Archive | décembre, 2017

Matmatah (+ Féloche) en concert à Rouillac (16) : entretien avec le guitariste Manu Baroux et le claviériste Julien Carton

30 Déc

Rouillac, charmante petite commune de Charente, aux commerces fermés après 20 h, hormis un camion pizza et son lieu de spectacle polyvalent Le Vingt Sept, aux allures de salle des fêtes communales. L’endroit ne paye pas de mine. En tous cas pas la mine à accueillir en début de décembre un groupe de Rock ayant rempli des zéniths et joué devant des milliers de personnes. Il y avait de quoi surprendre à ce qu’y ait lieu un des derniers concerts de la tournée de Matmatah, avant les deux festins finals du groupe, de retour sur ses terres, à Nantes et Plougastel. L’ambiance décontractée du lieu et la convivialité chaleureuse des membres de l’organisation promettaient à la soirée une proximité humaine comme on les aime.  Sitôt passé l’étonnement, et n’ayant pas eu connaissance de l’annonce d’une première partie, une seconde surprise de taille nous attendait : Féloche et deux complices musiciennes surgirent sur scène pour assurer un premier concert. L’univers un peu fou, un peu sorcier de l’artiste envahit d’un coup l’espace. La formation, bien que minimale (basse, mandoline, percussions et samples) capta d’originalités vivifiantes l’attention du public, en quelques chansons, avec un jeu et une mise en scène aux accents vodous, tantôt drôle, tantôt inquiétante, déguisement animaliers mi-monstrueux à l’appui. Les flots du Cognac ne coulaient pas très loin des eaux du Bayou… Large ovation pour Féloche, qui termina son set par la chanson qui le fit sans doute le mieux connaitre du grand public « Darwin avait Raison », et dont le nouvel album « Silbo » est disponible via son site : http://www.feloche.fr/

 

Quelques instants de répit pour émerger de la torpeur, et Matmatah entrait en scène, démarrant le concert par plusieurs extraits de son dernier album « Plates Coutures », qui signa cette année le retour de la formation sur les ondes. L’occasion de se rendre très vite compte combien les gens étaient réceptifs aux nouvelles chansons du groupe, qu’en début de la tournée, quelques mauvaises langues et esprits mal éclairés avaient jugé trop tôt n’être en mesure d’attirer le public que par l’annonce de sa reformation et l’intérêt nostalgique que les fans de la première heure porteraient encore à ses anciens succès populaires. Matmatah en joua bien sûr certains des plus connus (« Emma », « Au Conditionnel », « La Cerise », ou encore «Lambe en Dro » et « L’Apologie » qui clôtura le rappel). Mais quel mal y a-t-il au plaisir de faire plaisir au gens ? Lorsqu’on a la chance rare d’assumer la paternité de chansons devenues quasiment des hymnes pour toute une génération, il serait égoïste, et quelque part tyrannique, de priver le public de morceaux qui désormais lui appartiennent peut-être plus qu’ils n’appartiennent à leurs auteurs mêmes. Qui imaginerait un concert d’Hubert-Félix Thiéfaine sans « La Fille du Coupeur de Joint », « Les Dingues et les Paumés » ou « Alligator 427 » ? Les Stranglers n’ont pas retiré « Golden Brown » et « Always The Sun » de leur setlist non plus, malgré l’abondance de titres inédits à jouer. Néanmoins, dans le public de Matmatah, il fut difficile ce soir là de détecter une explosion de joie particulière à l’amorce des classiques du groupe : les gens ne se réveillaient pas au moment des « tubes » pour se rendormir à l’écoute des nouveaux morceaux. Bien au contraire. L’effervescence tint la salle d’un bout à l’autre d’un concert très énergique , malgré une fatigue de fin de tournée visible sur les visages des musiciens, qui donnaient pourtant encore tout ce qu’ils avaient, la transpiration en prime, enchainant des titres très rock (« Lésine Pas », « Retour à la Normale », « Nous Y Sommes », « Marée Haute », « Overcom ») et laissant peut-être volontairement de côté des morceaux plus apaisés de leur répertoire, hormis le magnifique « Toboggan », considérablement bien amené en début de rappel et scintillant d’émotions. Finalement le ressenti global que suscita le concert fut en priorité celui d’une cohérence évidente, même d’une certaine homogénéité, au sens où chaque chanson jouée y avait sa place et ne tenait pas un rôle moins indispensable qu’une autre dans l’édification de l’ensemble. Un réel plaisir pour le public et également pour les artistes que l’on vit souvent s’amuser comme des enfants, s’enjouer les uns les autres comme des complices, se veiller les uns les autres comme des amis, et échanger avec le public sans modération. C’est le genre de moment qui nous fait tellement comprendre pourquoi la pratique de la musique se définit par le verbe « jouer », alors que c’est tout autant -sinon plus- une recherche, une expérimentation, un effort, un travail. Mais on ne travaille pas de la musique ; on en joue. Et voilà pourquoi. Quelques heures et quelques bières après a fin du concert, le guitariste Manu Baroux -membre non originel du groupe qui a intégré la formation  après avoir accompagné le projet solo du chanteur Tristan Nihouarn et joué sur la compilation de Matmatah « Antaology », et ancien musicien du groupe Aston Villa et d’Axel Bauer-,  puis Julien Carton, musicien additionnel qui a accompagné Matmatah tout au long de cette tournée (claviers, chœurs, harmonica) acceptaient de nous accorder un entretien.

 

– Bonjour Manu et merci de nous accorder un peu de temps. La tournée touche à sa fin dans deux concerts. Quel sentiment l’accueil du public vous laisse-t-il ?

– Franchement, superbe. Il n’y a pas grand-chose à dire. Déjà, il y a la réalité de se dire que le groupe revient, et que donc il ne faut pas faire de fausse modestie en se disant qu’il n’y aura pas de date ou que les salles seront vides, parce que le groupe est connu malgré tout. L’engouement et la joie des gens sont un régal ; on a fait de belles salles, de beaux festivals. La tournée a été très positive. Et il y a aussi de nouvelles personnes sur la route, dont moi. Le groupe ayant fait cette pause, enfin ce split, on ne sait jamais véritablement sur quoi on va tomber à l’arrivée. Tout le monde s’entend bien dans l’équipe qu’on a sur la route, et ça, ce n’est jamais écrit : quand on part dans un camion avec 15 gars pendant quasiment un an, on ne sait jamais où on met les pieds. Franchement on a beaucoup travaillé, mais on a beaucoup de chance.

 

– Cela a-t-il été une appréhension pour toi qu’il existe des tensions entre certains, lorsque tu as rejoint Matmatah ?

