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Claudia Meyer et La Negra…

28 Avr

Claudia Meyer réduitClaudia Meyer a exploré avec bonheur divers genres musicaux et c’est avec La Negra qu’elle a trouvé son chef d’oeuvre, le spectacle abouti et nourri de tous les chants des humains en marche vers une vie moins rugueuse.

Mercedes Sosa , la Negra, chantait les douleurs et l’espérance des peuples silencieux, les gens de rien, avec des musiques métissées de toutes les douleurs, des chants de coeur battant, de cicatrices ouvertes jamais guéries , blues negro ou rouge flamenco, lamento tzigane, c’est toujours le canto jondo des opprimés ou des déracinés.

Claudia Meyer et Marc Benabou (Marquito) ont élaboré une rhapsodie sud américaine qui résonne partout dans le monde, tous les folklores se retrouvent quand il s’agit du chant des hommes et des femmes dans leur lutte permanente pour la liberté et la dignité.

Sur le plan musical, le duo guitare percussions ouvre des espaces insoupçonnés, les tambours de Marquito allient la subtilité et la force sans effets tonitruants , comme une houle puissante qui embarque tout, il y a quelques notes de flûte de Pan, de charango, la présence du bombo, dont le nom suggère le son, profond et doux, accordé sur l’infini, il évoque aussi le son des tambours des indiens des plaines dans leurs danses chamaniques… Et c’est un danseuse qui le fait entrer en scène, après une apparition d’elfe aux doigts de lumière. C’est le message de la vie qui danse et renaît chaque matin…Claudia M danseuse

Je suis un souvenir qui marche et j’ai l’âme tatouée d’un chemin destiné à n’arriver jamais. *

L’important ce n’est pas le bout de la route, mais la route. Une route que Claudia Meyer et Marc Benabou tracent en compagnie de Mercedes Sosa.

C’était le 25 Mars, au Café de la Danse, à Paris. 

Le site de Claudia Meyer, c’est ici —>   https://www.claudia-meyer.fr/

Et pour quelques photos de plus …

MONTAGE cm lddlo

  • *Federico Garcia Lorca

Norbert Gabriel

Nawel Dombromsky, I.n.c.a r.n.é.e

26 Avr

Nawele Ldlo réduitSur son berceau, bébée Nawel a eu quelques marraines plus ou moins fées, ou sorcières de bonne compagnie, l’une lui a offert les écrits d’Olympe de Gouges et Louise Michel, l’autre les lettres de Calamity Jane, et la troisième, la biographie de Shéhérazade par Wolinski en lui disant : «  tu seras la Shéhérazade des années 2000. » Mi-Angela Davis, mi-Joséphine Baker, mi-Athéna… Il faut ce qu’il faut !

On dit aussi que des sortes de rois mages Balthazar Melchior et Yanowski avaient apporté une batterie de cuisine pour bien exploiter les recettes (d)étonnantes de Yanowski… C’est possible …

Aujourd’hui cette Shéhérazade est la femme dans tous ses états, surtout l’état d’insurrection. Vous y croiserez une collectionneuse de p’tits vieux à Deauville, une femme fatale maladroite, des en manque d’amour et des donneuses d’amour, des femmes activistes, vingt-cinq chat-narchistes, une statuette de la vierge posée dans un hôtel à Pigalle, une chanteuse mexicaine et même Stromae…  Et une possible présidente,  par les temps qui courent, Nana Présidente serait bien la meilleure chose pouvant nous arriver.

Avec ses deux complices talentueux multi instrumentistes, Nolwenn Tanet et Louis Ouvrard-Arnaud,  Nawel Dombromsky offre une fantasia extravertie,  c’est tonique, c’est aussi joyeux, même si c’est le chant et les larmes de beaucoup de femmes dans le monde, ici et maintenant, et elle passera un jour ou l’autre dans votre périmètre de vie, vous pouvez aussi aller au Festival d’Avignon en Juillet. Voyez ici le tourniquet de sa vie d’artiste –> https://www.facebook.com/nana.dombrowsky

La mise en scène et la création lumière sont de Xavier Lacouture !  1-XavierLacouture Par-fait!! AAA 2 3530x2461 04-01-2016 21-08-11

Et pour quelques photos de plus ..

Montage Nawell Incarnée

Les femmes à la cuisine c’était ça :

https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2022/12/23/les-femmes-a-la-cuisine/

Norbert Gabriel

Entretien avec Yves Jamait à l’occasion du concert du « Plancha Tour » au Rocher de Palmer de Cenon (33)

22 Avr

Capture d’écran 2024-04-19 193844

S’il y a bien une constante qui s’invite avec récurrence lors des concerts d’Yves Jamait, en dépit de la singularité des répertoires d’albums qu’il interprète, d’une tournée à l’autre, c’est la recharge de sérotonine que le moment nous apporte et dont il nous emplis. Le phénomène est d’autant plus accentué durant les tours de chant, où le chanteur ramène à nous les titres populaires de ses anciens albums, en compagnie de ses musiciens et complices comiques, comme ce fut le cas avec les deux tournées « Parenthèse I » et « II », et c’est actuellement le cas avec la présente tournée « Plancha Tour », sans Didier Grebot sur scène cette fois, mais toujours avec Mario Cimenti (batterie/percussions), Samuel Garcia (accordéon) et Jérôme Broyer (guitare). Preuve en est le répondant du public acquis à l’artiste, toujours au rendez-vous, qui, pour l’occasion, s’autorise à interagir d’autant plus joyeusement, et devenir, le temps d’un concert, le cinquième membre d’un groupe qui improvise ensemble ces moments chaleureux et exaltants de fous rires, par des échanges aussi spontanés que tendres et drôles, parfois pittoresques et incongrus.

Drôles et tendres, en écho à ce que l’artiste communique à travers ses chansons, même lorsqu’en jaillissent des pensées graves (« Je passais par hasard ») et des sentiments profonds, car la poésie d’Yves Jamait, même mélancolique (« Vierzon », « Même sans toi ») sait n’être jamais dramaturgique, du moins, sait porter en elle plus de tendresse que de tragédie. C’est que la justesse du regard qui en éclaire la vie, infiniment humain, raconte beaucoup de l’humilité de notre sensibilité, parfois impuissante, en même temps que de la grandeur d’âme des cœurs qui remuent, se blessent, s’indignent ou s’émerveillent, s’enivrent ou s’alarment, et aiment. Il en va de même pour la nostalgie du temps passé (« Gare au train »), thème dont l’emprunte marque l’œuvre de l’artiste, qui, en évitant, avec élégance, les relents réactionnaires de pessimisme et de morosité, nous parvient et nous revient toujours pour partager la douceur de souvenirs d’un temps, d’une époque, d’une enfance, d’une mémoire gravée dans une chanson.

Quand certaines tournées d’autres artistes interprétant leurs anciens succès, entre deux actualités, peuvent parfois relever d’un spectacle plus mort que vivant, celles d’Yves Jamait ont toujours su enjouer le public, qui montre un immense plaisir à l’entendre incarner ses personnages, lui raconter ses histoires, l’embarquer dans d’autres vies, qui peut-être ressemblent aux nôtres, ou, le cas échéant, peut-être précisément parce qu’elles ne leur ressemblent pas, nous révèlent quelque chose de nous-mêmes, en nous faisant aimer un autre, si lointain et différent, et pourtant tellement proche et semblable. Gageons que si nous n’avons pas tous mis les pieds au bar de l’univers, chacun de nous pourrait être un autre accoudé au comptoir d’un autre Jean Louis ; chacun de nous pourrait être un autre homme, une autre femme, qui passe par hasard chez un couple d’amis en apparence idéal pour y découvrir, sidéré(e), l’horreur conjugale ; chacun de nous pourrait devoir faire le deuil d’un autre amour perdu à côté d’un autre carrousel, ou, un jour, vouloir prendre la route, coûte que coûte...

