Parlez Moi d’Amour, l’entretien (et parlons-en encore plus!)

28 Mar

PMAParlez Moi d’Amour, c’est 4 titres arrivés un beau jour de début 2016 dans mes oreilles. Synthétiseurs années 80, basse savoureusement sale revendiquant une filiation directe aux Béruriers Noirs, boites à rythmes programmées et esprit punk assumé : une identité sonore de toute évidence volontairement à contre courant de l’omniprésence numérique. Et des compositions insistantes, élaborées et efficaces. Plus qu’une ode à la nostalgie de l’analogique, peut-être s’agissait-il d’abord de remettre de l’humain dans tout ça. C’était frais, bienfaisant et instinctif, comme quelque chose de nécessaire qu’on avait besoin d’entendre à nouveau depuis un moment. Mais qu’était-ce donc ? Un drôle de tuba aurait pu me mettre sur la piste… Sur la piste d’Eugène Lampion, chanteur, multi-instrumentiste, et plus encore, du groupe Machinchose, qui depuis 17 ans perturbe la morosité musicale avec ses compositions expérimentales décalées et sa poésie de l’absurde comique, Machinchose, dont Parlez Moi d’Amour est en fait un projet parallèle, né dans la tête du musicien, qui aujourd’hui lui donne vie. La curiosité excitée méritait bien quelques éclaircissements…

– Eugène, bonjour et merci d’accepter cet entretien pour parler ce ton projet.  Comment et quand est née l’idée de ce projet ?

– En 2013, je voulais quelque chose de plus direct et frontal que  Machinchose, basique, tant dans les textes que la musique, pour faire du live avant tout. L’idée était de monter le projet sans précipitation -pour jouer, j’avais toujours Machinchose et d’autres formations dans l’Yonne, donc les concerts tombaient toujours , avec pour objectif de faire coïncider un set présentable avec de la vidéo live (tournée en résidence au Silex la SMAC d’Auxerre en septembre 2014), du son clean, un visuel fort… et un nom de « groupe »! Pour ne pas démarrer de manière « bancale ». J’avais aussi envie de quelque chose de plus punk que ce que je faisais précédemment. Je voulais m’entourer de machines rudimentaires des années 80, contre la course au dernier logiciel, à la dernière machine. Le projet devait mûrir tranquillement dans l’écriture et la composition des chansons, mais aussi dans la manière de les présenter sur scène, de les enregistrer.

Mon seul « problème », c’est quand je vais jouer quelque part où on me connaît, et là, il arrive que le nom du « groupe » devienne Eugène Lampion, et le nom du concert Parlez-moi d’Amour. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai viré mon nom dans le document de presse joint aux envois du 45t !

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 – Machinchose a en plus de 17 ans su faire reconnaitre et apprécier tant l’humour absurde et la poésie de ses textes que l’expérimental, parfois minimaliste, mais toujours déjanté de ses choix musicaux. Que souhaites-tu exprimer de différent avec Parlez Moi d’Amour ?

– Je cherche quelque chose de plus brut, de moins subtil. Machinchose, c’est plutôt du 5ème degré ; avec Parlez Moi d’Amour, j’essaie de ne pas aller au delà du second degré. Il s’agit de retrouver ce qui m’a donné envie de jouer, d’écrire, de composer : le punk à la française de mon adolescence,  de groupes comme le Bérus et Ludwig von 88. C’est-à-dire ne pas se soucier de la permanence d’un sujet dans le temps, ne pas hésiter à être anecdotique, voire sale gosse. Mais je ne pense pas avoir mûri ce projet en opposition à Machinchose ou d’autres formations que j’ai montées ; c’est juste un autre projet. Bien sûr, il s’appuie sur les diverses expériences que j’ai eues et que j’ai encore.

Le premier concert en duo de Machinchose a eu lieu en 1999, et le premier album est sorti (repris chez Eastwest en 2000) ; ça fait donc 17 ans… Je suis heureux quand je lis que Machinchose a su faire reconnaître quelque chose, mais en fait, j’ai une impression de ratage avec ce projet : pas vraiment de reconnaissance, pas de réseau identifié, pas de tourneur, pas de manager, pas de spectacle en salle de concert institutionnelle ou festival ; on galère absolument au même niveau qu’il y a 17 ans. Mais je n’ai pas d’aigreur non plus ; pour preuve, on continue à jouer, et il y a un projet de live, en acoustique pur et dur, mais ça, c’est donc une autre histoire !

