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Généalogie du blues…

15 Fév

On s’était dit rendez-vous dans un an, ou deux… Parce qu’avec tous les bons tuyaux de Doc Caloweb quand il parle du blues, ce fut la quasi immersion totale dans la pile impressionnante de livres et  d’albums que les bonnes échoppes parisiennes ou provinciales proposent aux amateurs insatiables… En terme de poids, ça va bien chercher dans les 50 kgs, mais au final, c’est avec un pocket Folio qu’on peut avoir un très complet panorama de cette musique dans tous ses aspects, autant musicaux que socio-culturels.

Cette brève généalogie du blues arrive pour faire une mise au point suite aux babillages inconséquents d’un radioteur approximatif qui a expliqué sommairement sur une radio nationale, je cite : «  le blues vient du godspel... » Ce qui relativise beaucoup l’expertise de ce musicien, qui n’en est pas à son coup d’essai dans le genre bourdes historico-musicales.

D’ abord écoutons ce qui est « gospel ou godspel» dans le sens le plus couramment employé :

Des chants d’église, le plus souvent interprétés par des gens bien propres sur eux, sur des thèmes religieux et plutôt joyeux véhiculant des idées positives. (On ira tous au paradis…)

Mais le blues…  Il est né dans les champs de coton, il est né du déracinement des esclaves et des chants de travail et de douleurs, et c’est dans la rue, après la guerre de Sécession, que des chanteurs noirs ont gueulé leurs désillusions face à une société qui ne les considérait que comme du bétail humain, et l’émancipation-ségrégation n’a pas changé grand chose à leur position dans la société américaine… Et même aujourd’hui …

Le blues c’est plutôt ça:  The blues is a feeling... Rien à ajouter.. (Le texte en fin de chronique montre qu’il y a des variations avec la version chantée ici, mais dans l’ensemble, c’est fidèle)

ou ça,

Well, you woke up this morning
Got yourself a gun
Your mama always said you’d be the chosen one

She said, you’re one in a million, you’ve got to burn to shine
But you were born under a bad sign with a blue moon in your eyes

And you woke up this morning
All that love had gone
Your papa never told you about right and wrong

But you’re looking good, baby
I believe you’re feeling fine (shame about it)
Born under a bad sign with a blue moon in your eyes

(Né sous un mauvais signe avec une lune bleue dans vos yeux.)

The lonesome man with is a guitar… Le mec avec sa guitare comme confidente partenaire. Dieu et ses églises n’ont pas grand chose à y faire, sinon pour se faire engueuler…

La généalogie du blues est assez bien définie par BB King qui est probablement l’ auteur de cette définition

Le blues, c’est les racines, le jazz c’est l’arbre et les branches, le reste, le rock, la soul, le rythm’n’blues … c’est les pommes...

Dans la famille des musiques noires, après les chants de travail*, vint le negro spiritual, inspiré par l’Ancien Testament, et presque au même moment le blues, le chant païen et voyou, avec des instruments de pauvres, le banjo, la guitare bricolée, l’harmonica. Ensuite, avec le rag time, il y eût des musiciens savants virtuoses du piano,  dans les bordels de la New Orleans ou les bars louches de New York, les cabarets chitterlings**.

Le gospel, c’était plutôt le Nouveau Testament qui était chanté, dans des temples ou des églises en habit du dimanche et avec les grandes orgues… Le blues n’est jamais entré dans les églises, ou alors par la porte de service et bien camouflé … C’est le cantique de la mouscaille et des déshérités, et par les temps qui courent, il reste une des valeurs de base, et pas seulement en Louisiane au 19 ème siècle.

Dans les nombreux livres sur le blues, l’un d’entre eux domine son sujet en explorant tout ce qui a construit le peuple afro américain, autant sur le plan culturel et musical que sur le plan sociétal, « Le peuple du blues » de LeRoi Jones, et c’est en folio.

Il faut ajouter aussi l’excellent livre d’Alan Lomax, “Le Pays où naquit le blues” (éditions Les Fondeurs De Briques, 2012 + 3 rééditions depuis), paru en 1993 pour la version originale “The Land where the blues began” traduit en français  par Jacques Vassal. Il représente une somme de réflexions, expériences et témoignages sur le sujet, vraiment essentielle.

et on finit avec le texte de Lightin Hopkins

The blues that is a feeling
That makes you feel very bad.
The blues will give ya a sickness,
where there was a pain you thought you ne’er had.