 – Pas vraiment, parce qu’on avait créé un album avant. Donc on avait partagé des moments et des questionnements assez vastes. Ce sont quand même des grands garçons qui ont pris le temps de mettre des choses à plat, des histoires du passé entre eux-mêmes ; donc ça avait été fait avant et d’une façon assez saine, parfois houleuse, parfois beaucoup plus tendre. Et à partir du moment où la musique avance, en général, les choses se décantent. Ce qui devait être réglé l’a été avant. Et quand en plus tu as l’énergie du live et que ça fonctionne bien vis-à-vis du public et entre nous humainement et musicalement, ça roule.

 

– Eric nous expliquait à Luxey que sur les premières dates de la tournée, les places s’étaient vite toutes vendues, alors que le nouvel album n’était pas encore annoncé. Avez-vous eu au fil de la tournée l’impression que le public venait voir le groupe reformé et en profitait pour découvrir l’album sur scène ou bien qu’il venait vous voir après avoir connu et apprécié l’album ?

– Je pense que c’est un mélange de tout. Clairement il semble que les gens attendaient le groupe tout court. Il y a plein de niveaux de lecture : il y a les morceaux mythiques, « Lambe », « L’apologie », « Emma », etc… dont on sait que les gens les écoutent ; il y a l’histoire du groupe par rapport à la scène et au contact avec les gens, ne serait-ce que le fait d’être proches des gens par les mots et la musique, et cette aura de groupe de scène, donc forcément des gens venaient en ayant envie de revoir le groupe qu’ils avaient connu, d’autres pour voir le groupe qu’ils étaient trop jeunes pour avoir vu avant, sachant qu’on n’est pas non plus des grabataires, loin de là ; et puis au fur et à mesure des gens sont venus qui étaient peut-être moins à l’affut de la reformation, mais qui ont entendu parler de la tournée et de l’actualité des nouvelles chansons. Je pense que la teneur de l’album -et ce n’était absolument pas calculé- et le fait qu’il soit très rock dans la musique, mais aussi dans les thématiques abordées s’est rapidement glué relativement facilement, de façon à faire des listes où rapidement quelques nouveaux morceaux se sont imposés sans soucis. Après, et ça, ça arrive avec tous les nouveaux albums, clairement s’il n’y avait pas eu « Lambé », « L’apologie » et autres succès, on ne serait pas là. Donc il ne faut pas se leurrer : les salles se sont remplies avant. Mais la pérennité de la chose, le fait que la tournée continue à se remplir est signe qu’on délivre des bons concerts ; et un bon concert, ce n’est pas que des tubes. Il est important de traiter à sa juste valeur tout ce qui est au milieu, qui d’ailleurs ne vient pas que du dernier album. Pour ce qui concerne le dernier, on sait qu’on a quelques titres qui sont vraiment des gros morceaux de scène, pas nécessairement d’ailleurs les plus rock : un titre comme « Toboggan » marche très bien, même en festival. Et puis à un moment il faut être courageux quand on a un nouvel album, parce que quand les salles se remplissent, si on se repose sur des setlists un peu à l’ancienne, ce n’est pas pérenne. Il faut aussi avoir le courage de jouer et imposer ses morceaux. Il faut jouer les morceaux, et, nous-mêmes, on apprend à les jouer de mieux en mieux, tout en restant réalistes. C’est-à-dire qu’il faut savoir faire plaisir aux gens, aller sur des choses efficaces pour nous aussi, mais pas servir la soupe. Il faut aussi défendre ce qu’on a à défendre. Comme en plus on est fiers de l’album, ça marche. D’où l’intérêt de sortir un single, faire un clip ; si on pense que ça n’a pas d’intérêt, c’est faux. Pour un groupe du format de Matmatah, s’il n’y avait pas eu de nouvel album, ça aurait fonctionné quand même, mais pas comme ça.

 

– Et les thématiques de l’album justement sont très ancrées dans l’actualité, pour ne prendre que l’exemple de « Peshmerga » et « Petite Frappe » qui traitent des dérives actuelles de l’extrémisme religieux. En quoi ce sujet vous touche-t-il particulièrement ?

– Ce qui est très délicat avec ce genre de sujets là, c’est qu’il y a ce qu’on appelle le « politiquement correct ». On ne peut pas dire que les gens n’ont pas été choqués par tout ce qui s’est passé, sur le territoire français, et par écho, forcément dans le monde. A un moment, nous, on est quatre mecs qui se mettent autour d’une table. On fait de la musque, et puis une fois qu’on a fait de la musique pendant huit heures, on se fait à manger, on boit des coups, et forcément ce sont des choses dont on parle comme tout le monde. On n’a pas la science infuse ; on n’en sait pas plus que les autres. Forcément on réfléchit et on se pose des questions comme tout le monde, sans accuser. C’est trop facile d’aller donner des leçons, et ce serait vraiment putassier. Ces deux chansons là partent d’un prisme. On n’est pas politologues, pas  ethnologues ; ce n’est pas notre job. Malgré tout il faut que ça reste de la chanson et de la poésie. Le thème abordé par « Petite Frappe », à savoir la destruction des vieilles pierres, est quelque chose de prégnant, parce que c’est quelque chose dont on peut se passer, on va dire. Et puis cette lecture sur les combattants Peshmerga nous parait un regard sur ce que ça peut faire à l’humanité. Sachant qu’on aurait parfaitement pu faire la même chose en parlant de Hiroshima avant la bombe des Américains, de Diên Biên Phu avant l’intervention de la France. Ce n’est pas pour accuser l’un ou l’autre, mais pour dire que ça nous touche et on essaye de passer par un peu de poésie pour en parler.

 

– Est-ce que l’album a été conçu dans une optique d’aborder des thématiques d’actualité, ou est-ce que ce visage s’est dessiné au fil de la sélection des chansons ?

– Non. Si tu regardes bien, dans la discographie de Matmatah, il y a toujours eu le souci de thématiques comme ça. Après il faut se plonger dans les albums et voir si on connait ces morceaux là ou pas. C’est ce qui est intéressant. Parce que quand on plonge dans le répertoire d’un groupe ou d’un artiste quel qu’il soit, parfois il y a un morceau « fer de lance », et on ignore que derrière il y a des tas d’autres choses ; parfois pas. Mais là, c’est le cas. Il n’y a absolument pas eu de postulat de départ. C’est juste que quand on s’est retrouvés tous les quatre dans une pièce, il y avait un côté « gamin de 15 ans » : on avait envie de jouer vite et fort avec notre savoir faire. Et forcément il faut des mots qui vont avec. Donc naturellement au bout d’un moment on s’est demandé ce qu’on avait envie de dire. On discute, et parfois Stan [Tristant Nihouarn, chanteur] revient le lendemain avec des phrases que notre discussion de la veille lui a inspirées et en proposant un thème. Mais il faut que ça nous plaise à tous. Etant donné qu’on écrit tous ensemble, c’est très important d’être d’accord sur la thématique et d’accord sur le fait d’aller défendre ça sur disque et sur scène.