Capture d’écran 2024-04-19 193730Le concert qui eu lieu jeudi 4 avril au Rocher de Palmer de Cenon (33) signa un moment fabuleusement attendrissant et drôle, tonique et nitescent, à la veine irriguée par l’énergie complice et cocasse qui circule entre Yves Jamait et ses musiciens tout au long du spectacle, et rejaillit dans la salle, entre les gens, où des histoires, des émotions, pourtant déjà mille fois chantées et entendues, venaient encore bousculer, renverser, atteindre l’émoi et piquer les yeux. Et le moment fut d’autant plus engageant que le concert de l’artiste y fût précédé par une première partie assurée par le trio dijonnais Tia Tio (bientôt en entretien), qui, en cinq chansons, nous amena voyager, nous téléportant d’un point à l’autre du globe terrestre, surpris de déjà nous trouver si loin en si peu de temps.

Auparavant Yves Jamait acceptait de nous accorder un entretien.

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– Yves bonjour et merci pour ce nouvel entretien. Nous nous étions vus précédemment pour la tournée « Parenthèse II », et, entre temps, tu as promené le répertoire de ton dernier album « L’autre » sur les routes et dans les villes de France. Te revoilà parti à la rencontre du public avec une autre tournée visitant les répertoires de tes anciens albums, « Plancha Tour ». Qu’est-ce qui a motivé l’envie de reproposer un tour de chant avec des anciens titres ?

La dernière fois qu’on s’était vus, c’était pour la tournée « Parenthèse II » avec Didier et Samuel. Entre temps, on a fait un spectacle à la sortie de l’album « L’autre » qui s’appelle « Le tour de l’autre », avec un décor assez conséquent, ce qui fait qu’on ne pouvait pas aller partout, parce que techniquement, il fallait qu’on puisse placer ce décor. Donc on a malheureusement fait peu de dates, peut-être trente cinq. Habituellement j’en fais plutôt quatre vingt. Pourtant tous les professionnels qui ont vu le spectacle ont dit que c’était probablement mon meilleur. On venait aussi de changer de tourneur. Et dans ce spectacle, à un moment, on ne chantait, avec Samuel, que tous les deux. Et en déconnant je disais à Samuel qu’on était bien, pas besoin de déployer tout ce matériel : j’imaginais une plancha, et on rappelait les deux autres, se mettait autour d’un micro commun, et on visitait les anciennes chansons en acoustique. C’était le moment « plancha ». Et puis voyant qu’on avait moins de dates, et que c’était à la fois une question de prix et une question d’adaptation du spectacle, on a eu l’idée de poursuivre avec ce « Plancha Tour ». On est dans le plus simple appareil ; ça ressemble plutôt à la tournée « Parenthèse », sauf qu’on est les quatre habituels, sans Didier sur scène. On ramène tout à la base, et on s’éclate, parce que, comme pour la « Parenthèse », ça part dans tous les sens. C’est assez drôle ; on se marre tout le temps. C’est parti comme ça et ça va tourner au moins jusqu’au mois de juin 2025. J’ai d’autres projets bien sûr, mais ça va tourner.

– Peut-être ce genre de tournée répond-il aussi à un désir ou besoin de festivité du public, après les confinements et temps morts dans l’événementiel ?

Je ne fais pas de sociologie. Je ne pense pas comme ça ; je pense en spectacle, en chansons. C’est surtout que j’aime tourner tout le temps. Donc à partir du moment où je voyais que le spectacle précédent, qui pourtant a super bien marché chaque fois qu’on l’a joué, ne se vendait pas beaucoup, et posait des difficultés au tourneur, je me suis dis : « faisons un spectacle passe-partout, moins cher, qui aura besoin de moins de technique ». On ramène juste notre sonorisateur ; les lumières sont faites par le technicien de la salle. Effectivement on est dans un truc qui relève plus de la proximité avec les gens, et en général les gens aiment bien ça avec moi. Malgré tout, le « Tour de l’Autre » était de toute beauté. On a eu des trous de quatre mois sans le jouer, et c’était compliqué de retrouver les repères après ces périodes sans jouer. Donc il restait une ou deux dates de ce spectacle qu’on a changées en dates de « Plancha tour », et on a continué. Les dates partout sont pleines, ou alors il manque cinq ou dix pour cent de la salle. Déjà quand on a tourné avec « Parenthèse » juste après le covid, on a fait cent vingt dates. J’ai cette chance que les gens adhèrent aux chansons, et adhèrent aux personnages aussi, parce que les musiciens sont devenus des personnages à part entière. On est une équipe bien soudée ; on se marre bien, et c’est des fou-rires tout le temps. C’est vraiment très agréable. Je vis une belle fin de vie.

Capture d’écran 2024-04-19 193948– On a vu récemment des artistes tels Damien Saez et Hubert-Félix Thiéfaine, qui depuis des décennies continuent de remplir de lieux de spectacle de grande capacité d’accueil, sans aucune promotion médiatique et en ayant disparu des radars radiophoniques et télévisuels depuis longtemps. Tu fais parti de ces chanteurs artisanaux, qui, en marge de l’industrie du disque et des influents de la profession, et sans soutien des médias de masse, ont acquis et conservent la fidélité d’un public et une popularité nationale conséquente. Quels regrets ou quelle fierté ressent-on d’un tel parcours ?

– Je fais de l’artisanal par constat. Je ne le fais pas par militantisme. Longtemps on a cru que Thiéfaine le faisait, car il préférait être dans le côté sombre, ce qui n’est pas vrai. Il aurait tout à fait accepté d’avoir le statut d’un Renaud ou d’un Lavilliers. Je pense que Damien Saez va plutôt dans une autre politique de ce côté là, plutôt rebelle. Mais à un moment il faut regarder ce qui est vrai : les radios ne me passent pas ; la profession ne m’encense pas. Et puis il y a la volonté de pouvoir faire ce qu’on veut quand on veut. On s’est toujours arrangés pour ne pas être coincés et avoir une liberté de mouvement. Et ce n’est pas dans le sens rebelle de la chose. Si j’ai envie de faire un spectacle sur Maxime Le Forestier, je vais l’appeler et le faire, sans m’occuper de savoir si ça va se vendre, si ça fait bien, si, stratégiquement, ça passe. La maison de disque est le seul lien qu’on a avec un extérieur, et la maison de disque nous connaît : ils ont dit « oui », et ils savent que de toute façon, s’ils avaient dit « non », on s’en branle. Mais ça fait vingt ans qu’on travaille ensemble ; on se connaît. J’ai deux spectacle en projet, l’un sur Maxime Le Forestier, et l’autre de mes chansons avec deux accordéons. On ferait ça en attendant le prochain album. Avec Samuel et son comparse, Fred Langlais, avec qui il fait un duo d’accordéons ; ce sont deux bêtes à l’accordéon. Ça me permet de faire un pied de nez à tous les gens qui disent : « ah c’est ça, Jamait ; y a encore de l’accordéon ? ».

– Et une casquette ?

– « Y a la caquette ? Et encore de l’accordéon ? ». Oui ! Et y a encore de la guitare, et y a encore du clavier. C’est la raison pour laquelle j’ai fait cette chanson « Accordéon », et je sketch là dessus sur scène ; j’en plaisante. Et où est le problème ? Donc l’idée est non seulement d’assumer l’accordéon, mais en plus de faire un truc que à l’accordéon. Et le spectacle sur Le Forestier, j’aimerais le faire avec Jérôme, mon guitariste, et avec un guitariste qui a joué longtemps avec Le Forestier qui s’appelle Michel Aumont. Le Forestier avait écrit un bouquin qui s’appelle « Brassens et moi », et l’idée était de faire « Maxime et moi », et de raconter le parcours de fan que j’ai eu avant, à travers ses chansons, et pas forcément les plus connues. Je connais absolument tout de Maxime. Je pense que ça tournera de septembre 2025 à février ; l’idée est de faire quelque chose sur trois ou quatre mois, pas plus long. J’ai aussi un album à faire et une exposition de peintures à finir, un peu beaucoup de choses.

Capture d’écran 2024-04-19 194005– Tu disais précédemment que la Chanson, des chansons, t’avaient éduqué. Est-il question de quelque chose comme une reconnaissance éternelle à cette forme d’expression artistique qui t’a permis de devenir l’artiste que tu es ?

