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Carnaval sauvage, de Nicolas Jules …

29 Déc

carnaval sauvage CCDCarnaval : « temps de réjouissances profanes depuis l’Épiphanie jusqu’au mercredi des Cendres. »
Sauvage : « qui vit en liberté ».
Un beau bordel, au carré donc.
Enfin, en moins géométrique.

Bref : le nouvel album de Nicolas Jules.

Renversant, bouleversant, authentiquement carnavalesque. Dès la première chanson, on saisit : le défilé grotesque, les créatures grimaçantes, la mécanique macabre ne sont pas des artifices rituels mais le monde au quotidien. Pas très beau à voir alors on y met du fard : on habille en désirables les chaînes, les poids, les barreaux, les frontières, les interdits. Et on s’extasie devant le reflet des choses alors qu’on n’a simplement plus la force de les regarder en face (Les étoiles dans le lac).

Nicolas Jules shoote dans les certitudes, pour ne surtout pas en proposer de nouvelles. Qui l’aime le suive, en haut du précipice, au bord du gouffre sans garde-fou… périlleux certes, mais au moins on respire. On est à l’air libre. «Je n’ai pas de murs» chante-t-il dans Bicyclette.

No limit : l’une se retrouve « en deux morceaux/ [quand] elle attend quelqu’un qui ne vient pas ». L’autre est un écosystème entier, avec sa faune et sa flore et plus encore. On entre dans la tête de quelqu’un sans frapper pour ne plus en sortir, ou dans son corps, à moins que ce ne soit ce dernier qui nous absorbe.  (Ornithologie).

No limit : on passe du pied du pageot à l’exoplanète en passant par «les Indes mentales», à la vitesse d’une fusée, d’un coup de foudre ou d’une bicyclette, qu’importe : le Temps, l’Espace sont si surfaits.

No limit : on tend l’oreille vers un rythme sourd ; un violon torride s’amuse à nous enlacer et nous dénouer tout à la fois. Ce se parle, ça s’écoute, ça se répond, ça se mélange, ça se retrouve…

No limit, jusque sur la pochette où les tigres du Bengale oscillent entre le chaton et le masque sorcier. Où le dessin a des faux airs d’expérience photographique, quand le noir et la lumière se disputent des contours pour un résultat vaguement flou et perçant.

« Y a des gars qui bossent à bien aligner les tulipes/ moi je bosse au désordre/ nous formons une belle équipe ». (Jardin secret/ Jardin public).

Bien évidemment, ceci n’est pas une conclusion.

Mélanie Plumail

Nicolas Jules – Le yéti.*

25 Juil

yéti17 pistes à suivre

L’intitulé sème le doute.
La pochette* ne le lève pas :  un arbre. Caché derrière, un humanoïde apparemment civilisé mais c’est peut-être une ruse.
Nicolas Jules – Le Yéti.

Tournons l’objet. 17 titres où là encore le yéti joue à cache-cache. Il est mort, ressuscité, ici on prétend imiter son cri et là exhiber son putatif scalp ; quant à sa fiancée, disons pour faire court qu’elle ne donne pas dans le détail.
Nicolas Jules, le yéti ? Qui sait.
Justement, ceux qui savent – peut-être – ne pipent mot. Ce sont les musiciens : Roland Bourbon aux percussions/ batterie, Frédéric Jouhannet au violon, et parfois Nicolas Moro au dobro et Dani Brouillard à la guitare. Ils accompagnent, ils jouent, ils évoquent, ils suggèrent : des ambiances de partout sur terre et ailleurs, des battements qui mènent la danse (Records), des humeurs délirantes (Perdu), torrides (L’aventure), carrément secouées (Lavomatic),  exténuées ou apaisées (Le yéti voyage incognito). Ils font tout ça et plus encore, mais ils ne disent rien. Seuls les – fort jolis – choeurs* laissent échapper : « Vous êtes dingue » (Records) … le mystère demeure.
Sur les chansons où le yéti n’est pas, il y a des mots et non des moindres, des qui foutent les poils dans des chansons d’amour mal peignées et où ça saigne encore un peu à cause des « épines et des roses » (Colère). Il y a du mouvement, un parfait déséquilibre car Nicolas Jules a souvent un pied d’avance ou de côté, enfin bref, la rime n’est jamais où on l’attend : « vos pensées par milliers, vos baisers parfumés, vos courriers par la poste ». (Records). Il a un pied levé, pour Fuir au plus vite et son cri de ralliement est follement rafraîchissant « j’ai de l’imagination à revendre, mais je ne tiens pas à m’enrichir ». Le pied, il le met dans le plat pour lui donner un fameux relief, loin des copies fades en deux dimensions (Mort aux photocopieuses).
Le pied donc. La patte de Nicolas Jules, voire son empreinte.
Alors Nicolas Jules est-il yéti ? Peut-être… qu’importe. Il y a un monde et il y est, bien vivant, ça au moins c’est une certitude.

