toujours partants pour défendre ces gens.

Gaël : Enfin ça fait partie d’une démarche spontanée de groupe, de répondre à des appels. Mais ce n’est pas quelque chose qu’on met en avant. Je me souviens de ce concert, et c’était vachement bien. Ça nous fait voir aussi autre chose : ce sont quand même des moments particuliers, avec un public particulier. On ne peut pas comparer ça à une scène comme on va faire ce soir. Par contre nous sommes toujours dans l’échange musical et de danse, et sur scène, on se nourrit toujours de l’énergie.

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Par public « particulier », entendez-vous les associatifs et surtout les réfugiés eux-mêmes, parmi lesquels des gens à qui les musiques qui inspirent la votre sont familières ?

Max : Je me souviens d’un autre concert, par loin de la Zone Libre à Cenon, et c’est vrai que c’était exactement le genre de lieu et de public qui correspondent à notre message et notre musique. Il y avait des gens de partout ; c’était l’auberge espagnole où chacun avait cuisiné un petit plat de chez lui ; plein de nationalités différentes se rencontraient, plusieurs générations différentes aussi. Et nous, on avait trop kiffé. On était sous un arbre. C’est là où on arrive à retrouver le contact et le partage.

Sentez-vous également en écho une forme de réceptivité intuitive, comme elle a pu s’exprimer lors de concerts de Buscavida ou du Cri du Peuple devant des publics de réfugiés, qui n’étaient pas forcément locuteurs de la langue des chansons, ni ne connaissaient l’Histoire à laquelle elles se réfèrent, comme la guerre civile espagnole ou la Commune de Paris, mais étaient visiblement réceptifs à ce que la musique ou les élans du chant en eux-mêmes transmettent intuitivement comme message : la nostalgie, la combativité, l’espoir ?

Gaël : La musique est un langage universel! Lorsqu’on joue de la musique, on parle la même langue finalement, oui.

Max : Rien que de par les sourires, les regards, les attitudes. Là on revient de Lituanie par exemple, et des fois on essaye de communiquer un peu avec le public, sans savoir si les gens comprennent, mais par contre on voit bien qu’il se passe quelque chose, même si on ne se comprend pas. Et à la fin les gens viennent te voir, et tu comprends qu’ils ont passé un bon moment.

Gaël : On n’a pas les mêmes codes de culture, en fonction des endroits où on va. Ce n’est pas parce que les Lituaniens sont plus froids ou stoïques qu’ils apprécient moins la musique, et chez eux le geste de danse va prendre beaucoup plus d’ampleur. Ce sont des cultures différentes de la notre, et c’est ça qu’on aime dans le voyage, qu’il soit musical ou géographique et culturel, quand on part en tournée.

L’envie d’enregistrer une trace sur disque s’imposa-t-elle tôt ?

Max : Ce sont les gens qui nous ont poussés à faire ça, car ils venaient à nos concerts, et bien souvent à la fin nous demandaient si on n’aurait pas un CD. On n’avait rien. Et puis nous avions chacun des niveaux musicaux très différents : moi, par exemple, je n’avais jamais fait partie d’une groupe avant, Jérôme venait d’une formation d’orchestre, Josem, Gaël avait une formation musicale, Adrien sortait du conservatoire. Donc  on se disait que passer en studio serait forcément long, énergivore et anxiogène pour nous, et nous couterait de l’argent. L’idée d’enregistrer un live s’est imposée comme une évidence, et c’est notre premier album « Uy Uy Uy ! » qu’on a toujours. Cet album est un peu le souvenir de l’aventure humaine avec les copains.

Gaël : Il marque aussi une époque. En le réécoutant aujourd’hui, c’est sur que nous sommes à mille lieues de ça. Dans l’énergie et la musique, on voit le message qu’on a envie d’apporter. Mais on n’a plus le même regard. Cela dit, on en est contents quand même. On n’a aucune gène ; c’est juste qu’on a évolué dans la musique. Et on aime bien marquer des points de notre évolution, comme avec notre deuxième album « Resaca Bailón » aussi, et notre troisième qui va bientôt sortir « Troisième escale », ou également en sortant régulièrement des clips. Ce n’est pas juste une stratégie de com. C’est aussi pour garder une trace, un souvenir.

Comme une photographie de chaque époque ?

Gaël : Oui, c’est bien imagé.

Öpsa3 Se synchroniser de façon toujours harmonieuse lorsqu’on joue à douze doit réclamer une attention scrupuleuse, afin de ne pas sonner en cacophonie. Votre jeu frappe par l’aisance et la fluidité, autant dans la complicité que vous avez entre vous, que dans l’échange et la communication avec le public. Diriez-vous que c’est d’avoir joué dans les rues devant des publics incertains qui vous a fait acquérir ce savoir-faire ?

Max : Oui. Mais ça nous a un peu mis des bâtons dans les roues quand on a commencé à se sonoriser. Jérôme avait un appartement sur la porte de Bourgogne, à Bordeaux, juste à côté du pont de pierre, et on avait créé un évènement public sous les marches : il avait descendu des barriques, on avait mis des tapis. En plus c’est un quartier vraiment populaire, et ce sont des ambiances qu’on aime bien. Quand on joue dans des rues commerçantes, en général tôt ou tard, on se fait virer par les commerçants, qui se disent dérangés par le bruit. Et on avait donc enregistré une vidéo de notre reprise de « C’est la vie » de Samarabalouf : le moment était super sympa, les gens descendaient du tram et venaient écouter, on s’est retrouvés encerclés de gens. Et la vidéo a eu un tel succès qu’à l’heure actuelle encore, lorsque les gens cherchent Opsa Dehëli sur internet, ils tombent sur cette vidéo. Et souvent, donc, ça nous colle une étiquette de groupe de rue, ce qui fait qu’on a été un peu pris pour une fanfare qui voulait faire de la déambulation, et en plus, question sonorisation de tous les instruments, ça complique tout. Donc on a du dire que ce n’était pas ce qu’on voulait faire. Mais ça nous a servit pour le reste. J’ai le souvenir d’un jour où on avait joué rue Sainte Catherine, et Jéjé était monté sur un camion de la DDE, et on l’a vu partir sur le camion en jouant de la clarinette!  On a pas mal joué dans les rues en Estonie aussi, et c’est plein de supers souvenirs, car l’espace public, c’est là où les gens ne t’attendent pas pour un concert. Et c’est très dommage que jouer dans les espaces publics soit devenu si compliqué en France. Tu vas avoir 90% des gens qui vont adorer passer un tel moment ; nous, cela nous fait plaisir vraiment, mais le problème, c’est qu’il faut des autorisations, s’il y en a un que ça dérange, on peut nous virer, et ça démotive finalement, parce qu’on n’a pas mal de matériel à trainer, et si c’est pour jouer cinq minutes seulement avant de nous faire virer et qu’on nous dise : « allez jouer sur les quais », là où il n’y a personne, comme c’est déjà arrivé, c’est démotivant.