– Complètement ! Je dois tout à la Chanson. Le peu d’instruction et le peu de culture que j’ai sont passés par la Chanson d’abord. Ça ne fait pas sérieux… Ce n’est pas un diplôme. Mais c’est en écoutant les chanteurs que j’ai appris des choses, et que j’ai cherché à creuser. Les premiers temps où j’écoute Maxime Le Forestier, j’ai quinze ans, à l’école je suis plus que médiocre, je l’entends chanter « Entre 14 et 40 ans » sans savoir de quoi il parle, ou « Parachutiste » sans comprendre pourquoi on peut leur en vouloir. Il dit le mot « fasciste », et je ne sais même pas ce que ça veut dire, pour te dire d’où je viens. Quand on me dit que mes chansons sont magnifiques, je reviens de loin ; je suis vraiment parti de zéro. La première fois que j’écris et commence à vouloir poser un texte, c’est vraiment à chier : il n’y a pas une petite lumière de quelque chose où on peut voir du talent. C’était vraiment très mauvais. J’ai respiré, vécu, ressenti, « Chanson » pendant des années ; ça a été ma béquille, ma bouée de sauvetage, face à la vie. C’est de là que j’ai tout puisé. Et après j’ai écarté sur d’autres : Moustaki, des gens qui m’ont fait voyager, la culture, la peinture. Je suis passé par là pour apprendre des choses. Donc assez brouillon. Et puis par une culture de gauche qui t’accueille bien, avant de t’enculer, mais qui t’accueille. J’ai ce parcours là. La gauche était la gauche. Maintenant j’ai plus de recul : je me sens homme de gauche, mais « la gauche », politiquement parlant, ça ne me parle plus. Je me sens de gauche par l’aspect social, alors que je n’ai pas spécialement envie de décapiter un roi, personnellement, même si historiquement ça vient de là : au parlement étaient à gauche ceux qui voulaient décapiter le roi, et à droite ceux qui ne voulaient pas. La bien-pensance sociale de gauche m’a attiré ; maintenant j’ai beaucoup plus de recul là dessus. Je suis plutôt heureux d’avoir élevé mes enfants dans un esprit un peu comme ça, tout en leur disant que ce n’est pas la panacée. Mais c’est ce qui m’a cultivé, donc je ne peux pas non plus le rejeter. Je ne le rejetterais pas, car je me sens profondément de gauche. Mais politiquement je ne me reconnais dans aucun parti, et je pense qu’on a été beaucoup utilisés, les gens comme moi, par un parti dit « socialiste » qui ne me fait que douter maintenant. La droite ne m’a jamais trahi : elle n’a fait que ce que je n’avais pas envie qu’elle fasse. Alors que la gauche a toujours dit qu’elle allait faire des choses qu’elle n’a pas fait, tout en rappelant qu’il y a eu l’abolition de la peine de mort et les congés payés. Merci ! Vingt cinq ans pour ça, on va peut-être arriver à faire autre chose, un peu. Mais on n’apprend que par l’expérience, et maintenant on va dire que j’ai l’expérience de m’en foutre.

– Tu dis que la Chanson t’a éduqué et instruit. Et tes propres chansons ne sont pas dépourvus de texte, souvent très poétique, et fourmillant d’idées. Néanmoins tu as souvent eu une parole critique envers la Chanson dite « Chanson à texte », qui, pourtant est précisément à même, par sa qualité littéraire, de pouvoir éduquer et instruire, et enrichir le vocabulaire de ceux qui en possèdent moins -et je dis cela sans condescendance, car les chansons de Thiéfaine ont enrichi le mien dès une préadolescence où je maîtrisais très mal le Français, qui n’était pas ma langue maternelle-. Est-ce à cause d’un certain élitisme faisant du peu d’accessibilité et d’intelligibilité un critère de bon goût, logique qui peut s’apparenter à une forme de mépris du populaire ?

– Ce n’est pas que je n’aime pas les chansons « à texte » ; je trouve prétentieux de dire que je fais de la « Chanson à texte ». Une chanson comme « La mémoire et la mer » de Ferré est une vraie chanson à texte. Mais Patrick Sébastien, c’est aussi de la chanson à texte : il va faire rire, chanter, danser autour d’un mariage ou d’une fiesta, et si tu mets à ce moment là « La mémoire et la mer », tu vas te faire jeter, alors que c’est un des plus beaux textes qui aient été faits. Mais dire qu’on fait de la « Chanson à texte » a un côté prétentieux ; en général c’est un truc qui se pose et dit : « je ne fais pas n’importe quoi ». Pour moi la Chanson, c’est d’abord un truc populaire. Alors après on essaye de soigner, de faire des choses bien tournées, qui chantent un peu. J’aime beaucoup l’écriture du XIXème siècle. C’est un peu rétrograde ; mais enfin Brassens allait chercher dans le Moyen Age. Mais Brassens avait quand même vocation à être populaire. Il ne voulait pas chanter pour une niche ou une élite. D’ailleurs maintenant ceux qui font de la chanson pour des niches ou des élites écrivent assez simplement, parce que ça fait mieux d’écrire simplement. Il y a une espèce de posture. Dire qu’on fait de la « Chanson à texte » est une posture qui m’emmerde. J’ai eu une marraine, qui m’a élevé, qui était complètement analphabète : j’aime l’idée de penser que mes chansons auraient pu la séduire. Ça me ferait chier qu’elle ait pu écouter ça en se disant : « je ne sais même pas de quoi il parle ». Maxime Le Forestier était accessible. Il m’a fait sortir le dico, comprendre des choses ; je trouvais ses syntaxes et tournures de phrases poétiques, avant même de trouver un côté politique dedans. C’est ça qui m’intéressait. « Y en a qui », qui est une chanson que j’ai écrite pour mon premier album, et qui marche beaucoup, est une chanson vindicative, de colère. Mais aujourd’hui, je ne l’écrirais plus. D’abord je ne la trouve pas très bien écrite ; et puis je me sentirais racoleur et démagogue. Bon, je l’ai écrite, je l’assume ; je peux la chanter, car j’incarne des personnages quand je chante. Mais je ne l’écrirais plus aujourd’hui. Je suis un petit bourgeois aujourd’hui : je vis bien de ce que je fais, et je n’ai pas la vie que j’avais quand je l’ai écrite. J’ai acheté ma maison à crédit il y a deux ans ; je n’avais jamais fait ça de ma vie. Donc je me considère bourgeois. Je fais encore des choses, comme tout mec qui n’a jamais rien eu avant et tout d’un coup a la sensation d’être choyé par la vie. Je suis un fan de boxe, et Tyson allait en banlieue d’où il venait et distribuait ses tunes partout, parce que l’injustice était insupportable pour lui : on reste un peu comme ça. Donc les Emmaüs m’ont contacté, et j’ai été jouer pour eux ; je parraine une asso. Il y a des choses qui me mettent en colère, qui peuvent m’énerver, qui peuvent m’agacer. Mais je ne me permettrais pas de dire « allez, soutenez-moi ». Je connais des chanteurs qui sont comme ça, et des fois ils en ont marre, parce qu’on ne les attend que là. Et ils sont emprisonnés dans ça. Maxime, ça a été son cas : il m’a dit un jour qu’à un moment, tout le monde le prenait pour le chanteur hippie par excellence, qui représentait ce mouvement. Dans sa jeunesse il y était, parce qu’il y avait des choses inadmissibles pour lui ; mais il n’était ni plus ni moins que le témoin d’une société, pas forcément le porte-parole d’un mouvement. C’est pour ça que je me suis vite défendu de ça, après « Y en a qui », parce que je ne voulais pas devenir le porte-parole de quoi que ce soit. J’aime la « Chanson à texte », mais je suis venu par la variété. J’ai dans la chanson « Les poings de mon frère » d’ailleurs revendiqué Johnny Halliday. Un coup, avec Linda Lemay, on a fait un concours à celui qui connaîtrait la chanson de Johnny que l’autre ne connaîtrait pas. Alors qu’on est deux chanteurs dits de « Chanson à texte ». J’écoute beaucoup « La mémoire et la mer » ces temps-ci ; je ne sais toujours pas ce qui m’émeut, mais je la trouve d’une beauté et d’une liberté d’écriture rares. Mais la Chanson, c’est un truc qui accompagne la coiffeuse, le banquier, le routier, la boulangère, le mécanicien, des cadres. Je fais de la Chanson française, ce qui n’est absolument pas un genre, parce que la Chanson française, ça va de Stromae à Patrick Sébastien, en passant par tout ce que tu veux, et moi je suis là dedans. La question de la posture m’évoque ces vieux chanteurs qui font de la Chanson et disent qu’ils font du Rock, parce qu’ils doivent penser que ça fait rester jeune. Je n’ai pas envie de rester jeune ; je n’ai aucun problème à être vieux. Ça fait partie de la vie. J’ai soixante deux ans, je ne suis pas un gamin, et je ne vais pas faire du jeunisme. La jeunesse n’est pas quelque chose vers quoi je veux aller ; et je ne voudrais surtout pas y retourner ! J’étais tellement mal dans ma peau, étant jeune. Je suis mieux dans ma peau de vieux que dans ma peau de jeune.