* album disponible sur –>    www.nicolasjules.com
* les photos de l’album sont de Thibaut Derien
* Marie Lecomte et Julie Leyder

Mélanie Plumail

Douze oiseaux dans la forêt de pylônes électriques. Nicolas Jules…

31 Oct

Nicolas Jules sort un nouvel album.
C’est prévu pour le 1 er décembre et ce sera disponible sur son site  (voir en bas)

Ouais, bon, et alors.
Je veux dire : à quoi ça sert, un nouvel album de Nicolas Jules ?
A rien, voilà, comme les librairies et les troquets.
De toute façon, le gars n’a rien compris à l’époque.
C’est le genre qui porte son regard en dehors des top ten répertoriés (dont le 6 e pourrait vous surprendre). Qui trouve beaux des trucs dont tout le monde se fout, et qui feraient zéro like sur Insta.

Bref, il ne sait pas se vendre.

Limite, il préfère les gens aux choses : appuie sur un téton pour allumer la lumière ;
s’émeut du mouvement des mots dans la gorge quand on se parle. Se parler… sans déconner ! Quand, en plein confinement, il « cherch[e] la chaleur », on lui  dit : « remplissez des papiers » . Normal. Alors, têtu, il invite chez lui des choristes à son goût – Louis Jourdan, Danielle Darrieux, Boris Karloff – qui l’ont eu bon de mourir avant de voir tout ça : les « gens en ruines » et les villes « qui partent en sucette ».

Le nouvel album de Nicolas Jules, c’est Douze oiseaux dans la forêt de pylônes électriques. D’ailleurs c’est le titre. Un nid de bestiaux qui pépient ou qui gueulent, prêts à s’envoler, comme ça, par envie, et nous on lève les yeux parce que c’est beau et pendant un moment, c’est tout ce qui compte. C’est beau et courageux, dans un monde sous haute-tension.

Le nouvel album de Nicolas Jules n’est pas un produit de première nécessité.

Il paraît.

Justine Keiss

Le  site de l’artiste,
clic sur le micro  –>

Nicolas Jules invité par Le Banquet…

13 Avr

A un moment, on a envie de virer les salades composées, les amuse-bouche, la dînette pour passer à table, « une vraie table en bois » pour profiter du Banquet.
Nul besoin d’une invitation formelle : venir comme on est, prêt à donner sa personne avec ses tripes et son appétit, prêt transpirer en cuisine.
Une rapide visite des lieux s’impose, de la piaule moite à la chambre froide : la vie, l’amour, la mort, on ne va pas « faire dans le détail ». Il n’y a pas le temps. Ou bien il est compté, décompté, omniprésent : le battement, la pulsation, et entre « l’horloge trop bien huilée » et la « pendule démontée », un silence, vite déchiré par la croche.
C’est pas joli-joli : c’est pire. Ambiance Bacon, la même boucherie crue et sublime.
Et pour trancher, ils sont cinq : « un orchestre à poils et à plumes [qui] s’installe derrières les micros.
Ils sont cinq : Simon Drappier (contrebasse), Clément Janinet (violon), Clément Petit (violoncelle), Johan Renard (violon), Nicolas Jules (voix et textes).
Ils sont cinq mais ne font qu’un. Ou parfois ils se dédoublent et se répondent, s’écoutent, scient, charcutent, déraillent, percutent, frottent, serinent, crient, mettent tout leur choeur à l’ouvrage.
Ça coupe le souffle, parfois, puis au milieu du Cirque, on s’abandonne à la grâce de ne pas tout saisir : il y aura des restes.
Je vous en mets un peu plus ?

Mettez vous à table –>

 

 

 

 

 

Louise Ferris

Scènes vivantes et plaisirs partagés, avec Nour et Cie ..

17 Fév

Au bon vieux temps de Trenet, on avait,

….du music-hall
On dira tout c’qu’on peut en dire
Mais ça restera toujours toujours l’école
Où l’on apprend à mieux voir,
Entendre, applaudir, à s’émouvoir
En s’fendant de larmes ou de rire.
Voilà pourquoi, la, do, mi, sol,
J’aim’rai toujours le music-hall

Pour les générations suivantes élevées à la TSF ou au transistor, il y eût les Discorama, puis les émissions de Foulquier, avec ces moments rares de rencontres inattendues, Juliette et Baloji, Thomas Dutronc et Tiken Jah Fakoly, et tant d’autres où les artistes se croisaient et réinventaient parfois leur art au gré de ces rendez-vous impromptus.

Il y a eu aussi les lundis de la Pépinière Opéra, dont on retrouve l’esprit avec les lundis chanson au Café Jazz Montparnasse:  un invité principal propose au public de découvrir des artistes qu’il aime. Et qu’il présente.
Récemment, en Janvier, Lise Martin avait réuni Nicolas Duclos, Nour, Valentin Vander, Alissa Wenz (ordre de passage en scène ) pour des séquences de deux chansons et un duo avec elle. Pour rappel, lire ICI

Et parcours logique après cette soirée exceptionnelle, c’était de suivre l’invitation de Nour  qui programme régulièrement des spectacles avec invités. Comme ce dimanche 16 Février, sur le bateau El Alamein, avec Automne Lajeat, Ben Herbert Larue, Katrin Wald’teufel (Cello Woman), Nicolas Duclos, Nicolas Jules, (ordre alphabétique) dans une formule où chaque invité-e a une chanson, accompagnée au piano par Nour, après une courte biographie de la meneuse de revue, dont nous dirons que la fantaisie est très réjouissante … Autant la bio que l’auteure. Puis un duo avec Nour, dans une de ses chansons. C’est du spectacle 100% vivant, avec tous les frissons inhérents à ce genre de funambulisme.

