L’Arthur, l’entretien…

14 Fév

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Il sera le 16 février en finale du Prix Moustaki à La Sorbonne et le 17 février en concert chez Madame Arthur.

Quelques mots sur l’Arthur: 
En 2014, il participe à «On a les moyens de vous faire chanter», le radio crochet de France Inter et fait partie des 6 finalistes. Tout autant inspiré par les films de Marcel Carné, que par les affiches de mode qui tapissent le métro Parisien, L’Arthur enregistre son premier Ep à l’image d’un bouquet de fleurs dans lequel chaque titre a sa propre identité, sa couleur particulière, son odeur unique mais qui forme un ensemble original et harmonieux.

–  Qui est Georges Moustaki (pour toi)

–  J’ai découvert l’œuvre de ce poète sur le tard. Bien-sûr je connaissais les classiques tels que « Le métèque » ou « Ma liberté » mais ça s’arrêtait là. Puis en 2013, après son décès et la vague médiatique qui s’en est suivie, j’ai cherché à en savoir un peu plus sur lui. J’ai écouté toute sa discographie et découvert la richesse de son œuvre. Comme lui j’ai une grande admiration pour Georges Brassens. Je n’irai pas jusqu’à lui emprunter son prénom pour lui rendre hommage mais c’est quelqu’un qui a beaucoup compté dans mon approche de l’écriture de chansons. Et puis il y a son engagement. J’admire les auteurs engagés. Pas n’importe lesquels. Par exemple je déteste que l’on me fasse explicitement la morale dans une chanson. Mais certains vont réussir le mélange parfait entre prise de positions radicales et plaisir d’écoute. A aucun moment dans l’œuvre de Moustaki on se sent jugé. Il ne nous fait pas la morale. Il nous raconte des histoires, des sensations, des voyages. C’est un vrai travail d’équilibriste que peu d’auteurs parviennent à réaliser sur toute une œuvre.

– Comment te sens-tu dans la « grande famille de la chanson française »

Je ne suis qu’au début de quelque chose qui, je l’espère, m’amènera à rencontrer et travailler avec les artistes qui m’ont inspiré. Pour être honnête, j’ai un peu de mal avec l’expression « Famille de la chanson française ». Je pars du principe qu’une famille, on ne la choisit pas. Or dans mon cas, j’ai choisi d’écrire en français.

Pour ce qui est de la chanson en tant qu’univers musical, je n’arrive plus à la définir. Je pense que l’on devrait pluraliser l’expression en « Les chansons françaises ». Il y a 40 ans, les genres musicaux semblaient plus hermétiques. Depuis une dizaine d’années, il est de plus en plus dur de définir un style particulier tant le mélange des genres est devenu commun. Il n’y a plus de frontière entre chanson, hiphop, pop , électro, rock… C’est jouissif !

– Aujourd’hui quand on parle de chanson française, parle-t-on d’un style artistique particulier ou simplement de la langue que l’on utilise dans une chanson?

Souvent, quand on commence à écrire, on écrit à la manière de ses idoles (Thiéfaine a beaucoup travaillé pour ne plus faire du sous Ferré, par exemple),

– Est-ce que tu te censures également pour ne pas ressembler à quelqu’un ?

Il est très difficile de s’affranchir de nos premières influences. Il est encore plus difficile d’en prendre conscience.Quand j’ai commencé à écrire mes premières chansons, je ne cherchais pas spécialement à faire comme… J’avais l’impression que ce que j’écrivais était unique et personnel. Quelle erreur ! Mes influences étaient (et sont) tellement ancrées dans mon inconscient que parfois je ne me rends même pas compte de mon mimétisme. C’est horrible. Heureusement il y a les livres et le théâtre qui me permettent d’aller chercher d’autres influences plus éloignées ; moins évidentes.

Aussi ce qui me choque quand je réécoute mes premières chansons, c’est ma façon de chanter. Je trouve que mes influences se faisaient plus entendre dans ma voix et mon interprétation que dans mes textes. C’était comme une sorte de Damien Saez qui chanterait du sous-Thomas Fersen en se prenant pour Jacques Brel. Je vous laisse imaginer le résultat…

 

Est-ce que tu t’imposes des cadres dans ta création ? ou tu laisses l’inspiration aller où elle veut, quitte à aller dans des directions différentes ?