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– Et, toi qui te montres peu indulgent avec la qualité littéraire de tes anciens textes, à quel moment, ou par quel déclic es-tu venu au goût de l’écriture poétique ?

– Je n’ai jamais fait un concours de ma vie, ni passé d’examen à part des examens sanguins. Je n’aurais pas osé. Simplement j’écoute, je lis, les autres et quand je vois une belle tournure de phrase, qui est bien pensé, j’essaye de trouver des formules. J’avais un copain qui écrivait très bien, qui n’est pas devenu chanteur, mais donne des cours de guitare, et je regardait ce qu’il écrivait, et petit à petit, de temps en temps, j’arrivais à trouver une formule dont j’étais content. Entre ma première chanson, je devais avoir quinze ans, et le moment où j’ai commencé à oser montrer mes texte, j’avais fait un concert à la vingtaine avec un groupe qui s’appelait l’Adam de Sagesse -d’ailleurs je chantais les chansons de ce copain qui écrivait pas trop mal-, j’avais trente sept ans quand j’ai sorti ma première. Donc il s’est passé vingt deux ans, assez douloureux : je n’osais pas me lancer, parce que je trouvais que ce que je faisais était à chier ; j’en avais une envie folle. Et à trente sept ans, quand je suis monté sur scène, je me suis dis qu’incontestablement j’étais là chez moi. C’est l’endroit où je suis le mieux au monde. Il n’y a aucun autre endroit dans la vie où je me sens mieux que sur scène. L’envie venait de là ; j’avais surtout envie de faire le pitre. Après, écrire des chansons était très compliqué. De mes quinze a mes trente ans, j’ai pris une cuite qui en gros a duré quinze ans, avec des problèmes à régler, l’absence d’un père, qui fait que la confiance en soi est problématique. Mais de temps en temps il m’arrivait de m’enfermer dans une piaule pour me hurler dessus ; j’en chialais de ne pas écrire bien. Et j’y retournais, avec, de temps en temps, une petite réussite. Et je jouais le soir pour mes potes bourrés et tout le monde trouvait ça bien. Parce que quoi qu’il en soit, une fois que j’étais parti à chanter une chanson, je l’incarnais vite et j’envoyais. Mais de là me lancer dans quoi que ce soit… Quand je discute avec Joyet, qui, lui, a un vrai parcours littéraire depuis très jeune, moi, je suis parti vraiment de rien. Une barque qui rame, mais sans eau dessous. Donc tu avances comment quand c’est comme ça ? Tu pousses ta barque jusqu’à trouver un point d’eau. Quand j’ai écrit le premier album, j’ai été en panique à l’idée de devoir en écrire un autre ; j’avais l’impression d’y avoir tout mis. Et puis ça a été exponentiel. Ce que j’ai appris à faire, c’est noter absolument toutes les idées, le moindre mot, la moindre tournure de phrase, la moindre mélodie. Et quand j’ai besoin d’écrire un album, je me plonge dans la relecture, je tire des phrases, parfois je ne sais même pas ce que je vais écrire, mais je tricote, tire le fil. Ce qui fait que je n’écris pas en partant de thèmes, ou rarement. Sur le dernier album, il y a « A marrée basse » que j’ai écrit sur commande. C’était une commande de l’université de Besançon sur le temps qui passe, alors que je ne fais que ça, des chansons, sur le temps. Et puis je leur ai envoyée ; trois mois après toujours pas de retour, et puis on a fini par me dire que ce ne serait pas pour cette année, donc je l’ai reprise. Pour le coup c’était très écrit. Mais sinon je fais des chansons, pas de la littérature ; je n’ai pas envie de faire de la littérature chantée. Pour « Toi », par exemple, c’est encore une autre façon de faire, qui est plus à l’américaine, car je n’avais que « toi » et un air qui tournait, sans savoir ce que j’allais écrire d’autre. Alors il fallait chercher avec les sonorités. Un qui excelle là dedans, c’est Philippe Lafontaine, qui fait vraiment sonner et claquer le Français. Il a des chansons absolument merveilleuses ; je suis un gros fan de ce mec. L’écriture a évoluée avec moi. D’abord j’ai réussit à ne plus avoir un regard critique assassin sur moi. Pour les trois premiers albums, je me jugeais vachement. Maintenant je suis plus apaisé pour écrire. Ce qui est bien dans le fait d’avoir pu continuer, c’est la sensation de se réaliser. Chose à laquelle je ne pensais pas pouvoir accéder un jour. Vivre de ce que tu aimes, je ne pensais pas non plus pouvoir faire cela un jour dans ma vie.

– Le fait d’avoir entamé une carrière musicale et rencontré l’amour du public tardivement, à un âge déjà serein, ou en tous cas, expérimenté et conscient des réalités et de la valeur des choses, en comparaison d’artistes qui ont explosé avec un premier succès populaire dès le départ et très jeunes, a-t-il eu l’avantage de te protéger de certains périls contre lesquels, jeune, on manque de méfiance et d’accompagnement psychologique ?

– Moi ça me serait arrivé jeune, je serais mort. Ce qui est arrivé à d’autres à vingt ans m’est arrivé à quarante. Et je n’ai pas eu une reconnaissance du métier, des « professionnels de la profession » comme disait Godard. J’ai rencontré des tas de gens, des artistes que j’aimais, mais surtout le public est venu. Je n’aurais jamais bougé mon cul si le public n’était pas venu. Et je ne me suis jamais dit qu’il fallait que j’explose. Je n’avais pas besoin de ça. A partir du moment où je pouvais gagner un smic en chantant, pour moi, ça marchait. Avant je bossais à l’usine, alors gagner un smic en chantant des chansons, super. Je n’étais pas avide de reconnaissance. Maintenant j’ai derrière moi deux Olympia, je ne sais combien de Cigale ; j’ai été jouer en Belgique, au Québec, en Russie ; j’ai chanté partout en France, moi qui ne voyageais pas et serais resté sédentaire, si je n’avais pas fait ce métier. Ça fait vingt ans que je fais ça ; les gens sont contents quand ils me voient : il y a pire à vivre, quand même! Et je ne suis plus énervé. Pour certains chanteur, partir en tournée est une source d’angoisse. Pour moi c’est un vrai plaisir, partir sur les routes. On est une belle équipe ; on se parle bien. Quand tu dois supporter un chanteur qui n’est pas bien dans sa peau, qui vit mal d’être chanteur, c’est compliqué. Si c’est comme ça, il vaut mieux faire comme Gérard Manset : lui n’a jamais fait de scène, car il n’aimait pas ça.

– As-tu prévu des festivals ce été ?

– Les festivals, j’aime bien, car on rencontre d’autres artistes et c’est plutôt cool pour ça. Mais après c’est toujours frustrant, car tu ne joues qu’une heure. Et puis, nous aimerions bien en faire ; notre spectacle marche plutôt bien avec les publics. Mais en général, ce sont les petits festivals artisanaux qui m’accueillent, et il faut bien reconnaître, qu’eux ont du mal à survivre. Je vais aller faire le festival des fromages de chèvres pour Paco, et peut-être quelques autres. Mais pour cet été il n’y a pas de grand festival prévu. Jouer une heure et devoir s’arrêter, alors qu’on vient juste de rentrer sur scène, ça frustre les musiciens aussi qui doivent arrêter quand ils commencent à être dedans. En plus tu joues devant un public debout ; il n’y a pas la même attention. C’est pour ça que j’aime bien que le public soit assis. Je profite. Le dernier concert, on a joué deux heures et demi, et ça me paraît rien.

– Et les « Bars à Jamait » ?