J’ai le corps et le cœur entier qui vibre encore de cette soirée d’hier soir!
À chaque fois je suis sur un fil, je ne sais jamais si mes doigts, ma tête vont réussir à se souvenir des chansons de chacun des invités, vu que j’ai souvent très peu de temps pour mettre en place et travailler les morceaux, le spectacle…

Et à chaque fois il y a quelque chose qui me dépasse, qui se passe, qui fait le funambule…
Je me sens remplie
. (Nour )

Pour faire un bref portrait de Nour, selon son école, je dirais que c’est une Shéhérazade dont la plume délurée et incisive décape sans complexe les choses de la vie, avec une voix de diva jazzy, , une sorte de Carmen aussi émancipée que celle de Mérimée, c’est la flamme et le feu, et j’en connais qui s’y brûleraient volontiers… Après cette présentation, des extraits musicaux s’imposent . Pour vérifier.

et ne nous privons pas de lumière ,

Suivez donc Nour la lumière clic  ici →

Après l’orage, ( ma préférence) vous pouvez écouter l’album..

et  voir quelques photos de plus,

 

That’s all folks et le spectacle continue !

Norbert Gabriel

Nicolas Jules, les Falaises

29 Sep

Depuis plusieurs semaines sur FB on pose la question : « Et pour vous, c’est quoi les Falaises » . On y répond, par petites capsules vidéo fantasques.

Photo  ©Lara Herbinia

Alors c’est quoi, les Falaises?

Les Falaises, c’est le 7 ème album de Nicolas Jules. Une 7 ème marche dans l’escalier de son œuvre en cours, qu’il ne monte ni ne descend d’ailleurs. Ça pourrait sembler casse-gueule mais c’est bien là sa meilleure façon de marcher : pas droit, pas au pas, à l’instinct. Comme il l’explique à François Alquier alias Mandor dans un entretien, « Dans la vie et en tant qu’artiste, je réagis beaucoup en réaction… et beaucoup en réaction contre ». Les Falaises est ainsi le contre-pied du précédent Crève-Silence, album léché et travaillé. Les Falaises, c’est du taillé à même la roche, au cœur du roc(k) ; c’est du brut, du râpeux auquel on s’accroche et on s’écorche : « Je n’écris bien que ce qui fait mal» (Ratures). Les Falaises c’est de la sueur – moite, froide, érotique ou puante. Les Falaises, c’est du live, du vivant, de la tripe qui fume « comme après un crash d’avion » (Les Innocents) .

C’est du punk plein de chien : pas de passé, pas de futur, seul de l’infiniment présent. Car Nicolas Jules bouscule les cadres et les formats y compris ceux du temps et passe d’une chanson façon coup du lapin de 59 secondes (Magicien) à une litanie hypnotique de 11:50 mn (Ratures). Le rythme est donc donné dans la musique et l’écriture. Grâce à ces enjambements qu’il maîtrise à merveille, il semble trébucher à chaque fin de vers pour se rattraper au suivant et recommencer l’acrobatie. Ou alors de petites mécaniques répétitives se déglinguent comme sous l’effet du « putain de vent qui déviait [s]es petits missiles » (Missiles) et le manège désenchanté s’enraye : une Amélie Poulain grimaçante auréolée d’un néon approximatif règne sur une foule braillarde qui étouffe le vacarme intime. Ou bien encore pour finir l’album, la distorsion des guitares devient obsédante et nous entraîne vers ce qu’on imagine être les falaises, justement, pour contempler l’abîme ou se prendre un mur… en haut, en bas, c’est selon.

Les-falaises_couv4-1Les Falaises c’est du héros solitaire et paradoxal, un éternel « étranger » (La lumière et le bruit) : « Près de toi je me sentais seul » (Missiles). C’est un type en cavale : « je dessine sur ta peau des plans secrets d’évasion » (Gang) et qui voyage léger : Le Crayon, La Photo qu’il abandonne d’ailleurs, le Briquet Bic pour seul bagage.

Seul aux pluri-manettes, il est « un groupe de rock tout seul dans [s]a chambre d’hôtel » (Le Crayon), mais il se rend aussi à ceux qui savent le cerner : Roland Bourbon à la batterie et au marimba, Nicolas Moro à la mandoline, Pascal Thollet à la guitare et Yvan Herceg à la basse et au mixage. Quant à la pochette énigmatique, elle est signée Thibaut Derien, l’illustration rêvée de l’art de la chute. Les Falaises, ça sort ces jours-ci et c’est un point de vue à ne pas manquer.

Justine Keiss

 

Fête à Leïla, photo NG

Le site de Nicolas Jules, c’est là –>  clic sur la photo
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