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Yves Jamait à La Cigale le 15 Avril 2023

16 Avr

 

J’essaie de trouver les notes qui s’aiment , a dit Mozart… Il y est assez bien arrivé. Yves Jamait essaie de trouver les artistes qui s’aiment, autant dans ses spectacles que dans ses Bars à Jamait… Et il y arrive assez bien..
Dans ces deux soirées à La Cigale, salles très bien remplies, samedi, c’était quasi complet, le public a confirmé  Rien, rien ne m’a jamais rendu aussi heureux que les chants les chants des hommes. *
Le chant désespérément humain des frangins de vie et de bourlingue, de verres en vers, avec Dimey, Si tu me payes une verre, je n’te demand’rai pas où tu vas, d’où tu viens, si tu sors de cabane , nous referons le monde, oscillants mais debout, ou Leprest, quand j’ai vu, je bois double… Ils inventent des musiques métissées de toutes les douleurs, des chants de cœur battant, de cicatrices ouvertes, et dans cette farandole barzinguée c’est la vie qui danse et renaît chaque matin. Et La Cigale a chanté et dansé avec la bande à Jamait… Avec un décor et des lumières d’une qualité rares. Merci à Didier Grebot et sa formidable équipe.

En 3 ou 4 chansons portrait d’artiste, avec un large extrait du Bar à Jamait à Saulieu, avec ces amis qui s’aiment pas seulement sous les sunlights ..

L’autre

 

J’en veux encore

 

Bar à Saulieu

 

Et c’est dans ce Bar à Saulieu, qu’il y a eu ces beaux échanges de regards … Merci Yves Jamait … (Photos ©NGabriel)

*Nazim Hikmet  (Le chant des hommes)

Yves Jamait a été souvent présent dans le Blog collectif Le Doigt dans l’Oeil, ici avec Miren Funke pour un entretien très complet

Tournée « Parenthèse 2 » d’Yves Jamait : trois magiciens sur scène et entretien avec le chanteur

Norbert Gabriel

Jacques Yvart French troubadour…

3 Avr

yvartJacques Yvart est un des derniers authentiques troubadours citoyens du monde, auteur compositeur interprète, il a mis en musique Norge, Devynck, Dimey, Giono, Bergman, Aragon, Brassens, Rostand, Moalic, JP Hébert,… et ses compositions musicales voyagent dans toutes les musiques, ainsi Jean Giono associé à Keith Jarrett .. La sélection ci-dessous témoigne de cette richesse.. (Extraits du coffret 3 CD et 61 chansons… )

Yvart aime à dire que tous les poètes dont il a mis les textes en musique étaient « ses voisins de palier ». Parmi les rencontres déterminantes il y a bien sûr Georges Brassens, son parrain de Sacem qui l’invita deux fois à passer quatre semaines en première partie de récital à Bobino et enregistra « Jehan l’advenu » poème de Norge qu’Yvart avait mis en musique et sur disque en 1970. Avoir une de ses chansons interprétée par le maître sétois a été plus qu’une reconnaissance, « son bâton de maréchal » comme il l’assure.

Je ne peux pas oublier (Giono/ Jarrett)

https://www.youtube.com/watch?v=tOxy0kR56vk

Passager https://www.youtube.com/watch?v=4rhmQ6iZzuk

Blues du lombric https://www.youtube.com/watch?v=DDU3-zgecS8

Alabama blues https://www.youtube.com/watch?v=eAsRrOAJt48

Jamais plus « sax jazz » https://www.youtube.com/watch?v=76JEyEezRrg

Zone d’ombre https://www.youtube.com/watch?v=rIyQKaKzjwA

Un soir avec Dimey https://www.youtube.com/watch?v=vjYKBLeK1nQ

Paix aux baleines slam https://www.youtube.com/watch?v=UIzOZSerhPI

Blues https://youtu.be/Qv3f2fHXAsk?t=511

Pour en savoir plus sur le contenu vous verrez ici la richesse et la diversité des chansons qu’il a mises en musique pour la plupart. (61 titres originaux enregistrés entre 1975 et 2022 )

https://www.epmmusique.fr/fr/cd-chanson-francaise/3219-jacques-yvart-french-troubadour-.html

Eh l’amour pour l’amour
J’ai rêvé d’un pays sans pays je veux dire sans frontières
J’ai rêvé d’un printemps sans printemps pour arrêter le temps
et l’amour pour l’ amour je veux dire… pour l’amour…¨

on campus

Ce  voyageur est le seul français ayant tenu une chaire de chanson française dans une université américaine, où a été enregistré « Yvart on  campus » un double album en 1977 (Enregistré à University Of North Dakota, Grand Forks)

Norbert Gabriel

Leprest en Symphonique La Cigale le 19 Mars 2023

25 Mar

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Ou la chanson en habit de gala … La parabole pourrait être élargie à la vie, on naît dans une province où rien ne se passe, on grandit en banlieue un peu rouge avec de sacrés cocos, et on passe du piano à bretelles au Steinway ou de la guitare au quintette à cordes, voire à un orchestre symphonique. Allain Leprest est passé du voce à mano avec l’accordéon de Galliano ou celui de l’accordéoniste aveugle, au compagnonnage avec un orchestre symphonique. L’exercice pourrait sembler antinomique avec la « chanson de paroles » qui se dépouille des affûtiaux superflus pour aller à l’essentiel, le texte. Mais la chanson, c’est Paroles ET Musique.

On peut imaginer SDF soutenu par une guitare percussion, mais d’Irlande ça doit s’envoler dans une farandole musicale dansante, joyeuse, dans l’esprit de ces irlandais rigolards qui constatent que la réalité est une hallucination provoquée par le manque d’alcool … en corollaire avec l’étranger qui est un ami qu’on ne connaît pas encore ..  Et c’est pour l’amour pas pour la gloire qu’on vient vous voir 1-Romain joconde AAA réduit 3982x3250 3982x3250 3982x3250… Ils sont venus, ils sont tous là, les musiciens de l’Orchestre Régional de Normandie, avec Clarika, Enzo-Enzo, Cyril Mokaïesh, et Romain Didier, l’ami et le compagnon de route musicale de Leprest, le compositeur, le musicien et l’arrangeur qui a fait de ce Leprest en Symphonique une parfaite réussite, en respectant l’esprit des chansons, qu’il connaît intimement depuis quelques décennies. Et en les habillant haute couture, avec grâce et légèreté .

Dans certains cas l’orchestre symphonique dans la chanson, c’est une Rolls, avec ce que ça implique de solennel, un peu gourmé, ici ce serait plutôt une Ferrari, Testa Rossa bien sûr, qui sait bondir et virevolter avec les nuances d’une danseuse de flamenco, sensualité et fille flamme qui joue sur tous les registres. La tendresse d’un pull over pour deux, la flamboyance de Saint Max, Il est déjà trop tard Pour s’appeler Mozart Il est encore trop tôt Pour s’appeler Artaud Le génie, c’est bizarre
Et la désillusion élégante d’une valse pour rien…

Le spectacle vivant étant en évolution créative permanente, ce Leprest en Symphonique 2023 est sensiblement différent de celui de 2018/2019. On retrouve Dylan Corlay à la direction mais avec l’Orchestre Régional de Normandie, le précédent était l’Orchestre National des Pays de la Loire. Il est aussi différent du Leprest Symphonique de 2011 dans lequel Leprest chante

Standing ovation pour Romain Didier et bis repetita pour l’ensemble, c’était bien mérité.

1-Salut red

Et pour quelques images de plus …  ©NGabriel

 

1-Montage Leprest symphonique der 3825x4821

Norbert Gabriel

Festival Musicalarue 2022 : Entretien avec Les Fatals Picards

13 Mar

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Retour sur le festival Musicalarue d’aout dernier : les Fatals Picards, venus partager avec le public de Luxey l’humour incisif, parfois grinçant, souvent décalé, mais toujours pertinent d’une manière ou d’une autre, de leurs chansons, arrivaient avec, dans les bagages, celles de leur dernier album, « Le syndrome de Göteborg ». Certes le groupe de Rock comique nous a plus souvent fait hurler de rire que plombés d’émotions glauques, même si des titres comme « Canal Saint Martin » ou « Tonton », en sévère contraste avec la jovialité, l’énergie et la drôlerie des albums, « Le sens de la gravité » et « Coming out », dont ils sont respectivement issus, prouvent indiscutablement combien la sensibilité du groupe sait se faire sérieuse et grave, mais délicate aussi, pour aborder des thématiques lourdes, et fracassent brutalement les a priori l’appréhendant comme un groupe guignolesque d’humoristes-chansonniers aux accents festifs ou à l’optique militante.