 

– Avez-vous déjà eu des querelles ou des désaccords sur une chanson ?

– Une chanson, non. Des mots, oui. Parfois il y a eu des textes un peu sensibles autour desquels on s’est pris la tête sur un mot, pour trouver le terme le plus juste et qui nous parle à tous les quatre. Il faut dire ce qu’on a à dire, mais sans être donneur de leçon. C’est un équilibre. Croire que l’écriture se fait comme ça par l’opération du saint esprit, c’est faux.

 

– Tu parlais tout à l’heure du plaisir de se retrouver comme des gamins de 15 ans. Sur scène ce soir, à plusieurs reprises, on a eu le sentiment de voir des enfants qui s’amusaient. Est-ce primordial pour vous de conserver cette âme ?

– Carrément ! Mais ce métier là n’est pas une blague. Nous, on s’amuse, et les gens viennent pour passer un bon moment ; ça ne pose aucun problème. Mais il n’y a aucun souci à switcher sur autre chose à un moment. Pour moi, c’est plus une histoire d’énergie. Il y a une boule d’énergie, aussi sur des chansons sensibles comme « Toboggan », avec un texte énigmatique où chacun met un peu ce qu’il veut. Personnellement je sais de quoi ça parle, et ça demande donc une sensibilité particulière, d’autant qu’à la place où il est dans le set, en général, c’est le moment où les gens gueulent qu’ils veulent « L’Apologie » ou « Les Moutons ». Donc quand je le démarre j’ai intérêt à rentrer vraiment en moi pour ne pas être déconcentré, et pouvoir donner cette sensibilité. Mais ce  que je leur donne, ils me le rendent et ça fonctionne. Après il peut y avoir une énergie plus énervée avec des titres comme « Marée Haute », « Lésine Pas », qui est pourtant une chanson d’amour, ou plus en colère. Alors effectivement il y a le côté gosses qui jouent, et ça peut être avec le sourire, mais ça ne pose pas véritablement de souci de changer d’humeur, à partir du moment où l’énergie reste là.

 

– Ce soir, jusqu’au rappel où vous avez joué « Toboggan, il n’y a quasiment eu que des morceaux plutôt rock. Était-ce un choix spécifique ?

-Ça dépend des moments, ça dépend des salles, des jours de la semaine. Après pour que ça parte en pogo, Il y a aussi des morceaux qui sont faits pour comme « Lésine Pas », « Retour à la Normale ». Mais évidemment il n’y a pas que ça. C’est un tout et globalement je pense que les gens s’y retrouvent, parce qu’il y a quand même un panel. Mais le panel était déjà là avant ; ça ne date pas de mon arrivée, ni de ce dernier album. Il y a toujours eu des choses d’influence hertzienne, des ballades ésotériques, des choses plus punk, enfin une variété de propositions. Parfois ça peut être déroutant ; mais en même temps, personnellement je m’emmerde quand j’entends un groupe qui fait exactement la même chose de bout en bout, même si ça peut être super. En  festival on peut très bien apprécier un groupe qui fait du Ragga de bout en bout ou du Punk de bout en bout : tu viens, tu prends ta tarte, et je comprends. Mais là a priori personne ne s’est plaint d’avoir cette variété ; on se gratte la tête pour construire des setlists cohérentes, pas nécessairement pour que tout le monde s’y retrouve d’ailleurs, mais au moins pour qu’il y ait un flot qui monte et descende.

 

– «Retour à la Normale »est-elle une chanson comme on l’imagine sur la reformation du groupe ?

– Oui, c’est la thématique.

– Ce soir Tristan a fait un petit discours avant la chanson « Overcom » à propos des gens qui viennent dans les concerts et passent plus de temps à filmer avec leur téléphone qu’à profiter véritablement du moment présent. Est-ce une pratique qui vous énerve ?

– A un moment il y en avait beaucoup, au début du concert. D’habitude il n’y en a pas nécessairement beaucoup dans nos concerts, mais ce soir à un moment, sur « Emma » il y en a eu et je me suis demandé comment il allait s’en sortir. C’est-à-dire qu’au premier tube, les gens sortent leur téléphone ; puis après en général une fois qu’ils sont pris par le concert, ils le sortent moins. Mais après tout, qui sommes-nous pour le reprocher aux gens ? On ne leur reproche rien. C’était plutôt pour faire la blague avec les gens, parce que Tristan aime bien charrier les gens, les chercher un petit peu. Mais la vraie problématique de la chanson « Overcom » n’est pas là. Moi-même je suis un gick total de téléphonie, et c’est une drogue dure quand même. Ca a totalement changé notre société, les rapports qu’on a avec les gens. Parfois tu appelles quelqu’un et tu as presque l’impression de le violer, alors que tu veux juste lui parler : « Mais pourquoi tu ne me sms pas ? ». Alors il y a des tas de codes : on sms ces personnes là, on mail ces autres là, on facebook encore d’autres, on appelle d’autres, et y en a d’autres à qui on donne rendez-vous… C’est sans fin. Comme les chaines d’information en continue. Il suffit d’aller voir des personnes âgées quand elles sont assises chez elles devant la télé : il y a la même dramaturgie qu’il pouvait y avoir dans le sacro-saint journal de 20h, sauf que c’est toute la journée. Donc en fait ça entretient une sorte d’angoisse. Encore une fois je ne juge pas, mais malgré tout ça pose question.

 

– Féloche a assuré votre première partie ce soir, et ce n’était pas la première fois que vous jouiez ensemble. Avez-vous donc plaisir à le réinviter ?

– Il ne faut pas côtoyer ce mec là! Vu qu’on a fait plein de dates, on a eu la chance d’avoir plein d’artistes avec nous, et effectivement il a joué sur 4 ou 5 dates avec nous. On l’aime !

 

Intervention de Julien Carton (attention, propos second degré) :

– Tout ce qu’il a dit est complètement faux. Il faut effacer !

 

– Julien, depuis quand accompagnes-tu le groupe ?