– D’ailleurs est-ce un projet parallèle ponctuel, voué à une certaine « éphémérité » ou y envisages-tu un avenir « sérieux » ?

– Pas d’éphémère dans Parlez-moi d’Amour, non, non !
A ce sujet, « La Place du mort », qui le titre d’un des morceaux, est un des noms que j’ai mis de côté pour le groupe, qui arrivait dans le « tiercé gagnant » avant que je ne me décide pour Parlez-moi d’Amour. Les deux autres 45 tours, porteront les deux autres noms que je n’ai pas retenus, mais qui arrivaient aussi en tête des « meilleurs » noms possibles… Une trilogie 45t, avec une dominante sur un instrument à chaque fois : cette fois, la basse, l’autre fois, la guitare, et enfin juste l’électronique.

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 – Parlons de l’esthétique sonore, résolument en hommage aux années 80, tant du point de vue des prises et traitements du son que du choix des supports et de l’usage d’instruments et machines d’époques. Quel est le sens de la démarche ?

– Ce n’est pas un hommage ; c’est un retour aux sources. A mes sources. Mes premiers enregistrements multipistes ; c’était sur 4 pistes cassette. Si j’avais à l’époque eu un peu de thune, et eu ces machines, j’aurai sans doute fait des choses proches de ce que je fais maintenant. C’est presque une séance de rattrapage ! Ce fameux « temps perdu » que certains disent vouloir « rattraper »… Je dis ça – je déconne car à mon avis, le temps n’est jamais perdu, et s’il l’était, on peut encore moins le rattraper !
Comme je disais, le projet, c’est avant tout du live. Mais comme l’enregistrement, j’aime ça, je me suis tout naturellement tourné vers ce qui me paraissait logique : enregistrer sur le matériel qu’on avait à l’époque où ces machines sortaient ; donc fi du numérique, de l’ordi et de ses capacités infinies : enregistrer tel quel, mixer sans automation, à la main, le geste compte beaucoup, et ce plaisir est revenu intact !

L’enregistrement,  justement à contre courant, est comme une espèce de retour aux fondamentaux: 4 pistes cassettes (l’appareil correspond à la « date de naissance » des machines utilisées, ils ne peuvent donc que bien s’entendre) pour la prise de son et le mixage, micro sm58 basique (très basique), et mixage avec l’appareil en question. L’ordinateur n’a servi qu’au mastering. La bande comme support des saturations, ça flatte les graves, ça arrondi les distorsions : que du bonheur ! On conserve le geste musical, avec les « accidents » de la prise de son qu’on ne peut pas remonter ; il n’y a pas de tricherie possible. Et si je ne me considère pas du tout comme un virtuose, très loin de là, l’enjeu réside quand même dans l’interprétation, au moment de la prise de son, et au moment du mixage : si le mix est limite sur un aspect, de toutes façons il faut refaire tout le mix. Il faut gérer les intentions en live aussi. L’utilisation du 4 pistes, c’est aussi pour moi un moyen de revenir au point de départ de mes premières maquettes des années 90, revenir à la source, se ressourcer. Et comme je disais plus haut, je ne voulais pas me précipiter, mais prendre le temps de comprendre d’où je venais musicalement, artistiquement, en faisant une résidence sur scène, en captant cette résidence pour conserver des vidéos live en vue du démarchage pour les concerts, en bossant avec un graphiste d’Auxerre pour un visuel cohérent et fort, en prenant le temps de choisir le nom du groupe.

– Tu es originaire de Nantes et a étudié à Bordeaux, d’ailleurs plusieurs disciplines artistiques. Comment es-tu arrivé à Auxerre ?

– Il y a aussi eu un passage de quelques années dans le Poitou. Mais pour Auxerre, c’est l’alimentaire, un boulot alimentaire plutôt agréable et qui nourrit sans doute ma manière d’être sur scène, dans l’impro entre les chansons : je fais de la radio ; je cause dans l’poste à France Bleu Auxerre, et j’ai été recruté entre autres pour m’occuper du magazine musical Zic-zag Café. J’y reçois un groupe ou artiste solo par WE, qui joue 6 titres en live, et on discute ; j’y chronique également des albums (tendance Fédurock/XXX de France)… c’est très enrichissant !

