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BELLA FIGURA de Yasmina Reza au Théâtre du Rond Point

26 Nov

Photos DR.

Autour de moi, on ne parle que d’elle: «Tu as aimé sa pièce ?» C’est la grande mode du Reza today!

Grande effervescence de la part des amateurs de spectacles contemporains typiquement parigots quand Madame Reza écrit un roman ou met en scène une de ses œuvres. Cette femme très discrète ne met pas les pieds dans les médias, d’ailleurs, elle n’en a pas besoin car son talent d’écrivaine l’illumine: récompensée par le prix Renaudot pour son roman Babylone en 2016. Quand on l’écoute, il y a toujours ce petit ton dans sa voix qui nous dit: «Non mais, laissez moi tranquille avec vos questions...» Je me rends alors, curieux et avide de découvrir la patte de cette femmes de lettres mystérieuse, au théâtre du Rond Point pour assister à sa pièce: Bella Figura.

 

Cette pièce n’a pas d’histoire précise: Andréane et Boris se retrouvent en amoureux sur le parking d’un restaurant, seul hic, monsieur s’est fait conseiller le restaurant par sa femme…Tel est le point de départ de cette pièce riche sur le plan implicite, car le matériau qu’utilise Yasmina Reza se base sur les non-dits. En effet, ce qui est intéressant dans l’oeuvre de Reza c’est qu’elle peint un tableau de notre société en remettant en cause cette chirurgie du sociale que les codes nous imposent:

On attend des gens qu’ils soient disponibles, beaux, souriants, toujours optimistes…  Or ici, les émotions à priori positives des protagonistes connotent quelque chose de plus enfoui: les gens pessimistes sont plus susceptibles de faire rire que d’agacer au final. Par exemple, la vieille mère d’Eric qui se plaint tout le temps et qui radote est le personnage qui nous fait le plus rire dans la pièce.

Tous ces personnages ont un point en commun: la solitude de leur quotidien.Nous ressentons une nonchalance chez ces personnages. Reza les confronte un à un dans une sorte de huis clos, qui n’en est pas un, car les décors changent sans arrêt.Au passage, je ne comprends pas l’utilisation de cette toile de fond sur laquelle sont projetées des images d’ombres représentant la forêt, inutile ! Pour ce qui est des décors: simples, intérieur style déco de catalogue de bobo qui achètent du Monoprix gourmet, j’adore! Je pense que Reza prend un certain plaisir à se moquer de cette bourgeoisie qui se plaint de tout et de rien: tu me quittes, je te quitte, il faut aimer la vie, ne perdons pas de temps, carpe diem nous rappelle le personnage de la vieille mère un peu sénile. L’est-elle réellement? Bien sur que non, ce sont autant d’outils donnés au spectateur pour qu’il puisse s’interroger sur la vérité de ces personnages. Quant au titre, faire preuve de «bonne figure» signifie que nous jouons tous un rôle en société mais que nous devons, malgré nos émotions qui prennent le pas sur nous, nous efforcer de sourire et de rire: montrer le contraire de ce que l’on ressent. C’est- à- dire avoir la force mentale de refouler ses émotions.

Pour ce qui est des acteurs: Emmanuelle Devos est parfaite dans le rôle de la garce qui mène son copain par le bout du nez. Tout est dans la démarche, talons rouge vifs, cheveux ébouriffés, robe sobre mais au dessus des genoux. Louis-Do De Lencquesaing, copain dévoué toujours derrière elle, est très juste dans sa façon de jouer, rien qui ne sonne faux! J’aime le personnage d’Eric, jeune juriste brillant et attachant, joué par Micha Lescot qui l’interprète merveilleusement bien.

La pièce alterne entre humour et tragédie, on ne s’ennuie pas une seconde car tout est bien articulé !

Pour le Théâtre du Rond Point, c’est là, clic sur le rideau,

 
 
 
Mathias Youb