Album après album, le quatuor diversifie, plus qu’il disperse, son jeu, le promenant dans une diversité de genres musicaux, non pas dont il s’inspire, ni qu’il parodie (quoi que parfois), mais qu’il pratique réellement, avec l’art et la manière qui lui sont propres, et le dernier enregistrement ne déroge pas à l’exercice : c’est paradoxalement avec un grand sérieux que les quartes musiciens qui semblent ne se prendre jamais au sérieux eux-mêmes, s’appliquent et s’impliquent, d’une chanson à l’autre, dans la Punk-rock et le Psycho-rock bien sûr (« Les playmobils complotistes », « Le syndrome de Göteborg », « Psycho Bunker »), le Metal (« La prophétie des Vosges »), la chanson variété française des années 60 (« Sous les tilleuls de Barcelone »), la parodie de comptine de Noel (« Le pull moche de Noel »), la balade folk (« Ton portable »), la musique de film X (« La poésie »), et chaque genre musical auquel il touche, en jouant habilement avec ses codes. Plutôt que de sérieux, d’ailleurs, il conviendrait de parler d’intégrité, puisqu’il n’y a là aucune dimension d’austérité, pour qualifier le respect avec lequel les Fatals Picards conçoivent, créent, jouent et partagent leurs compositions. A travers des chansons souvent humoristiques et caricaturant un sujet avec une dérision, plus ou moins fine, selon l’humeur et l’intention, parfois avec une colère saine, mais aussi souvent avec beaucoup de tendresse, c’est un esprit amuseur et amusé qu’on entend, tant dans le contenu des textes et les idées développées, que dans la façon désopilante de les articuler et les formuler, en même temps qu’une passion sincère de la musique, des musiques.

Dans la Chanson, on rencontre des écrivains pour qui une composition simple et efficace suffit à servir de support musical à la poésie d’un texte, des musiciens qui conçoivent des mélodies recherchées aux harmonies sophistiquées pour qui la qualité littéraire et le sens du propos n’ont pas tant d’importance, et parfois des artistes capables d’allier une écriture au propos pertinent et à la plume cocasse et inventive, et un jeu instrumental élaboré, complexe et d’envergure. Les Fatals Picards, sous leurs aux airs d’amuseurs publics, sont de ceux là, décalage et contraste incongrus, parfois insolites, en plus, qui donnent à l’effet comique toute sa puissance, pas uniquement pour divertir, mais plus souvent pour conscientiser et interpeller, en parvenant à éviter de tomber dans le sermonage moraliste facile. L’album évoque irrésistiblement ces épisodes du Flying Circus des Monthy Pythons, qui par leur gout de l’absurde, ramènent paradoxalement, et façon ludique, un peu de raison et de salubrité mentale dans les égarements spirituels et le non-sens politique de notre époque et de nos sociétés. Paul, chanteur, et Laurent, guitariste, acceptaient de nous accorder un entretien à Luxey cet été, lors du festival Musicalarue.

fatsl6 Messieurs, bonjour et merci de nous accorder un entretien pour la revue le Doigt dans l’œil.

– Paul : Mais on dirait une contre-pétrie : « le deuil dans l’oie ». Ça, on ne vous l’avait jamais fait. C’est mon petit comique à moi ; je ne me déplace jamais sans lui.

– Laurent : C’est comme les artistes et autistes, à une lettre près.

– Paul : Pendant le confinement, y en a qui avaient mis « art-triste », parce qu’on ne pouvait pas jouer. C’est mignon, quand même.

– Puisque qu’on parle immédiatement de littérature, votre dernier album, « Le syndrome de Göteborg » traverses plusieurs paysages musicaux, peut-être plus variés, que l’ont fait les précédents albums. L’avez-vous souhaité moins acoustique que les autres?

– Laurent : Tu trouves? Je le trouve plus calme et moins énervé que le précédent. Mais il y a moins d’acoustique effectivement. Cet album est un peu plus saugrenu que les précédents.  En fait quand on écrit avec Paul, pour un album, on a pas mal discuté avant en général, de ce qu’on aime, et l’idée est d’explorer un truc qu’on na pas déjà fait.

– Paul : Dans les thématiques, en tous cas, et dans la manière de les aborder, les blagues. Les chansons de « Pamplemousse Mécanique » étaient très littérales, avec beaucoup de texte. Là comme on arrive à avoir pas mal de scuds, éviter la redite, c’est bien. Et c’est difficile d’éviter la redite sans pour autant changer complètement de délire, parce que les gens t’aiment pour ce genre de choses. Il faut que ce soit un peu sociétal, un peu rock, un peu marrant. Y a un petit cahier des charges à respecter, donc et tu peux sortir un peu du chemin, mais pas trop. Là on s’est permis de sortir du chemin un peu.

– En quel sens?

– Laurent : Il y a des choses pour lesquelles on s’est demandé si les gens auraient tous les codes pour comprendre. On a fait un morceau super codé par exemple, « Sous les tilleuls de Barcelone » : si t’as pas les codes Aragon, Ferrat, Parti Communiste, tu peux passer au dessus. Mais on le savait en le faisant.  

– Paul : Moi, j’aime bien les trucs où tu ne comprends pas tout de suite tout et tu peux y revenir plusieurs fois, et te dire : « Oh les cons ! Ils ont osé ! ».

– A propos de ce titre, « Sous les tilleuls de Barcelone », dont on imagine que Jean Ferrat aurait été horrifié par le texte, avant probablement d’en rire, qu’est-ce qui vous a pris d’élucubrer cette contre-parodie d’une chanson à la Jean Ferrat faisant l’éloge du franquisme?

– Laurent : En fait au début on voulait faire comme des archives avec cet album : avec « La prophétie des Vosges », ça faisait archive de groupe Metal des années 80 ; on devait être aussi le premier groupe de Pologne à avoir réalisé le premier générique de dessin animé dans les années 70, mais on n’a pas gardé cette chanson.

– Paul : Ah, oui, je m’en souviens, avec Piotr le robot.

– Laurent : Et on devait donc être le premier groupe à avoir refait l’Eurovision en 1963, et on s’est dit que ce serait drôle de le faire à la façon Jean Ferrat, mais un Jean Ferrat qui ferait l’apologie du franquisme.

– Paul : On se demandait quand même si à un moment donné il y a vraiment eu quelqu’un qui croyait à cet El Dorado potentiel du franquisme.

– Laurent : C’est une chanson sur l’engagement et le questionnement de savoir ce qu’est un chanteur engagé : de quoi ça dépend, qu’est-ce que ça chante ? Dans les années 30, quand il y avait de l’antisémitisme un peu partout, on faisait des chansons contre les Juifs. Les chansons contre les Noirs dans les états du sud, en Amérique, c’était de la chanson engagée. Ça ne veut pas dire que l’engagement est moralement défendable.

– Paul : Y a pas que la gauche qui a le monopole de la chanson engagée. Y a des groupes de néo-nazis en France, et ce sont des chanteurs engagés, tu ne peux pas aller contre ça. Et même plus que nous. Parce que nous, nous ne sommes pas des artistes engagés. A titre personnel, si, on s’engage sur des trucs et on a une conscience politique. Mais on n’est pas à se montrer sur des barricades ou défendre à fond des associations.

– Laurent : On le fait à titre individuel.

– Paul : Oui, mais pas dans le groupe.

– Laurent : C’est plutôt un modèle finalement anarcho-libertaire, si on devait le rapprocher d’une politique. Il n’y a jamais vraiment eu de chef dans les Fatals. Ça tourne : des fois c’est Paul, des fois, c’est moi, des fois c’est Jean-Marc. Jamais, c’est Yves. Mais ça tourne.

fatsl2– Qu’est-ce qui vous plait dans l’utilisation du Rock comique pour conscientiser et partager des idées?

– Paul : L’humour et la dérision, c’est un peu d’abord notre logiciel de lecture du monde. Même dans la vie, c’est toujours avec beaucoup de deuxième et quatrième degrés qu’on a fonctionné. Nos références humoristiques sont les Monty Python, Eric et Ramzy, des trucs saugrenus.

– Laurent : C’est un accélérateur parfois : avec juste quelques mots ou une phrase, tu peux dire beaucoup de choses sans faire huit tonnes de textes.

– Paul : Après, comme je disais tout à l’heure, quand tu fais un album des Fatals, y a un cahier des charges à respecter. On pourrait faire d’autres choses. Moi, je fais de la Coldwave par exemple. Mais après tout le monde se marre quand je fais ma chanson « Je suis triste », alors que c’est triste. Moi, j’écoute plutôt des trucs tristes d’ailleurs ; les chansons marrantes, je n’en écoute pas, et je n’écoute pas beaucoup de choses en Français d’ailleurs. 