Now this is where the blues go
it jump on you early in the morning
and it worries ya until you go to sleep
Then after you go to sleep
you begin dreamin them ol bad dreams.
And it’s given ya nothing but them midnight creeps.
thats just like if you leave your husband
and just merely carrying on.

And then when you get back there he got another woman
laying up in your happy home
You have to be careful about the way you plead
Cause the world done got weaker just more wiser
than these lonesome sunshiney days(I think)
if you tell your husband you done quit him
and you mean that from your heart cause if ya didnt love him

Ya didnt have no right to start,
and thats what boils him over
and he holler at ya and ya wonder why
Baby if ya knew ya didn’t love me
Darlin then why did ya tell me so
Yeas if you knew that you didn’t love me
darlin why did you tell me so

You know I didnt have to be there dealin with you
I could be dealin with a come many more
Baby ya know that I love you.
Only for myself
Baby ya know that I love you.
Only darlin, for myself.

You know I would look like a fool standing on a corner
Oh dark woman loving you for someone else.
And that’s the truth.
I said love me or leave me little woman.
Either one you wanna do

Loord, love me or leave me.
Either one you wanna do.
Just like your loving someone else, you know someday
bad luck will catch up with you.

I said love me or leave me baby.
Either one you wanna do.
Loove me or leave me
either one you wanna do, lord help you.

You know just like po lightnin someone somewhere
gonna treat you the same way too
Cry one more time.

*Un chant de travail est une chanson chantée le plus souvent à cappella par des hommes ou des femmes de la campagne, des ouvriers ou des marins partageant une tâche fastidieuse (comme la culture du coton et des cannes à sucre par les esclaves). Ce peut être un chant spécifique à une action qu’il dynamise et régule (comme l’òran-luaidh gaélique) ou un chant d’agrément puisé dans le répertoire local et adapté dans son rythme et ses connotations aux circonstances. Au long de la journée, les divers chants allègent la monotonie du travail et chassent l’ennui que chacun peut ressentir isolément. Souvent, les rythmes sont choisis pour aider les ouvriers à synchroniser leurs mouvements dans un travail d’équipe (par exemple : ramer, scier, écraser les grains dans un mortier avec des pilons, marcher au pas). Un film qui en donne un exemple est : Blanche-Neige et les Sept Nains, de Walt Disney Picture. Ce sont les nains qui chantent tout en travaillant dans la mine.
**Chitterlings  « seau de tripes, boyaux de porc » … Les plus pauvres faisaient des sortes d’andouilles avec des tripes qu’ils allaient chercher à l’abattoir avec un seau, c’était en quelque sorte l’archétype du bas de gamme vulgaire. (Garvin Bushell and New York Jazz in 1920)

Doc Caloweb a été présenté ICI.

Norbert Gabriel

 

 

 

 

Blues avec Chantal Laxenaire + The Gang

5 Nov

chantal_laxenaire_the_gang1

Un coup de blues avec elle, ça se refuse pas, et à la fin, on dit encore-encore… Ici rien à voir ou à entendre avec les ersatzs de blues  parfois proposés par nos hexagonaux singers qui, souvent, en retiennent une forme réduite à une caricature, sans en saisir l’âme… D’ailleurs peut-on vraiment, en Europe,  saisir l’âme de cette musique née d’un peuple déporté, asservi qui s’est construit une identité avec cette musique ? *

Chantal Laxenaire a choisi de faire découvrir des blues et des bluesmen and women, sur le thème de la liberté. Une des très grandes qualités de cet album se trouve dans l’exposition de la richesse musicale de cette musique qui est mise en avant avec beaucoup de finesse.

En gardant l’énergie vitale de ces chants de résistance

En intro,  on pourrait presque dire que la chanteuse a l’élégance de se mettre en retrait pour mieux faire entendre la musique. C’est comme un conteuse qui entr’ouvre des portes sur des nouveaux paysages dans des contrées qu’on croyait bien connaître.

Ensuite Chantal Laxenaire met ses exceptionnelles qualités vocales pour donner toute sa mesure au chant de révolte.

rosa-lee-hill1Et accessoirement, avec Rolled and Tumbled (Rosa Lee Hill) on perçoit que le blues a aussi cherché dans la culture indienne des rythmes et des incantations.