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 – Justement peux-tu parler de tes activités (voire tes activismes) parallèles, dans les domaines radiophonique, culturel (cirque), artistique et de la façon dont ces multiples vies s’enrichissent les unes les autres ?

– Comme je disais plus haut, j’ai toujours été convaincu qu’on ne perd jamais son temps. J’ai un label associatif, La Cervelle, qui végète un peu depuis que je suis à Auxerre, car il est toujours basé à Bordeaux. La Cervelle m’a permis de comprendre de l’intérieur comment marchent les « métiers du disque », aussi de signer dans une major pour2 albums de Machinchose, et d’accompagner un groupe dans sa signature sur un label indé. Ça m’a permis de savoir ce qu’on peut demander à un label selon son niveau,  et puis d’aider un peu quelques groupes qui demandent conseil. En outre ça m’a permis aussi d’avoir une réflexion sur les supports : CD, vinyle, cassette, dématérialisé…
J’ai eu pendant les 3 dernier mois une expérience nouvelle, composer la musique d’un spectacle de cirque : le patron du cirque Fortuna Major Circus, qui est aussi batteur, est venu me voir jouer dans le Morvan, dans un café associatif, le Morwan Café, parce que ce qu’il avait lu, entendu, vu sur Parlez Moi d’Amour lui parlait, et de là sont nées des musiques, ambiances sonores, jouées avec mon set PMA, augmenté de mon tuba basse et ses pédales d’effet. C’est lors de ce concert que j’ai aussi rencontré Mamat’ qui est le premier « tourneur » qui est venu vers moi après le concert en me proposant un coup de main ; ce n’est pas exactement son métier, mais il a déjà pratiqué un peu avec Jagas, et ce qu’il fera, même à petite échelle, c’est toujours ça que je n’aurai pas à faire !
Ces rencontres, c’est exactement ce que j’aime quand je vais jouer dans des lieux associatifs, des caf’conc’ : rencontrer des gens qui font des propositions auxquelles je ne m’attends pas, ou auxquelles je ne m’attendais plus, mais qui vont dans le bon sens.
Tu parles de radio. Alors, oui, je compose des musiques qui « habillent » certaines séries courtes que je produis encore maintenant (j’en ai beaucoup fait avant d’être à Radio France, pour le privé et Radio Campus Bordeaux encore avant !), ces séries, c’est souvent des séries « à sketch », souvent écrites à partir d’impros. On rejoint l’exercice de la scène. Et puis la radio,  la musique, c’est ce qui a nourri d’autres projets : installations sonores au Musée des Beaux Arts d’Agen, interventions en milieu scolaire sur la composition acousmatique, 28 jours en prison à Lyon en 2008, répartis en 4 semaines sur toute l’année, pour capter le son aux côtés de Christophe Goussard, photographe, avant fermeture de ces lieux  d’un autre âge. Il y a eu une expo, donc des musiques composées exclusivement à partir de ces sons samplés, pour « habiller  » 5 modules de 7 à 8 minutes, qu’on peut voir sur ce lien :
http://www.dailymotion.com/video/xka2q3_prisons-de-lyon-perrache-2008-avant-fermeture_webcam (c’est un diaporama qui a été présenté au festival de photos d’Arles).
Coïncidence ? J’ai un éditeur qui a pris ces musiques dans son catalogue il ya quelques mois, rencontré via la radio justement ! J’espère que le public pourra enfin entendre ces sons ; l’argent public investi sur ce projet  doit faire que ce projet soit entendu du public !
Et pour la musique, ben dans l’Yonne, j’ai été identifié très vite, ce qui m’a permis de jouer enfin pour soutenir des actions (anniv’ de la Croix Rouge, soutien aux Philippines…), depuis le temps que je voulais mettre ma musique au service d’autres causes que de la mienne ! Avec le label La Cervelle, on avait pu monter une opération autour de Sésame Autisme Aquitaine, mais depuis, rien…  Alors est-ce grâce à la radio, grâce à ma musique, ou autre chose ? Arrive un moment, où tout se fait, et où il ne faut pas se poser trop de questions !
Une fois arrivé à Auxerre, il a fallu que je trouve un moyen de jouer du tuba basse amplifié en formation ; je quittais Akhan Shukar 
https://soundcloud.com/eugenelampion/el-leil-remachinchosemix-f-v10
  à Bordeaux, un groupe qui m’apportait vraiment beaucoup humainement et musicalement.  Après diverses tentatives (U-Process, Rattenfanger – groupe d’impro à géométrie variable -,  un duo-trio avec le DJ Rom Garneur de LBA), j’ai réussi à monter un groupe qui s’appelle maintenant Al’ de Bond (au début, quand j’ai lancé le projet, c’était Steak Haché, mais maintenant qu’on a une forme stable, nous avons aussi un nom adapté au groupe) et dont voici le lien : http://www.zicmeup.com/groupe/albedodebond/).
Mais ces expériences diverses datent de fort longtemps ; elles existaient à Bordeaux, où j’ai passé 5 ans aux Beaux Arts et 3 ans au conservatoire en classe de composition acousmatique. J’ai travaillé avec Das Syntetiche Mishgewebe [
http://dsmischgewebe.over-blog.com/article-16585455.html ], qui était sur de la musique concrète dans laquelle j’amenais l’accordéon pour le « bricoler », Non-Non [https://www.facebook.com/Non-Non-10-1494436377498614/?fref=ts] dans lequel nous ne chantions que des textes d’Enyd Blyton, tirés de Oui-Oui… et à l’époque de Non-Non, je programmais et accueillais des groupes dans un lieu de concert rural en Gironde. Enfin, que des expériences transversales !
Tout ça sans parler des mix et remix que je fais pour le plaisir ou sur commande dans des genres très différents : Basement [
https://soundcloud.com/eugenelampion/sets/remix-de-basement], Caumon [https://soundcloud.com/eugenelampion/sets/remix-de-caumon], Geoffroy Gobry [https://soundcloud.com/eugenelampion/kal-doscope-geoffroy-gobry-vs], Larrieu-Plantey…