– Laurent : Ça dépend, chez les Cowboys Fringants, y a des trucs marrants aussi. Mais il faut qu’il y ait de la musique aussi. C’est pour ça que plus le temps passe, plus on a essayé dans nos albums de faire de la musique.

– C’est précisément ce qui s’entend, et nous fait prendre conscience, avec l’éclectisme des genres musicaux que vous maniez avec quand même aisance et maitrise, que vous n’êtes pas que des «  pitres », mais aussi des musiciens inventifs et aguerris. Jouer scrupuleusement est-il  un désir venu avec le temps qui n’entraient peut-être pas tant en compte avant?

– Laurent : C’est gentil et je te remercie pour ça, car c’est ce qu’on a toujours eu envie de dire : on est drôle, on a un coté guignol, mais faut que ça tienne la route musicalement.

– Paul : Oui, ça fait quand même vingt piges qu’on bosse et on a plaisir à jouer.

– Laurent : En même temps, les groupes rigolos comme Les Charlots ou les VRP, ça jouait. Sinon ce n’est pas drôle ; c’est pathétique.

– Paul : Si t’es trop dans le délire, mais que tu te fais marrer toi-même, sans être carré sur scène, ça ne marche pas.

– Laurent : A la imite comme GiedRé ou Frédéric Fromet avec un instrument, et ça devient un objet comique, parce qu’il y a une fragilité. Nous, on est quatre sur scène et on envoie du Rock. Donc l’énergie ne doit pas se perdre dans les fausses notes et les erreurs, et les rythmes aléatoires.

– Pour les gens que vous venez de citer, la musique semble plus être, plus qu’un support, un prétexte, pour faire de l’humour ou de la dénonciation. Cela n’est pas votre cas, si ?

– Laurent : Ça l’a été au début. C’était très parodique, les Fatals. Et plus le temps a passé, plus le côté humoristique a cédé de la place à la musique.  «  La prophétie des Vosges » est la seule chanson où on a commencé par la musique, avant de poser un texte dessus, parce qu’on voulait que ça joue vraiment bien le style Metal. C’est une chanson, qui, mine de rien, dit que la différence, c’est quelque chose de bien. Mais ça, c’est venu en seconde main, et presque par accident, quand Paul a ajouté « non binaire » comme qualificatif du nain, et on s’est dit que c’était en phase avec l’actualité.

– Paul : Au départ, la musique arrivait en deuxième préoccupation vraiment, même au niveau des enregistrements et du montage des morceaux. Les morceaux de « Pamplemousse Mécanique »  sont simples de structure ; les instruments utilisés aussi. On a fait ça, pas vite fait, mais tout comme.

– Laurent : Moi, je trouve que c’est un superbe album pour découvrir l’esprit des Fatals, mais nous, quand on l’écoute, on est toujours déçus par l’enregistrement. Je pense qu’on s’est un peu tiré une balle dans le pied avec cet album.

– Paul : Oui, il y a des trucs qui n’étaient pas bien faits, certains qu’on n’aurait pas du foutre dessus, d’autres qu’on aurait du bosser différemment. On joue « La sécurité de l’emploi » autrement aujourd’hui. A partir du « Sens de la gravité », on a épuré les textes. Pour « Pamplemousse Mécanique », c’était écrit avec un gros débit de paroles, comme si on ne supportait pas le silence. On pourrait réécrire « Djembe man » aujourd’hui, en faisant trois couplets avec les cinq initiaux, en ne gardant que les meilleurs bouts.

– Laurent : Il [l’auteur] avait peur du silence qui suppose qu’après, il faut habiller la chanson musicalement. Pour prendre l’exemple du « Chanteur québécois » à l’inverse, on peut se permettre d’avoir un texte drôle, en laissant du temps pour qu’il s’y passe des choses musicalement. Mais je comprends la peur du vide, car dans le comique, le silence est une menace.

– Paul : Oui, mais parfois le silence, c’est le moment où tu te marres le plus. Quand il y a cette espèce de silence de malaise. Moi, j’aime bien les blagues avec un silence vraiment gênant, après quoi tu te marres vraiment de ça.

– Laurent : Même « Djembe man », qui n’est pas la pire au niveau du son, on aurait pu la faire différemment. Mais on aurait peut-être perdu le côté humoristique.

– Paul : Mais elle est inchantable. Le nombre de syllabes ne tient pas. Il y a genre cinq couplets, l’intro, ça n’en finit pas : c’est la purge à chanter! Mais ces chansons, mine de rien, on bientôt vingt ans.

– Personnellement, malgré l’abondance textuelle et le débit de paroles, « Djembe man », ou des chansons comme « La sécurité de l’emploi » ou « Cure toujours » ne me semblent pas du tout soporifique. Puis-je oser une comparaison avec « Le pull moche de Noel » sur votre dernier album, qui dure moins longtemps, mais semble psychologiquement beaucoup plus longue et interminable?

– Laurent : Mais il y a une volonté. C’est-à-dire que ça ne s’arrête jamais, ce sont les mêmes débuts de couplet, les mêmes phrases, parce que c’est sensé être relou, en fait.

– Paul : C’est l’idée. Mais en fait maintenant les chansons, on les écoute de manière différente. Là, on a le disque, l’objet, des enregistrements qui correspondent à une époque, à nos envies de ce moment-là. Mais après c’est vraiment l’album de nous où il y a des trucs qui partent à chaque bout, et c’est vraiment un des rares albums, dont on nous dit qu’on peut adorer et écouter certaines chansons en boucle, et ne pas supporter d’autres. Et y des gens qui disent ça du « Pull moche de Noel ». Et je trouve ça assez cool qu’on puisse se retrouver sur un titre et pas sur un autre ; ça nous correspond bien, parce que nous, on a notre patte, mais on peut aussi faire n’importe quoi à côté, et on s’en fout.

– Laurent : On a cette chance de pouvoir s’en foutre. On se dit que si un truc est cool, on le défend, comme « La poésie ».

– Paul : Et alors les gamins, ils l’adorent celle-là! C’est la préférée des enfants en général.

– Laurent : Il ne faut pas oublier que des fois on rigole sur des choses avec lesquelles maintenant il convient de ne pas rigoler, mais quelque part on utilise des mécanismes très simples. Et c’est dur de ne pas rigoler avec ça, alors que c’est effectivement drôle.  Le principe du rire, c’est que ça fait rire quand quelque chose est hors de la norme. Un cavalier sur un cheval ne fait pas rire. Par contre une petite grosse sur un poney, oui. C’est comme si on voyait arriver un mec en tongs et en slip panthère dans une réunion de banquiers à Dubaï. C’est le décalage qui fait rire.

– Paul : Donc en somme, on est plutôt contents de cet album. Après on a un rapport à la musique sans prétention. On n’est pas la tête dans le guidon. On s’est trop marrés à écrire ces chansons, et personnellement c’est ce qui me restera de ce disque, et j’en suis très content. Quand on a trouvé « Il n’y aura plus de chrysanthèmes sous les tilleuls de Barcelone », on a rit pendant une heure, je crois, on n’en pouvait plus! Pareil pour le « Chanteur québécois ». On adore ce morceau, et le texte est pourtant sorti en vingt minutes.

– Écrivez-vous toujours tous les deux?

– Paul : C’est surtout nous deux, mais Jean-Marc écrit aussi, et parfois chacun de nous ramène une idée. La chanson « Le chanteur québécois » est basée sur une idée de départ que tout passe mieux avec l’accent québécois. Y compris si on t’annonce un cancer, et que tu vas mourir dans deux jours. Mais comme c’était lourd, on est partis sur des idées plus légères : celle d’une rupture amoureuse. Des fois on écrit ensemble, ma femme est dans la cuisine et elle nous crie soit que c’est nul, soit qu’on devrait remplacer tel mot par tel autre, ce à quoi on lui répond que le jour où les femmes auront leur mot à dire dans la musique, elle reviendra, mais en attendant elle a la bouffe à faire et les gosses à aller chercher… Je rigole. Elle adore écouter de loin quand on écrit ensemble.

fatsl3– Vous avez parodié, pour ainsi le dire, dans nombreuses chansons, d’autres artistes, dont on reconnait des manières, des caricatures, parfois des travers, les avez tournés en dérision, ou leur avez fait référence en repiquant un extrait musical, comme Blankass, Zebda, Bernard Lavilliers, entre autres, mais jamais avec méchanceté ni mépris dans la moquerie, plutôt même parfois pas mal de tendresse, même une forme d’hommage. Avez-vous eu des retours de certains d’entre eux?