– Je n’ai pas joué sur l’album : ils se sont retrouvés à 4 pour la reformation et le disque. Eric [Eric Digaire, bassiste] a une formation au clavier ; à l’origine il ne jouait pas de ma basse. Depuis le début du Matmatah il y a donc toujours eu des parties de clavier en enregistrement, qui n’ont jamais été joués sur scène. C’était la raison de ma venue de pouvoir transposer ces choses sur scène. Je les connais depuis 5-6 ans, parce que j’avais joué sur l’album solo de Tristan, d’ailleurs avec Manu et Scholl [Benoit Fournier, batteur-percussionniste]. Je suis donc venu sur la tournée pour jouer avec eux, car ce nouvel album, ils l’ont écrit en pensant à moi qui serais avec eux sur scène. Enfin ils ont peut-être dit ça pour me flatter… Si je me souviens bien, sur la dernière date de la tournée solo de Tristan, le 23 novembre 2012, Eric était présent dans la salle en tant qu’invité, et est monté sur scène pour prendre la place du bassiste : donc en fait, on avait déjà joué ensemble tous les 5 un morceau sur scène avant : « Derrière ton Dos », que l’ont joue toujours. Ce qui fait que lorsqu’on l’a répété, on s’est regardés bêtement en se disant qu’on l’avait déjà joué ensemble ! Ce ne sont pas des têtes qui me sont inconnues, et je savais où je mettais les pieds. J’avais l’idée que ça allait se passer bien, au moins humainement. Après, je sais qu’ils détestent ce que je fais artistiquement…

 

– Peux-tu nous parler de tes autres projets justement ?

– Je n’ai pas encore de projet solo, même si je commence à créer des trucs. Mais je joue sur scène avec un chanteur de Nancy, Incredible Polo ; ce que je considère un peu comme mon projet à moi aussi, car j’ai réalisé ses deux premiers EP et son album. C’est assez soul, chanté en Anglais. J’ai assez hâte de retrouver la scène avec lui aussi, évidemment sur des formats beaucoup plus petits. Et puis je joue également depuis 2 ans avec un quartet de Jazz, ce qui n’a rien à voir : le quartet du pianiste Franck Woeste, qui joue par ailleurs avec Ibrahim Maalouf. Donc l’année a été un peu chargée pour moi, puisqu’aux moments où Matmatah prenait des pauses, moi, de mon côté, je partais en tournée avec d’autres. En même temps j’avais à cœur de pouvoir aussi garder une activité en dehors. Quand je suis sur scène avec Matmatah, bien sur je défends le projet avec eux, mais ce ne sont pas mes morceaux ; ce n’est pas moi qui ai écrit l’album.

 

– Tu te charges également des chœurs avec Eric, non ?

– Ça fait également partie des raisons pour lesquelles je suis là. Manu en fait un tout petit peu. Sammy, l’ancien guitariste faisait beaucoup de chœurs, et certaines voix lead aussi, comme sur « L’Apologie », que Stan [Tristan] a reprises. Sammy était un guitariste et chanteur : il a avait un rôle très important vocalement. Et Manu qui a repris sa place à la guitare n’a pas du tout le même rôle vocalement. Donc ça faisait partie de mes jobs. En fait j’ai fait assez peu de chœurs avant, et pourtant je me suis au moins autant éclaté à faire ça que jouer du clavier, parce qu’il y a vraiment du travail. Même au bout de 80 dates, je continue d’être surpris de ce que ça fait de chanter. Quand on a commencé la tournée, eux n’avaient pas chanté depuis un moment, moi, je n’étais pas encore aguerri, question voix, donc c’était un peu dur et on avait peur d’assurer cette longue tournée. Mais en fait, plus on chante, plus ça marche tout seul. Enfin je fais mon malin, mais demain on a une grosse date, et si ça se trouve, je n’aurais plus de voix et j’aurais l’air con. Mais a priori je ne suis pas très inquiet, parce que depuis qu’on a repris les salles le 15 novembre, même si j’ai galéré un peu la première semaine, parce qu’on n’avait pas chanté pendant un mois et demi, plus on chante, plus ça se passe bien.

 

– Tu vas dire que tu ne possèdes pas de boule de cristal, mais penses-tu à l’avenir continuer un bout de route avec Matmatah ?

– Sans être présomptueux je crois qu’ils en ont envie, et j’en ai envie aussi. Je n’avais jamais fait quelque chose d’aussi intense musicalement.          

 

Nous remercions les membres de l’équipe de tournée de Matmatah pour leur convivialité et spécialement Julien Banes pour…heu…ben pour tout.

 

 

Miren Funke

photos de Matmatah : Loïc Cousin (toutes sauf photo 16 prise par Carolyn C.)

photos de Féloche : Miren Funke

Liens : site Matmatah : http://www.matmatah.com/

https://www.facebook.com/Matmatah.official

site Féloche : http://www.feloche.fr/

 

Georges et Johnny….

21 Déc

Photo DR

Dans nos radio-crochets plus ou moins frelatés, quelques candidats ont déploré qu’on leur impose des chansons totalement étrangères à leur univers musical

– quand ils en ont un –

ce qu’Olivia Ruiz avait critiqué quand on lui avait demandé de chanter du Lara Fabian.

Un interprète apporte sa part de création, personne n’en doute quand il est question de Juliette Gréco, d’Yves Montand, ou de Cora Vaucaire et de Reggiani, parmi les anciens… Ou de Barbarie Crespin, Christian Camerlynck, et quelques autres aujourd’hui.

On peut donc relire ou découvrir avec intérêt ce que disait Brassens à ce sujet, et à l’occasion voir ce qu’il pensait d’un de ses jeunes collègues de bureau… 

 

Norbert Gabriel

(Merci à Philippe Borie, organisateur des  » Brassensiades de Pirey « , d’avoir publié sur son blog cet article de presse, et à Jean-Marc Dermesropian de l’avoir relayé.) 

 

 

Une brise à la Comédie-Française…

20 Déc


C’est avec beaucoup d’appréhension que j’ai assisté à la première mise en scène de Robert Carsen pour le théâtre. Le metteur en scène quitte momentanément l’opéra pour s’emparer de La Tempête, une des dernières comédies écrites par Shakespeare en 1610.

Par une stratégie politique, le roi de Naples Alonso s’allie avec Antonio, frère du duc de Milan pour éliminer ce dernier en l’envoyant avec sa fille Miranda sur une île perdue au beau milieu de l’océan. Le plateau de la salle Richelieu s’est alors transformé en un îlot coupé du monde aux allures de chambres d’hôpital d’un blanc immaculé. A la Comédie-Française, on s’attendait à une mise en scène classique sans artifices sonores et filmiques mais comme rien n’est immuable, le théâtre a décidé de s’attarder dans la mise en scène de pièces classiques à la façon contemporaine: «Pourquoi pas, si c’est de bonne qualité ?» me direz-vous.  