Vous trouverez dans le lien ci-joint tout ce qu’il faut sur cet album, pas mieux à dire sur la démarche de l’artiste, sinon que c’est sans doute un des meilleurs albums pour découvrir le blues, ses richesses, et avoir aussi l’envie irrésistible de partir sur les routes du Sud avec Alan Lomax, Skip James, Memphis Minnie… et Chantal Laxenaire. Pour vivre avec eux cette musique puissante, sensible, qui a donné un sens nouveau à cette musique issue du peuple. Le blues, c’est les racines, le jazz, c’est le tronc et les branches, le rock, la soul et tout le reste, ce sont les pommes. (Probablement BB King)

Clic sur l’album et découvrez Chantal Laxenaire + The gang… prison-blues-couvLe Blues est la seule littérature noire issue des champs de l’esclavage. « Une musique profonde, tronc nourricier de toutes les musiques contemporaines (B.B. King )

* Un indispensable livre sur le blues, «  Le peuple du blues » de Leroi Jones, ( Folio 3003) qui donne toutes les racines sociales, musicales de la musique noire dans l’Amérique blanche.    Voir ici, clic sur the book:le peuple du blues

Norbert Gabriel

 

Un coup de blues ? Oui mais…

27 Juin

Suite des livres possibles pour l’été.  Aujourd’hui, le blues.

blues man dessinLe blues, c’est les racines, le jazz, c’est les branches, le rock, la soul et tout le reste, ce sont les pommes. Dit un musicien.

Depuis quelques années, nombre de chanteurs se réfèrent au blues, mais le résultat est rarement convaincant, sauf à admettre que la guimauve peut se comparer au Jim Beam ou au Four Roses.

Si toute la musique qu’il aime vient du blues, notre idole des jeunes n’a pas vraiment rendu hommage au blues dans ses chansons. Et puis, le blues est-il vraiment compatible avec nos histoires européennes ? Une réponse possible se trouve dans le livre présenté ci-après.

« Le peuple de blues » ( Leroi Jones) Folio 3003 (7 € 55)

le peuple du bluesDeuxième proposition pour les lectures de vacances, un livre de poche qui va vous emmener dans tous les méandres du blues, comment il est né, mais surtout comment il a constitué l’identité et l’âme d’un peuple. Exemple unique dans l’histoire humaine.

Dans ce témoignage à la fois histoire et essai, premier livre sur le jazz par un écrivain noir, on comprend comment le blues a été un des éléments majeurs de la construction du peuple afro-américain.

Ce n’est pas le bouquin qu’on va survoler à la va-vite, et laisser dans un coin. Si on est vaguement néophyte, c’est une formidable histoire, et si on connait un peu le blues, on élargit le panorama, on affine, on creuse des sujets dont on ne soupçonnait pas forcément les tenants et aboutissants. On peut le lire d’une traite, mais ça se fait pas en 5 mn, on peut y revenir et on y revient, en ouvrant au hasard pour refaire un bout de chemin soit dans une histoire de musique, soit dans un chapitre très fouillé sur les implications socio-culturelles. Et d’autres fenêtres s’ouvrent sur des paysages inconnus.

Pour l’entendre, il y a pas mal de monde le long du Mississippi, mon choix ira à deux artistes majeurs de l’histoire du jazz, Sidney Bechet pour sa puissance lyrique irrésistible, et Robert Johnson, pour ses diaboliques ballades…

 Sidney Bechet – Old Stack O’Lee Blues

et   Bechet Créole blues

 Robert Johnson Crossroad

Pour Robert Johnson, son histoire et ses histoires, c’est là :http://resistancechanson.hautetfort.com/archive/2012/02/14/robert-johnson.html

Norbert Gabriel

Louis Ville et les prédicateurs (Le bal des fous)

21 Nov
©NGabriel Forum Léo Ferré 2015

©NGabriel Forum Léo Ferré 2015

Quand on a la chance de rencontrer Louis Ville, que ce soit sur un album ou devant une scène, c’est comme l’effet KissCool mais en triple choc simultané : une voix de bronze qui vous entre dans le corps et le cœur, des mots ciselés à l’eau forte, et une guitare qui sonne comme un tocsin. Comme celle de Woody Guthrie, Robert Johnson, quand elle se fait machine à tuer le fascisme, partenaire de combat, ou belle à chanter les 400 coups de l’amour, quand il passe par toutes les gammes des bleus, blues-cicatrice ou bleu ciel amoureux, bleu-noir des soirs désespoir, 50 nuances de blues pour le chant d’un homme sur le fil tendu entre la rage de vivre dans un monde balbutiant, et la quête de la rédemption par l’amour.

Dans sa rue, il y a des hommes en uniforme bleu qui emportent le chagrin d’un enfant dans un vieil autobus, mais il y a aussi ce petit Louis, en vélo, qui va cheveux au vent, et il y a Jeanne… Et il l’aime, il les aime, sa rue, et Jeanne.