Gaël : Mais ça a été ultra-formateur quand même, pour en revenir à la question du contact avec les gens. Que ce soit dans des quartiers populaires ou d’autres moins populaires, il y avait vraiment un contact direct, comme connaissent tous les arts de rue. Ce qu’on amène sur scène aujourd’hui, avec notre spectacle entier, avec les lumières, et la façon dont on peut se mouvoir, vient d’avoir joué dans les rues, d’y avoir acté des chorégraphies de façon un peu naturelle, et la complicité qu’on a sur scène est aussi issue de ce triangle : nous, le public, la musique. En fonction des scènes, aujourd’hui, on peut être plus ou moins éloignés, mais par contre l’énergie qui s’en dégage se nourrie de nos débuts et du contact direct qu’on a avec les gens. Lorsqu’on avance sur scène en ligne, en en imposant un petit peu, ça vient du fait que lorsqu’on s’approchait des gens en jouant, ça amenait quelque chose de très direct. Aujourd’hui c’est un mouvement sur scène, une complicité, une sorte de chorégraphie, mais qui vient de quelque part. Et ça marche, qu’on soit à dix mètres de distance, ou à vingt centimètres.

Jérôme : Il y a aussi plein d’évènements où on a joué, et les gens n’étaient pas venus voir un concert de musique, mais étaient là pour autre chose, et du coup, il faut aller chercher les gens et les ramener, rien n’est gagné d’avance. Et la rue est une bonne école pour ça. Dans notre spectacle, il y a beaucoup de place laissée à l’improvisation. Il y a quelques  chorégraphies, quelques points de repère, mais plein de choses sont possibles ; on se permet de bouger et de communiquer, d’avoir des interactions.

Gaël : Le travail qu’on a apporté à notre spectacle, au-delà de l’aspect musical, et d’avoir travaillé cette liberté, et plutôt de canaliser notre énergie, en comprenant à quel moment elle a plus de sens, définir des zones.

Jérôme : On a aussi profité des retours de gens ou de techniciens, qui peuvent dire, par une vue d’ensemble, à quel moment par exemple si on fait tous quelque les cons, ça empêche de focaliser sur le ou la musicien(ne) qui joue un solo ; et on y perd, si les « récréations » se font n’importe quand.  

Max : C’est drôle de regarder les réactions du public, les instruments mélodiques étant devant et très libres, aussi depuis qu’on est équipés des micros sans câble pour mieux se mouvoir, parfois je vois le regard des gens qui suit un musicien en particulier, et du coup je regarde moi aussi dans sa direction, puisque je comprends qu’il se passe quelque chose. Et je me tape des barres, parce qu’il se passe toujours des trucs inattendus, comme de petits tableaux qui se déroulent.  On a l’impression d’être dans un bœuf de fin de soirée où tous les copains font les cons. Je me dis que si je n’étais pas dans ce groupe, j’adorerais venir le voir! Je suis un peu une groupie…

Vous avez joué avec Les Hurlements D’Léo, qui sont présents aussi sur ce festival. Que vous apporte ces échanges et rencontres avec d’autres artistes ?

Max : C’est cool. Et ce n’est pas si fréquent, au final, car, comme on est assez nombreux sur scène, il est compliqué de partager le plateau avec d’autres musiciens. Mais il est vrai qu’on se fait souvent des potes sur la route, et ça fait plaisir de se retrouver pour un featuring.

-Jérôme : Et puis c’est toujours un moment de bonheur de pouvoir jouer avec des groupes qu’on a pu écouter quand nous étions jeunes ; c’est gratifiant de pouvoir jouer avec des gars qui n’ont plus rien à prouver, que ce soit Les Hurlements D’Léo, ou d’autres, notamment monsieur François Petit, le guitariste de Samarabalouf, dont on a fait une reprise. On a fait une collaboration avec lui sur le précédent album. C’est toujours un grand bonheur, car nous sommes public avant d’êtres musiciens.

Max : Et puis nous sommes toujours contents de venir ici, car nous savons qu’on va profiter du festival pour voir plein d’artistes aussi.

Dernière question : d’où vient le nom du groupe ?

Max : En gros « Opsa! » est une interjection qui est utilisée dans la musique des Balkans et des pays d’Europe de l’Est, un peu les pays arabes aussi, qui signifie « bamos! », « allez, on y va! ». Lorsque les trois copains ont fondé le groupe, l’un des premiers morceaux qu’ils ont repris, avec la fanfare de Barbey, était un morceau istanbuliote qui finissait par cette injonction. Et « dehëli » est le nom de la filière « développement local et interculturel –dit DLI» dans laquelle ils étudiaient, qu’on a un peu orientalisé et qui est donc devenu « Dehëli ».

Damien : En fait c’est ainsi que devait s’appelait l’association pour le projet, et comme le nom qu’on avait proposé n’a pas été voté, on a décidé que ce serait celui de notre groupe de musique.

Max : La création du nom du groupe était une vengeance!

Miren Funke

Photos : Carolyn C

Liens :   https://www.facebook.com/OpsaDeheli

http://lasaucebalkanique.fr/opsadeheli/?fbclid=IwAR1L0kNbN74xIhuhKwlSJEMF-gtFQX7dLoKRQlCn6HsHlJYOMxZ8jn9TkYw

Leprest en Symphonique La Cigale le 19 Mars 2023

25 Mar

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Ou la chanson en habit de gala … La parabole pourrait être élargie à la vie, on naît dans une province où rien ne se passe, on grandit en banlieue un peu rouge avec de sacrés cocos, et on passe du piano à bretelles au Steinway ou de la guitare au quintette à cordes, voire à un orchestre symphonique. Allain Leprest est passé du voce à mano avec l’accordéon de Galliano ou celui de l’accordéoniste aveugle, au compagnonnage avec un orchestre symphonique. L’exercice pourrait sembler antinomique avec la « chanson de paroles » qui se dépouille des affûtiaux superflus pour aller à l’essentiel, le texte. Mais la chanson, c’est Paroles ET Musique.

On peut imaginer SDF soutenu par une guitare percussion, mais d’Irlande ça doit s’envoler dans une farandole musicale dansante, joyeuse, dans l’esprit de ces irlandais rigolards qui constatent que la réalité est une hallucination provoquée par le manque d’alcool … en corollaire avec l’étranger qui est un ami qu’on ne connaît pas encore ..  Et c’est pour l’amour pas pour la gloire qu’on vient vous voir 1-Romain joconde AAA réduit 3982x3250 3982x3250 3982x3250… Ils sont venus, ils sont tous là, les musiciens de l’Orchestre Régional de Normandie, avec Clarika, Enzo-Enzo, Cyril Mokaïesh, et Romain Didier, l’ami et le compagnon de route musicale de Leprest, le compositeur, le musicien et l’arrangeur qui a fait de ce Leprest en Symphonique une parfaite réussite, en respectant l’esprit des chansons, qu’il connaît intimement depuis quelques décennies. Et en les habillant haute couture, avec grâce et légèreté .

Dans certains cas l’orchestre symphonique dans la chanson, c’est une Rolls, avec ce que ça implique de solennel, un peu gourmé, ici ce serait plutôt une Ferrari, Testa Rossa bien sûr, qui sait bondir et virevolter avec les nuances d’une danseuse de flamenco, sensualité et fille flamme qui joue sur tous les registres. La tendresse d’un pull over pour deux, la flamboyance de Saint Max, Il est déjà trop tard Pour s’appeler Mozart Il est encore trop tôt Pour s’appeler Artaud Le génie, c’est bizarre
Et la désillusion élégante d’une valse pour rien…

Le spectacle vivant étant en évolution créative permanente, ce Leprest en Symphonique 2023 est sensiblement différent de celui de 2018/2019. On retrouve Dylan Corlay à la direction mais avec l’Orchestre Régional de Normandie, le précédent était l’Orchestre National des Pays de la Loire. Il est aussi différent du Leprest Symphonique de 2011 dans lequel Leprest chante

Standing ovation pour Romain Didier et bis repetita pour l’ensemble, c’était bien mérité.