Les nombreuses interruptions du jeu des acteurs par la vidéo cassent le lien que tissent avec nous les comédiens, ce qui provoque de profonds moments de flottement. Mais d’un autre côté, la mer projetée sur la toile de fond crée un point de fuite pour notre regard, ce qui nous dépayse. De très bonnes idées sont proposées par Carsen: quand Ariel, interprété magnifiquement par Christophe Montenez, surgit au milieu du plateau par des trappes, une avalanche de déchets tombés de nulle part, le jeu poétiques des ombres qui en disent plus que les individus… Les déplacements des comédiens sont très bien orchestrés par rapport au décor: petit à petit, nous comprenons que le public est à la place de la mer quand Ariel se promène sur les sièges du premier rang, comme s’il marchait sur des galets émergés de l’eau.

Si vous vouliez voir des acteurs qui vous transcendent, passez votre chemin spectateurs! En général, quand on s’ennuie dès les premières minutes d’une pièce, c’est que cela ne s’annonce pas glorieux. En effet, la pièce a du mal à démarrer, le personnage de Prospero (Michel Vuillermoz) ne nous captive pas et sa fille Miranda (Georgia Scalliet) est à côté du jeu tout comme le fils du rois de Naples (Loïc Corbery)… Heureusement qu’il y a la mise en scène pour retenir l’attention du public, sinon la durée de la pièce aurait paru plus longue qu’elle ne l’était (2H40 avec entracte). Je ne regrette pas d’être venu, détrompez-vous, car j’ai vu jouer un très grand comédien sur scène: Hervé Pierre dans le rôle du bouffon crasseux Trinculo. Une voix rieuse et aiguë, un vrai petit comique barbouillé de saleté ressemblant au personnage de Ben Gun interprété par le magistral Charles «Chic» Sale dans L’Île au Trésor de Berry Cooper. Dès qu’il faisait son entrée sur scène, l’attention du public se remobilisait, une bouffée d’air frais dans un spectacle tombé à l’eau.

 

Mathias Youb

Sortie de « Soleil Rouge » de Sylvain Reverte

18 Déc

 

 Je n’avais jamais vu un soleil aussi rouge  : les mots amorcent le premier extrait du nouvel enregistrement de Sylvain Reverte, un EP de 7 titres, éponyme de la chanson « Soleil Rouge ». Personnellement je n’avais jamais entendu une chanson aussi belle, depuis le premier concert de l’artiste lot-et-garonnais, déjà accompagné de son pianiste et complice Christophe Britz (co-compositeur de plusieurs titres avec qui il réalise cet enregistrement), auquel j’assistais fin 2016 au théâtre l’Inox à Bordeaux. Les arrangements en sont sensiblement les mêmes que sur la maquette qu’il me remit alors, mais aucun mal à cela. Bien au contraire, tant l’intensité émotionnelle qui accompagne l’ascension de la chanson vers une envolée extatique y était déjà parfaitement palpable, pour nous rapprocher graduellement de l’incandescence de ce soleil, jusqu’à se brûler dedans. Puis le disque entame une redescente en douceur dans la poésie du quotidien avec le titre « Madame Joue » qui effleure d’un regard tendre et enjôlé le thème de la paternité. Le souffle coupé respire à nouveau et les poumons se remplissent de fraîcheur, avant que ne succèdent les titres 3 suivants « Atlantique Nord », « Joséphine » à la légèreté toute voulzienne, et « Sur les Bords de Mer », qui donnent à l’enregistrement le visage d’une alternance subtile et vivifiante de morceaux intenses et tendus avec d’autres moins graves et plus épurés et délicats, en quelque sorte de titres ensorceleurs et d’autres enchanteurs. Le seul bémol à mon enthousiasme concernerait le choix des arrangements de la chanson « Les Bords de Mer », qui laisse un petit gout de « dommage ». J’imaginerais l’humour du texte, fort bien écrit du reste, porté avec plus de vigueur et de hargne par une ossature rock, aux sonorités plus lourdes et au rythme plus  violent. Mais le parti-pris de l’artiste (des artistes, le titre étant co-composé par Christophe Briz) pour une instrumentalisation coquette et orientée comme un clin d’œil aux variétés des années 80 se justifie sans doute aussi. Après tout, l’originalité d’une chanson ne tient-elle pas aussi à la contre-évidence et la capacité de proposer des idées qui surprennent ?

« Pauvre d’Elle » s’impose sur le disque en avant-dernier. Je me souviens avoir qualifié cette chanson de « géode » parmi les pierres précieuses qu’un artiste peut semer le long de la route, lors du concert que Sylvain Reverte donna à l’Adem Florifa à Agen le 11 février, tant son interprétation était investie et habitée, et révélait un potentiel charismatique du chanteur que je n’avais jusqu’alors soupçonné et entrevu que comme une armure encore un peu trop grande pour lui. Loin de réviser mon point de vue, sa présence sur l’enregistrement l’accentue, sans doute aussi du fait que cette chanson aventure une écriture plutôt habituée à inspecter des terrains intimes et des scènes du quotidien, visiter des histoires personnelles et s’engouffrer dans des failles introspectives vers le propos politique. J’entendais soudain des résonances de Léo Ferré, Hubert-Félix Thiéfaine ou encore Alain Bashung dans le choix du verbe et le sens de la métaphore, qui accompagnaient une proposition nouvelle. On s’étonne à peine de savoir que Sylvain Reverte a travaillé en atelier d’écriture avec Jean Fauque. La chanson a de l’allure, de la gueule, et possède l’essence de celles appelées à une destinée à part, pourvu qu’elle jouisse de la longévité qu’elle mérite. L’album se clôture sur la chanson « Comme un Défi », hommage à la mémoire à raviver, aux idéaux d’une jeunesse où « on levait le poing » et à la résurgence des espoirs. Le titre, qui entremêle, un peu comme chez Cyril Mokaiesh, sentiments relatifs à une histoire intime et considérations philosophico-politiques, est amené comme un aboutissement du disque par une disposition assez logique et efficace des morceaux.

 

Miren Funke

Photos : Miren Funke

Pour commande du EP : site : https://www.sylvainreverte.com/

facebook : https://www.facebook.com/revertesylvain/

 

 

FESTEN de Cyril Teste à l’Odéon

17 Déc

 Cyril Teste, artiste associé pour la saison 2017-2018 à l’Odéon théâtre de L’Europe s’empare de l’adaptation théâtrale de Bo Hr. Hansen du film Festen de Thomas Vinterberg qui remporta la caméra d’or au festival de Cannes en 1998. Le metteur en scène se sert de la performance filmique pour réaliser un spectacle foisonnant alliant théâtre et cinéma.