J’essaie de m’imposer des contraintes différentes dans tous les domaines qui touchent à l’élaboration d’une chanson. Par exemple pour le texte, cela peut paraitre évident, mais la rime est une contrainte. Le nombre de pieds aussi. Parfois je m’y tiens, parfois non. Tout dépend du propos que je veux tenir au final. Il faut que la contrainte soit utile à l’inspiration et non pas qu’elle la bride. Dans ce sens il est nécessaire de se poser les bonnes contraintes autant qu’il est nécessaire de se laisser aller parfois. Comme souvent c’est une question de dosage.

Je pars souvent d’une phrase, une intention, une sensation que je développe au maximum. J’écris tout ce qui me passe par la tête sans me soucier d’aucune forme. C’est seulement quand j’ai la musique pour accompagner le texte que je commence à travailler la forme de celui-ci.

Pour l’accompagnement musical j’essaie de me contraindre à utiliser le moins de choses possibles. C’est une vrai problématique pour moi car aujourd’hui avec les nouvelles technologies nous avons accès à énormément d’instruments et sonorités différentes très rapidement. J’ai la fâcheuse tendance à en « mettre partout » ce qui complexifie le propos et au final me dessert. Avant de finaliser un titre je fais 5 ou 6 arrangements radicalement différents. Je suis à la recherche de la simplicité, parfois j’y arrive… Parfois non.

larthur-cd– Pourquoi retrouve-t-on  « mon amour, mon amie » sur ton EP ? à quoi ressemble pour toi une reprise réussie ?

Ce n’est pas tout à fait une reprise mais une adaptation. Le texte n’est plus tout à fait le même. Plus jeune j’ai grandi avec un père qui me faisait écouter de la chanson française du type Thomas Fersen, Vincent Delerm ainsi que beaucoup de rock et pop anglo-saxonne (il est Beatlesmaniac). Ma mère était plus dans un registre de variété. Chez elle j’écoutais du Marie Laforêt, Lynda Lemay, Souchon… De là m’est venue l’idée de faire une adaptation d’un classique. Au début c’était pour rigoler car j’aimais bien la petite mélodie du piano à l’entame du morceau. J’ai commencé à créer une sorte de « remix » et je trouvais que ça marchait bien. Puis je me suis demandé ce qu’un jeune homme d’aujourd’hui aurait pu répondre à la jeune femme de l’époque. J’ai donc échangé le point de vue narratif du texte et cela donne une chanson-réponse de l’œuvre originale plus qu’une simple reprise.

J’ai ensuite envoyé cette version à l’éditeur sans grand espoir de réponses. Chose étrange, l’éditeur m’a répondu dans la journée pour m’annoncer que les ayants droits avaient immédiatement donné leur accord pour que je puisse exploiter le titre tel que vous pouvez l’entendre. Avec un gentil mot d’encouragement de surcroît ! J’étais très flatté.

Pour moi une reprise réussie ne doit pas nécessairement nous faire oublier l’original, elle doit simplement nous proposer une nouvelle approche. Elle doit nous faire découvrir ce que le nouvel interprète veut nous dire à travers une chanson que l’on connaît déjà. Il n’y a rien de plus frustrant qu’une reprise qui imite l’œuvre originale. Autant faire du Karaoké !

– Ton arrivée dans la chanson est récente (ou alors, c’est sa médiatisation qui est récente !), tu viens plutôt du théâtre, je crois. Qu’est-ce que ton expérience de théâtre t’apporte aujourd’hui dans la musique ?

Oui je suis relativement neuf. Cela fait 3 ans que j’ai commencé à faire de la musique et 2 ans que j’ai pris la décision d’en faire mon métier. A la base j’ai une formation de comédien. L’approche de ce métier a fini par me lasser. Je me trouvais trop confiné entre un texte que je n’avais pas écrit et des directives de mise en scène que je n’avais pas choisies. Je n’ai pas réussi à trouver un espace de liberté suffisant pour m’épanouir. Cependant mon amour pour la lecture est né durant cette période et ne m’a pas quitté. La plupart des auteurs qui m’inspirent le plus viennent du théâtre. Je trouve ce style littéraire très vivant car, comme en musique, il est écrit pour être perçu oralement par le public. Plus tard, J’ai eu une expérience de metteur en scène durant laquelle j’ai pris énormément de plaisir.

