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Yves Jamait à La Cigale le 15 Avril 2023

16 Avr

 

J’essaie de trouver les notes qui s’aiment , a dit Mozart… Il y est assez bien arrivé. Yves Jamait essaie de trouver les artistes qui s’aiment, autant dans ses spectacles que dans ses Bars à Jamait… Et il y arrive assez bien..
Dans ces deux soirées à La Cigale, salles très bien remplies, samedi, c’était quasi complet, le public a confirmé  Rien, rien ne m’a jamais rendu aussi heureux que les chants les chants des hommes. *
Le chant désespérément humain des frangins de vie et de bourlingue, de verres en vers, avec Dimey, Si tu me payes une verre, je n’te demand’rai pas où tu vas, d’où tu viens, si tu sors de cabane , nous referons le monde, oscillants mais debout, ou Leprest, quand j’ai vu, je bois double… Ils inventent des musiques métissées de toutes les douleurs, des chants de cœur battant, de cicatrices ouvertes, et dans cette farandole barzinguée c’est la vie qui danse et renaît chaque matin. Et La Cigale a chanté et dansé avec la bande à Jamait… Avec un décor et des lumières d’une qualité rares. Merci à Didier Grebot et sa formidable équipe.

En 3 ou 4 chansons portrait d’artiste, avec un large extrait du Bar à Jamait à Saulieu, avec ces amis qui s’aiment pas seulement sous les sunlights ..

L’autre

 

J’en veux encore

 

Bar à Saulieu

 

Et c’est dans ce Bar à Saulieu, qu’il y a eu ces beaux échanges de regards … Merci Yves Jamait … (Photos ©NGabriel)

*Nazim Hikmet  (Le chant des hommes)

Yves Jamait a été souvent présent dans le Blog collectif Le Doigt dans l’Oeil, ici avec Miren Funke pour un entretien très complet

Tournée « Parenthèse 2 » d’Yves Jamait : trois magiciens sur scène et entretien avec le chanteur

Norbert Gabriel

Jacques Yvart French troubadour…

3 Avr

yvartJacques Yvart est un des derniers authentiques troubadours citoyens du monde, auteur compositeur interprète, il a mis en musique Norge, Devynck, Dimey, Giono, Bergman, Aragon, Brassens, Rostand, Moalic, JP Hébert,… et ses compositions musicales voyagent dans toutes les musiques, ainsi Jean Giono associé à Keith Jarrett .. La sélection ci-dessous témoigne de cette richesse.. (Extraits du coffret 3 CD et 61 chansons… )

Yvart aime à dire que tous les poètes dont il a mis les textes en musique étaient « ses voisins de palier ». Parmi les rencontres déterminantes il y a bien sûr Georges Brassens, son parrain de Sacem qui l’invita deux fois à passer quatre semaines en première partie de récital à Bobino et enregistra « Jehan l’advenu » poème de Norge qu’Yvart avait mis en musique et sur disque en 1970. Avoir une de ses chansons interprétée par le maître sétois a été plus qu’une reconnaissance, « son bâton de maréchal » comme il l’assure.

Je ne peux pas oublier (Giono/ Jarrett)

https://www.youtube.com/watch?v=tOxy0kR56vk

Passager https://www.youtube.com/watch?v=4rhmQ6iZzuk

Blues du lombric https://www.youtube.com/watch?v=DDU3-zgecS8

Alabama blues https://www.youtube.com/watch?v=eAsRrOAJt48

Jamais plus « sax jazz » https://www.youtube.com/watch?v=76JEyEezRrg

Zone d’ombre https://www.youtube.com/watch?v=rIyQKaKzjwA

Un soir avec Dimey https://www.youtube.com/watch?v=vjYKBLeK1nQ

Paix aux baleines slam https://www.youtube.com/watch?v=UIzOZSerhPI

Blues https://youtu.be/Qv3f2fHXAsk?t=511

Pour en savoir plus sur le contenu vous verrez ici la richesse et la diversité des chansons qu’il a mises en musique pour la plupart. (61 titres originaux enregistrés entre 1975 et 2022 )

https://www.epmmusique.fr/fr/cd-chanson-francaise/3219-jacques-yvart-french-troubadour-.html

Eh l’amour pour l’amour
J’ai rêvé d’un pays sans pays je veux dire sans frontières
J’ai rêvé d’un printemps sans printemps pour arrêter le temps
et l’amour pour l’ amour je veux dire… pour l’amour…¨

on campus

Ce  voyageur est le seul français ayant tenu une chaire de chanson française dans une université américaine, où a été enregistré « Yvart on  campus » un double album en 1977 (Enregistré à University Of North Dakota, Grand Forks)

Norbert Gabriel

Jean Guidoni à l’Européen 2023

24 Jan

1-Montage réduit Guido 2023 européen 3833x3631 3833x3631Jean Guidoni est un drôle de type, souvent associé à un univers noir, mais c’est aussi un type drôle, quand il évoque le Cecil Hotel* connu pour être particulièrement sulfureux – genre château de Barbe Bleue avec ses anges noirs – il nous fait un sketch sur sa biographie de baroudeur aventurier ayant connu Che Guevarra enfant et accompagné toutes les révolutions depuis 1917, ce qui donne l’impression très nette qu’il a été copié par un stépha… non rien ! Jean Guidoni est un voltigeur des sentiments exacerbés, pas de bluettes à l’eau de rose mais des chroniques à l’eau de vie, au jus d’alambic de contrebande qui décape sévère, mais dans ce maelström vertigineux, il évolue avec une grâce de funambule, sans filet, et on en ressort ébloui. C’est tout le paradoxe Guidoni, en d’autres temps un poète a écrit:

Les chants désespérés sont les chants le plus beaux
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.

On retrouve en lui ce Prévert caustique, à l’ironie acidulée, et, envers et contre tout, vivant, obstinément vivant. Alors il chante, son hymne à la vie …

1-Allons chante réduit Guidoni 3357x3102

https://www.youtube.com/watch?v=LpPPMghBvk8&t=3s

Pour en savoir plus je vous renvoie à cette excellente interview, tout y est
https://lagrandeparade.com/l-entree-des-artistes/lyrique/5145-%C2%AB-avec-des-si%20%C2%BB-de-jean-guidoni%20-douze-chansons-d%E2%80%99%C3%A9l%C3%A9gance-et-de-raffinement.html

*Le Cecil Hotel Los Angeles, c’est là .. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cecil_Hotel_(Los_Angeles)

Le site de Jean Guidoni, c’est là —>  http://www.jeanguidoni.com/

Norbert Gabriel

Dans ce spectacle Jean Guidoni est accompagné par Isabelle Vuarnesson et Julien Lallier.