– Quand on nous en demandera. C’est un truc qu’on n’a jamais fermé. Bien sûr il n’y aura plus Anne Sylvestre, qui était u des piliers. Les deux derniers que j’ai fait se passaient en Suisse, donc il n’y avait pas les piliers, mais des chanteurs suisses ou transfrontaliers, et Nicolas Jules. C’est toujours ouvert : on s’est toujours dit que s’il y avait une demande, on sortirait les téléphones et on rappellerait les copains. Et maintenant il y a plein de jeunes que j’inviterais bien. Le noyau ne sera plus le noyau dur, puisqu’on en avait fait vingt sept avec Anne. Il y avait Agnès Bihl, Nathalie Miravette, Bernard Joyet, Gérard Morel et moi. La parité, en plus ; je ne m’en étais jamais rendu compte! Mais le départ d’Anne a fait que ce ne sera plus jamais la même chose. On commence tous à se faire vieux. Mais c’est bien aussi quand on peut inviter des jeunes.

Lien : https://www.jamait.fr/

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Miren Funke

Photos:Carolyn C

Concerts « Drôles de piafs » en Gironde du 07 au 10 : Julie Lagarrigue, Doclaine, Boule, Tiou, Dimoné, et les étudiants de Licence « Musiques actuelles, Jazz,et Chanson »

6 Mar

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Cette fin de semaine, du 7 au 10 mars, quelques scènes bordelaises auront la chance de découvrir les concerts « Drôles de piafs », organisés à l’initiative de Julie Lagarrigue, avec le concours d’autres artistes de chanson francophone, notamment Nicolas Jules, et, cette année, Boule, Tiou, Jur, Dimoné et Doclaine [ici], et des étudiants de Licence « Musiques actuelles, Jazz et Chanson » du département de musicologie de l’université Michel de Montaigne Bordeaux III, seule Licence de Chanson en France, avant que la semaine se clôture par le concert de sortie du dernier double album de la chanteuse « Rendu les armes/ Julie chante Nicolas Jules » au Rocher de Palmer, dimanche 10 mars [https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2024/02/13/entretien-avec-julie-lagarrigue-pour-la-sortie-du-double-album-rendu-les-armes-jules-chante-nicolas-jules/%5D.

« Drôles de piafs » qui a pour propos l’organisation de rencontres entre étudiants en musicologie et artistes indépendants du métier, pour ouvrir des perspectives en marge du système industriel de la musique, réitère donc l’expérience de l’an passé, en conviant le public à venir découvrir des artistes d’ailleurs et encourager des échanges générationnels, en dépit de obstacles et des périls, tant s’impliquer pour promouvoir l’expression artistique alternative et soutenir des auteurs-compositeurs-interprètes peu connus ou encore anonymes est un engagement auquel peu, de moins en moins, y compris dans les réseaux associatifs alternatifs, se risquent. L’existence de ces initiatives, pourtant indispensables au frémissement de la créativité et à la survie de la Chanson, qui embellissent les moments de partage et enrichissent la vie culturelle, mais qui se raréfient, principalement pour raison budgétaire, puisque souvent ceux qui les portent y perdent beaucoup pour n’y gagner rien d’autre que la satisfaction d’avoir contribué à propager de la poésie, étant grandement menacée, leurs organisateurs et participants comptent sur la curiosité et le sens citoyen du public pour venir massivement soutenir les concerts.

Les billets sont en pré-vente via la plateforme Halloasso de Julie Lagarrigue/Le vélo qui pleure ici : https://www.helloasso.com/associations/le-velo-qui-pleure/evenements/droles-de-piafs-2024

Et l’artiste a tenu à nous en parler un peu il y a peu de temps.

– Julie, bonjour et merci de cet entretien. Peux-tu expliquer en quoi consiste les programmes que tu réalises avec ces étudiants ?

Avec le temps, je me suis dit que ce serait bien de montrer aux étudiants ce que c’est que le véritable métier de terrain, en pratique, et leur montrer aussi qu’on peut être musicien, sans rentrer dans le show-biz, que ça existe d’être intermittent du spectacle et de bosser, sans être reconnu, comme font plein qu’on connaît. Ce n’est plus la même époque ; on est largués, nous : les étudiants musiciens qui ont vingt ans sortent des EP, font beaucoup de productions, se servent des outils modernes. Donc l’année dernière, je les ai faits venir pour un mini-festival, et je leur ai fait travailler des reprises de Nicolas Jules, Nicolas Moreau et Boule, puisqu’on travaillait sur l’interprétation. Ils ne comprenaient pas très bien à quoi servait de faire toutes ces reprises. Après j’ai fait venir les artistes, et on a délocalisé les cours au Cerisier. Chaque jour, les artistes venaient, ils avaient carte blanche, et on a fait un master-classe rencontre. Et le soir les étudiants jouaient en première partie des artistes, avec les reprises des artistes en question. Le tourneur Cyrille Cholbi (Cholbiz Production) a investi financièrement pour assurer le salaire des artistes. Et puis c’est intéressant de faire connaitre l’association Rock et Chansons de Talence aux étudiants, car elle propose des lieux de répétition et studio d’enregistrement accessibles.

– Comment les étudiants ont-ils appréhendé ce travail ?

Les étudiants y sont allés à reculons, car ils ne savaient pas du tout ce qui les attendait. Mais ils ont pleuré à chaudes larmes en sortant du spectacle de Boule. Ils m’ont dit au final qu’ils avaient compris qu’être artiste, c’est beaucoup de travail. Donc je me suis dit que ce n’était pas si mal déjà. Car je n’ai invité que des artistes indépendants, qui leur ont raconté comment ils faisaient, y compris leur com, leurs pochettes d’album. Donc ils ont compris que c’était beaucoup de travail, et aussi que c’était quand même superbe de voir des artistes sur scène, car c’est une génération, qui, avec le covid, n’est pas beaucoup sortie voir des spectacles. Financièrement évidemment, ce n’est pas du tout rentable de faire cela, mais comme les étudiants étaient si enjoués, et que là, ils sont en dernière année, j’ai proposé de recommencer cette année, mais pour qu’ils chantent leurs propres compositions. On a donc fait une collaboration avec Rock et Chanson, à Talence. Boule revient en trio, et en première partie il y aura Doclaine, et Tiou, et Dimoné. Ce sera le 8 mars. Il faut vraiment qu’on arrive à remplir la jauge, car c’est le seul moyen de rentrer un peu de finances. Et je clôturerai la fin de la semaine, dimanche 10, avec ma sortie d’album au Rocher de Palmer, et deux ou trois étudiants que je vais choisir, avec Norbert, le vigneron que tu connais, qui viendra offrir un verre de ses vins de Château Courtney pour dégustation.

– Donc, l’ode que tu avais composé, en hommage à son vin, « Léon qui gronde » sera-t-elle de mise ?

Oui. Il faut qu’on bosse « Léon qui gronde ».

– Plus globalement quelles autres conséquences bénéfiques ont ces rencontres à tes yeux ?

Les jeunes composent et produisent beaucoup, mais il est vrai qu’ils n’écoutent pas tant que ça de références, dans le patrimoine de la Chanson. C’est pour cela que j’ai voulu leur faire travailler l’interprétation, parce que je trouve qu’avant d’écrire une chanson, c’est bien d’apprendre à interpréter une chanson comme elle a été écrite : tu ne poses pas trop des questions d’auteur, tu ne remets pas en cause le texte, tu ne doutes pas. Tu apprends la chanson, et après, tu la mets à ta sauce. J’adore ce travail. Les faire travailler sur leurs propres compositions est très délicat, car tu ne peux pas leur faire retoucher leur texte. Souvent ils parlent de choses qui leur sont très intimes ; donc c’est difficile de suggérer des changements. Mathilde Châtin par exemple que j’ai choisi pour ma première partie veut travailler ma chanson « La mer est immense ». Et je pense que c’est très encourageant aussi pour les artistes qui viennent, d’être découverts, chantés et repris par des étudiants. Ils en étaient super touchés. Et puis faire venir des artistes dans la région est une manière d’amorcer des échanges et faire découvrir à des gens qui viennent de loin des chanteurs d’ici et vice versa.