Une grande maison de campagne au décor cossu, un anniversaire en famille et des couloirs aux secrets brûlants qui n’attendent plus qu’à nous être dévoilés. Tel est le cadre de cette pièce qui met au centre de l’action une famille et ses problèmes. Chaque famille a ses secrets qu’elle tente de garder enfouis au fond d’elle. Dans cette mise en scène, Cyril Teste endosse le rôle du scientifique, un peu à la manière d’un Gide qui veut voir du haut de ses décors comment ses personnages vont se comporter tout au long de la pièce. Le spectateur n’est pas laissé de côté non plus, il est invité à venir sur scène pour partager ce dîner qui s’annonce mouvementé.


Tout au long du spectacle, un cameraman filme ce qu’il se passe sur scène pour le retransmettre sur ce grand écran accroché au dessus du plateau. Nous avons deux lectures possibles de ce drame familial qui s’offrent à nous: d’une part, une caméra qui filme des détails que nous ne percevons pas à l’oeil nu et d’autre part un plateau de théâtre avec une vue d’ensemble. En ne nous confortant pas dans une attitude passive de simple «voyeur», car il est question d’assister aux scène de la vie familiale», Cyril Teste mobilise notre attention en affûtant nos sens. Des odeurs de plantes, une peinture mystérieuse, une musique étrange préparent le spectateur à être réceptif aux événements qui vont suivre.

Cyril Teste expérimente une nouvelle forme de théâtre qui permet de remettre en question ce qui est à voir: la caméra et le plateau nous offrent deux vérités différentes. Les rapports entre ces personnages diffèrent quand ils sortent de la chambre pour aller dans le salon retrouver les autres convives. Le spectacle place l’humain au centre  pour voir comment il se comporte quand il est dans une situation de crise, à savoir: Christian a été violé par son père quand il était petit et veut dévoiler la vérité au grand jour. En effet, la lumière de la pièce est très blanche, une lumière qui rend compte du moindre détail sur le plateau. En jouant avec ces variations, Cyril Teste crée une multitude d’oxymores qui connotent une réalité plus grave: une famille bien habillée dans un décor magnifique et propre fait opposition aux secrets que cachent cette famille, une réalité plus crue dissimulée derrière ces décors d’apparats. Un mot: ne vous fiez pas aux apparences!

Festen de Thomas Vinterberg et Mogens Rukov, adaptation théâtrale Bo Hr. Hansen
Mise en scène Cyril Teste, avec Estelle André, Vincent Berger, Hervé Blanc, Sandy Boizard ou Marion Pellissier, Sophie Cattani, Bénédicte Guilbert, Mathias Labelle, Danièle Léon, Xavier Maly, Lou Martin-Fernet, Ludovic Molière, Catherine Morlot, Anthony Paliotti, Pierre Timaitre, Gérald Weingand et la participation de Laureline Le Bris-Cep.

Mathias Youb

Pour plus d’infos, clic sur le rideau –>

The Stranglers en concert au Krakatoa de Mérignac (33) : le Rock ne vieillit pas

15 Déc

 

Samedi 2 décembre dans la salle Le Krakatoa de Mérignac, près de Bordeaux, c’est le groupe The Melomaniacs, embarqué en tournée par les Stranglers pour assurer leurs premières parties, qui ouvrait la soirée, dans un registre quelque peu à contre-ambiance de leurs ainés, tout en douceur. Se saisir du court espace de quelques chansons pour installer une atmosphère et planter un décor n’est certes pas un exercice facile et requiert d’investir la musique de présence et de profondeur dès les premières notes, pour que celle-ci n’ait pas à finir de s’exprimer avant d’avoir commencé. Ce fut pourtant le pari assumé par le trio qui plongeait instantanément le public dans la volupté de compositions planantes, et loin d’être décharnées malgré une interprétation épurée. Timbre grave aux intonations suaves où se miroitait par moment comme un fantôme de Leonard Cohen, mélodies originales, jeu subtil, et calme de surface sous lequel on devine bouillonner un volcan prêt à cracher sa lave, semblable à l’onde bromoforme d’un océan avant tempête imminente, la musique des Melomaniacs frôlait le rêve à demi-éveillé, dont il n’est possible ni de s’en arracher brutalement, ni de s’y assoupir totalement. Une belle découverte, dont on apprécie d’autant plus la valeur du fait qu’elle joue sur un terrain complètement différent de celui des Stranglers, le contraste entre les univers de deux groupes apportant une saveur toute particulière à la soirée.

 

Un verre, deux cigarettes et quelques minutes plus tard, la douce évanescence dans laquelle la musique des Melomaniacs m’avait laissée volait en éclat sous l’assaut des premiers riffs de guitare de Baz Warne et des notes de basse de JJ Burnel. Le quatuor mythique The Stranglers surgit sur scène, ne tardait pas à bousculer les énergies, attaquant le concert par plusieurs morceaux musclés. Il y avait là de quoi prendre toute la mesure de l’alchimie et de la malice dont des musiciens aussi chevronnés sont capables, pour retenir de leur immense expérience autre chose qu’un savoir-faire spectaculairement rodé, et réinventer à n’importe quel moment la fougue, faire de chaque instant un instant inédit et non une répétition du précédant. Devant nos yeux la légitimité des anciens, mais dans nos oreilles la fraicheur et le dynamisme d’un jeune groupe de Rock : les Stranglers ne sont décidément pas les vétérans d’une guerre obsolète. La formation balayait pourtant, devant un public multi-générationnel comptant autant de jeunes que de quinquagénaires ou plus, plus de 40 ans d’histoire, alternant morceaux de l’album en cours d’enregistrement et de précédents, du dernier en date « Giants » (chanson « 15 Steps ») à de bien moins récents comme « Rattus Norvegicus » (« Hanging Around », « Peaches », « Sometimes »), « Feline » (« Midnight Summer Dream », « Don’t Bring Harry », chantée en Français par JJ Burnel) ou encore « Black and White » (« Nice’n’Sleazy » et la reprise de « Walk On By »), anciens titres inédits ou pas (« G.m.b.H – Bear Cage », « 5 Minutes » et leur toute première chanson « Go Buddy Go » jouée lors du rappel), et succès populaires que le public accompagnait en chœur et que le groupe, loin de s’astreindre à jouer à l’identique, revisitait avec jouissance (« Always The Sun », « Golden Brown », « No more Heroes »).