Et pour quelques photos de plus ,

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Photos ©NGabriel2023

Carnaval sauvage, de Nicolas Jules …

29 Déc

carnaval sauvage CCDCarnaval : « temps de réjouissances profanes depuis l’Épiphanie jusqu’au mercredi des Cendres. »
Sauvage : « qui vit en liberté ».
Un beau bordel, au carré donc.
Enfin, en moins géométrique.

Bref : le nouvel album de Nicolas Jules.

Renversant, bouleversant, authentiquement carnavalesque. Dès la première chanson, on saisit : le défilé grotesque, les créatures grimaçantes, la mécanique macabre ne sont pas des artifices rituels mais le monde au quotidien. Pas très beau à voir alors on y met du fard : on habille en désirables les chaînes, les poids, les barreaux, les frontières, les interdits. Et on s’extasie devant le reflet des choses alors qu’on n’a simplement plus la force de les regarder en face (Les étoiles dans le lac).

Nicolas Jules shoote dans les certitudes, pour ne surtout pas en proposer de nouvelles. Qui l’aime le suive, en haut du précipice, au bord du gouffre sans garde-fou… périlleux certes, mais au moins on respire. On est à l’air libre. «Je n’ai pas de murs» chante-t-il dans Bicyclette.

No limit : l’une se retrouve « en deux morceaux/ [quand] elle attend quelqu’un qui ne vient pas ». L’autre est un écosystème entier, avec sa faune et sa flore et plus encore. On entre dans la tête de quelqu’un sans frapper pour ne plus en sortir, ou dans son corps, à moins que ce ne soit ce dernier qui nous absorbe.  (Ornithologie).

No limit : on passe du pied du pageot à l’exoplanète en passant par «les Indes mentales», à la vitesse d’une fusée, d’un coup de foudre ou d’une bicyclette, qu’importe : le Temps, l’Espace sont si surfaits.

No limit : on tend l’oreille vers un rythme sourd ; un violon torride s’amuse à nous enlacer et nous dénouer tout à la fois. Ce se parle, ça s’écoute, ça se répond, ça se mélange, ça se retrouve…

No limit, jusque sur la pochette où les tigres du Bengale oscillent entre le chaton et le masque sorcier. Où le dessin a des faux airs d’expérience photographique, quand le noir et la lumière se disputent des contours pour un résultat vaguement flou et perçant.

« Y a des gars qui bossent à bien aligner les tulipes/ moi je bosse au désordre/ nous formons une belle équipe ». (Jardin secret/ Jardin public).

Bien évidemment, ceci n’est pas une conclusion.

Mélanie Plumail

Paroles de Brassens, et de musique …

25 Oct

Georges_BrassensPour mettre des paroles sur une musique -et pour trouver déjà une musique- il faut quand même une espèce de don, même si on écrit des conneries, et Dieu sait si on ne s’en prive pas, il faut le don de mettre les trois syllabes qu’il faut sur les trois notes qu’il faut. Je ne peux pas l’expliquer mieux que ça. C’est tout un art. …

 … les trois syllabes qu’il faut sur les trois notes qu’il faut.

Brassens définissait avec précision comment étaient finalisées ses chansons, avec les 3 notes qu’il faut … Doit-on penser que ceux qui font des re-créations en changeant la mélodie trouvent que leurs notes sont meilleures que celles de Brassens ? Quelques chansons revisitées posent une autre question, si on écoute leur nouvelle « mélodie » sans les paroles, on n’a aucune chance de reconnaître une chanson de Brassens.
Dernier point, Brassens a dit qu’on pouvait faire ce qu’on voulait avec ses musiques, c’est-à-dire les jouer dans des styles différents, pas de les changer, il en fait démonstration avec « La Marseillaise » mais sans changer la mélodie, la chanter en rock, en tango ou en paso doble, pourquoi pas ? Mais avec les notes d’origine… Les musiciens de jazz qui ont adopté des musiques de Brassens partent toujours de la mélodie originelle qu’on reconnaît dans les premières mesures. Ferré aussi a beaucoup souffert de ces néo compositeurs qui mettent « leur musique » sur les sacro-saintes paroles qu’on respecte, sauf quand on ne comprend pas vraiment ce qu’on chante, tel un certain qui ne voit pas la différence entre :

on couche toujours avec DES morts
et ce qu’il braille ad libitum
 on couche toujours avec LES morts. 

On a aussi entendu

 Maman de grâce, ne mettons pas
Sous la gorge à Cupidon Sa propre flèche …

Confondre Ma mie et maman, lapsus freudien ?