– C’est une prise de risque que très peu, de moins en moins même, d’associations consacrant pourtant leurs efforts à permettre à des artistes alternatifs de s’exprimer, osent. Elles font pourtant un travail dévoué et nécessaire, et la scène locale serait bien morose sans cela ; mais concrètement l’évolution des dernières années laissent le sentiment que de plus en plus, même chez les alternatifs, ce sont toujours les mêmes qui passent et repassent, que les réseaux sont hermétiques, et hélas les prises de risque se raréfient.

En même temps tu comprends vite qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas trop moyen de prendre des risques. Nous avons à L’Inconnu, soixante places assises. Pour un concert solo, il faut compter trois cent euros par tête de technicien, donc déjà six cent euros la soirée, sans avoir payé le tourneur, l’hôtel, ni personne, sans compter les frais de la Sacem à régler. Cela fait que si tu fais une entrée à dix euros, en remplissant les soixante places, tu es forcément perdant. On ne peut pas organiser autre chose que des concerts solo. C’est très problématique. Cholbiz a investi à perte l’an passé là dedans. Je n’ai rien à y gagner ; je vais même y perdre. C’est vraiment pour promouvoir l’expression des artistes qu’on fait cela. Donc je comprends que les associations de spectacle ne prennent pas de risque. C’est déjà bien qu’elles arrivent à continuer et survivre. Le seul moyen qu’on s’en sorte à peu près bien, c’est d’arriver à relayer un maximum de com, pour remplir la salle.

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Miren Funke

Lien : https://www.helloasso.com/associations/le-velo-qui-pleure/evenements/droles-de-piafs-2024

Mon âge d’or…

12 Fév

De Mnouchkine à Léo Ferré, des colos au Conservatoire, Natalie Akoun, frêle silhouette de fée entourée de ses deux comparses musiciens Vincent Leterme et Laurent Valero, espiègles à souhait, met sa vie en chansons. Une merveille de charme et d’intelligence. 

AFFICHE-monagedor-webQuand on lit ça dans la presse, signé par des journalistes exigeants, on peut se demander quoi ajouter … Eh bien peut-être que les éclairages sont parfaits pour faire de ce spectacle une réussite totale. L’argument, dirait Molière, c’est le cri du cœur d’une enfant « je veux être une saltimbanque, et je serai artiste pour pouvoir dire pourquoi j´existe ..  » Et elle le devient, le raconte dans une autobiographie comme un journal intime illustré par des chansons, celles de nos enfances, celles qui racontent , qui font voyager et rêver, celles dont Nougaro pourrait dire, elles font balancer l’âme, celles de notre jeunesse, des chansons éternelles qui peuvent parler à tout le monde, pourvu qu’on ait gardé une touche de cette folie enfantine d’espoir infini. Natalie vit son rêve, elle est saltimbanque, multifonction en quelque sorte, et dans cette starmania en trio, elle est entourée de deux partenaires Laurent Valéro multi-instrumentiste subtil et Vincent Leterme, pianiste aussi doué en musique que dans l’imitation du poisson… Si je vous dis… une chanson de Gréco … ? Vous le saurez en allant à L’Essaion  Jeudi-Vendredi- Samedi  jusqu’au 23 Mars

  • Auteur : Natalie Akoun
  • Mise en scène : Olivier Cruveiller

Suivez la flèche —> https://www.essaion-theatre.com/spectacle/991_mon-age-dor.html

Et pour quelques photos de plus , ©NGabriel2024

Montage LDDLO mon age d'or

Norbert Gabriel

Tout le monde il est Jean Yanne…

8 Fév

1-P2110022visuel-Jeanyanne-uai-720x961C’est le retour de la diva extravertie, qui est en scène le métissage réussi de Memphis Slim et Chopin pour le piano, et de Betty Boop et Joséphine Baker pour l’expression , et qui continue ses shows de théâtre musical avec une maestria toujours épatante. Anne Cadilhac est en couple avec Eric Perez, et dans l’oeuvre éclectique de JeanYanne ils ont créé une musicale comédie de poche particulièrement vitaminée extrait : —> https://youtu.be/46zSovj-5gU Lire la suite

Michèle Bernard… Quand vous me rendrez visite

12 Oct

Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une chanteuse? Des envies de rêves, de voyages, d’absolu, de rencontres, de poèmes et de musiques qui font danser la vie en robe blanche du dimanche comme disent les acadiens.

Il y a tout ça avec Michèle Bernard, un parcours de jeune fille qui s’affranchit de son milieu trop bien rangé, un parcours de femme qui invente et explore tous les chemins du spectacle. Nourrie de rencontres multiples d’une richesse rare Michèle Bernard c’est 50 ans de bonheurs de scène toujours renouvelés .

C’est une œuvre qui vient d’être racontée dans un livre-somme, une biographie, tous les textes de chansons souvent mis en perspective et resitués dans leur contexte dans divers entretiens, par deux experts Cécile Prévost-Thomas et Laurent Carmé.

Vous trouverez dans ce livre tous les ressorts de la création par une artiste qui a inventé ses propres chemins, sans concession mercantile, mais avec le bonheur de vivre libre quel qu’en soit le prix.

Quand vous me rendrez visite … EPM 2023 Livre 550 pages – 15,4 x 24 cm Préface d’ Anne Sylvestre Intégralité des textes, nombreux documents et témoignages inédits … par Cécile Prévost-Thomas et Laurent Carmé.
Disponible dans toute vraie librairie ou chez EPM : —>  https://www.epmmusique.fr/fr/catalogue/3348-michele-bernard-quand-vous-me-rendrez-visite-livre.html

Chez Michèle c’est là –>  https://www.michelebernard.net/

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Photo NGabriel

Norbert Gabriel

Le monde de Pitt Ocha et ses merveilles à Vitry sur Seine

8 Oct


C’est un jardin extraordinaire où s’est installée une famille d’ogres boulimiques, assez particuliers pour des ogres, il n’y a pas de canards qui parlent anglais, ils accueillent tous les bruits, crac-boum-hue, dziiing- klonk, ding-dingue-dong, ziiiiip, schtonk, crouic, clic-clac-clop, vrouuuum et cataclop, cui-cui, miaou, ouaf-ouaf, meuh et bèèèh, hi-han et cocorico, kikirikiki, cock-a-doodle-doo (en anglais) ils les fabriquent avec des trucs des bidules des machins et des machines à merveilles, comme le singe et son vélo phonique. Il y a une ménagerie d’instruments de toutes sortes … et on les retrouve sous le chapiteau avec la troupe dans un carrousel magistral, joyeux et joueur, mais pas uniquement… Dans cette fantasia échevelée, on n’oublie pas les valeurs de l’amitié, de l’amour, la tolérance, enfin tout ce que vous voulez pour essayer un monde meilleur.
1-tambour réduit 4227x2817Ce spectacle ne se raconte pas, il se voit et se vit avec eux, les Ogres de Barback, qui sont devenus un quatuor à 6 au fil du temps…
On peut esquisser que c’est un opéra façon Hellzapoppin&Ziegfeld Follies mis en scène par les frères Marx, mais en mieux. Je n’en dirai pas plus, toutefois j’aime rendre service, donc je vous montre quelques uns des personnages en action qui ont réalisé et offrent cette folâtrerie foldingue chantante, vous les reconnaîtrez certainement.

NB : ce n’est pas par fainéantise que mon lyrisme naturel est en service réduit, mais c’est plein de surprises, et si je vous les dis, ce ne seront plus des surprises. Voilà !

Une image d’ensemble, et un patchwork pour quelques images de plus.

1-1-Pitt Montage réduit 5084x3768La route des mille et une chanson avec Pitt Ocha c’est par là → https://lesogres.com/

Norbert Gabriel

Festival Musicalarue 2023 : entretien avec Matmatah

5 Oct

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A l’affiche de Musicalarue pour la troisième fois depuis sa reformation en 2016, et la tournée de l’album « Plates Coutures » qui signait, dans la foulée, le premier jour de sa seconde vie, le groupe Matmatah revenait jouer cette année sur la scène des Sarmouneys -la plus spacieuse scène du festival-, avec dans ses bagages les nouvelles chansons issues de son récent double album « Miscellanées Bissextiles ». La ferveur d’un public massivement attentif répondant à un concert élégant, vif et harmonieux d’un Matmatah tout en complicité et à la prestance indéniable, l’échange entre l’un et l’autre confirmait l’ardeur du sang d’authentique groupe de scène qui coule dans les veines de la formation rock brestoise. Un concert en festival étant hélas fatalement soumis à des impératifs de durée réduite pour chaque artiste qui y partage la scène avec un précédent et un suivant, il va de soi que Matmatah, désireux de jouer aussi pour le public les succès populaires qui ont jalonné son parcours, ne put interpréter que peu de morceaux de ce dernier album, au regard du nombre de titres qu’il contient, et de la liberté que le groupe y a prise avec les formats, temporels entre autres.