– Paul : Après, les Zebda et les autres ne sont pas les groupes qu’on a le plus envie de vanner.

– Laurent : Je pense à un morceau qui s’appelait « La France du petit Nicolas », où il s’agissait là d’utiliser sciemment des trucs à la Zebda, pour créer un peu une filiation avec des albums comme « Essence ordinaire », dans le but de dénoncer le discours sur l’immigration. Notre chanson « Noir(s) » commence par une reprise de Brassens par exemple : « Elle est à toi cette chanson, toi le keupon qui sans façon ». C’est une façon de dire que l’Auvergnat qui accueille les gens, ça devient le keupon, et ça fait sens.

– Paul : Sinon, y a Julie Zenatti qu’on défonçait bien, et puis qu’on a rencontrée un jour et ça l’avait bien fait. Bernard Lavilliers est venu tourner dans notre clip. Après on n’a pas plus de retour ; on n’a jamais joué avec les autres artistes.

– Laurent : Après coup, c’est une lecture honorifique, quand on reprend les Bérus ou la Mano Negra. On ne rend pas la chose drôle ou risible. C’est plus lui donner un rôle de référence. De toute façon, en général, on ne se moque pas des gens qu’on n’aime pas, parce qu’on ne fait pas de chanson sur eux.

– Paul : Voilà : on n’a pas de chanson sur Zemmour, ni sur Lepen. Il n’y a que du chambrage. On ne parle pas des gens pour qui on a vraiment de la haine. Il y a eu la chanson sur Poutine, « Fils de P… », bien sûr, mais à cette époque, quand on a écrit la chanson, Poutine, on en rigolait et ne le prenait pas au sérieux ; il n’avait pas encore fait ce qu’il a fait depuis, même s’il avait déjà fait de la merde. Du coup on peut craindre de l’avoir rendu trop  sympathique dans cette chanson.

– Laurent : En même temps, on est « contents » avec beaucoup de guillemets, parce qu’on a écrit cette chanson à une époque, et sept-huit ans après, on s’aperçoit que ce qu’on y avait dit est devenu vrai. Alors, on n’a rien inventé ; on n’a pas prédit l’avenir. Mais on est quand même arrivé à écrire des choses qui n’étaient pas dans le faux.

– Paul : Voilà : on y était. Comme avec « Le jour de la mort de Johnny » : tout ce qu’on raconte dans la chanson s’est exactement, à peu de choses près, passé comme ça, avec les drapeaux américains, toutes ses femmes, tous ses sosies. Y avait pas husky par contre. Mais je suis sûr que dans le public, il devait bien y avoir un mec avec un t-shirt avec un husky dessus. 

– En revanche, pour ce qui est de dénoncer, non pas des personnes, mais des phénomènes sociaux, des troubles du comportement humain ou des dérives politiques, votre humour sait se faire féroce.  Sur le dernier album, deux titres notamment, « Les playmobils complotistes » et « Psycho Bunker » n’épargnent pas le sujet. Ces chansons ont-elles aussi peut-être pour fonction de tirer une alarme?

– Paul : Quand je dis qu’on n’écrit pas sur des gens qu’on n’aime pas, je parle de personnalités en particulier. Pour ce qui est des concepts, c’est différent. Bien sûr qu’on ne peut pas blairer les complotistes, même si ça a un coté attendrissant, parce que ces gens sont quand même un peu « gogol ». Quand tu entends des gens qui soutiennent que la terre est plate, qu’il y a des puces 5G dans le vaccin, tu te dis qu’il faut quand même être sérieusement débile. Au départ tu te marres, parce que les gens sont cons. Après ça t’énerve, parce qu’ils te prennent la tête, et à la troisième phase, ça te rend un peu triste, parce que tu te rends compte que ces gens ne comprendront pas. Ça, c’est une découverte phénoménale, le complotisme. On savait déjà que ça existait avant, mais là, ils ont eu tout le loisir de s’exprimer, vu que personne ne bossait, tout le monde était sur les réseaux et s’en donnait à cœur joie. A un moment donné, même les gens normaux dans la famille se mettaient à avoir des discours bizarres.

– Laurent : Ce qui est marrant avec cette chanson, c’est qu’on a transformé les complotistes en jouets, donc en trucs complètement manipulables.

– Paul : Moi, ça ne me fait pas trop rire.

Laurent : Enfin « marrant »… Les gamins aiment bien cette chanson, à cause des playmobils. Mais c’est triste. Alors que de véritables complots, il y en a eu. Et des fois les gens s’accrochent à des théories comme ça, alors que des scandales dégueulasses à ciel ouvert, il y en a plein. On peut parler de la coupe du monde au Qatar, de la vente d’armes, de l’Ukraine : il n’y a pas besoin de complot. Mais les gens sont parfois d’une grande cécité par rapport à certaines choses contre lesquelles il faudrait se battre, et vont se focaliser sur d’autres choses sans importance.

– A propos de la coupe de foot au Qatar, le sujet rejoint la thématique de l’apolitisme du sport ou des sportifs, mais qui sous couvert de ne pas faire de politique, cautionnent des régimes assassins, que vous aviez déjà abordée avec « Chinese democracy » au moment des jeux olympiques à Pékin. Comment percevez-vous cette absence de moralité du monde sportif?

– Laurent : On n’a jamais aimé la collusion du sport, du pognon et de l’absence de démocratie. Pour le Qatar, j’ai envie de dire « honte à ceux qui organisent, honte à ceux qui regarderont ».

– Paul : Moi, j’ai toujours regardé les coupes du monde, parce que je n’aime pas le sport, mais j’ai toujours regardé l’équipe de France, et je m’achète l’album Panini avec tous les autocollants, et je regarde tous les matchs, même Azerbaïdjan/ Turquie. Mais cette année, je m’y refuse. Et ça me saoule, parce que j’adore mater les matchs, remplir qui a gagné sur l’affiche, des trucs d’enfant, quoi. Mais cette année, je refuse catégoriquement ; c’est au dessus de mes forces. Je trouve dégueulasse de faire ça pour les gens qui aiment le foot aussi.

– Laurent : Mais tout est dégueulasse : le modèle humanitaire, le modèle politique, le modèle sportif. Tout est affreux. Il n’y a rien qui ne sauve de rien. Allez jouer sur des cadavres…

– Paul : Il parait qu’il y en a qui sont encore vivants, sous les fondations. Si tu poses ton oreille sur le grand pilonne au virage sud, tu peux encore entendre crier.

– Laurent : Le pire dans cette histoire, c’est que moi, si j’étais spectateur, j’aurais vraiment l’impression de m’assoir sur un cimetière à ciel ouvert. C’est quoi ? Cinq ou six mille personnes qui sont mortes là bas.

– Paul : Et encore : cinq mille recensées ; donc c’est que c’est probablement plus proche des cinquante mille. On va chercher les travailleurs chez eux, on leur pique leur passeport qu’on leur rendra avec leur salaire, et puis comme ça, s’ils disparaissent, aucune trace. Je ne sais pas si tu as déjà été au Népal ou au Laos, mais quand un gars quitte le village et ne revient pas, c’est impossible de savoir ce qu’il est advenu de lui. On peut dégommer des milliers de gens sans que ça se voie. Et pour un match de foot ? Et même pas pour un match de foot, parce qu’en fait il n’y a plus de sport. C’est juste une histoire de fric.

– Laurent : Pour remercier ces gens là : je quitterais cette planète moins déçu que quand j’avais vingt ans et je craignais que la terre devienne un paradis après moi. Après plus le temps passe, plus on vieillit, plus on est au courant de certaines réalités qu’on ne savait pas à vingt ans, et donc plus lucides. Peut-être qu’à vingt ans, le Qatar nous serait passé au dessus de la tête.

– Paul : Je ne crois pas trop. A vingt ans j’étais déjà conscientisé à ces choses. Mais si tu veux pouvoir tout boycotter, faut vivre en autarcie totale. Moi je viens de la Creuse, et y a que là, où c’est pas trop difficile.

– Laurent : Là, tu en est à la 876ème page du blog, non? Enfin, on essaye de parler de sujet, dont personne d’autre ne parle et d’en parler de manière biaisée, comme le Qatar, la vente d’armes.

– Paul : Bien sur, on ne doit pas être les seuls à écrire là-dessus, mais ce n’est pas le genre de sujets qu’on entend abordés dans les chansons qui passent en radio. Ou alors de manière tellement pathos, comme Gauvin.

– Laurent : Ne dis pas de mal de Gauvin !