1-Salut red

Et pour quelques images de plus …  ©NGabriel

 

1-Montage Leprest symphonique der 3825x4821

Norbert Gabriel

Festival Musicalarue 2022 : Entretien avec Les Fatals Picards

13 Mar

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Retour sur le festival Musicalarue d’aout dernier : les Fatals Picards, venus partager avec le public de Luxey l’humour incisif, parfois grinçant, souvent décalé, mais toujours pertinent d’une manière ou d’une autre, de leurs chansons, arrivaient avec, dans les bagages, celles de leur dernier album, « Le syndrome de Göteborg ». Certes le groupe de Rock comique nous a plus souvent fait hurler de rire que plombés d’émotions glauques, même si des titres comme « Canal Saint Martin » ou « Tonton », en sévère contraste avec la jovialité, l’énergie et la drôlerie des albums, « Le sens de la gravité » et « Coming out », dont ils sont respectivement issus, prouvent indiscutablement combien la sensibilité du groupe sait se faire sérieuse et grave, mais délicate aussi, pour aborder des thématiques lourdes, et fracassent brutalement les a priori l’appréhendant comme un groupe guignolesque d’humoristes-chansonniers aux accents festifs ou à l’optique militante.

Album après album, le quatuor diversifie, plus qu’il disperse, son jeu, le promenant dans une diversité de genres musicaux, non pas dont il s’inspire, ni qu’il parodie (quoi que parfois), mais qu’il pratique réellement, avec l’art et la manière qui lui sont propres, et le dernier enregistrement ne déroge pas à l’exercice : c’est paradoxalement avec un grand sérieux que les quartes musiciens qui semblent ne se prendre jamais au sérieux eux-mêmes, s’appliquent et s’impliquent, d’une chanson à l’autre, dans la Punk-rock et le Psycho-rock bien sûr (« Les playmobils complotistes », « Le syndrome de Göteborg », « Psycho Bunker »), le Metal (« La prophétie des Vosges »), la chanson variété française des années 60 (« Sous les tilleuls de Barcelone »), la parodie de comptine de Noel (« Le pull moche de Noel »), la balade folk (« Ton portable »), la musique de film X (« La poésie »), et chaque genre musical auquel il touche, en jouant habilement avec ses codes. Plutôt que de sérieux, d’ailleurs, il conviendrait de parler d’intégrité, puisqu’il n’y a là aucune dimension d’austérité, pour qualifier le respect avec lequel les Fatals Picards conçoivent, créent, jouent et partagent leurs compositions. A travers des chansons souvent humoristiques et caricaturant un sujet avec une dérision, plus ou moins fine, selon l’humeur et l’intention, parfois avec une colère saine, mais aussi souvent avec beaucoup de tendresse, c’est un esprit amuseur et amusé qu’on entend, tant dans le contenu des textes et les idées développées, que dans la façon désopilante de les articuler et les formuler, en même temps qu’une passion sincère de la musique, des musiques.

Dans la Chanson, on rencontre des écrivains pour qui une composition simple et efficace suffit à servir de support musical à la poésie d’un texte, des musiciens qui conçoivent des mélodies recherchées aux harmonies sophistiquées pour qui la qualité littéraire et le sens du propos n’ont pas tant d’importance, et parfois des artistes capables d’allier une écriture au propos pertinent et à la plume cocasse et inventive, et un jeu instrumental élaboré, complexe et d’envergure. Les Fatals Picards, sous leurs aux airs d’amuseurs publics, sont de ceux là, décalage et contraste incongrus, parfois insolites, en plus, qui donnent à l’effet comique toute sa puissance, pas uniquement pour divertir, mais plus souvent pour conscientiser et interpeller, en parvenant à éviter de tomber dans le sermonage moraliste facile. L’album évoque irrésistiblement ces épisodes du Flying Circus des Monthy Pythons, qui par leur gout de l’absurde, ramènent paradoxalement, et façon ludique, un peu de raison et de salubrité mentale dans les égarements spirituels et le non-sens politique de notre époque et de nos sociétés. Paul, chanteur, et Laurent, guitariste, acceptaient de nous accorder un entretien à Luxey cet été, lors du festival Musicalarue.

fatsl6 Messieurs, bonjour et merci de nous accorder un entretien pour la revue le Doigt dans l’œil.

– Paul : Mais on dirait une contre-pétrie : « le deuil dans l’oie ». Ça, on ne vous l’avait jamais fait. C’est mon petit comique à moi ; je ne me déplace jamais sans lui.

– Laurent : C’est comme les artistes et autistes, à une lettre près.

– Paul : Pendant le confinement, y en a qui avaient mis « art-triste », parce qu’on ne pouvait pas jouer. C’est mignon, quand même.

– Puisque qu’on parle immédiatement de littérature, votre dernier album, « Le syndrome de Göteborg » traverses plusieurs paysages musicaux, peut-être plus variés, que l’ont fait les précédents albums. L’avez-vous souhaité moins acoustique que les autres?

– Laurent : Tu trouves? Je le trouve plus calme et moins énervé que le précédent. Mais il y a moins d’acoustique effectivement. Cet album est un peu plus saugrenu que les précédents.  En fait quand on écrit avec Paul, pour un album, on a pas mal discuté avant en général, de ce qu’on aime, et l’idée est d’explorer un truc qu’on na pas déjà fait.

– Paul : Dans les thématiques, en tous cas, et dans la manière de les aborder, les blagues. Les chansons de « Pamplemousse Mécanique » étaient très littérales, avec beaucoup de texte. Là comme on arrive à avoir pas mal de scuds, éviter la redite, c’est bien. Et c’est difficile d’éviter la redite sans pour autant changer complètement de délire, parce que les gens t’aiment pour ce genre de choses. Il faut que ce soit un peu sociétal, un peu rock, un peu marrant. Y a un petit cahier des charges à respecter, donc et tu peux sortir un peu du chemin, mais pas trop. Là on s’est permis de sortir du chemin un peu.

– En quel sens?

– Laurent : Il y a des choses pour lesquelles on s’est demandé si les gens auraient tous les codes pour comprendre. On a fait un morceau super codé par exemple, « Sous les tilleuls de Barcelone » : si t’as pas les codes Aragon, Ferrat, Parti Communiste, tu peux passer au dessus. Mais on le savait en le faisant.  

– Paul : Moi, j’aime bien les trucs où tu ne comprends pas tout de suite tout et tu peux y revenir plusieurs fois, et te dire : « Oh les cons ! Ils ont osé ! ».

– A propos de ce titre, « Sous les tilleuls de Barcelone », dont on imagine que Jean Ferrat aurait été horrifié par le texte, avant probablement d’en rire, qu’est-ce qui vous a pris d’élucubrer cette contre-parodie d’une chanson à la Jean Ferrat faisant l’éloge du franquisme?

– Laurent : En fait au début on voulait faire comme des archives avec cet album : avec « La prophétie des Vosges », ça faisait archive de groupe Metal des années 80 ; on devait être aussi le premier groupe de Pologne à avoir réalisé le premier générique de dessin animé dans les années 70, mais on n’a pas gardé cette chanson.