Les exemples ne manquent pas, mais demain est un autre jour …

Pour plus de Brassens par lui même,clic sur le chat
,
brassens chat

Norbert Gabriel

KENT AU CAFÉ DE LA DANSE, 7 octobre 2022

11 Oct
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Il est des rendez-vous qui ne se manquent pas. Malgré le temps qui passe, les kilomètres qui s’interposent. Un concert de Kent, ce sont d’abord des retrouvailles dans le public.
Avec les amis, les fidèles, les anciens musiciens, producteurs, ceux qui font partie de l’histoire, ceux qui ont fait l’histoire de Kent, cette espèce de famille de cœur qu’il se trimballe et se coltine depuis des décennies.
Il y a la joie de se revoir, mêlée à l’envie (le besoin ?) de lui dire « on est là ». Puisqu’au final, il n’y a pas de raison qu’on le lâche. Le nouvel album était déjà une belle promesse à lui seul d’un moment agréable à passer ensemble.
Le spectacle lui a donné du relief et des éclairages inattendus et le moment agréable s’est transformé en moment inoubliable.
Comment fait-il pour continuer à nous surprendre ? Existe-t-il un mythe de Kent comme celui de la pierre philosophale ? À quoi tient cette alchimie ?
Un début de réponse : il respecte ses aspirations et fait les choses avec sincérité. Alors parfois, il peut arriver qu’on ne soit plus totalement en phase. Faut l’accepter.
Mais quand il ressort un album, qu’il refait une tournée, il le fait pour de bonnes raisons et il n’y a rien d’artificiel, de virtuel, de distanciel. C’est généreux, entier, irradiant.
Ce soir-là, il y a eu pour démarrer une première partie bienveillante et complice où Frédéric Bobin et Kent se sont partagés ou échangé leurs chansons et leurs guitares (attention, mise en scène !)
C’était efficace, sans prétention, cohérent avec les deux bons hommes.
Puis vînt l’entracte pour digérer ces hors d’oeuvres. On attendait gentiment la suite, loin d’être déçus par l’entrée en matière et loin d’être rassasiés.
Jusqu’à ce que le trio infernal monte sur scène. Comment décrire la puissance pénétrante de cet enchaînement de chansons ? La modernité de l’improbable formation et des arrangements ? Le charisme, la complémentarité, la magie des imprévus ?
Comment un déhanché, un sourire peuvent sublimer les incidents de corde cassée ou de trou de mémoire ?
Un tourbillon de points d’interrogation dont l’ivresse nous poursuit, nous accompagne et nous hante bien après le baisser de rideau.
Sur scène, Kent est entouré de deux personnalités que tout semble opposer. Marc Haussmann aux claviers, ses sons venus d’ailleurs, ses doigts qui virevoltent, ses chorégraphies minimalistes.
Alice Animal aux voix et guitares électriques. Son exubérance, sa grâce, son magnétisme.
Et Kent au milieu pour l’équilibre, la touche de couleurs mouvantes, le cabotinage consenti qui fait des étincelles. L’homme a rajeuni dans son costume solaire. Les chansons aussi. Même celles dont je m’étais lassée au fil des tournées ont retrouvé la fraîcheur et l’attrait de la découverte grâce à ce nouvel angle de vue.
Mélange des genres et des époques, la set list est hétéroclite. Y a pas à dire, le répertoire tient la route ! La plume toujours affûtée.
En apparence, le dialogue a repris, au bout de quelques années, comme s’il avait été interrompu la veille.
Mais en réalité, le vocabulaire et le vécu se sont enrichis.
On se reconnecte, toujours plus sensibles et réceptifs à l’énergie et l’émotion communicatives.
Programmateurs, ne soyez pas frileux. C’est une valeur sûre. Et par les temps qui courent, on a tous besoin de cette chaleur.
Quelques images sonores, ci dessous,
Valérie Bour

Entretien avec La Fiancée du Pirate, entre romantisme épique et sauvegarde d’une mémoire populaire

14 Août

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Jeudi 5 aout, au terme des trois semaines d’évènements « Un été au Grand Parc »,  organisés par la salle des fêtes du quartier Grand Parc à Bordeaux, qui se clôturait le lendemain avec un concert du groupe Les Innocents, La Fiancée du Pirate venait embarquer le public pour une traversée des océans et un voyage dans l’Histoire et les histoires. Fondée en 2007 par Nadia Joly, qui était alors chef de chœur de la formation Le Cri du Peuple [ici] -deux aventures musicales et philosophico-politiques aux histoires entrelacées-, La Fiancée du Pirate, nous raconte depuis près de quinze ans un rêve, celui de (re)découvrir, connaitre, vivre et partager l’univers des chansons de marins, dont elle propose une perspective fantasmée et poétique, avec des compositions originales, mais aussi rattachée à la réalité, souvent crue et effroyable, des vies de forçats des mers, avec des reprises d’anciens chants de marins et de poèmes d’auteurs mis en musique (« Chanson de Pirates » de Victor Hugo). Entre romantisme épique et transmission d’un patrimoine, d’une culture populaire, de l’âme d’un corps de métier, dont la mémoire se perd, La Fiancée du Pirate nous ouvre le hublot de l’évasion vers un monde où imaginaire et authenticité enflent tour à tour les voiles des navires, parfois en dérive, parfois conquérants, remplissent nos verres de rhum ou de larmes, nous foudroient d’éclairs et nous font tanguer dans le vent des tempêtes océaniques, nous miroitent un peu de notre propre vérité au tranchant d’une lame de sabre, et nous racontent les peines, les peurs, les combats, la misère, mais aussi la dignité de matelots, de pirates sans rois ni lois, de filles de bar du port, le sort d’esclaves du commerce triangulaire, les soifs de marins, ivres d’un rêve héroïque et brutal (Heredia) que sa musique sait rendre merveilleux et extraordinaires, et en même temps plus intimes à nos consciences et nos cœurs. Le groupe qui, à l’instar des héros de la chanson « Libertalia » extraite de son premier album « De Terre Neuve à Libertalia », part à l’ouvrage fabriquer du bonheur  sur de nombreuses scènes d’été en Aquitaine dans les semaines qui viennent (le 20 aout Au Passage dans le Lot et Garonne chez Sylvain Reverte [ici], et le 25 au Théâtre Le Levain à Bègles) s’apprête à sortir son second album. C’était l’occasion d’un entretien avec la femme, à la gouaille authentique, qui chante des chansons d’hommes, Nadia.    

 

– Nadia, bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Comment a démarré cette aventure musicale?

– La Fiancée du Pirate est née en 2007, sur les bords de la Garonne, vers les chantiers navals Tramasset. J’avais envie de monter un répertoire de chansons que je chante seule, en lead, des chansons qui racontent l’histoire, pas forcément des marins au départ, mais d’une corporation, d’un métier dont le vécu est exprimé dans les chansons et où les gens chantaient surtout pour s’aider au labeur. Je me suis dit que les chants de marins, ce serait la classe. J’ai commencé à travailler un répertoire à partir de magasines d’ouvrages, notamment le Chasse Marée qui collecte régulièrement de vieilles chansons de marins. Je m’en suis beaucoup inspirée ; j’ai repris des chansons qui existaient déjà, et des textes que j’ai mis en musiques. On a commencé à travailler avec un guitariste qui a arrangé la sauce, puis avec une violoniste, Marie-Claude Meurisse. Puis le groupe a évolué, avec plusieurs changements de musiciens. Un premier album est sorti en 2013 : « De Terre Neuve à Libertalia ». Les chansons de l’album racontent beaucoup le travail sur les bateaux, bien sur, mais aussi le travail en fonction des destinations et des pêches que font les marins, et en particulier ce répertoire là s’est consacré à embarquer sur les bateaux qui partaient pour Terre Neuve, pêcher la morue en énorme quantité. Les marins vivaient huit mois sur les bateaux, et vivaient un enfer. On les appelait d’ailleurs les « forçats de la mer ». Leur histoire, leur univers m’a passionnée, et j’ai été prise par cette ambiance.