Peut-être que dans sa rue il y avait une salle qui a donné naissance aux tableaux de Cinémas, et au bal des fous, le sous-titre du nouvel album « Louis Ville et les prédicateurs »

L Ville couvLe grand marchand –de rien- bonimenteur, piètre forain, égoïste, charlatan, vendeur de chagrin qui a trouvé son chemin de Damas aux pieds de celle qu’il aime, ici et maintenant,voilà la tonalité de départ ; c’est peut-être fini le temps des hôtels pourris, et des chansons déglingues.

Dehors, les fleurs s’étiolaient, les hommes se courbaient, mais là, la guitare sonne cathédrale, comme ce tocsin dont parlait Federico Garcia, dehors, le noir , le feu, les flammes, le bruit, mais dedans, on est aussi ce gros con qui trinque, pour oublier qu’il est un gros con ? Tous ces bla-bla-blas, c’est un panorama narquois, féroce parfois, jubilatoire, comme si malgré toutes les avanies de la vie en général, Louis Ville était malgré tout un homme heureux, comme si… Ce que confirment les complices musiciens, François Pierron et sa contrebasse dansante, Pierre Le Bourgeois et son violoncelle charmeur et inquiétant parfois. Mais c’est comme les enfants qui adorent les contes où on se fait un peu peur, c’est délicieux. Vous savez quoi ? Dans cette élégie picaresque, il y a aussi une sorte de voix d’ange qui passe « Nous serons mille » avec Lola-Leïla, et là, on oublie toutes les morosités pour partir avec eux, mille et un voyageurs avec ces nouveaux prédicateurs qu’il ne faudrait confondre avec les barbares new-âge…

L’album confirme le ressenti de la soirée récente au Forum Léo Ferré, on en sort formidablement ragaillardi, et on y revient, pour être ces héros de demain, les combattants d’une utopie à inventer ?

On peut rêver, et essayer, si le monde n’a pas de sens , pourquoi ne pas en inventer un ? Comme dit Alice…

La soirée du Forum, c’est là,   avec tous les liens concernant Louis Ville, sa vie, son œuvre…

Et demain, ce sera Paris-Bamako…

Norbert Gabriel

Pourquoi le blues, voilà :

Blues WC Handy 4 de couv

Wood Dog House :: Million Steps

4 Nov

Image

Les temps se resserrent, la brutalité, la cupidité et les mensonges nouent leurs doigts de cadavre autour de ton cou ? Même ton terrier ne te paraît plus sûr ? Ça va aller. Alice cette fois ne suivra pas un lapin mais un petit chien, nerveux, malin. Ramper dans la niche en bois. Là où il fait déjà plus chaud. Tu soulèves la couverture. Y’a pas une puce, nan nan, mais une lumière qui filtre. Tu te faufiles entre les planches disjointes. Et là, l’Ouest Sauvage. Les grands espaces ponctués de collines dans leur manteau d’herbes longues et un ciel bleu aussi pur que le premier ciel du monde.

Y’a du banjo, de la guitare, les indispensables harmonica et violon. Pas un grain de poussière, cette musique là, traditionnelle, est bien vivante. Les flammes des feux de camp dansent en se tenant par le coude, ton pied tape tout seul sur le sol et vlà t’y pas que tu te surprends à fredonner. Tu suis la belle voix claire de Stéphanie Baburek, qui est également l’auteure de la seule chanson non reprise et éponyme du disque, ainsi que du dessin qui en orne la pochette. Tu fais les choeurs avec Rémi Maida et Paul Gonet; ce dernier chante en solo sur le dernier titre, trébuchant comme pour mieux donner vie aux paroles: après la pluie d’ennuis, faut toujours espérer qu’un doux soleil viendra chasser tout ça.
Faut dire que l’air arrive de partout, frais et délicieux. Un bon vent dont certains savent faire des semelles, pour aller à la rencontre, pour vivre en partageant, parce qu’il faut bien admettre que c’est une bonne recette de bonheur, quitte à n’avoir ni jet, ni rolex. Les trois compagnons (ils sont quatre, cinq ou bien plus sur les planches) te transmettront tout ça, s’adaptant à toutes tes humeurs, que tu aies envie de guincher et de rire un brin (attention, la boîte à meuh t’attend au tournant), ou que tu sois nostalgique à compter les gouttes de pluie, so lonesome you could cry

Leslie Tychsem

www.noomiz.com/wdh

http://facebook.com/wood.doghouse

www.myspace.com/wooddoghouse

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