– Paul : Ah, oui, je m’en souviens, avec Piotr le robot.

– Laurent : Et on devait donc être le premier groupe à avoir refait l’Eurovision en 1963, et on s’est dit que ce serait drôle de le faire à la façon Jean Ferrat, mais un Jean Ferrat qui ferait l’apologie du franquisme.

– Paul : On se demandait quand même si à un moment donné il y a vraiment eu quelqu’un qui croyait à cet El Dorado potentiel du franquisme.

– Laurent : C’est une chanson sur l’engagement et le questionnement de savoir ce qu’est un chanteur engagé : de quoi ça dépend, qu’est-ce que ça chante ? Dans les années 30, quand il y avait de l’antisémitisme un peu partout, on faisait des chansons contre les Juifs. Les chansons contre les Noirs dans les états du sud, en Amérique, c’était de la chanson engagée. Ça ne veut pas dire que l’engagement est moralement défendable.

– Paul : Y a pas que la gauche qui a le monopole de la chanson engagée. Y a des groupes de néo-nazis en France, et ce sont des chanteurs engagés, tu ne peux pas aller contre ça. Et même plus que nous. Parce que nous, nous ne sommes pas des artistes engagés. A titre personnel, si, on s’engage sur des trucs et on a une conscience politique. Mais on n’est pas à se montrer sur des barricades ou défendre à fond des associations.

– Laurent : On le fait à titre individuel.

– Paul : Oui, mais pas dans le groupe.

– Laurent : C’est plutôt un modèle finalement anarcho-libertaire, si on devait le rapprocher d’une politique. Il n’y a jamais vraiment eu de chef dans les Fatals. Ça tourne : des fois c’est Paul, des fois, c’est moi, des fois c’est Jean-Marc. Jamais, c’est Yves. Mais ça tourne.

fatsl2– Qu’est-ce qui vous plait dans l’utilisation du Rock comique pour conscientiser et partager des idées?

– Paul : L’humour et la dérision, c’est un peu d’abord notre logiciel de lecture du monde. Même dans la vie, c’est toujours avec beaucoup de deuxième et quatrième degrés qu’on a fonctionné. Nos références humoristiques sont les Monty Python, Eric et Ramzy, des trucs saugrenus.

– Laurent : C’est un accélérateur parfois : avec juste quelques mots ou une phrase, tu peux dire beaucoup de choses sans faire huit tonnes de textes.

– Paul : Après, comme je disais tout à l’heure, quand tu fais un album des Fatals, y a un cahier des charges à respecter. On pourrait faire d’autres choses. Moi, je fais de la Coldwave par exemple. Mais après tout le monde se marre quand je fais ma chanson « Je suis triste », alors que c’est triste. Moi, j’écoute plutôt des trucs tristes d’ailleurs ; les chansons marrantes, je n’en écoute pas, et je n’écoute pas beaucoup de choses en Français d’ailleurs. 

– Laurent : Ça dépend, chez les Cowboys Fringants, y a des trucs marrants aussi. Mais il faut qu’il y ait de la musique aussi. C’est pour ça que plus le temps passe, plus on a essayé dans nos albums de faire de la musique.

– C’est précisément ce qui s’entend, et nous fait prendre conscience, avec l’éclectisme des genres musicaux que vous maniez avec quand même aisance et maitrise, que vous n’êtes pas que des «  pitres », mais aussi des musiciens inventifs et aguerris. Jouer scrupuleusement est-il  un désir venu avec le temps qui n’entraient peut-être pas tant en compte avant?

– Laurent : C’est gentil et je te remercie pour ça, car c’est ce qu’on a toujours eu envie de dire : on est drôle, on a un coté guignol, mais faut que ça tienne la route musicalement.

– Paul : Oui, ça fait quand même vingt piges qu’on bosse et on a plaisir à jouer.

– Laurent : En même temps, les groupes rigolos comme Les Charlots ou les VRP, ça jouait. Sinon ce n’est pas drôle ; c’est pathétique.

– Paul : Si t’es trop dans le délire, mais que tu te fais marrer toi-même, sans être carré sur scène, ça ne marche pas.

– Laurent : A la imite comme GiedRé ou Frédéric Fromet avec un instrument, et ça devient un objet comique, parce qu’il y a une fragilité. Nous, on est quatre sur scène et on envoie du Rock. Donc l’énergie ne doit pas se perdre dans les fausses notes et les erreurs, et les rythmes aléatoires.

– Pour les gens que vous venez de citer, la musique semble plus être, plus qu’un support, un prétexte, pour faire de l’humour ou de la dénonciation. Cela n’est pas votre cas, si ?

– Laurent : Ça l’a été au début. C’était très parodique, les Fatals. Et plus le temps a passé, plus le côté humoristique a cédé de la place à la musique.  «  La prophétie des Vosges » est la seule chanson où on a commencé par la musique, avant de poser un texte dessus, parce qu’on voulait que ça joue vraiment bien le style Metal. C’est une chanson, qui, mine de rien, dit que la différence, c’est quelque chose de bien. Mais ça, c’est venu en seconde main, et presque par accident, quand Paul a ajouté « non binaire » comme qualificatif du nain, et on s’est dit que c’était en phase avec l’actualité.

– Paul : Au départ, la musique arrivait en deuxième préoccupation vraiment, même au niveau des enregistrements et du montage des morceaux. Les morceaux de « Pamplemousse Mécanique »  sont simples de structure ; les instruments utilisés aussi. On a fait ça, pas vite fait, mais tout comme.

– Laurent : Moi, je trouve que c’est un superbe album pour découvrir l’esprit des Fatals, mais nous, quand on l’écoute, on est toujours déçus par l’enregistrement. Je pense qu’on s’est un peu tiré une balle dans le pied avec cet album.

– Paul : Oui, il y a des trucs qui n’étaient pas bien faits, certains qu’on n’aurait pas du foutre dessus, d’autres qu’on aurait du bosser différemment. On joue « La sécurité de l’emploi » autrement aujourd’hui. A partir du « Sens de la gravité », on a épuré les textes. Pour « Pamplemousse Mécanique », c’était écrit avec un gros débit de paroles, comme si on ne supportait pas le silence. On pourrait réécrire « Djembe man » aujourd’hui, en faisant trois couplets avec les cinq initiaux, en ne gardant que les meilleurs bouts.

– Laurent : Il [l’auteur] avait peur du silence qui suppose qu’après, il faut habiller la chanson musicalement. Pour prendre l’exemple du « Chanteur québécois » à l’inverse, on peut se permettre d’avoir un texte drôle, en laissant du temps pour qu’il s’y passe des choses musicalement. Mais je comprends la peur du vide, car dans le comique, le silence est une menace.

– Paul : Oui, mais parfois le silence, c’est le moment où tu te marres le plus. Quand il y a cette espèce de silence de malaise. Moi, j’aime bien les blagues avec un silence vraiment gênant, après quoi tu te marres vraiment de ça.

– Laurent : Même « Djembe man », qui n’est pas la pire au niveau du son, on aurait pu la faire différemment. Mais on aurait peut-être perdu le côté humoristique.

– Paul : Mais elle est inchantable. Le nombre de syllabes ne tient pas. Il y a genre cinq couplets, l’intro, ça n’en finit pas : c’est la purge à chanter! Mais ces chansons, mine de rien, on bientôt vingt ans.