 

– Ce métier ne t’a-t-il pas donné envie d’être, plus que chanté, exercé et vécu?

– Suite à cela, je suis partie en Bretagne passer un brevet de Capitaine 200, c’est-à-dire un diplôme de marin, pour voir un peu ce qui se faisait sur les bateaux, car je n’avais jamais mis un pied sur un bateau avant. Je suis donc devenue matelot pendant quatre ans : j’ai travaillé dans la pêche, l’ostréiculture, comme guide touristique aussi sur les bateaux. Et suite à cette expérience, j’ai écrit quelques chansons de ma composition. Et donc le second album est achevé et devrait sortir dans un petit mois.

 

– Comportera-t-il donc uniquement des compositions originales ?

– Il y a des compositions originales, mais aussi quelques reprises, car c’est une volonté de faire des reprises. Mon répertoire part d’un désir d’hommage aux marins, donc les reprises y ont leur place.

 

– Y a-t-il dans cette démarche une volonté d’entretenir et transmettre, un patrimoine chansonnier qui se perdait, un peu à la manière dont le Cri Du Peuple, dont tu as fait partie et qui reprend trois de tes chansons sur son album « La Voix contre son Maitre », extirpe de l’oubli de vieux chants de révolte et de lutte pour les faire revivre ?

– C’est ça, exactement. C’est un patrimoine qui se perd, parce qu’on n’est plus au temps de la navigation à voiles. Beaucoup de chansons étaient en lien avec les manœuvres des matelots lorsqu’ils hissaient les voiles par exemple. Maintenant que tout est motorisé, il y a beaucoup moins de manœuvres et de labeur ; la vie est simplifiée quand même. Et tant mieux pour les bonhommes. Mais du coup, on ne chante plus du tout sur les bateaux, et on ne fabrique plus de chansons. Du moins plus pour les mêmes objectifs : aujourd’hui on ne chante plus que pour le plaisir, et non pour s’aider à garder le cap et supporter les souffrances. Parce que ce n’était pas seulement chanter pour s’aider à la tâche, mais chanter plutôt que dépérir. Et ça, ça a été de tout temps. Chanter plutôt que d’être dans la nostalgie de la femme qu’on a quittée, des parents qu’on a quittés, car certains embauchaient comme matelot dès l’âge de huit ans.

 

– Est-ce selon toi une forme de Blues ?

– C’est ça ! C’est une habitude intrinsèque aux humains de se rassembler grâce à la chanson, et endurer une vie dure.

 

– Est-ce que la dimension sociale, même s’il peut être anachronique de parler de revendications politiques, qui peut s’exprimer dans ce répertoire racontant des conditions de vie précaires, prolétaires, est importante aussi pour toi, en vertu de tes convictions philosophico-politiques?

– C’est effectivement quelque chose qui m’anime depuis longtemps, de chanter des chansons de masse, des chansons de lutte, des chansons de revendications. Comme avec le Cri du Peuple. Quand j’ai monté la Fiancée di Pirate, j’étais encore dans le Cri du Peuple. Mais j’ai déménagé près de St Macaire et ne pouvait donc plus aller aux répétitions. Et puis j’avais animé des chorales durant douze ans comme chef de chœur, ce qui est une expérience très enrichissante, mais c’était fatiguant aussi. J’apprécie de simplement exécuter, sans avoir à tout organiser. Dans cet univers précis, avec La Fiancée du Pirate, il n’y a pas clairement de revendication politique ou sociale dans les textes. Mais de façon sous-jacente, si, car ce sont des chansons qui portaient toutes les souffrances des gars sur les bateaux, les violences subies de la part des hiérarchies, les douleurs subies physiquement, les souffrances morales et affectives en termes d’éloignement de leurs proches, de rapports rudes entre eux. Les conditions de vie étaient tellement inhumaines qu’il y avait beaucoup d’alcoolisme aussi, la seule façon de supporter tout cela. Fournir l’alcool aux hommes était pour les armateurs et les capitaines le moyen de leur faire accepter ces vies.

 

 – Parmi vos reprises, avez-vous des chants très anciens ?

– Le plus veux qu’on chante est un chant du XIXème siècle, « Le Grand Coureur », qui est une chanson traditionnelle bretonne. C’est marrant cette question, car en ce moment, je suis en quête justement de chansons beaucoup plus anciennes, pour essayer de retrouver une autre écriture et un autre contexte. Plus on s’éloigne temporellement, plus ces chansons ont disparu sans laisser de trace, puisqu’elles étaient forcément de tradition orale et n’ont pas toujours été notées.

 

– Et n’y a-t-il pas de compilation des chansons de la piraterie ?

– Il n’y a pas beaucoup de chansons de pirates. Peu ont été écrites et sont restées dans la mémoire. Mais certainement que sur les bateaux de pirates, on chantait des chansons de marins. Les pirates ne se considéraient pas forcément comme dissociés du reste du milieu marin. Ils y étaient associés, même s’ils étaient isolés, autogérés et prenaient en charge leur propre équipage. Je ne pense pas qu’il y ait eu de chant spécifique à la piraterie. Mais un auteur et interprète contemporain, Michel Tonnerre, a écrit de superbes chansons sur les pirates. Aujourd’hui il y a un fantasme romantique de la piraterie, mais je pense que si on l’avait vécue à l’époque, on en reviendrait, car ce n’était pas tout rose. On a pioché chez les auteurs contemporains. Outre Victor Hugo, Michel Tonnerre est un artiste chez qui ont a pioché des choses, et qui a cette sensibilité à l’univers de pirates, à l’univers libertaire aussi.   

 

– Du coup ce texte de Victor Hugo n’est-il pas le plus ancien que vous chantez ?

– Oui, « Chanson de Pirates » est un texte faisant partie des Orientales. On ne la joue plus. Mais pour le coup, c’est un des textes les plus anciens de notre répertoire. Il parle des pirates qui allaient chercher des nones et les amenaient comme esclaves dans les pays musulmans. C’était ça, la piraterie, aussi : certes c’était des gars qui vivaient en autogestion, non soumis aux rois, mais c’était encore un univers patriarcal, sexiste et très violent envers les femmes. Il y a eu quelques rares femmes qu’on a vu atterrir dans ce milieu. Mais il fallait qu’elles se costument.