– Paul : Non, mais c’est gentil ; c’est un peu du Tryo, ça va dans le sens du poil. « Vous vous rendez compte combien c’est triste, hein, c’est vrai que c’est triste ». Nous, on préfère biaiser les sujets, le dire dans la dérision provocatrice. Cela ne signifie pas que ce soit mieux, mais c’est notre manière. On a des chansons pathos aussi.

– Vous sentiriez-vous, d’une certaine manière, en proximité avec un artiste comme Yves Jamait, qui aborde les sujets de sociétés, peut-être de façon moins caustique que vous, mais parfois sous l’angle de la dérision ou par un biais narratif intime?

– Laurent : J’adore Yves! On l’a rencontré plusieurs fois et c’est un mec très sympa, et j’aime beaucoup ses albums. Il n’y a pas beaucoup de gens originaux dans la Chanson française, et je trouve qu’Yves a vraiment sa patte. En plus il est adorable. J’aime beaucoup sa voix, et on sent qu’il y a de l’intelligence dans ses chansons.

– Paul : Il y a de l’intelligence, et il y a aussi beaucoup d’empathie et de respect. Je ne voudrais pas avoir eu l’air de critiquer Gauvain, qui est un garçon gentil et adorable, avec beaucoup d’empathie aussi ; ce n’est pas comme moi, juste un gars qui vient pour faire des chansons avec ses potes et prendre un peu de tunes.

fatals4– Tu mentionnais des chansons pathos dans votre répertoire. Pour le coup, je voudrai revenir sur une qui n’est pas du tout drôle, « Tonton », qui aborde le sujet de la pédophilie dans les familles, et frappe d’autant plus violemment l’esprit que l’avoir positionnée en fin d’un album où se multiplient les titres hilarants et légers lui donne un côté glaçant même, en contraste brutal. Je me souviens avoir été pétrifiée soudainement à son écoute, comme une redescente sévère dans une réalité sordide, après euphorie. D’un coup, on est saisit par l’évidence que les Fatals Picards ne sont pas que des « rigolos », mais des artistes capables de se pencher avec sensibilité et gravité sur un sujet lourd. Avez-vous eu des retours d’auditeurs sur cette chanson?

– Paul : Alors, je n’y suis pour rien. C’est Billy qui l’a écrite, par rapport à une histoire concrète.

– Laurent : C’était après avoir discuté avec deux personnes victimes d’actes pédophiles dans leur famille. Après « Pamplemousse mécanique », il y a eu « Le sens de la gravité » avec « Canal St Martin », et à partir de là, ils m’ont autorisé, et on s’est autorisé, une chanson glauque par album. Tu sais quand tu écris, tu prends un sujet et tu ne te dis pas par avance que tu vas le traiter avec humour, ou avec ci ou ça. Le coup de la pédophilie, naturellement, je ne me voyais pas aborder ce sujet avec humour.

– Paul : Ceci dit, la chanson est hors contexte pour un concert des Fatals. Sur un album, tu peux comprendre que les gars aient voulu traiter ça. Mais sur un show d’une heure et quart, avant Tagada Jones, ce n’est pas le contexte.

– Laurent : C’était en plus la première est seule fois qu’on a bossé avec un quatuor à cordes sur un album, alors ça rajoutait du pathos. Mais quand tu as une idée en chanson, j’aime l’idée d’aller jusqu’au bout. Et j’aime bien l’idée qu’on ne soit pas d’accord : ce qui est bien dans les Fatals, c’est que c’est une vraie démocratie. On peut avoir des points de désaccord, et continuer à en avoir quand ça pose vraiment problème, aimer certaines chansons que les autres n’aiment pas, et vice versa.

– Paul : Parfois il y a des chansons tristes, mais avec des phrases gaies. Mais « Tonton », elle est dégueulasse. Elle est très dure à chanter, de A à Z. Mais bon, elle existe.

– Laurent : Elle a le mérite d’exister. Et on a réçu des courriers, comme pour notre chanson « Gros con » sur les femmes battues, de gens qui en étaient contents, en tous cas, que ça a touché qu’on aborde ces thèmes.

– Paul : C’est vrai que pour « Gros con », on a eu énormément de retours de femmes qui ont subi des violences, ont été brutalisées. Bien sûr on ne peut pas établir de degrés dans l’horreur, viol ou coups. Mais sans rentrer dans les détails, c’était des retours de femmes, qui soit ont vécu elle-même ces situations, soit ont été proches d’une autre femme qui les a vécues, et nous remerciaient de consacrer un titre à cela. Car des chansons sur les violences conjugales, il n’y en a pas tant.

– On parlait d’Yves Jamait à l’instant. Sa chanson « Je passais par hasard » a eu énormément de retours du genre.

– Paul : Elle est très bien, cette chanson. Nous, nous avons choisis de traiter le sujet avec humour ; c’est même cynique. Pas le rappeur, hein.

fatals– Comment percevez-vous l’accueil du public au disque?

– Paul : C’est difficile à dire, car plus personne ne vend des disques. On ne peut donc pas faire de comparaison avec les ventes des albums précédents, pour « quantifier » la popularité d’un album. Ma femme, qui assure le merchandising a quand même tendance à dire que ce disque se vend plutôt bien. « Les playmobils complotistes » fonctionne très bien ; elle plait autant sur disque que sur scène. Elle est lente, intelligible.

– Laurent : On a les plateformes numériques quand même pour voir quel morceau plait. Et quand on a nos relevés de Sacem, on sait à peu près ce qui s’est vendu.

– Paul : Linda, pardon de reparler encore de ma femme, mais elle regarde Spotify assez régulièrement et peut chiffrer combien d’auditeurs nous écoutent par mois. Et visiblement on a tendance plutôt à en gagner de plus en plus. Nos concerts sont pleins, alors que la période n’est pas évidente. Et c’est ce qui compte.

– Laurent : Il est vrai que pour nous, faire des albums est un prétexte pour pouvoir tourner et rencontrer le public avec nos chansons. L’album n’est pas une fin en soi.

– Paul : Tu fais des chansons qui te font marrer, donc tu as envie de les partager avec les gens.

– Laurent : Tout ça pour dire que nous choisissons des chansons, d’abord avec le critère de pouvoir les partager avec les gens sur scène et que ça marche.

– Paul : Oui, enfin des fois, il arrive qu’une chanson dont on pense qu’elle va fonctionner lasse le public, et qu’inversement, une chanson dont on craignait qu’elle fasse un bide, fonctionne super bien auprès des gens, et qu’il se passe quelque chose.

– Je n’ai plus de questions…

– Paul et Laurent de concerts : En tous cas, t’as eu des réponses!!!

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Miren Funke

Photos : Carolyn C

Site du groupe : https://www.fatalspicards.com/

Jean Guidoni à l’Européen 2023

24 Jan

1-Montage réduit Guido 2023 européen 3833x3631 3833x3631Jean Guidoni est un drôle de type, souvent associé à un univers noir, mais c’est aussi un type drôle, quand il évoque le Cecil Hotel* connu pour être particulièrement sulfureux – genre château de Barbe Bleue avec ses anges noirs – il nous fait un sketch sur sa biographie de baroudeur aventurier ayant connu Che Guevarra enfant et accompagné toutes les révolutions depuis 1917, ce qui donne l’impression très nette qu’il a été copié par un stépha… non rien ! Jean Guidoni est un voltigeur des sentiments exacerbés, pas de bluettes à l’eau de rose mais des chroniques à l’eau de vie, au jus d’alambic de contrebande qui décape sévère, mais dans ce maelström vertigineux, il évolue avec une grâce de funambule, sans filet, et on en ressort ébloui. C’est tout le paradoxe Guidoni, en d’autres temps un poète a écrit:

Les chants désespérés sont les chants le plus beaux
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.

On retrouve en lui ce Prévert caustique, à l’ironie acidulée, et, envers et contre tout, vivant, obstinément vivant. Alors il chante, son hymne à la vie …

1-Allons chante réduit Guidoni 3357x3102

https://www.youtube.com/watch?v=LpPPMghBvk8&t=3s

Pour en savoir plus je vous renvoie à cette excellente interview, tout y est
https://lagrandeparade.com/l-entree-des-artistes/lyrique/5145-%C2%AB-avec-des-si%20%C2%BB-de-jean-guidoni%20-douze-chansons-d%E2%80%99%C3%A9l%C3%A9gance-et-de-raffinement.html

*Le Cecil Hotel Los Angeles, c’est là .. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cecil_Hotel_(Los_Angeles)

Le site de Jean Guidoni, c’est là —>  http://www.jeanguidoni.com/

Norbert Gabriel

Dans ce spectacle Jean Guidoni est accompagné par Isabelle Vuarnesson et Julien Lallier.