C’est cet aspect de mise en scène qui façonne encore ma manière de travailler la musique aujourd’hui. Je fais souvent le parallèle entre les deux. Je pars d’un texte écrit, comme au théâtre. Je l’habille d’une scénographie, la musique, et je l’interprète par le chant. Je n’arrive pas à me détacher de cette approche. Elle est trop ancrée en moi.

– Jusqu’alors, comment vivais-tu la musique ?

J’ai grandi dans un environnement où la musique et la culture en général étaient assez présentes. Mon père musicien me faisait venir à ses concerts. Très jeune j’ai pu apprécier la musique dans ce qu’elle a de plus vivant c’est-à-dire sur scène avec le public. Mon premier disque a été un Best-of de Téléphone que j’écoutais en boucle. Mon premier concert c’était Jean- Louis Aubert à Bercy je crois. J’étais un grand fan. Je rêvais de les voir se reformer pour une soirée et reprendre toutes les chansons que j’avais sur mon disque. Mon rêve a été exaucé mais un peu tard 😉

Musicalement j’étais complètement déconnecté de mes camarades à l’école. Eux écoutaient les 2Be3, les Spice Girls, le Club Dorothée… Toute la génération Boys Band. Moi j’étais fan de Queen, Soldat Louis et Gotainer.

C’est naturellement que je me suis mis à jouer un peu de guitare vers 15/16 ans (je n’ai pas beaucoup progressé depuis). Dès que j’ai su faire deux accords, j’ai commencé à composer mes propres chansons. Je n’ai jamais su faire de reprises. Lorsque je sortais la guitare entre copains c’était pour chanter mes chansons car je ne savais rien faire d’autre. A cette même époque, j’ai découvert le Hip Hop et le rap à travers Mc Solaar et Oxmo Puccino. Ils constitueront mes influences majeures jusqu’à aujourd’hui.

Zoom sur une chanson : peux-tu nous apporter un éclairage sur la chansons Burn-out ?
Je me souviens parfaitement de comment est née cette chanson. J’étais en voiture et je rentrais chez moi. A la radio, il y avait un reportage sur les nouvelles technologies. Pour illustrer le reportage, ils ont diffusé un court instant la voix d’un GPS. Je pensais que c’était le mien et comme un con j’ai suivi les instructions et je me suis perdu. J’ai trouvé ça drôle et en même temps assez poétique comme situation. De plus c’était un période charnière pour moi. J’arrivais à la fin de mes études théâtrales qui ne m’avaient pas tout à fait séduites, sentimentalement c’était compliqué, bref j’ai pris ça comme un signe.

En arrivant chez moi j’ai enregistré des instructions de mon GPS et j’ai commencé à établir un dialogue entre cette voix synthétique et moi. J’avais l’espoir que si ce titre était diffusé, certaines personnes puissent, elles aussi, se tromper et rompre un court instant avec l’itinéraire qu’elles avaient entré dans la machine. Pour le clip j’ai immédiatement pensé à Bruno Sevaistre. Je lui ai donné carte blanche. Tout chez cet homme me faisait penser que lui seul pouvait réaliser ce clip. Son parcours de vie, sa façon de travailler… Il est un peu comme un personnage de Tchekov. Dans l’excès, romantique et entier ; fondamentalement attachant.

Nous sommes partis 3 jours en Bretagne Nord où j’ai de grandes attaches. On a tourné au mois de Février, dans le froid et dans une maison impossible à chauffer. C’était très éprouvant mais Bruno a su transmettre son énergie et sa passion à toute l’équipe. Ce clip a été réalisé avec le cœur à défaut d’argent.

 Clip : L’ARTHUR – Burn out

 

 

Valérie Bour

2 Réponses to “L’Arthur, l’entretien…”

  1. Danièle Sala février 14, 2017 à 10 h 43 min #

    J’aime bien cette idée qu’on puisse prendre un autre chemin que celui qui est tout tracé . Le clip est bien fait, L’Arthur maitrise mieux son côté théâtral que dans  » Passez  » . Reste à croiser les doigts pour jeudi prochain , ça va être dur, quand on voit dans les séléctionnés Pierrick Vivares, Clio, Balthaze, etc … Mais il a ses chances . En tout cas, il est l’un de mes préférés de la selection .

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    • leblogdudoigtdansloeil février 14, 2017 à 10 h 52 min #

      Pour jeudi, je crains un peu l’effet « mode et chapelle » qui privilégie a priori un des finalistes, au détriment de ceux qui « n’ont pas la carte » .. Ce qu’on a pu déplorer lors de Vive la reprise..

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