 

– Ce soir vous allez reprendre une chanson des Pogues « The wake of the Medusa ». Vous intéressez-vous aussi aux répertoires marins étrangers ?

– Nous ne les avons pas encore explorés, mais oui. J’imagine que dans le répertoire canadien, québécois, il dot y avoir des pépites. Pour l’instant on a découvert tellement de belles chansons des ports français, et aussi relatives aux époques et à leurs réalités. On chantait à un moment une chanson sur l’esclavagisme, « Esclaves » [reprise par le cri du Peuple sur son album récemment sorti]. On essaye de mêler cela aussi à la situation politique de l’époque, des diverses époques d’ailleurs. Alors nous avons effectivement intégré sur le prochain album une reprise des Pogues, qui est une très belle chanson. Parce qu’avec ce prochain album, on voulait aussi se diriger vers un côté un peu plus Rock. Comme nous avons désormais un contrebassiste, Jérôme, on avait envie d’un côté un peu plus Rock’n’Roll, un peu moins chialant. Moi, si je m’embarque, je peux faire des chansons à pleurer toute ma vie. J’adore cela. Mais il faut aussi se renouveler et proposer autre chose, pour continuer à tourner et avoir une autre énergie, surtout qu’en Gironde, on a quand déjà fait le tour de pas mal de lieux. Donc on a choisi des chansons un peu plus guillerettes comme « The wake of the Medusa » ou « La Carmeline », puisque a contrario, mes chansons ne sont pas très joyeuses. On a trouvé ainsi un équilibre.

 

– Et puis, étant donné que, comme d’autres musiciens qui ont par ailleurs des convictions et un engagement politiques, vous jouez sur des lieux de lutte, la dimension festive est importante aussi pour dynamiser ces moments et leur transmettre une énergie combative. A ce propos, comment reliez-vous peut-être l’Histoire maritime dont vous parler avec l’actualité des réfugiés qui s’embarquent pour la traversée des mers, et de l’enfer aussi, dans l’espoir d’une vie meilleure ou juste la fuite d’une vie impossible ?

– Alors on n’a plus joué depuis longtemps pour les réfugiés ; on n’a pas été sollicités pour cela, mais il est vrai qu’on ne s’est pas proposés non plus. Ce que vivent les réfugiés dépasse notre idée de la mer et la fantasmagorie du romantisme qu’on peut mettre là dedans. Je me demande si le fait qu’on n’ait pas été jouer pour des migrants n’est pas du à cela aussi. L’idée qu’on parle de la mer dans toutes nos chansons peut poser problème par rapport à leurs traumatismes et leurs propres souffrances. Je pense que ça n’aurait peut-être pas été recevable, pas décent. Présentement il y a une situation dramatique, et dans ce cadre là, ce n’était pas à nous d’aller parler de la flotte avec des chansons qui évoquent certes une réalité dure, mais qui sonneraient mal à propos dans un contexte de soutien aux migrants.

 

– D’où vient le choix du nom de ton groupe ? Du film ?

– Non. Ce n’est pas en rapport avec le film, mais avec une chanson de l’Opéra de Quat’Sous de Kurt Weill et Bertolt Brecht, « La Fiancée du Pirate », et qui a aussi été chantée par Juliette Gréco. Je l’avais entendu la première fois de manière isolée de l’opéra, et Gréco, accompagnée d’une symphonie, avec sa voix âcre, cassée, parle la chanson plus qu’elle ne la chante. C’est très beau, mais j’ai eu envie d’en faire une reprise, et re-arrangeant la musique. C’est devenu notre chanson-phare, et par conséquent le nom du groupe. Et puis vu que je suis une femme qui chante des chansons de marins, et que ça ne se fait pas, puisqu’on ne peut être la mémoire des hommes, n’ayant pas vécu ce qui se passe sur les bateaux -même actuellement dans les festivals de chants de marin, il y a peu de femmes-, je me suis dit, voilà un nom qui colle : la fiancée du pirate va ouvrir sa gueule.

 

– Même parmi les femmes de marins, travailleuses en lien avec la mer, comme les ouvrières des conserveries de sardines, on ne reprenait pas ces chansons ? Ou peut-être avaient-elles leur propre répertoire ?

– Pour prendre l’exemple de la révolte des Penn Sardin des usines de Douarnenez en 1924, elles avaient leurs chansons, « Saluez Riches Heureux » par exemple. Mais les femmes de marins n’ont pas forcément écrit leurs chansons. Ce sont plutôt des auteurs masculins qui ont écrit sur elles. Les femmes n’ont pas trop écrit à l’époque pour parler de leurs conditions de femmes ; d’ailleurs elles étaient peut-être mieux entre elles lorsque les hommes partaient. Il y avait déjà de gros problèmes d’alcoolisme sur les bateaux, mais lorsque les hommes rentraient au port, ils continuaient de boire. Douarnenez avait de fait une organisation très matriarcale, puisque c’était les femmes qui organisaient et géraient la vie, et la chaine économique partait d’elles, puisque si elles ne vendaient pas les produits de la pêche, les hommes n’avaient pas de travail. C’est pour cela qu’elles avaient tous les pouvoirs d’enclencher une grève et la faire aboutir. Mais avaient-elles le temps, le pouvoir ou l’envie d’écrire sur elles-mêmes en pensant que c’était important de préserver cette mémoire ? Pas sûr.

 

– Sans doute rêvaient-elles d’un autre avenir pour leurs enfants que de pratiquer le même métier et perpétuer la même façon de vivre ?

– Ça, c’est dit souvent dans les chansons : je préfère que tu te casses les deux jambes plutôt que de faire comme ton père. Ce sont des auteurs hommes qui écrivaient cela, mais doit correspondre à un sentiment réel.

 

– Qui constitue la formation actuelle ?

– La formation actuelle a quatre mois. Jérôme, le contrebassiste a été le dernier à intégrer le groupe. Quentin, le guitariste est là depuis deux ans, et Bubu au violon depuis dix ans. Avant il y a eu Tot, des Rageous Gratoons à la guitare, Fabien des Turbo Billy, Marie-Claude Meurisse. Et puis on avait notre Chinois [ici] qui a fait le son de notre premier album et nous a suivi sur toutes les dates, notre capitaine, avec sa casquette et son caban. Ce groupe est une superbe aventure, car c’est de l’authentique. Déjà car on porte des textes authentiques, et puis parce que chaque personnage qui a fait parti de ce groupe avait un lien avec la mer ; chacun avait une gueule, des attitudes, des comportements de vieux loup de mer, une histoire avec la mer. Chaque membre du groupe, même si certains l’ont quitté, y avait sa place énergétiquement. Tant que c’est comme ça, on continue !