– Personnellement, malgré l’abondance textuelle et le débit de paroles, « Djembe man », ou des chansons comme « La sécurité de l’emploi » ou « Cure toujours » ne me semblent pas du tout soporifique. Puis-je oser une comparaison avec « Le pull moche de Noel » sur votre dernier album, qui dure moins longtemps, mais semble psychologiquement beaucoup plus longue et interminable?

– Laurent : Mais il y a une volonté. C’est-à-dire que ça ne s’arrête jamais, ce sont les mêmes débuts de couplet, les mêmes phrases, parce que c’est sensé être relou, en fait.

– Paul : C’est l’idée. Mais en fait maintenant les chansons, on les écoute de manière différente. Là, on a le disque, l’objet, des enregistrements qui correspondent à une époque, à nos envies de ce moment-là. Mais après c’est vraiment l’album de nous où il y a des trucs qui partent à chaque bout, et c’est vraiment un des rares albums, dont on nous dit qu’on peut adorer et écouter certaines chansons en boucle, et ne pas supporter d’autres. Et y des gens qui disent ça du « Pull moche de Noel ». Et je trouve ça assez cool qu’on puisse se retrouver sur un titre et pas sur un autre ; ça nous correspond bien, parce que nous, on a notre patte, mais on peut aussi faire n’importe quoi à côté, et on s’en fout.

– Laurent : On a cette chance de pouvoir s’en foutre. On se dit que si un truc est cool, on le défend, comme « La poésie ».

– Paul : Et alors les gamins, ils l’adorent celle-là! C’est la préférée des enfants en général.

– Laurent : Il ne faut pas oublier que des fois on rigole sur des choses avec lesquelles maintenant il convient de ne pas rigoler, mais quelque part on utilise des mécanismes très simples. Et c’est dur de ne pas rigoler avec ça, alors que c’est effectivement drôle.  Le principe du rire, c’est que ça fait rire quand quelque chose est hors de la norme. Un cavalier sur un cheval ne fait pas rire. Par contre une petite grosse sur un poney, oui. C’est comme si on voyait arriver un mec en tongs et en slip panthère dans une réunion de banquiers à Dubaï. C’est le décalage qui fait rire.

– Paul : Donc en somme, on est plutôt contents de cet album. Après on a un rapport à la musique sans prétention. On n’est pas la tête dans le guidon. On s’est trop marrés à écrire ces chansons, et personnellement c’est ce qui me restera de ce disque, et j’en suis très content. Quand on a trouvé « Il n’y aura plus de chrysanthèmes sous les tilleuls de Barcelone », on a rit pendant une heure, je crois, on n’en pouvait plus! Pareil pour le « Chanteur québécois ». On adore ce morceau, et le texte est pourtant sorti en vingt minutes.

– Écrivez-vous toujours tous les deux?

– Paul : C’est surtout nous deux, mais Jean-Marc écrit aussi, et parfois chacun de nous ramène une idée. La chanson « Le chanteur québécois » est basée sur une idée de départ que tout passe mieux avec l’accent québécois. Y compris si on t’annonce un cancer, et que tu vas mourir dans deux jours. Mais comme c’était lourd, on est partis sur des idées plus légères : celle d’une rupture amoureuse. Des fois on écrit ensemble, ma femme est dans la cuisine et elle nous crie soit que c’est nul, soit qu’on devrait remplacer tel mot par tel autre, ce à quoi on lui répond que le jour où les femmes auront leur mot à dire dans la musique, elle reviendra, mais en attendant elle a la bouffe à faire et les gosses à aller chercher… Je rigole. Elle adore écouter de loin quand on écrit ensemble.

fatsl3– Vous avez parodié, pour ainsi le dire, dans nombreuses chansons, d’autres artistes, dont on reconnait des manières, des caricatures, parfois des travers, les avez tournés en dérision, ou leur avez fait référence en repiquant un extrait musical, comme Blankass, Zebda, Bernard Lavilliers, entre autres, mais jamais avec méchanceté ni mépris dans la moquerie, plutôt même parfois pas mal de tendresse, même une forme d’hommage. Avez-vous eu des retours de certains d’entre eux?

– Paul : Après, les Zebda et les autres ne sont pas les groupes qu’on a le plus envie de vanner.

– Laurent : Je pense à un morceau qui s’appelait « La France du petit Nicolas », où il s’agissait là d’utiliser sciemment des trucs à la Zebda, pour créer un peu une filiation avec des albums comme « Essence ordinaire », dans le but de dénoncer le discours sur l’immigration. Notre chanson « Noir(s) » commence par une reprise de Brassens par exemple : « Elle est à toi cette chanson, toi le keupon qui sans façon ». C’est une façon de dire que l’Auvergnat qui accueille les gens, ça devient le keupon, et ça fait sens.

– Paul : Sinon, y a Julie Zenatti qu’on défonçait bien, et puis qu’on a rencontrée un jour et ça l’avait bien fait. Bernard Lavilliers est venu tourner dans notre clip. Après on n’a pas plus de retour ; on n’a jamais joué avec les autres artistes.

– Laurent : Après coup, c’est une lecture honorifique, quand on reprend les Bérus ou la Mano Negra. On ne rend pas la chose drôle ou risible. C’est plus lui donner un rôle de référence. De toute façon, en général, on ne se moque pas des gens qu’on n’aime pas, parce qu’on ne fait pas de chanson sur eux.

– Paul : Voilà : on n’a pas de chanson sur Zemmour, ni sur Lepen. Il n’y a que du chambrage. On ne parle pas des gens pour qui on a vraiment de la haine. Il y a eu la chanson sur Poutine, « Fils de P… », bien sûr, mais à cette époque, quand on a écrit la chanson, Poutine, on en rigolait et ne le prenait pas au sérieux ; il n’avait pas encore fait ce qu’il a fait depuis, même s’il avait déjà fait de la merde. Du coup on peut craindre de l’avoir rendu trop  sympathique dans cette chanson.

– Laurent : En même temps, on est « contents » avec beaucoup de guillemets, parce qu’on a écrit cette chanson à une époque, et sept-huit ans après, on s’aperçoit que ce qu’on y avait dit est devenu vrai. Alors, on n’a rien inventé ; on n’a pas prédit l’avenir. Mais on est quand même arrivé à écrire des choses qui n’étaient pas dans le faux.

– Paul : Voilà : on y était. Comme avec « Le jour de la mort de Johnny » : tout ce qu’on raconte dans la chanson s’est exactement, à peu de choses près, passé comme ça, avec les drapeaux américains, toutes ses femmes, tous ses sosies. Y avait pas husky par contre. Mais je suis sûr que dans le public, il devait bien y avoir un mec avec un t-shirt avec un husky dessus. 

– En revanche, pour ce qui est de dénoncer, non pas des personnes, mais des phénomènes sociaux, des troubles du comportement humain ou des dérives politiques, votre humour sait se faire féroce.  Sur le dernier album, deux titres notamment, « Les playmobils complotistes » et « Psycho Bunker » n’épargnent pas le sujet. Ces chansons ont-elles aussi peut-être pour fonction de tirer une alarme?