Certains ont pu noter un léger déséquilibre du son en début de concert, le volume du clavier de Dave Greenfield couvrant quelque peu celui des autres instruments ; néanmoins la bonne balance fut rapidement rétablie pour nous faire retrouver l’osmose si typique de ce groupe, dont chaque musicien peut se permettre de jouer en solo sans que cela altère la cohérence de l’unité. Si les fans de la première heure avaient pu craindre il y a 27 ans, suite au départ de Hugh Cornwell, qu’il serait quasiment impossible à quiconque d’assurer la succession d’un chanteur aussi emblématique au sein du groupe -et le rôle ne fut pas évident à tenir pour le second chanteur Paul Roberts-,  17 ans après son intégration, il reste incontestable que Baz Warne investit le groupe avec un charisme authentique et une complicité évidente qui savent séduire. L’homme joue à merveille d’un timbre de voix propre, en même temps que proche de celui de Cornwell, qui lui permet d’interpréter avec un naturel et une loyauté surprenante les classiques des Stranglers, autant que d’assumer singulièrement les morceaux que le groupe lui doit. Le spectacle d’un JJ Burnel qui semble s’éclater toujours et de l’amusement des ces musiciens qui savent ce qu’ils font et prennent pourtant visiblement autant de plaisir à le faire que s’ils n’en avaient pas la moindre idée reste en mémoire comme une idée du Rock qui ne vieillit pas. Et pour s’en réjouir encore, la France devrait avoir le plaisir d’accueillir à nouveau les Stranglers l’été prochain dans plusieurs festivals (Aix Les Bains, Argelès sur Mer).

 

 

Site The Melomaniacs :  https://www.themelomaniacsmusic.com/

Site The Stranglers : http://www.thestranglers.net/

 

Miren Funke

Photos (The Stranglers) : Carolyn C

Nous  remercions l’équipe du Krakatoa pour son accueil et Alice Duboé pour son aide.

CHEL, « Tralalala »

12 Déc

Chel, et de 4 !


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(Les retrouvailles…)

Dès les premières secondes…
La voix et les sons que l’on dira « bizarres »… Comme le titre du 1er album et son drôle de désordre, déjà : Bazar Bizarre.

Et justement il est question, dès les premiers mots, d’un « vélo – bizarre – qui avait les roues carrées, (…) un vélo monte-escalier »…

Le mot crée l’image, l’image crée le monde.

Le poète crée l’univers ; chaque chanson fait rêver, émeut l’œil, l’oreille, et le cœur…

On accompagne Chel depuis longtemps et chaque sortie d’album est un rendez-vous : les objets étranges, le bestiaire, le jardin fantasque, le potager, les abeilles, bzzz, bzzz.

L’enfant retrouve son propre univers et l’enrichit, sans que personne ici ne le prenne pour un imbécile ; l’adulte retrouve ce qu’il aurait aimé ne pas quitter, sans laisser de côté le souci de la précision et de la belle ouvrage : de la composition, à l’écriture, à l’interprétation.

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©F.Thoron

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Nouveau volet des chansons bizarres, bazar, du zarbi zigomar et c’est pas du rock pour enfants. Ce sont des chansons qui portent les belles valeurs de leur auteur, permettent à l’auditeur de souffler trois ou quatre secondes dans ce monde fou fou fou, et de prendre de la hauteur… en toute simplicité.

C’est de la chanson, toute en poésie, portée par des musiciens exigeants : guitare, ukulélé, basse, accordéon, batterie, tapan, bassenza…

Alors, oui. L’univers est reconnaissable aux premières notes, à la voix qui déboule vite et que les enfants identifient instantanément : c’est Chel !

Oui, c’est Chel. Et dans sa valise, la faune qui n’a jamais été si diverse, le bestiaire merveilleux, les individus et les objets farfelus.

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14 chansons parmi lesquelles des morceaux très courts, sorte de comptines, qui parlent aux plus petits, font rire ou sourire les plus grands. C’est le moment de reprendre les mots, les mélodies et de partager le moment : « Je déteste les enfants », « Ton pouce ».

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Les mots, les instruments, les notes…

Alors on se laisse entraîner, car Chel joue, saltimbanque, jongle avec les mots, avec les sons, aime le « Tarabiscoté ». Le deuxième morceau, par exemple…?

Dans un parc, un kiosque à musique, des animaux, des z’animaux, dézanimo, un drôle d’orchestre :

« Y a l’hippopotame qui tapote son tam-tam / Il y a le vieux lion qui fait grincer son violon

Y a un fier guépard grattant sur sa guitare / Et un caméléon qui s’accorde à l’accordéon…

Au Zoo Zazou, plus on est de fous, plus on joue… / Au Zoo Zazou, y a d’la musique partout /

Si tu ne sais pas en faire, t’as qu’à remuer ton derrière… »

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©F.Thoron

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La piste 7, « Tralala, là » : longue description, de pièce en pièce, d’objets personnifiés en z’animaux… partout, partout… dans des endroits hétéroclites, sans oublier le message essentiel, le refrain :

« Faut s’enlacer / Si le monde à la dérive / Sans se lasser de ces étreintes-là /

Il faut chanter / Tout l’été, quoi qu’il arrive / Et puis danser dans tout ce tralala, là… »

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C’est festif… de la fête venue tout droit de l’enfance.

Et puis c’est doux, c’est émouvant, lorsque Chel s’adresse à l’enfant.

Une chanson de geste, un conseil :

« Si tu poses ton pouce sur le nez / Et que tu lèves tes doigts au ciel / (…)

Tu peux de la bouche grimacer / Et la langue tirer de plus belle / Parfait, te voilà paré(e)

De la grimace universelle… »

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©F.Thoron

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Conseil à l’enfant, conseil aux grands… ?

« Mes demoiselles », que croyez-vous…?

Que le message, que l’alerte n’ont pas leur place…? Il est question de la disparition des abeilles, ici :

« Ai perdu mes demoiselles et sans doute même la raison /

Faut faire gaffe à l’essentiel, aimer la terre pour de bon… ».

Chel rappelle souvent que tout ne tourne pas rond…

Mais rien n’empêche le retour à l’envol, l’aile, la voltige, les voltiges…

Onzième morceau (et l’on pense à « M’envoler » du deuxième album…).

A l’adresse des enfants, en direction (avec un clin d’œil) des plus grands, une attitude, un positionnement face au monde, un pas de côté, un décalage pour vivre au mieux…

Pas l’innocence, ni la naïveté, mais le parti pris du bonheur quand même… car l’album s’achève « sur des musiques chaloupées », « sur des musiques bigarrées », « sur des musiques enchantées » :

« Dansons, dansez ! Rouler-bouler… sur la canopée » ! Oui…! Ensemble…

©Emilie Micou

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Merci Chel…!