Et pour quelques photos de plus ,

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Photos ©NGabriel2023

L’ignorance comme exemple dans un Côté Club calamiteux…

5 Jan

C’était le 3 Janvier …  France Inter …

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Romain Didier et les Ogres de Barback, représentés pas Fred Burguière, plusieurs décennies de carrières d’une diversité et une richesse rares, ont été reçus par deux animateurs dont on a vite perçu qu’ils ne connaissaient de leur sujet qu’une fiche sommaire, bien moins complète que ce qui est écrit sur la page de l’ émission et qu’ils semblent avoir lue d’un œil à demi fermé. On commence avec, je cite « Les Orgues de Barback » plusieurs fois de suite, Ogres de Barback qui ne semblent exister à leurs yeux que par Pitt Ocha … En intro, Laurent Goumarre rappelle que Côté Club est le RDV de la scène française… Il faudrait lui faire un topo sur les nombreuses tournées de ce groupe qui fait du spectacle vivant depuis 28 ans en ayant équipé un chapiteau pour se produire en toute autonomie dans des villes n’ayant pas de salle adaptée… Cerise pourrie sur le gâteau raté, la question finale de « l’experte es chanson » Est-ce que vous vivez de votre musique ?  Bin non madame, c’est pour ça que toute la famille s’est installée dans un château en Ardèche, (la famille, c’est au minimum les 5 frères et sœurs et leurs enfants) où ils produisent leurs albums avec leur label Irfan le Label et à ce jour c’est 22 albums et DVD… Peut-être pensez-vous qu’ils envoient les enfants glaner les châtaignes pour survivre ?

De même qu’elle va découvrir un de ces jours qu’ils ont fait des scènes avec Francesca Solleville, Anne Sylvestre, et que Pierre Perret a aussi fait quelques jolies choses avec eux…

N’épiloguons pas trop sur la façon dont Romain Didier a été traité, mais vu de ce côté de la TSF, c’était à peu de choses près les questions d’une classe de CM2 qui fait un devoir imposé et qui se contente du minimum syndical. 

romain-didier-integrale-Le 4 Décembre dernier Romain Didier était au Café de la Danse, il semble que ça ait échappé à France Inter … C’était pour la sortie d’un coffret regroupant tous ses enregistrements , (https://www.epmmusique.fr/fr/cd-chanson-francaise/3116-romain-didier-integrale-.html) chez EPM, COFFRET 16 CD – 364 TITRES / LUXUEUX LIVRET 64 PAGES AVEC LES TEXTES DES CHANSONS.

La simple visite de politesse sur les pages des invités aurait pu faire une émission digne d’une radio qui a eu José Artur à ces heures de nuit, et Foulquier, Poulanges, Meyer, LeVaillant des vrais pros d’un autre temps ..

Et pour les Ogres de Barback, 20 ans de tournées avec ce chapiteau, des spécialistes de la scène française auraient dû en entendre parler ?

Pour la 1ère fois, à partir du printemps 2023, les Ogres emmènent Pitt Ocha en tournée, sous leur propre chapiteau, pour célébrer ses 20 ans ! Toutes les infos et les dates sur https://www.lesogres.com Retrouvez le nouveau Pitt Ocha, « Pitt Ocha et le Vélo à Propulsion Phonique », sur les plateformes : https://bfan.link/pitt-ocha-et-le-vel... Sortie le 21 octobre 2022 – Irfan [le label] Avec : Aldebert, Juliette, la famille Lacaille [Oriane, René et Marco], CharlÉlie Couture, Francis Cabrel, Eskelina, Maria Mazzotta, R.Wan, Ariane Ascaride, Thomas VDB, Orquesta Silbando, Ma Petite, Les ogrillons…

Leur site  :  https://lesogres.com/

et pour Romain Didier,

https://romain-didier.fr/

Norbert Gabriel

Carnaval sauvage, de Nicolas Jules …

29 Déc

carnaval sauvage CCDCarnaval : « temps de réjouissances profanes depuis l’Épiphanie jusqu’au mercredi des Cendres. »
Sauvage : « qui vit en liberté ».
Un beau bordel, au carré donc.
Enfin, en moins géométrique.

Bref : le nouvel album de Nicolas Jules.

Renversant, bouleversant, authentiquement carnavalesque. Dès la première chanson, on saisit : le défilé grotesque, les créatures grimaçantes, la mécanique macabre ne sont pas des artifices rituels mais le monde au quotidien. Pas très beau à voir alors on y met du fard : on habille en désirables les chaînes, les poids, les barreaux, les frontières, les interdits. Et on s’extasie devant le reflet des choses alors qu’on n’a simplement plus la force de les regarder en face (Les étoiles dans le lac).

Nicolas Jules shoote dans les certitudes, pour ne surtout pas en proposer de nouvelles. Qui l’aime le suive, en haut du précipice, au bord du gouffre sans garde-fou… périlleux certes, mais au moins on respire. On est à l’air libre. «Je n’ai pas de murs» chante-t-il dans Bicyclette.

No limit : l’une se retrouve « en deux morceaux/ [quand] elle attend quelqu’un qui ne vient pas ». L’autre est un écosystème entier, avec sa faune et sa flore et plus encore. On entre dans la tête de quelqu’un sans frapper pour ne plus en sortir, ou dans son corps, à moins que ce ne soit ce dernier qui nous absorbe.  (Ornithologie).

No limit : on passe du pied du pageot à l’exoplanète en passant par «les Indes mentales», à la vitesse d’une fusée, d’un coup de foudre ou d’une bicyclette, qu’importe : le Temps, l’Espace sont si surfaits.

No limit : on tend l’oreille vers un rythme sourd ; un violon torride s’amuse à nous enlacer et nous dénouer tout à la fois. Ce se parle, ça s’écoute, ça se répond, ça se mélange, ça se retrouve…

No limit, jusque sur la pochette où les tigres du Bengale oscillent entre le chaton et le masque sorcier. Où le dessin a des faux airs d’expérience photographique, quand le noir et la lumière se disputent des contours pour un résultat vaguement flou et perçant.

« Y a des gars qui bossent à bien aligner les tulipes/ moi je bosse au désordre/ nous formons une belle équipe ». (Jardin secret/ Jardin public).

Bien évidemment, ceci n’est pas une conclusion.

Mélanie Plumail

Les femmes à la cuisine …

23 Déc

1-Nawel réduit AAA 3030x3033Avec Les femmes à la cuisine, c’est un opéra picaresque dans la lignée de Brecht et Kurt Weil, que l’extravagant Yanoswski a offert à Nawel DombrowskyIci, la cuisine n’est pas seulement le lieu où les femmes font la soupe ou les coquillettes au beurre, on y élabore des cocktails à base de nitroglycérine, parce qu’elles en ont ras le bigoudi de cette société bancroche, où il serait bon de remettre un peu d’équité dans le bastringue. Et que l’idée générale est d’avoir des arguments qui ont plus de persuasion qu’un discours policé devant un employé de banque robot, je résume… La vidéo sise plus bas vous éclairera sur les recettes élaborées.

Mais ce n’est pas que ça, c’est aussi le blues de la mère de famille, le blues de l’amoureuse qui fonce avec détermination dans les coinstots les plus bizarres, comme dit Vian, parce que la vie ça passe vite. Dans cette farandole d’émotions, de portraits sensibles, de coups de rage, de mémoire des républicains espagnols avec La bataille de l’Ebre, « … bien que républicains ils rêvent d’un royaume dont l’unique frontière serait la liberté. » c’est aussi le chant et les larmes de beaucoup de femmes dans le monde, ici et maintenant. On pense aussi à Bernard Dimey avec son Frédo, un cousin assez proche de Bébère la brute. Et aussi à ses copines du quartier, des mauvaises filles, dit le bourgeois, ça se discute.
Mais ceci est une autre histoire … A suivre  sur la scène de préférence.

Nawel Dombrowsky, Nolwenn Tanet et Hélène Avice ont nourri ce spectacle, de leurs racines qui puisent dans le meilleur de la chanson réaliste, du jazz, du théâtre, de la danse… (Spectacle filmé et enregistré au Forum Léo Ferré,  disponible début Mars en CD et DVD chez EPM)  En cherchant un peu sur youtube, vous trouverez pas mal de belles choses, Nawel, sa vie son oeuvre, ne me remerciez c’est Noël !

Un aperçu de leurs talents ? Voilà,

 https://www.youtube.com/watch?v=mV-czNTX-Mo

Pour les femmes à la cuisine, c’est là!