– Y a-t-il une tournée en prévision ?

– Il y a eu quelques dates cet automne 2015 pour accompagner la sortie du disque, mais le vinyle a une forte demande et peu d’usines, et  j’ai donc tourné sans le disque ; et puis en Bourgogne en mai-juin à venir avec quelques festivals, des dates qui tombent sans que je démarche, c’est nouveau, et c’est super ! C’est vrai que pour caler des dates, un solo, c’est simplissime : « vous êtes dispo telle date ? » « Oui. » Pas besoin de se demander si untel ou untel est là ou pas, s’il acceptera de jouer au chapeau, de dormir dans un sac de couchage, dans le bistrot même – c’est arrivé en novembre-. Ca laisse vachement de place à la spontanéité dans les rapports avec les gens le soir même du concert, et j’aime bien !
En prévision de manière un peu plus structurée, oui, je cale en ce moment des dates sur octobre-novembre 2016, à Lyon, Bordeaux, et tout ce qui se situe entre ces villes et Auxerre… ça s’annonce bien, mais là, c’est moi qui démarche, c’est le côté le moins marrant de l’affaire!

Voilà les dates à venir auxquelles s’ajouteront des dates à Lyon, Dijon et Bordeaux en octobre-novembre:

6 mai – apéro-concert de l’asso Pied au Planchez – Planchez (58)

14 mai – Chez M’an Jeanne et Petit Pierre – Villeneuve les genêts (89)

21 mai – Le Carrouège – Vauclaix (58)

26 juin – Catalpa Festival Off – Auxerre (89)

13 août – festival Les Libres Musik’halle – Grandchamp (89)

22 octobre – Le Zéphirin – St Martial (33)

27 octobre – Studio Sablier – Angoulême (16)

29 octobre – Le Bouche à Oreille – Villeneuve s/Yonne (89)
– Comment peut-on se procurer tes disques ?

– La distrib physique se fait via le facebook et sur les concerts. Pour des concerts dans le Sud-Ouest, ça sera à l’automne prochain.

 

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Miren Funke

Liens :

Parlez moi d’Amour. 1

Parlez moi d’Amour.2

Machinchose. (site)

Machinchose. (FB)

 

 

 

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