« Miscellanées Bissextiles » (à la composition duquel participa le précédent guitariste Manu Baroux, remplacé désormais au sein du groupe par Léopold Riou), bien qu’ayant la fière allure d’un imposant album où se retrouvent, se croisent ou se côtoient un peu toutes les influences, les goûts et les intentions qui ont irrigué le terreau de chacun des différents albums de Mathmatah, est néanmoins difficilement réductible à une mosaïque hétéroclite d’éléments épars déjà entendus précédemment. L’album, pensé et ordonné avec un soucis de cohérence bien sentie, ose l’ambition de plusieurs compositions d’envergure, généreuses et courageuses, au premier rang desquelles l’impressionnant titre « Erlenmeyer » qui occupe toute une face de près de vingt minutes, où l’expression artistique s’affranchit des règles de formats, des impératifs clientélistes radiophoniques, des raisonnements raisonnables, comme le Rock en créait quelques décennies plus tôt, et comme ils serait appréciable que les artistes d’aujourd’hui en inventent plus souvent. De ces compositions où les ambiances prennent le temps de s’installer, de murmurer des émotions, de faire naître des tourbillons et frémir des souffles qui vous invitent, vous happent et vous transportent dans un enjôlement où le temps n’existe plus, le temps de vous raconter quelque chose. Enfanté d’une méthode de travail inhabituelle ayant pris le pari de laisser chaque membre libre d’explorer seul ses idées, pour les travailler ensemble ensuite, « Miscellanées Bissextiles » a dû bénéficier aussi à l’évidence de l’extension de la période durant laquelle il fut imaginé et construit -celle du confinement-, et de laquelle il prit le temps d’émerger.

Quelques heures avant leur concert, le bassiste Eric Digaire et le chanteur et guitariste Tristan (Stan) Nihouarn nos accordaient un entretien.

Mat5– Messieurs, bonjour et merci de nous accorder cet entretien. L’album « Miscellanées Bissextiles »  est votre premier double album, et il frappe par le nombre important de morceaux regroupés dessus, et aussi le fait que chacun d’eux s’est construit avec les diverses influences qui ont nourri votre musique, et s’y sont exprimées à différentes périodes, un peu comme s’il s’agissait d’agglomérer sur un seul disque toutes les influences musicales de Matmatah. Pour autant, loin de sonner comme un puzzle mal assemblé, il s’en dégage une cohérence substantielle, un peu comme du précédent « Plates Coutures » d’ailleurs. Comment s’est construit cet album ?

– Eric : C’est ça qui est marrant : souvent on nous pose la question de savoir si on a tout réfléchi. Mais en fait on sait ce qu’on ne veut pas, et après on se laisse aller. On est tous différent musicalement et humainement. Pour ce disque là, on s’était dit, en sortant de la tournée du précédent « Plate Couture », qu’on allait prendre du temps, chacun chez soi. On aurait du déposer le brevet du télétravail avant qu’on soit obligés d’en faire ! Donc l’idée était que chacun puisse faire ce qu’il avait envie de faire, et, qu’après, on mette tout en commun. Mais c’est vrai que l’album est très bien reçu ; nous avons de très bons échos. Et on nous dit que c’est, pas comme si c’était un résumé de toutes nos influences, mais qu’on retrouve des côtés de chaque album dans ce sixième là. Après on avait des choses qu’on voulait faire, notamment le premier morceau ; c’est le premier sur lequel on a commencé à travailler, et le dernier qu’on a retouché avant la fin de l’album. Et puis on a commencé à faire des chansons, à vouloir raconter des choses aux gens. Et le covid est arrivé, et on a eu deux ans supplémentaires, chose qu’il ne faut jamais faire avec des musiciens : leur laisser du temps. Du coup on l’a exploité et on a fait d’autres chansons. Et comme on raisonne toujours en termes de vinyle, la première face était occupée par « Erlenmeyer », un morceaux de 19 minutes. Et puis après on avait une seconde face, mais trop de morceaux pour y tenir, donc on s’est dit qu’on allait faire une troisième face, puis une quatrième. Au fil du temps qu’on a eu, on s’est retrouvés avec beaucoup de chansons, et on a décidé de tout mettre, parce qu’en plus on s’est aperçus que la diversité des chansons allait créer la cohérence de l’album.

– Stan : C’est un album qui a dégénéré, en fait.

– En pratique, l’harmonisation des propositions de chacun de vous pour composer ensemble, et aboutir à cette cohérence a-t-elle été compliquée ?

– Stan : Non, en fait. Sur le papier, ce n’était pas évident, notamment pour le premier morceau, parce qu’on l’a un peu travaillé comme un cadavre exquis. On ne savait pas trop ce que l’autre faisait. Mais ça collait ; il fallait quand même qu’il y ait une fluidité dans les enchaînements, et qu’on retombe sur nos pieds, parce que vingt minutes, c’est long.

Mat2– La chanson « Populaire » s’attaque au sujet de la vindicte populaire et de son amplification et sa facilitation via les réseaux sociaux, et entre en résonance avec le titre « Overcom » présent sur le précédent album, qui dénonçait la soif d’immédiateté, et la surabondance et l’omniprésence d’émissions d’avis qui poussent à colporter au plus vite possible des rumeurs, sans en vérifier la véracité. Que traduisent selon vous ces dérives de la modernité ?

– Stan : Oui, c’est une chanson qui dénonce la vindicte populaire. A l’heure des réseaux sociaux, on observe des dérives. Alors, c’est important ; les réseaux sociaux ont servit à dénoncer des choses. Mais quelques fois, il y a des dérives. Et il faut vraiment faire attention à ça. Cette chanson là a déjà fait un peu polémique. Il y a peut-être des gens qui ont pris le texte au premier degrés. On joue le rôle de connards dans cette chanson ; il faut le comprendre quand même. Mais on espère encore qu’il y a une justice. Elle n’est jamais parfaite bien sûr, mais elle prime quand même. On est quand même en France, le pays qui a inventé le droit, et même si ça ne marche pas toujours, c’est important. Il faut lire le texte de la chanson, en fait.

– Eric : C’est Werber, qui a écrit Les Fourmis et les Thanatonautes, qui disait que ce n’est pas parce que la multitude est du même avis qu’elle a raison. C’est un peu cette idée là : c’est assez facile d’avoir un avis, c’est de plus en plus facile de le donner, mais à un moment, c’est important de garder un peu de recul. On avait effectivement fait une chanson sur le précédent album, « Overcom » qui disait que l’immédiateté n’est pas forcément la meilleure façon d’avoir une vérité. C’est souvent ce qu’on remarque aujourd’hui avec la presse.

– Stan : « Comment is the new content ».

– Eric : Voilà. Quand il faut balancer une information, parce que tous les autres l’ont déjà balancé. On avait eu un exemple, avec l’affaire de telle personne accusée d’être un meurtrier, puis finalement une demi-heure après, on apprenait que personne n’était mort, et encore après qu’en fait le type n’était même pas là. Mais la rumeur était passée… Donc est-ce qu’on ne peut pas vérifier, prendre le temps, entendre les deux sons de cloche, avant d’avoir un avis et surtout de le donner? Avoir un avis, c’est une chose. Mais avec tous les moyens de donner son avis aujourd’hui, il faut faire attention. Et comme dit Stan, pour cette chanson, on s’est mis un peu dans la peau des mecs d’« Orange Mécanique ».

– Stan : Les justiciers à deux balles. Après je pense que ce n’est pas quelque chose de nouveau. La vindicte populaire a toujours existé. Une rumeur n’est qu’une rumeur, mais elle peut faire autant de mal qu’un fait établi.