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Autres chroniques :

CHEL, Bazar Bizarre
CHEL, Les petits pois sont rouges
CHEL, Voltiges

Contact : http://chel.me/

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Hum Toks / E.5131 / Eric SABA

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RESPECT nouvel album d’Yves Duteil

5 Déc

En préambule à ce nouvel album, on peut dédier ce « Respect » à un artiste qui avance depuis 35 ans dans une totale autonomie, non accompagné des médias depuis 1982. Néanmoins, au cours de cette longue route en baladin presque solitaire, fluctuat nec mergitur, et avec des escales où on ne l’attendait pas forcément. Ce non accompagnement des médias a été compensé par une solide petite équipe qui a toujours su s’investir à fond dans les projets artistiques et dans les projets et réalisations humanitaires. Respect à Noëlle Duteil irremplaçable équipière dans toutes les réalisations artistiques et humaines.

Respect, c’est la force qui nous inspire
Pour pouvoir résister au pire
Et faire face en restant debout
Plutôt que de vivre à genoux.

L’artiste embarqué dans son temps a regardé plus haut que l’horizon hexagonal, et plus loin que les royalties de son métier de chanteur. Pour en savoir plus voyez ici clic sur l’école —>

 

 

En 2018, voici donc le nouvel album d’Yves Duteil « Respect » dont le graphisme de couverture devrait donner le ton, l’émoticone est clair, et quand on ouvre le livret, on découvre que dans cette nouvelle aventure, tout est nouveau. Nouvelle équipe musicale arc-en-ciel, à qui Yves Duteil s’est livré totalement, et le résultat est éblouissant.

 Respect  conjugue à tous les temps le meilleur de la musique, celle qu’on pourra écouter longtemps sans devoir ajouter un bonus nostalgie, que c’était mieux avant.. Et sans les marqueurs à la mode qui datent très vite un album. Les cordes se sont mariées avec bonheur à la batterie franco-africaine, aux percussions et voix d’artistes méditerranéens, toutes les couleurs et tous les bonheurs… L’extraordinaire allégresse de tous ces musiciens illumine tout l’album, le résultat est magnifique, avec l’élégance et la chaleur, l’écriture impeccable, le moindre détail est traité avec raffinement. Et le livret est une totale réussite. C’est important le livret, surtout quand il y a des mots à double sens, habilement glissés comme une lettre entr’ouverte, une confidence partagée.

Avant le rendez-vous du 18 janvier, sortie officielle de l’album, et des deux soirées à l’Alhambra, il y a une nouveauté, des rencontres proposées à d’éventuels futurs ambassadeurs, vous ou moi, qui pourront écouter les chansons, et parler avec ceux qui l’ont réalisé. Et partager, un maître mot en filigrane…

Pour savoir ce qu’il en est voyez ici —>

 

Norbert Gabriel

 

 

 

Le Tartuffe de Molière mis en scène par Michel Fau au Théâtre de la Porte Saint Martin

3 Déc

 

Michel Fau s’entoure des plus grands pour nous concocter un tartuffe magnifiquement interprété: Michel Bouquet, ancien professeur au Conservatoire national supérieur de Paris et acteur de talent nous captive par sa prestance. Il interprète le rôle d’Orgon, père de Marianne, qui veut la marier à tout prix avec Tartuffe, un faux dévot qui prêche la bonne conduite religieuse en faisant tout le contraire de ce qu’il dit: manger du poulet sans impunité dans l’église, se flageller jusqu’à la chair pour témoigner de sa passion pour la religion et autres hypocrisies que Molière dénonce en 1664 quand il donne pour la première fois sa comédie au Palais Royal devant le roi.

Peindre d’après nature, telle est l’idée principale des pièces écrites par Molière avant qu’elles ne soient censurées à de nombreuses reprises par le clergé. A la suite de la première représentation du Tartuffe ou l’hypocrite, le roi, influencé par l’archevêque de Paris, interdit de jouer la pièce en public et un curé exige le bûcher. Mais Molière ne se laisse pas faire et trouve le moyen de jouer sa pièce en la modifiant pour que la cabale ne la censure pas à nouveau: c’est en 1669, quand l’influence religieuse connaît une période d’instabilité, que Molière donne son Tartuffe au Palais-Royal et remporte un très vif succès !

 

Nous reconnaissons le ton grivois de Molière derrière ces longues tirades en alexandrins que prononce avec brio Michel Fau, déguisé en un tartuffe impie qui se joue de tout le monde et surtout de la religion. Les comédiens évoluent dans un décor baroque vertigineux représentant l’enceinte d’une chapelle ornée de dorures, de croix et autres symboles religieux. Des figures d’apôtres sur une palissade en bois s’ouvrant en deux viennent renforcer cette satire de la religion.

 

Le comique et le ridicule sont les moteurs de cette pièce car l’attitude des comédiens rend compte des caractères de l’époque: perruques ridicules, maquillages blancs et fausses courbettes, robes à dentelles et bâtons de gentilhomme. Les costumes sont signés par Christian Lacroix qui restitue toute la richesse de cette noblesse d’apparat. Tout est bien pensé et le texte est dit de façon très claire, cela change des spectacles que l’on voit en ce moment où les acteurs parlent dans leur barbe… Nous sommes captivés par le personnage de Dorine, interprété par Christine Murillo, ancienne de la Comédie Française. On est dans un spectacle de qualité, je vous le dis ! De plus, Aurélien Gabrielli qui interprète le rôle de Valère, un jeune prétendant avec une voix de crécelle, nous fait mourir de rire.

Saluons également le talent de Nicole Calfan qui interprète à merveille le rôle d’Elmire, femme prude et maligne qui saura berner Tartuffe en dernier ressort.

Quelle énergie et de talent déployés dans ce Tartuffe d’une rare qualité. Nous rendons hommage à l’immense talent d’un de nos meilleurs comédiens et acteurs français: Michel Bouquet qui commence à être très âgé et fatigué mais qui a accouché d’un Orgon parfait ! Il nous captive car avec lui, le jeu n’est jamais faux, toujours dans l’exactitude et ça se ressent!


Avec: Michel Bouquet, Michel Fau, Nicole Calfan, Juliette Carré, Christine Murillo, Justine Bachelet, Georges Bécot, Bruno Blairet, Dimitri Viau, Aurélien Gabrielli, Alexandre Ruby
Costumes Christian Lacroix. Assistant mise en scène Damien Lefèvre.
Décors Emmanuel Charles. Lumières Joël Fabing. Maquillage / coiffures Pascale Fau

Mathias Youb

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