 

Avec mon remerciement à Isa pour l’occasion

 

Liens : https://www.larouteproductions.com/nos-artistes/la-fiancee-du-pirate/

https://www.facebook.com/La-Fianc%C3%A9e-du-Pirate-1406450882983712/

 

Miren Funke

ELTONOLOGY – interview de Thomas Février…

11 Août

Photo promo Eltonology live 04ELTONOLOGY – interview de Thomas Février, chanteur et pianiste de ce Tribute Band, hommage à Elton John, à la sortie d’un spectacle époustouflant où 7 musiciens professionnels, consciencieux et déjà complices, ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Eltonology est un voyage dans le temps en excellente compagnie et un vrai moment de bonheur partagé que l’on ne va pas bouder après cette longue période de disette.

1) Bonjour Thomas, qui est Elton John ?

–  Elton John est un chanteur, pianiste et compositeur britannique que j’ai vu pour la première fois sur scène alors que j’avais à peine 17 ans. C’était mon tout premier « gros concert ». Il se produisait l’hippodrome de Vincennes, en co-plateau avec Eric Clapton. Je n’oublierai jamais cette soirée. C’est en voyant Elton John ce jour-là que j’ai réalisé que je voulais me consacrer entièrement à la musique, composer, chanter et monter sur scène.

2) Ton parcours assez atypique, du moins varié, est-ce que les gens qui te suivent sont surpris de ce « virage » entre des spectacles plus intimistes et ce show grand public son et lumière ?

J’ai donné mes premiers concerts à l’âge de 18 ans. J’ai toujours chanté mes propres chansons, dans ma langue maternelle, le français. Bien que mon univers puisse sembler plus « intimiste » que celui d’Elton John, j’aime donner une dimension « show » à mes lives. J’aime qu’il y ait du mouvement, de la couleur, que l’on s’amuse sur scène et que certains titres plus entraînants contrastent dans l’énergie avec des chansons plus mélancoliques. Aussi, il n’est pas rare que je me lève du piano ! Communiquer avec le public est capital pour moi, dans les mots tout autant que dans l’énergie. Je crois que c’est cela qui m’a tant marqué lors de ce premier concert auquel j’ai assisté. Ceux qui me connaissent depuis longtemps et m’écoutent savent d’où je viens et ne sont pas surpris que je rende hommage sur scène à Elton John. Je n’ai jamais caché mon engouement pour cet artiste. Je m’en suis nourri, il fait partie de mes inspirations, notamment dans mon rapport à la scène et au public. Reprendre Elton John aujourd’hui est pour moi une manière toute personnelle de lui dire merci.

3) Eltonology est un tribute band, un projet qui existe depuis plusieurs années, comment s’est passée la rencontre ?

Eltonology existe maintenant depuis 6 ans. Après le départ du précédent chanteur, le groupe a publié une annonce qu’un ami batteur m’a transmise. J’ai appelé aussitôt et suis allé passer une audition. Je me suis tout de suite entendu avec toute l’équipe. Nous partageons la même vision de la scène et du travail. Cette rencontre a été pour moi comme une évidence. La difficulté pour Eltonology était de trouver à la fois un chanteur et un pianiste suffisamment à l’aise avec ce répertoire. De mon côté, je dirais que plus que n’importe quel professeur ou formation, c’est Elton John qui m’a appris le piano. À 14 ans déjà, je rejouais ses chansons d’oreille. Passer cette audition n’a pas été non plus facile. Les membres d’Eltonology sont exigeants à juste titre. Il a fallu que je re travaille les chansons pianistiquement et vocalement afin d’être encore plus fidèle à l’esprit. Cela a été pour moi une très jolie retrouvaille avec mon adolescence, avec toutes ces soirées où j’écoutais, émerveillé, ces chansons et tentais de les reprendre au mieux. C’est un répertoire dense et très pointu au niveau de l’énergie et de l’interprétation.

4) Quel est le parti pris du projet ?

Photo promo Eltonology live 05Le jeu d’un Tribute Band est en général de coller le plus possible à l’artiste. Avec Eltonology, je dirais que nous « jouons et racontons Elton John ». Nous ne l’imitons pas. Nous sommes fidèles à l’énergie et à ce qui a été écrit et joué depuis tant d’années. Je m’amuse à me rapprocher de son jeu de scène, à « jouer avec le public » comme lui le ferait, mais d’un autre côté, j’aime raconter ma rencontre avec Sir Elton, avec ses chansons, comme elles ont pavé ma vie, comme lui-même m’a inspiré. C’est là l’occasion d’une rencontre entre l’enfant fan que j’étais et l’artiste reconnaissant que je suis aujourd’hui. Ensuite, nous voulions aussi nous baser sur une période précise de la carrière du chanteur. Celle que les jeunes générations ne connaissent pas forcément. Je veux parler des années 70-80, avec leur lot de fantaisie, d’exubérance galvanisante. C’est pour cela que nous avons fait appel à une costumière, Géraldine Maamar-Dine, afin de réaliser les tenues emblématiques du chanteur dans ces années-là. Encore une fois, ici, elle ne les copie pas, mais les recrée en y ajoutant sa propre vision. Il est clair pour nous tous que nous n’imitons pas Elton John sur scène, mais que nous nous efforçons de donner un aperçu fidèle et honnête de sa carrière, empli de tout l’amour que nous avons pour ses chansons et son univers en général.