– Paul : Quand je dis qu’on n’écrit pas sur des gens qu’on n’aime pas, je parle de personnalités en particulier. Pour ce qui est des concepts, c’est différent. Bien sûr qu’on ne peut pas blairer les complotistes, même si ça a un coté attendrissant, parce que ces gens sont quand même un peu « gogol ». Quand tu entends des gens qui soutiennent que la terre est plate, qu’il y a des puces 5G dans le vaccin, tu te dis qu’il faut quand même être sérieusement débile. Au départ tu te marres, parce que les gens sont cons. Après ça t’énerve, parce qu’ils te prennent la tête, et à la troisième phase, ça te rend un peu triste, parce que tu te rends compte que ces gens ne comprendront pas. Ça, c’est une découverte phénoménale, le complotisme. On savait déjà que ça existait avant, mais là, ils ont eu tout le loisir de s’exprimer, vu que personne ne bossait, tout le monde était sur les réseaux et s’en donnait à cœur joie. A un moment donné, même les gens normaux dans la famille se mettaient à avoir des discours bizarres.

– Laurent : Ce qui est marrant avec cette chanson, c’est qu’on a transformé les complotistes en jouets, donc en trucs complètement manipulables.

– Paul : Moi, ça ne me fait pas trop rire.

Laurent : Enfin « marrant »… Les gamins aiment bien cette chanson, à cause des playmobils. Mais c’est triste. Alors que de véritables complots, il y en a eu. Et des fois les gens s’accrochent à des théories comme ça, alors que des scandales dégueulasses à ciel ouvert, il y en a plein. On peut parler de la coupe du monde au Qatar, de la vente d’armes, de l’Ukraine : il n’y a pas besoin de complot. Mais les gens sont parfois d’une grande cécité par rapport à certaines choses contre lesquelles il faudrait se battre, et vont se focaliser sur d’autres choses sans importance.

– A propos de la coupe de foot au Qatar, le sujet rejoint la thématique de l’apolitisme du sport ou des sportifs, mais qui sous couvert de ne pas faire de politique, cautionnent des régimes assassins, que vous aviez déjà abordée avec « Chinese democracy » au moment des jeux olympiques à Pékin. Comment percevez-vous cette absence de moralité du monde sportif?

– Laurent : On n’a jamais aimé la collusion du sport, du pognon et de l’absence de démocratie. Pour le Qatar, j’ai envie de dire « honte à ceux qui organisent, honte à ceux qui regarderont ».

– Paul : Moi, j’ai toujours regardé les coupes du monde, parce que je n’aime pas le sport, mais j’ai toujours regardé l’équipe de France, et je m’achète l’album Panini avec tous les autocollants, et je regarde tous les matchs, même Azerbaïdjan/ Turquie. Mais cette année, je m’y refuse. Et ça me saoule, parce que j’adore mater les matchs, remplir qui a gagné sur l’affiche, des trucs d’enfant, quoi. Mais cette année, je refuse catégoriquement ; c’est au dessus de mes forces. Je trouve dégueulasse de faire ça pour les gens qui aiment le foot aussi.

– Laurent : Mais tout est dégueulasse : le modèle humanitaire, le modèle politique, le modèle sportif. Tout est affreux. Il n’y a rien qui ne sauve de rien. Allez jouer sur des cadavres…

– Paul : Il parait qu’il y en a qui sont encore vivants, sous les fondations. Si tu poses ton oreille sur le grand pilonne au virage sud, tu peux encore entendre crier.

– Laurent : Le pire dans cette histoire, c’est que moi, si j’étais spectateur, j’aurais vraiment l’impression de m’assoir sur un cimetière à ciel ouvert. C’est quoi ? Cinq ou six mille personnes qui sont mortes là bas.

– Paul : Et encore : cinq mille recensées ; donc c’est que c’est probablement plus proche des cinquante mille. On va chercher les travailleurs chez eux, on leur pique leur passeport qu’on leur rendra avec leur salaire, et puis comme ça, s’ils disparaissent, aucune trace. Je ne sais pas si tu as déjà été au Népal ou au Laos, mais quand un gars quitte le village et ne revient pas, c’est impossible de savoir ce qu’il est advenu de lui. On peut dégommer des milliers de gens sans que ça se voie. Et pour un match de foot ? Et même pas pour un match de foot, parce qu’en fait il n’y a plus de sport. C’est juste une histoire de fric.

– Laurent : Pour remercier ces gens là : je quitterais cette planète moins déçu que quand j’avais vingt ans et je craignais que la terre devienne un paradis après moi. Après plus le temps passe, plus on vieillit, plus on est au courant de certaines réalités qu’on ne savait pas à vingt ans, et donc plus lucides. Peut-être qu’à vingt ans, le Qatar nous serait passé au dessus de la tête.

– Paul : Je ne crois pas trop. A vingt ans j’étais déjà conscientisé à ces choses. Mais si tu veux pouvoir tout boycotter, faut vivre en autarcie totale. Moi je viens de la Creuse, et y a que là, où c’est pas trop difficile.

– Laurent : Là, tu en est à la 876ème page du blog, non? Enfin, on essaye de parler de sujet, dont personne d’autre ne parle et d’en parler de manière biaisée, comme le Qatar, la vente d’armes.

– Paul : Bien sur, on ne doit pas être les seuls à écrire là-dessus, mais ce n’est pas le genre de sujets qu’on entend abordés dans les chansons qui passent en radio. Ou alors de manière tellement pathos, comme Gauvin.

– Laurent : Ne dis pas de mal de Gauvin !

– Paul : Non, mais c’est gentil ; c’est un peu du Tryo, ça va dans le sens du poil. « Vous vous rendez compte combien c’est triste, hein, c’est vrai que c’est triste ». Nous, on préfère biaiser les sujets, le dire dans la dérision provocatrice. Cela ne signifie pas que ce soit mieux, mais c’est notre manière. On a des chansons pathos aussi.

– Vous sentiriez-vous, d’une certaine manière, en proximité avec un artiste comme Yves Jamait, qui aborde les sujets de sociétés, peut-être de façon moins caustique que vous, mais parfois sous l’angle de la dérision ou par un biais narratif intime?

– Laurent : J’adore Yves! On l’a rencontré plusieurs fois et c’est un mec très sympa, et j’aime beaucoup ses albums. Il n’y a pas beaucoup de gens originaux dans la Chanson française, et je trouve qu’Yves a vraiment sa patte. En plus il est adorable. J’aime beaucoup sa voix, et on sent qu’il y a de l’intelligence dans ses chansons.

– Paul : Il y a de l’intelligence, et il y a aussi beaucoup d’empathie et de respect. Je ne voudrais pas avoir eu l’air de critiquer Gauvain, qui est un garçon gentil et adorable, avec beaucoup d’empathie aussi ; ce n’est pas comme moi, juste un gars qui vient pour faire des chansons avec ses potes et prendre un peu de tunes.

fatals4– Tu mentionnais des chansons pathos dans votre répertoire. Pour le coup, je voudrai revenir sur une qui n’est pas du tout drôle, « Tonton », qui aborde le sujet de la pédophilie dans les familles, et frappe d’autant plus violemment l’esprit que l’avoir positionnée en fin d’un album où se multiplient les titres hilarants et légers lui donne un côté glaçant même, en contraste brutal. Je me souviens avoir été pétrifiée soudainement à son écoute, comme une redescente sévère dans une réalité sordide, après euphorie. D’un coup, on est saisit par l’évidence que les Fatals Picards ne sont pas que des « rigolos », mais des artistes capables de se pencher avec sensibilité et gravité sur un sujet lourd. Avez-vous eu des retours d’auditeurs sur cette chanson?