Et pour quelques images de plus,

1-Nawell et musiciennes montage 5108x3565

Norbert Gabriel

Festival Musiclarue 2022 : entretien avec le groupe Sans Additif

10 Nov

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Ce n’était pas la première fois que mes pas s’arrêtent à un concert des Sans Additif dans les rues de Luxey. Le groupe girondin est en effet un des habituels du festival, et depuis une vingtaine d’années revient régulièrement animer les soirées de Musicalarue, poursuivant son chemin, loin des expositions médiatiques, en complicité avec un public fidèle, qui s’agrandit, génération après génération. Qu’on flâne quand les rues du village ou galope d’une scène à l’autre, arrêter ses pas soudain, au son de quelques instruments acoustiques et à la vue d’un attroupement de gens, semblant indiquer qu’ici, il se passe quelque chose de sympathique, s’y attarder et se poser pour rester écouter des artistes jusqu’au bout de leur concert, c’est pour ainsi dire toujours un retour à l’essence de ce qui nous fait aimer la Chanson et les chansons : la générosité de la musique. C’est souvent ce que permettent les concerts d’artistes de rue : retrouver un lien à la Chanson très simple et authentique, léger et à la fois intense et dense, et par le partage qu’on en vit avec celles et ceux qu’il fédère, un lien humain honnête aux autres. C’est toute la magie que l’accessibilité du beau implante dans nos cœurs et sème dans notre quotidien. Les bien nommés Sans Additif, et bien que le choix du nom provienne d’un jeu de mots relatif aux prénoms des deux fondateurs – Nico (clarinette, accordéon, chant) et Laurent (guitare, chant), d’où « Sans Additif, Nico Laurent »- sont, en ce sens, avec leur poésie, leur fantaisie et leur humour, de ceux qui redonnent vie à la vertu initiale de l’expression musicale, et rendent justice au métier de chansonnier. Le duo devenu trio, avec l’arrivé de Franck à la basse et au ukulélé-basse, joua plusieurs soirs de suite les titres de son dernier et troisième album « Noces de Plastoc », ainsi que quelques des chansons du patrimoine populaire francophone, interprétées de concert et en chœur avec le public, dans ce genre d’ambiance chaleureuse et interactive qui donne le sentiment d’un public de copains venus voir jouer leurs copains. Avec une âme de saltimbanques qui ne se prennent pas au sérieux et rigolent bien, les trois musiciens néanmoins inventifs, chevronnés et passionnés, ont accepté de nous accorder un entretien pour parler de leur groupe.

 

– Bonjour et merci de nous accorder un entretien. Comment est né l’aventure de votre groupe ?

 – Nico : On s’est rencontrés en septembre 2000. Laurent avait un groupe de Rock qui s’appelait Ici Même, et moi, je jouais dans un groupe de chanson française nommé le Quintet à Claques. Chacun de ces groupes faisait peut-être cinq ou six concerts par an, pas forcément payés.  On a réfléchi ensemble à une solution pour pouvoir en faire plus, devenir professionnels et vivre de la musique. On a créé le duo comme ça. Au début on pensait plutôt faire des chansons pour les enfants.

– Laurent : On cherchait des voies pour pouvoir se « vendre » entre guillemets. Moi j’avais travaillé dix ans dans des écoles primaires à faire des animations pour les petits, donc c’était un réseau que je connaissais et je savais qu’il y avait de la demande pour ça : transporter de la chanson française dans les écoles. On a fait quelque fois des médiations, des ateliers d’écriture avec des écoles.

 

– La transmission de votre passion aux générations du futur est-elle une dimension importante du sens de votre activité, à défaut de parler d’activisme ?

– Frank : C’est intéressant d’expliquer aux enfants les différentes phases du métier d’artiste, entre écrire une chanson, monter sur scène, régler sa sono, vendre sa création. C’est très complet pour les enfants. Ces deux là ont cette proximité pédagogique, comme tout le monde a enseigné, entrainé des chorales ; ça permet de faire des débordements sur ce genre d’interventions en milieu scolaire. Ce n’est pas ce qu’on fait le plus bien sûr, mais les mairies, les médiathèques, les écoles, sont très demandeuses d’avoir ce type de médiations.

– Nico : Ce sont des leviers. Il faut savoir le faire. L’idée n’était pas de faire des chansons pour enfants, mais d’amener les chansons aux enfants. On a fait aussi une petite tournée des maisons de retraite dans les Landes, organisée par Musicalarue.

– Laurent : Moi je suis intervenu dans des prisons durant six ou sept ans ; ce sont des choses qu’on connait aussi.

– Nico : Et puis, en 2001 on a été embauchés au Parc du Bournat en Dordogne, qui est un village de reconstitution années 1900 pour jouer de vieilles chansons françaises. On jouait tous les jours de midi à 18h, avec une heure de pause. On a appris le métier comme ça, en faisant cela durant quatre ans. C’était super, artistiquement et financièrement, mais on en a eu un peu marre de ne jouer que des reprises, et de faire essentiellement des animations. Donc en 2005, on s’est mis à écrire nos propres chansons. Et là, ça n’a pas manqué : on a cessé de faire des concerts! Oui, parce que les gens nous connaissaient en animation, et ce qu’ils voulaient, c’était ça : des reprises de succès populaires.

– Laurent : On s’est cherchés pendant deux-trois ans.

– Nico : Et voilà, on a fini par trouver notre formule : on mixe, on fait deux ou trois reprises si on en a envie, et on joue nos chansons.

– Laurent : On essaye de faire en sorte que nos compositions soient dans le même esprit que les reprises, car le but du jeu c’était de continuer à chanter avec les gens, d’avoir beaucoup d’interaction avec le public. C’est ce qui est compliqué avec des chansons que les gens ne connaissent pas. On a quand même réussi à faire en sorte que les gens puissent chanter des refrains ou faire les chœurs, et à fédérer autour de nos compositions.

 

sans additifs– Le fait d’avoir une expérience d’artiste de rue vous a-t-il permis une aisance dans le rapport au public?

– Nico : Seul Franck en a une, mais ta question marche aussi avec l’animation effectivement. C’est la proximité avec les gens, faire en fonction des gens. La scène, avec une distance imposée entre le public et les artistes, ce n’est pas du tout le même métier : tout est rodé, avec le son, l’éclairage ; tu fais tout le temps la même chose. Là, quand on joue devant Le Cercle [NDLR  le bar de Luxey], on ne sait jamais à l’avance quel morceau on va jouer ensuite.

– Laurent : Lorsqu’on joue sur de grandes scènes, on a une liste planifiée de chansons. Là, quand on joue en rue, on improvise en fonction de ce qu’on ressent, de l’idée qu’on a, de ce qu’on voit face à nous, ce qu’on peut planter ou pas avec les gens, selon l’humeur.

 

– Comment Frank a-t-il rejoint le duo?

– Nico : En 2017, donc après quinze ans de vie commune, le couple s’est un peu lassé. Donc on a été obligés de mettre un peu de piquant ; c’est comme cela dans toutes les histoires d’amour. On s’était mariés en 2012, c’est-à-dire avant que le mariage homo soit légal, avec un vrai maire, à Créon. On avait fait un mariage un peu à la Le Luron et Coluche, tu vois. Les Astiaous [fanfare Louis Astiaous, habituels de Musicalarue] sont venus faire la cérémonie. Et donc en 2017, on a décidé de mettre un peu de piquant en intégrant Franck, la blonde d’Aquitaine, à la basse. Il est vrai que pour développer le groupe, on nous avait plutôt conseillé de prendre une jeune femme chanteuse.

– Franck : Là, t’as une petite grosse à la basse!

– Nico : Voilà… L’idée était de devenir un trio, mais on se connaissait depuis vingt ans, on ne pouvait pas prendre n’importe qui.

– Laurent : C’était pour amener autre chose. Avec la basse de Franck, on va un peu plus dans des sonorités graves. Ça change la dynamique, l’amplitude du son, on a tout revisité.

– Franck : Il est vrai qu’avec Laurent et Nico, nous nous connaissons depuis plus de vingt ans, et j’avais toujours eu de l’admiration pour leur spontanéité et l’énergie artistiques. Alors quand ils m’ont demandé, j’étais content.

– Nico : Un rêve s’est réalisé!

– Franck : Même dans nos amitiés, c’est comme si on avait rajouté une couche en plus, et je trouve cela assez touchant.

– Nico : Qu’est-ce qu’il nous arrive?

 

– Musicalarue est un rendez-vous que vous perpétuez depuis près de vingt ans. Quel rapport avec-vous avec ce festival ?