Nos premières dates confirment que nous prenons un plaisir immense à jouer ensemble, autour de cet univers. Nous sommes complémentaires. Chacun apporte sa pierre. Nicolas Kieffer, à la batterie, donne le rythme et le « la » du projet. Il se charge également de tout l’administratif. Perrine Pépite à la basse et lui sont les deux fondateurs d’Eltonology. La présence de Perrine sur scène, sa bienveillance, est quelque chose de très rassurant et de très porteur pour moi. Maxime Lacote à la guitare et aux choeurs assure la ligne, dirons-nous, esthétique, garant de la cohérence du groupe vis à vis de l’original. Gabriel Palmieri, à la guitare également, apporte une grosse part de sensibilité et d’humanité dans les parties jouées, totalement complémentaires des parties de piano. Aux percussions, Sébastien Buffet occupe la place du fameux Ray Cooper, qui a suivi Elton John pendant des années, lors de ses plus prestigieux concerts. Mélanie Rohmer est chanteuse. Sa solidité au chant est un véritable atout pour tout ce qui est du travail sur les choeurs, en complicité avec Maxime. Hors de la scène, nous avons également fait un énorme travail de son avec Maxime Poirot. La création lumière est signée Thib’s. Dans Eltonology, chacun a mis du sien, mais s’est surtout plongé entièrement dans l’univers d’Elton John, en y apportant sa propre inspiration. Pour ma part, cette équipe allie sourire et travail sérieux. Nous nous entendons, nous soutenons et nous faisons confiance. C’est tout ce que j’attends d’un groupe. Avec cette belle équipe, solide et bienveillante, je n’ai plus qu’à poser mes doigts sur le piano, chanter, me lever, faire valser mon tabouret et sauter dans tous les sens !

5) Comment t’es-tu préparé à faire ce show ?

Je connaissais déjà la plupart des chansons que nous jouons. Aussi, me replonger dans le répertoire n’a pas été la tâche la plus difficile pour moi. J’ai retravaillé quelques titres concernant lesquels j’avais, au fil des années, pris de « mauvaises habitudes », erreurs d’accords, mauvais placement de la voix, etc… Les chansons d’Elton John demandent beaucoup de précision et de rigueur. Mais le plus gros du travail a été pour moi la gestion de l’énergie scénique. Comment tenir 2h20 de scène en alternant ballades et rocks endiablés ? Le plus difficile a été et reste la préparation physique. J’ai arrêté de fumer et me suis remis au sport. Parallèlement, j’ai repris un travail régulier sur le souffle et la voix. Chanter Elton John exige une grande puissance vocale et une énergie constante, quoique différente selon les titres. Sans préparation physique, cela peut être vite épuisant.

6) Es-tu Thomas Février sur scène ? Est-ce que c’est reposant de jouer quelqu’un d’autre et d’être soutenu par autant de musiciens ou au contraire une incarnation physique avec plus de pression ?

Avec Eltonology, Je suis avec un large sourire Thomas qui dit un immense merci à Elton. On ne peut pas dire que je sois Elton John. Je m’amuse simplement, entouré d’une fantastique équipe et avec tout l’amour du monde, à faire découvrir ou redécouvrir son extraordinaire répertoire. Dans mes propres concerts, l’énergie scénique est très proche de ce que je donne avec Eltonology. Les costumes, les « digressions eltoniennes », sont des clins d’oeil emplis de reconnaissance que je lance à cet artiste que j’aime profondément. Incarner tout en restant soi-même, quel travail ! Mais cela n’est possible que parce que je suis si bien entouré.
C’est l’histoire d’un ancien rêve d’enfant qui devint réalité d’adulte.

Le site officiel : https://eltonology.com

La tournée :

14.08.2021  Chartrestivales Chartres (France)

20.08.2021  Eltonology 5tet @ Estivales de Moyenmoutier  Moyenmoutier (France)

21.08.2021 Eltonology 5tet @ L’été chez Stan Commercy (France)

27.08.2021 Festival Musiques Plein Sud Joncherey (France)

05.09.2021 Le Kiosque Freyming-merlebach (France)

06.11.2021 Espace Georges Sadoul Saint-dié-des-vosges (France)

20.11.2021 Muret Tribute Festival Muret (France)

Valérie Bour

« Au pied de l’Arbre », une adaptation itinérante en extérieur du spectacle « Au cœur de l’Arbre » d’Agnès et Joseph Doherty, à voir cet été sur plusieurs dates, et sortie de l’album « Aux Arbres »

23 Juil

C’est au gré des Scènes d’été en Gironde que plusieurs dates proposent au public un voyage musical, botanique et historique, à la rencontre du monde des arbres, de l’explication de leur fonctionnement vital et de la richesse de leurs propriétés spécifiques, de la découverte de certains de leurs secrets et de quelques légendes qui leur sont liées, et surtout du partage des chansons que ces êtres de résine et d’écorce ont inspirées à Agnès et Joseph Doherty, créateurs et interprètes du spectacle musical « Au Cœur de l’Arbre » [lire ici].

Avec « Au Pied de l’Arbre », le couple d’artistes franco-irlandais adapte une version itinérante de sa pièce, sous forme de promenade sur des sites arborés, interrompue de haltes au cours desquelles, ils en font vivre un récit un peu modifié, et en jouent et chantent les chansons de leurs compositions originales, enregistrées sur l’album « Aux Arbres » qui vient de sortir [lire ici]. C’est avec poésie, humour, harmonie et tendresse que ces ballades contées et mélodiques communiquent leur amour du monde sylvestre, sur l’existence, la complexité et l’intelligence biologique et sociale, et l’Histoire, les histoires, duquel Agnès et Joseph Doherty enseignent et partagent des connaissances scientifiques, folkloriques et culturelles, et sensibilisent adultes et enfants au respect des forêts, des végétaux et de la Nature.

Le moment est une ascension enivrante et très instructive vers les cimes et le bout des branches, autant qu’un plongeon vertigineux dans les racines, celles des arbres, habitat d’autres formes de vies et sources de vertus indispensables à la vie, mais aussi les nôtres. Car les artistes nous engagent en effet à la rencontre de mythes et légendes fondateurs du patrimoine culturel  de l’Humanité, issus des civilisations celte (Brigit), mésopotamienne (Guilgamesh), perse (Xerxès), gréco-romaine (Phaéthon, Apollon), amérindienne, asiatiques (« Sakura »), ou encore nordique (« Yggdrasil »), mais aussi d’œuvres littéraires (L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono, La fée du sureau de Hans Christian Andersen, Le roi des aulnes de Wolfgang Von Goethe), et d’histoires plus récentes de combats menés par des figures militantes pour la préservation des arbres (Wangarri Maathai, Sebastio Salgado, Julia Butterfly Hill, entre autres), combats dont fut aussi celui auquel participèrent Agnès et Joseph Doherty pour sauver les marronniers de la place Gambetta à Bordeaux, abattus fin 2018, par directive du maire A. Juppé, en dépit des nombreuses protestations et de la mobilisation populaire locale [lire ici]. 