– Paul : Alors, je n’y suis pour rien. C’est Billy qui l’a écrite, par rapport à une histoire concrète.

– Laurent : C’était après avoir discuté avec deux personnes victimes d’actes pédophiles dans leur famille. Après « Pamplemousse mécanique », il y a eu « Le sens de la gravité » avec « Canal St Martin », et à partir de là, ils m’ont autorisé, et on s’est autorisé, une chanson glauque par album. Tu sais quand tu écris, tu prends un sujet et tu ne te dis pas par avance que tu vas le traiter avec humour, ou avec ci ou ça. Le coup de la pédophilie, naturellement, je ne me voyais pas aborder ce sujet avec humour.

– Paul : Ceci dit, la chanson est hors contexte pour un concert des Fatals. Sur un album, tu peux comprendre que les gars aient voulu traiter ça. Mais sur un show d’une heure et quart, avant Tagada Jones, ce n’est pas le contexte.

– Laurent : C’était en plus la première est seule fois qu’on a bossé avec un quatuor à cordes sur un album, alors ça rajoutait du pathos. Mais quand tu as une idée en chanson, j’aime l’idée d’aller jusqu’au bout. Et j’aime bien l’idée qu’on ne soit pas d’accord : ce qui est bien dans les Fatals, c’est que c’est une vraie démocratie. On peut avoir des points de désaccord, et continuer à en avoir quand ça pose vraiment problème, aimer certaines chansons que les autres n’aiment pas, et vice versa.

– Paul : Parfois il y a des chansons tristes, mais avec des phrases gaies. Mais « Tonton », elle est dégueulasse. Elle est très dure à chanter, de A à Z. Mais bon, elle existe.

– Laurent : Elle a le mérite d’exister. Et on a réçu des courriers, comme pour notre chanson « Gros con » sur les femmes battues, de gens qui en étaient contents, en tous cas, que ça a touché qu’on aborde ces thèmes.

– Paul : C’est vrai que pour « Gros con », on a eu énormément de retours de femmes qui ont subi des violences, ont été brutalisées. Bien sûr on ne peut pas établir de degrés dans l’horreur, viol ou coups. Mais sans rentrer dans les détails, c’était des retours de femmes, qui soit ont vécu elle-même ces situations, soit ont été proches d’une autre femme qui les a vécues, et nous remerciaient de consacrer un titre à cela. Car des chansons sur les violences conjugales, il n’y en a pas tant.

– On parlait d’Yves Jamait à l’instant. Sa chanson « Je passais par hasard » a eu énormément de retours du genre.

– Paul : Elle est très bien, cette chanson. Nous, nous avons choisis de traiter le sujet avec humour ; c’est même cynique. Pas le rappeur, hein.

fatals– Comment percevez-vous l’accueil du public au disque?

– Paul : C’est difficile à dire, car plus personne ne vend des disques. On ne peut donc pas faire de comparaison avec les ventes des albums précédents, pour « quantifier » la popularité d’un album. Ma femme, qui assure le merchandising a quand même tendance à dire que ce disque se vend plutôt bien. « Les playmobils complotistes » fonctionne très bien ; elle plait autant sur disque que sur scène. Elle est lente, intelligible.

– Laurent : On a les plateformes numériques quand même pour voir quel morceau plait. Et quand on a nos relevés de Sacem, on sait à peu près ce qui s’est vendu.

– Paul : Linda, pardon de reparler encore de ma femme, mais elle regarde Spotify assez régulièrement et peut chiffrer combien d’auditeurs nous écoutent par mois. Et visiblement on a tendance plutôt à en gagner de plus en plus. Nos concerts sont pleins, alors que la période n’est pas évidente. Et c’est ce qui compte.

– Laurent : Il est vrai que pour nous, faire des albums est un prétexte pour pouvoir tourner et rencontrer le public avec nos chansons. L’album n’est pas une fin en soi.

– Paul : Tu fais des chansons qui te font marrer, donc tu as envie de les partager avec les gens.

– Laurent : Tout ça pour dire que nous choisissons des chansons, d’abord avec le critère de pouvoir les partager avec les gens sur scène et que ça marche.

– Paul : Oui, enfin des fois, il arrive qu’une chanson dont on pense qu’elle va fonctionner lasse le public, et qu’inversement, une chanson dont on craignait qu’elle fasse un bide, fonctionne super bien auprès des gens, et qu’il se passe quelque chose.

– Je n’ai plus de questions…

– Paul et Laurent de concerts : En tous cas, t’as eu des réponses!!!

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Miren Funke

Photos : Carolyn C

Site du groupe : https://www.fatalspicards.com/

Chat-necdotes…

26 Fév

1-Couv_finale_chatnecdotes_FINAL-523x99999La probabilité de n’avoir aucune personne dans son entourage qui n’aimerait les chats étant quasi nulle, voici une suggestion de cadeau qui ne peut vous laisser indifférent. Et qui peut à l’occasion vous instruire pour briller dans les dîners en ville… L’homme en général est le meilleur ami des chats qui le lui rend bien, en l’acceptant chez lui, moyennant quelques servitudes bien normales quand on a le privilège de côtoyer une divinité domestique, c’est pas Cléopâtre qui dirait le contraire avec BastetStatue-de-Bastet-deesse-egyptienne-Mini-Sculpture-de la déesse de la protection, du plaisir et de la santé. Avec la tête d’un chat et un corps féminin élancé. Bastet la fille de Ra, Bastet, protectrice de l’humanité, déesse de la tendresse et de l’amour, était représentée avec une tête de chat surplombant un corps de femme. Autant dire la perfection …

L’auteur a rassemblé une multitude d’anecdotes enrichies d’explications scientifiques avec le concours d’un vétérinaire, pour mieux comprendre le fonctionnement de nos félins de bonne compagnie. Le livre explore aussi le chat dans l’histoire et les arts…

Sham litNos amis américains ont une tradition bien établie de chats de bibliothèque qui ont pour vocation de limiter la présence des souris, comme leurs ancêtres veillaient sur les greniers à grains, et ces chats de bibliothèque sont quasiment subventionnés par les citoyens …

D’utilité publique en quelque sorte .. 

 

Ne procatstinez* plus une minute, Chat-necdotes vous attend chez votre libraire, celui qui a un chat dans sa boutique, que vous saluerez en passant …

* Version féline de procrastiner

Norbert Gabriel

Jean Guidoni à l’Européen 2023

24 Jan

1-Montage réduit Guido 2023 européen 3833x3631 3833x3631Jean Guidoni est un drôle de type, souvent associé à un univers noir, mais c’est aussi un type drôle, quand il évoque le Cecil Hotel* connu pour être particulièrement sulfureux – genre château de Barbe Bleue avec ses anges noirs – il nous fait un sketch sur sa biographie de baroudeur aventurier ayant connu Che Guevarra enfant et accompagné toutes les révolutions depuis 1917, ce qui donne l’impression très nette qu’il a été copié par un stépha… non rien ! Jean Guidoni est un voltigeur des sentiments exacerbés, pas de bluettes à l’eau de rose mais des chroniques à l’eau de vie, au jus d’alambic de contrebande qui décape sévère, mais dans ce maelström vertigineux, il évolue avec une grâce de funambule, sans filet, et on en ressort ébloui. C’est tout le paradoxe Guidoni, en d’autres temps un poète a écrit:

Les chants désespérés sont les chants le plus beaux
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.