– Laurent : Il y a un fil conducteur important pour nous, c’est Musicalarue. On revient depuis vingt ans ici. L’association nous a toujours soutenus, même permis d’avoir des dates sur d’autres projets dans le Sud-Ouest, par contact. C’est aussi tous ces soutiens-là, ces réseaux qui font qu’on a tenu, car c’est rare, des groupes qui tiennent plus de vingt ans.

– Nico : Même Simon et Garfunkel, ils n’ont pas tenu aussi longtemps! Même les Innocents. Ou Java. Ils se sont tous déformés, avant de se reformer un jour.

 

– A part vous, il me semble qu’il n’y a que les Stranglers qui aient tenu si longtemps…

– Nico : On a tous aussi d’autres projets pour vivre, ce qui fait qu’on n’est  pas tenus d’accepter toutes les animations proposées ni contraints de faire des trucs un peu plus chiants. Laurent a une autre formule, et nous, on joue souvent avec le chanteur-humoriste Wally, qui est venu à Musicalarue également. C’est une histoire très forte ; les gens de Musicalarue sont devenus de vrais amis. Nous avons joué pour le mariage de la fille de François Garin, le président. Il y a des liens humains qui se sont tissés. Et puis ce sont des rencontres : par exemple Sans Additif ne serait pas Sans Additif si on n’avait pas rencontrés les Astiaous. Ils nous ont d’ailleurs invités pour leurs 47 ans.

– Franck : Et puis avec le public de Musicalarue, j’ai l’impression que bientôt, les jeunes vont connaitre les chansons que leurs parents ont apprises.

– Nico : Oui, on a des chansons assez familiales comme « Eh papa » qu’on avait écrites il y a une vingtaine d’années autour de notre premier public, parce qu’on a des gosses aussi, et c’est bluffant de voir maintenant les enfants de cette génération venir chanter les mêmes chansons que leurs parents.

 

– Dans quelques années, se peut-il de vous voir faire un concert ici à la Hugues Aufray devant quatre générations de mêmes familles ?

 – Nico : Ce serait terrible! Hier j’ai vu Nadau, 75 ans. Il avait une voix impressionnante. Et c’était pas du tout ringard ; ça sonnait super bien, la cornemuse, la vielle, le son. Impressionnant. Moi qui voulais arrêter ce soir….

 

– Mais non, il y a les Vieilles Charrues après. N’avez-vous pas prévu d’y jouer?

– Nico : Mais les Vieilles Charrues, c’est loin. Et puis c’est surfait… Je rigole. C’est un des rares festivals qui doit faire partie des réseaux avec Poupet, Albi et d’autres, qui ne sont pas encore rachetés, qui sont gérés par des associations qui résistent encore. Pas comme Garorock ou d’autres qui utilisent le bénévolat, captent des subventions, et cassent le marché en plus, en exigeant des exclusivités aux artistes qui s’y produisent, contre gros cachet sur lequel les autres ne peuvent pas surenchérir, qui rendent les choses très difficiles pour des festivals comme Musicalarue. C’est pour ça que les prix des têtes d’affiche ont doublé en cinq ans, à cause de ces pratiques. Donc les festivals à budget plus modeste ne peuvent pas s’aligner. Les tourneurs augmentent les tarifs à souhait, les assureurs aussi et la plupart des festivals et lieux de spectacles ne rentrent plus dans leurs frais et voient leur existence menacée. Cela va avoir des conséquences catastrophiques.

– Laurent : Alors que nous… On ne signe pas d’exclusivité, on n’est pas assurés, on joue partout. Et on est mieux payés que l’an dernier en plus ici!

– Franck : C’est cela aussi l’engagement de Musicalarue, un des rares qui promeut les artistes émergents, jeunes, moins jeunes, peu importe, mais il y a un réel effort de soutien aux artistes fait.

 

sans additifs album– Nous voilà rendus au sujet politique, puisque le propos politique n’est pas absent de vos chansons, mais que vous l’abordez toujours avec un angle humoristique. Le recours à la dérision est-il pour vous un outil de pertinence ou plutôt de bonne humeur?  

– Laurent : L’humour n’est pas forcément dans nos chansons. C’est plus dans la communication qu’on a avec les gens. Il y a un clown, là.

– Nico : Et après tu peux faire passer un engagement en ayant de l’ironie et du second degré dans l’écriture. On a une chanson qu’on voulait appeler « Serrer la ceinture » sur la politique de Macron, puisqu’on explique toujours aux pauvres que c’est à eux de se serrer la ceinture.     

– Laurent : Après l’idée c’est quand même de rester dans le positif et l’optimisme. On ne va pas faire des chansons engagées plaintives ou même revendicatives et donneuses de leçon.  « La voisine » par exemple est une chanson qui fonctionne super bien, parce que le refrain, qu’on chante avec le public, démystifie le drame. Les trois quart du temps, on écrit à quatre mais avec Nico. On va se poser au bord de l’eau et on passe quelques jours à écrire.

– Nico : Et à boire du rhum. On parle toujours des méfaits de l’alcool ; jamais des avantages. Ça désinhibe, ça aide à écrire et trouver des rimes.

 

– Vous mentionniez plus tôt des expériences à la rencontre de publics différents : enfants d’écoles, anciens en maison de retraite, détenus en prisons. Qu’est-ce que cette diversification vous amène en termes d’ouverture d’esprit?

– Laurent : Normalement tout ce que tu fais t’enrichit! Et nous, on ne joue pas qu’avec Sans Add, et je pense que c’est ça qui fait notre force ; on va se ressourcer ailleurs.

– Nico : C’est ça, le secret. On ne peut pas faire que de la scène ou que du conservatoire, comme certains musiciens le font, et qui fait qu’après ils n’ont plus grand-chose à raconter.

– Laurent : Quand tu vas en prison, tu rencontres des gens que tu n’aurais jamais rencontrés autrement, qui parlent parfois de leur musique à eux ou leur rapport à la musique, d’ailleurs. Je me rappelle des discussions sur Johnny Hallyday. Moi, en bon bobo, je me fichais un peu de Johnny, mais pour les gars c’était très important ce que ses chansons leur apportaient : ils t’expliquent que ça les sauve, et donc effectivement tu es obligé de regarder cela. Et ce sont eux qui ont raison ; ils ont compris plein de choses que nous, en intellectuel sans recul, n’avons pas forcément comprises sur la chanson. Pour eux, la musique, ce n’est pas que des paroles et des notes ; c’est le sentiment d’être compris. C’est ce qu’ils te disent : ils écoutent Johnny, parce que lui, il comprend les prisonniers. 

 

Miren Funke

Photos : Carolyn Caro, Miren

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Paroles de Brassens, et de musique …

25 Oct

Georges_BrassensPour mettre des paroles sur une musique -et pour trouver déjà une musique- il faut quand même une espèce de don, même si on écrit des conneries, et Dieu sait si on ne s’en prive pas, il faut le don de mettre les trois syllabes qu’il faut sur les trois notes qu’il faut. Je ne peux pas l’expliquer mieux que ça. C’est tout un art. …

 … les trois syllabes qu’il faut sur les trois notes qu’il faut.

Brassens définissait avec précision comment étaient finalisées ses chansons, avec les 3 notes qu’il faut … Doit-on penser que ceux qui font des re-créations en changeant la mélodie trouvent que leurs notes sont meilleures que celles de Brassens ? Quelques chansons revisitées posent une autre question, si on écoute leur nouvelle « mélodie » sans les paroles, on n’a aucune chance de reconnaître une chanson de Brassens.
Dernier point, Brassens a dit qu’on pouvait faire ce qu’on voulait avec ses musiques, c’est-à-dire les jouer dans des styles différents, pas de les changer, il en fait démonstration avec « La Marseillaise » mais sans changer la mélodie, la chanter en rock, en tango ou en paso doble, pourquoi pas ? Mais avec les notes d’origine… Les musiciens de jazz qui ont adopté des musiques de Brassens partent toujours de la mélodie originelle qu’on reconnaît dans les premières mesures. Ferré aussi a beaucoup souffert de ces néo compositeurs qui mettent « leur musique » sur les sacro-saintes paroles qu’on respecte, sauf quand on ne comprend pas vraiment ce qu’on chante, tel un certain qui ne voit pas la différence entre :

on couche toujours avec DES morts
et ce qu’il braille ad libitum
 on couche toujours avec LES morts. 

On a aussi entendu

 Maman de grâce, ne mettons pas
Sous la gorge à Cupidon Sa propre flèche …

Confondre Ma mie et maman, lapsus freudien ?

Les exemples ne manquent pas, mais demain est un autre jour …

Pour plus de Brassens par lui même,clic sur le chat
,
brassens chat

Norbert Gabriel

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