Si le dynamisme, la densité et l’intensité du spectacle empêchent de prendre racines sur place, il est en revanche fort probable que vous en sentiez pousser en vous et vouloir s’ancrer dans le terreau de cet héritage folklorique universel, pour vous relier à L’Humanité ancestrale où chacun de nous sens qu’il a ses origines et dont chacun comprend être un fruit, porteur et passeur de mémoire, à l’instar des Doherty (osons le pluriel, puisque leurs filles Oona et Ella chantent sur le disque, et Lucy en a réalisé le visuel).

Il m’est rarement donné -quelques fois, mais pas si souvent- de rencontrer, par un spectacle, cette magie, celle à laquelle on se découvre réceptif et qu’on apprend à respecter pour son pouvoir véritable de nous changer concrètement, et nous laisser quitter une œuvre artistique sans en sortir vraiment pareil. Des pièces et des chansons qui véhiculent de belles valeurs, des idées nobles et des philosophies lumineuses, interpelant la conscience et touchant le cœur, il y en a. On s’en émeut, plus ou moins superficiellement, comme on s’émeut de l’esthétisme de beaux idéaux, le temps que la représentation ou l’expression de l’œuvre dure et nous atteint, pour revenir, une fois le spectacle terminé, à notre réalité, sans que rien n’en soit changé. Avec leur travail, Agnès et Joseph Doherty réussissent, plus qu’à partager le temps d’un spectacle, à transmettre, propager et imprimer une féerie qui ouvre nos yeux différemment et ne quittera plus le regard avec lequel nous percevront dorénavant les arbres, pleinement conscients de l’intelligence, l’énergie, la présence de ces êtres de résine et d’écorce, en sympathie avec eux même, et incapables d’y rester insensibles plus longtemps et de faire comme si on ne savait pas ce qu’on sait à présent. Une féerie qui réussit, elle, plus qu’à nous atteindre, à nous pénétrer. Au Cœur ( et Au Pied) de l’Arbre nous induit à adapter naturellement, comme gouvernés par l’impératif souverain de cette vérité avec laquelle vibre désormais notre âme, notre perception, nos réactions, nos habitudes concrètes quotidiennes dans ce monde amplifié d’une autre dimension, à la conscience de laquelle il nous a ouvert. Il est de ces œuvres qui donnent à leur propos une substance, une profondeur, et un sens concrets au-delà du spectacle, et devrait être partagées par tous.

Les prochaines dates estivales girondines :  

Commande du CD « Aux Arbres » : https://www.helloasso.com/associations/ariane-productions/collectes/aux-arbres-agnes-et-joseph-doherty

Miren Funke

Photos : Miren à l’abbaye de La Sauve Majeure (33)

Liens : https://www.agnesdoherty.com/

https://www.facebook.com/agnes.doherty.73

https://www.facebook.com/joseph.doherty.54

Décès de Ludo Tranier, chanteur de Laréplik et Buscavida

10 Juin

Je peine à écrire ces mots. Il y a des mots qui ne devraient pas s’écrire, qu’on ne voudrait pas écrire. Jamais. Ils sont ceux d’une réalité qu’on ne veut pas entendre, ni vivre, et qui pourtant vient nous percuter violemment, sans nous laisser le choix.

Ludo Tranier, chanteur de la formation emblématique de la scène alternative punk-rock bordelaise, Laréplik et du groupe Buscavida [Lire ici] nous a quittés. Il était revenu voilà quelques années d’un périple en solitaire, mais solidaire de toutes les rencontres faites sur les routes d’Amérique du Sud et de la péninsule ibérique, des chansons dans les valises, des histoires plein le cœur, et la tête envahie de projets : le manuscrit d’un récit de voyages et plus encore qui devait être édité, et ce dernier groupe, Buscavida, qui inventait des chansons françaises métissées de musiques folkloriques latino-américaines et lusitaniennes pour fleurir et enchanter des moments de partages, de luttes aussi.

Ne dérogeant pas à son engagement d’artiste de terrain, Ludo menait son groupe sur les lieux de soutien, aux salariés de l’usine Ford de Blanquefort [ici], aux réfugiés accueillis dans les Centres d’Accueil pour les Demandeurs d’Asile, aux petits paysans révoltés, à tous ceux qui construisent des élans de solidarité, des aventures humaines et des tentatives d’utopies locales, toujours à la rencontre de la vérité des gens, dans un bar à concert, un festival artisanal, un coin de manifestation.

Il était depuis plus de deux décennies, où Laréplik s’était imposé comme un pilier de la scène alternative girondine avec son java-folk-punk francophone, et avait entre autres imprimé aux coutumes militantes la fête de la Saint Roger, tous les 30 décembre, pour narguer en dérision le traditionnel cirque de la Saint Sylvestre, et gravé dans les cœurs la chanson, devenu un hymne du patrimoine musical local « Mon voisin vient de loin », que si vous ne connaissez pas, vous n’êtes pas de Bordeaux, comme disait son ami Barthab [ici], une figure du milieu artistique solidaire local. Mais Ludo était plus. Il était de ces poètes vadrouilleurs de l’existence qui la rendent plus libre et sensée. Il était de ces copains dont la tendresse et l’humour, derrière lesquels on devine une sensibilité écorchée, vous rassurent sur l’humanité par leur vérité d’âme. Il était de ces repères dont l’existence vous conforte et vous montre qu’on peut avancer dans la vie sans renier ses valeurs et ses convictions et en restant sincère, humble et naturel. Il était de ces amis des chiens et frères des humains qui s’émeuvent de l’amour du vivant et prennent d’autres sous leur aile pour les parrainer, et bien sûr de ces fêtards qui sèment des éclats de rire, épongent ou sèchent vos larmes, et tiennent toujours une lumière allumé. Il était une lumière allumée.

Je peine à écrire ces mots et j’ignore même si ces quelques lignes sont décentes et lui auraient plu. Ludo était de ceux qu’on sait tellement vivants qu’on ne peut les imaginer autrement. Son brusque départ est un séisme qui nous laisse tous en pleurs, dans la stupeur de cette réalité qui vient de creuser un vide énorme. Plus de mots seraient vains et dérisoires. Aucune parole ne sera assez puissante pour soulager du chagrin et de ce vide que nous, ses amis et copains, avons maintenant à partager. Nos pensées vont vers ses plus proches.  

Miren

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