On retrouve en lui ce Prévert caustique, à l’ironie acidulée, et, envers et contre tout, vivant, obstinément vivant. Alors il chante, son hymne à la vie …

1-Allons chante réduit Guidoni 3357x3102

https://www.youtube.com/watch?v=LpPPMghBvk8&t=3s

Pour en savoir plus je vous renvoie à cette excellente interview, tout y est
https://lagrandeparade.com/l-entree-des-artistes/lyrique/5145-%C2%AB-avec-des-si%20%C2%BB-de-jean-guidoni%20-douze-chansons-d%E2%80%99%C3%A9l%C3%A9gance-et-de-raffinement.html

*Le Cecil Hotel Los Angeles, c’est là .. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cecil_Hotel_(Los_Angeles)

Le site de Jean Guidoni, c’est là —>  http://www.jeanguidoni.com/

Norbert Gabriel

Dans ce spectacle Jean Guidoni est accompagné par Isabelle Vuarnesson et Julien Lallier.

Et pour quelques photos de plus ,

1-Guido Montage 2 NB NB 2023 5120x3643 5120x3643-001

Photos ©NGabriel2023

L’ignorance comme exemple dans un Côté Club calamiteux…

5 Jan

C’était le 3 Janvier …  France Inter …

1-R Didier les ogres 5086x2013-001

Romain Didier et les Ogres de Barback, représentés pas Fred Burguière, plusieurs décennies de carrières d’une diversité et une richesse rares, ont été reçus par deux animateurs dont on a vite perçu qu’ils ne connaissaient de leur sujet qu’une fiche sommaire, bien moins complète que ce qui est écrit sur la page de l’ émission et qu’ils semblent avoir lue d’un œil à demi fermé. On commence avec, je cite « Les Orgues de Barback » plusieurs fois de suite, Ogres de Barback qui ne semblent exister à leurs yeux que par Pitt Ocha … En intro, Laurent Goumarre rappelle que Côté Club est le RDV de la scène française… Il faudrait lui faire un topo sur les nombreuses tournées de ce groupe qui fait du spectacle vivant depuis 28 ans en ayant équipé un chapiteau pour se produire en toute autonomie dans des villes n’ayant pas de salle adaptée… Cerise pourrie sur le gâteau raté, la question finale de « l’experte es chanson » Est-ce que vous vivez de votre musique ?  Bin non madame, c’est pour ça que toute la famille s’est installée dans un château en Ardèche, (la famille, c’est au minimum les 5 frères et sœurs et leurs enfants) où ils produisent leurs albums avec leur label Irfan le Label et à ce jour c’est 22 albums et DVD… Peut-être pensez-vous qu’ils envoient les enfants glaner les châtaignes pour survivre ?

De même qu’elle va découvrir un de ces jours qu’ils ont fait des scènes avec Francesca Solleville, Anne Sylvestre, et que Pierre Perret a aussi fait quelques jolies choses avec eux…

N’épiloguons pas trop sur la façon dont Romain Didier a été traité, mais vu de ce côté de la TSF, c’était à peu de choses près les questions d’une classe de CM2 qui fait un devoir imposé et qui se contente du minimum syndical. 

romain-didier-integrale-Le 4 Décembre dernier Romain Didier était au Café de la Danse, il semble que ça ait échappé à France Inter … C’était pour la sortie d’un coffret regroupant tous ses enregistrements , (https://www.epmmusique.fr/fr/cd-chanson-francaise/3116-romain-didier-integrale-.html) chez EPM, COFFRET 16 CD – 364 TITRES / LUXUEUX LIVRET 64 PAGES AVEC LES TEXTES DES CHANSONS.

La simple visite de politesse sur les pages des invités aurait pu faire une émission digne d’une radio qui a eu José Artur à ces heures de nuit, et Foulquier, Poulanges, Meyer, LeVaillant des vrais pros d’un autre temps ..

Et pour les Ogres de Barback, 20 ans de tournées avec ce chapiteau, des spécialistes de la scène française auraient dû en entendre parler ?

Pour la 1ère fois, à partir du printemps 2023, les Ogres emmènent Pitt Ocha en tournée, sous leur propre chapiteau, pour célébrer ses 20 ans ! Toutes les infos et les dates sur https://www.lesogres.com Retrouvez le nouveau Pitt Ocha, « Pitt Ocha et le Vélo à Propulsion Phonique », sur les plateformes : https://bfan.link/pitt-ocha-et-le-vel... Sortie le 21 octobre 2022 – Irfan [le label] Avec : Aldebert, Juliette, la famille Lacaille [Oriane, René et Marco], CharlÉlie Couture, Francis Cabrel, Eskelina, Maria Mazzotta, R.Wan, Ariane Ascaride, Thomas VDB, Orquesta Silbando, Ma Petite, Les ogrillons…

Leur site  :  https://lesogres.com/

et pour Romain Didier,

https://romain-didier.fr/

Norbert Gabriel

Carnaval sauvage, de Nicolas Jules …

29 Déc

carnaval sauvage CCDCarnaval : « temps de réjouissances profanes depuis l’Épiphanie jusqu’au mercredi des Cendres. »
Sauvage : « qui vit en liberté ».
Un beau bordel, au carré donc.
Enfin, en moins géométrique.

Bref : le nouvel album de Nicolas Jules.

Renversant, bouleversant, authentiquement carnavalesque. Dès la première chanson, on saisit : le défilé grotesque, les créatures grimaçantes, la mécanique macabre ne sont pas des artifices rituels mais le monde au quotidien. Pas très beau à voir alors on y met du fard : on habille en désirables les chaînes, les poids, les barreaux, les frontières, les interdits. Et on s’extasie devant le reflet des choses alors qu’on n’a simplement plus la force de les regarder en face (Les étoiles dans le lac).

Nicolas Jules shoote dans les certitudes, pour ne surtout pas en proposer de nouvelles. Qui l’aime le suive, en haut du précipice, au bord du gouffre sans garde-fou… périlleux certes, mais au moins on respire. On est à l’air libre. «Je n’ai pas de murs» chante-t-il dans Bicyclette.

No limit : l’une se retrouve « en deux morceaux/ [quand] elle attend quelqu’un qui ne vient pas ». L’autre est un écosystème entier, avec sa faune et sa flore et plus encore. On entre dans la tête de quelqu’un sans frapper pour ne plus en sortir, ou dans son corps, à moins que ce ne soit ce dernier qui nous absorbe.  (Ornithologie).

No limit : on passe du pied du pageot à l’exoplanète en passant par «les Indes mentales», à la vitesse d’une fusée, d’un coup de foudre ou d’une bicyclette, qu’importe : le Temps, l’Espace sont si surfaits.

No limit : on tend l’oreille vers un rythme sourd ; un violon torride s’amuse à nous enlacer et nous dénouer tout à la fois. Ce se parle, ça s’écoute, ça se répond, ça se mélange, ça se retrouve…

No limit, jusque sur la pochette où les tigres du Bengale oscillent entre le chaton et le masque sorcier. Où le dessin a des faux airs d’expérience photographique, quand le noir et la lumière se disputent des contours pour un résultat vaguement flou et perçant.

« Y a des gars qui bossent à bien aligner les tulipes/ moi je bosse au désordre/ nous formons une belle équipe ». (Jardin secret/ Jardin public).

Bien évidemment, ceci n’est pas une conclusion.

Mélanie Plumail

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