Mat10– Cela à déjà transpiré à travers vos compositions, le Rock progressif des années 70 est une référence importante pour vous. A ce titre la chanson « Hypnagogia » développe une atmosphère très planante, hypnotique, et d’envergure. Est-elle née aussi d’une recherche collective?

– Stan : Là, ça a été très collégial. On avait la musique avant, il me semble.

– Eric : La musique est venue de la sieste avec le papillon.

– Stan : Oui, voilà. On avait la musique, on jouait la musique, sauf moi, qui étais avachi sur le canapé du studio. Et j’étais en hypnagogie ; j’étais en train de m’endormir tranquillement en écoutant la musique, et c’est là que je me suis dit : ça doit être une chanson sur ça, ce moment entre la veille et le sommeil, où le cerveau turbine. C’est le meilleur moment pour avoir de bonnes idées, mais il faut se faire violence, quand on a une idée pour se lever et écrire l’idée. Sinon, on se dit « je vais dormir, et je m’en rappellerais après ». Et en fait, au réveil, plus rien! C’est un moment trippant ; je m’en suis toujours servit. Je fais beaucoup de siestes en période de création, parce que j’aime bien que les choses arrivent comme ça. Mais ça a l’air cool, mais en fait ça ne l’est pas tant que ça, parce qu’il faut vraiment se faire violence quand on a l’idée pour écrire. Et là, la sieste est flinguée.

– Eric : Ce qui était rigolo, c’est que souvent, avant d’avoir le texte, on n’a pas le titre de la chanson, ce qui est assez logique, et en fait tout le monde était parti siester. Et moi, je ne suis pas très sieste, et j’étais sur la terrasse de chez notre batteur, où on a enregistré et composé une grande partie de l’album, en train de faire tourner en boucle trois accords de guitare, qui sont toute l’intro. Puis Stan est sorti à un moment, et j’étais en train de jouer, et il y avait un papillon qui tournait autour de moi et qui s’est posé sur la guitare acoustique et est resté pendant que je jouais. Donc au début la chanson s’appelait « Even the Butterfly ». On avait fait un montage avec une motte de beurre avec des ailes, et c’était ça, quoi. On faisait tourner ces accords sur ce côté un peu lancinant, un peu hypnotique, comme tu disais.

– Stan : Donc tu l’as joué, et c’était pour un papillon qui restait là et qui aimait bien. Toujours des histoires avec des insectes…

– Eric : Et après, le soir, autour de la table de la cuisine, après avoir dîné, on est partis sur cette idée de refrain. Voilà. Ce sont des idées qui arrivent, et il faut être capable de les recevoir, de les accueillir, et d’en faire quelque chose. La musique a inspiré le thème de la chanson, avec ce côté un peu alangui, un peu entre deux eaux.

Mat4– La chanson « Obsène anthropocène », quant à elle, sonne comme une suite au titre « Nous y sommes » qui ouvrait l’album précédent, et c’est donc un autre morceau qui revient sur une thématique abordée précédemment. Quelle idée développe-t-elle qui selon vous restait à exprimer ?

– Stan : En fait pour écrire cette chanson, je me suis inspiré de tous les mots d’Aurélien Barrau, un astrophysicien vachement engagé dans, on ne peut pas dire l’écologie, car ça va encore plus loin dans une vision du monde par rapport à ce qui se passe, mais par l’écologie entre autres. Ce mec là est un activiste à sa manière. En fait ce n’est pas son boulot ; à la base il est astrophysicien. Mais il est assez passionnant, et vulgarise très bien : il n’y a jamais un mot qui manque, jamais un mot de trop. Ce sont tous les discours que ce mec a pu avoir qui m’ont inspiré pour cette chanson. C’est un mec un peu flippant, parce qu’il est assez pessimiste, mais il faut l’écouter, parce que c’est nécessaire. Là, on va dans le mur, comme je dis dans la chanson. Cette chanson est juste une invitation à aller écouter un peu ce qu’il raconte.

Mat13– Sur ce double album, les instruments régionaux typiques de la tradition bretonne font leur entrée dans votre musique avec le morceaux « Trenkenn Fisel ». Vous qui vous êtes souvent défendus de faire de la musique celtique traditionnelle, et agacés aussi que certains fantasment dans vos chansons bombardes et cornemuses qui n’y étaient pas, quel désir vous a piqués ?

– Stan : Après, les étiquettes, on s’en fout un peu. C’est vrai qu’à une époque, on entendait tout le temps « Matmatah et ses binious », alors qu’on n’a jamais eu de biniou, ni utilisé un instrument traditionnel de notre vie. Et là, on s’est dit qu’on allait le faire. En fait on était en pour-parlers avec Les Vieilles Charrues depuis plusieurs années pour l’édition du trentième anniversaire. Donc on s’était dit que si on faisait un truc spécial pour Les Vieilles Charrues, pour une fois, on inviterait des musiciens traditionnels bretons pour les marier à notre musique. On avait quand même dans l’idée un jour de bosser avec un bagad. Et là, on avait l’occasion. Donc en fait ce morceau là a été composé pour Les Vieilles Charrues. On a fait appel à la Kevrenn Alre, un bagad d’Auray, et on les a enregistrés. Ils n’étaient pas au courant encore qu’on avait prévu Les Vieilles Charrues. Donc on leur a proposé de venir jouer avec nous en centre-Bretagne, l’été suivant. Et puis l’album est sorti. On a essayé de respecter les codes, parce que la musique bretonne est très codifiée, car elle doit se danser. Du coup on avait aussi des danseurs. Ils ne se sont pas plaints, donc ça va. Cet album est un ovni.

– Eric : Mais est-ce qu’on a eu déjà un album qui n’était pas un ovni ?

– Stan : De toute façon, c’est vrai, on se dit qu’on va faire ci ou ça, et on ne le fait jamais. En fait on ne décide pas vraiment. Les chansons existent et on les attrape. Mais c’est vrai que celui là est culotté, parce qu’ouvrir un disque avec une chanson de vingt minutes est une aberration, d’un point de vue marketing, mais on s’en fout.

– Eric : Je dis qu’il y a six single dans le premier morceau et qu’on le a collés.

– Stan : Dans une époque où on a tendance à tout raccourcir, nous, non. On a fait une interview pour Fréquence Mutine, une radio de Brest, et quand ils nous avaient posé la question pour « Erlenmeyer », on avait dit que c’était le single pour Mutine. Et ils l’ont mis en playlist! Ils le passent entièrement. Ça, c’est de la radio libre! On se demandait quelle radio aurait les c… de le passer en entier. Eux le passent régulièrement.

Mat9

Miren Funke

Photos : Carolyn Caro

Liens : https://www.matmatah.com/

Alissa et Jérémie, Wenz et Bossone …

27 Sep

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Parmi les révélations majeures de ces dernières années dans le monde de la chanson,, deux artistes sont dans le haut du tableau : Alissa Wenz, et Jérémie Bossone… Ils ont en commun le talent d’écrire dans la filiation des auteurs majeurs qui ont porté la chanson dans la tradition des trouvères et autres chroniqueurs de la vie… Les joies les peines et les soucis de nos amours d’un jour ou qui durent toujours, on les retrouve en raccourci dans leurs voix et aussi dans leurs livres **

La Cigale de Créteil les invite en co-plateau le 13 0ctobre, la salle est juste en face du métro ligne 8, arrêt Créteil-Université..

Et pour quelques mots de plus c’est là –> « Imaginez Betty Boop qui serait la fille de Boris Vian et de Barbara, un cocktail d’humour délicatement vitriolé, un regard affuté et caustique sans concession sur la vie et ses aléas, une poésie bariolée de burlesque, des mots qui cognent et qui caressent, avec élégance et grâce, c’est Alissa Wenz »

La suite ici https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2020/02/09/alissa-wenz-au-forum-leo-ferre/

et là –> « Jérémie Bossone est un voltigeur des sentiments exacerbés ou romantiques, épiques ou tragiques, il ne fait pas de concessions à une image préconçue, prédéfinie sur le critère « mon public »…

Suite ici -> https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2020/09/27/jeremie-bossone-le-decembre-italien/

Pour réserver c’est là → https://www.facebook.com/profile.php?id=100051158782256&locale=fr_FR

** Merci à Paul Fort et Georges B.

 

Norbert Gabriel