Nawel Dombromsky, I.n.c.a r.n.é.e

26 Avr

Nawele Ldlo réduitSur son berceau, bébée Nawel a eu quelques marraines plus ou moins fées, ou sorcières de bonne compagnie, l’une lui a offert les écrits d’Olympe de Gouges et Louise Michel, l’autre les lettres de Calamity Jane, et la troisième, la biographie de Shéhérazade par Wolinski en lui disant : «  tu seras la Shéhérazade des années 2000. » Mi-Angela Davis, mi-Joséphine Baker, mi-Athéna… Il faut ce qu’il faut !

On dit aussi que des sortes de rois mages Balthazar Melchior et Yanowski avaient apporté une batterie de cuisine pour bien exploiter les recettes (d)étonnantes de Yanowski… C’est possible …

Aujourd’hui cette Shéhérazade est la femme dans tous ses états, surtout l’état d’insurrection. Vous y croiserez une collectionneuse de p’tits vieux à Deauville, une femme fatale maladroite, des en manque d’amour et des donneuses d’amour, des femmes activistes, vingt-cinq chat-narchistes, une statuette de la vierge posée dans un hôtel à Pigalle, une chanteuse mexicaine et même Stromae…  Et une possible présidente,  par les temps qui courent, Nana Présidente serait bien la meilleure chose pouvant nous arriver.

Avec ses deux complices talentueux multi instrumentistes, Nolwenn Tanet et Louis Ouvrard-Arnaud,  Nawel Dombromsky offre une fantasia extravertie,  c’est tonique, c’est aussi joyeux, même si c’est le chant et les larmes de beaucoup de femmes dans le monde, ici et maintenant, et elle passera un jour ou l’autre dans votre périmètre de vie, vous pouvez aussi aller au Festival d’Avignon en Juillet. Voyez ici le tourniquet de sa vie d’artiste –> https://www.facebook.com/nana.dombrowsky

La mise en scène et la création lumière sont de Xavier Lacouture !  1-XavierLacouture Par-fait!! AAA 2 3530x2461 04-01-2016 21-08-11

Et pour quelques photos de plus ..

Montage Nawell Incarnée

Les femmes à la cuisine c’était ça :

https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2022/12/23/les-femmes-a-la-cuisine/

Norbert Gabriel

Entretien avec Yves Jamait à l’occasion du concert du « Plancha Tour » au Rocher de Palmer de Cenon (33)

22 Avr

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S’il y a bien une constante qui s’invite avec récurrence lors des concerts d’Yves Jamait, en dépit de la singularité des répertoires d’albums qu’il interprète, d’une tournée à l’autre, c’est la recharge de sérotonine que le moment nous apporte et dont il nous emplis. Le phénomène est d’autant plus accentué durant les tours de chant, où le chanteur ramène à nous les titres populaires de ses anciens albums, en compagnie de ses musiciens et complices comiques, comme ce fut le cas avec les deux tournées « Parenthèse I » et « II », et c’est actuellement le cas avec la présente tournée « Plancha Tour », sans Didier Grebot sur scène cette fois, mais toujours avec Mario Cimenti (batterie/percussions), Samuel Garcia (accordéon) et Jérôme Broyer (guitare). Preuve en est le répondant du public acquis à l’artiste, toujours au rendez-vous, qui, pour l’occasion, s’autorise à interagir d’autant plus joyeusement, et devenir, le temps d’un concert, le cinquième membre d’un groupe qui improvise ensemble ces moments chaleureux et exaltants de fous rires, par des échanges aussi spontanés que tendres et drôles, parfois pittoresques et incongrus.

Drôles et tendres, en écho à ce que l’artiste communique à travers ses chansons, même lorsqu’en jaillissent des pensées graves (« Je passais par hasard ») et des sentiments profonds, car la poésie d’Yves Jamait, même mélancolique (« Vierzon », « Même sans toi ») sait n’être jamais dramaturgique, du moins, sait porter en elle plus de tendresse que de tragédie. C’est que la justesse du regard qui en éclaire la vie, infiniment humain, raconte beaucoup de l’humilité de notre sensibilité, parfois impuissante, en même temps que de la grandeur d’âme des cœurs qui remuent, se blessent, s’indignent ou s’émerveillent, s’enivrent ou s’alarment, et aiment. Il en va de même pour la nostalgie du temps passé (« Gare au train »), thème dont l’emprunte marque l’œuvre de l’artiste, qui, en évitant, avec élégance, les relents réactionnaires de pessimisme et de morosité, nous parvient et nous revient toujours pour partager la douceur de souvenirs d’un temps, d’une époque, d’une enfance, d’une mémoire gravée dans une chanson.

Quand certaines tournées d’autres artistes interprétant leurs anciens succès, entre deux actualités, peuvent parfois relever d’un spectacle plus mort que vivant, celles d’Yves Jamait ont toujours su enjouer le public, qui montre un immense plaisir à l’entendre incarner ses personnages, lui raconter ses histoires, l’embarquer dans d’autres vies, qui peut-être ressemblent aux nôtres, ou, le cas échéant, peut-être précisément parce qu’elles ne leur ressemblent pas, nous révèlent quelque chose de nous-mêmes, en nous faisant aimer un autre, si lointain et différent, et pourtant tellement proche et semblable. Gageons que si nous n’avons pas tous mis les pieds au bar de l’univers, chacun de nous pourrait être un autre accoudé au comptoir d’un autre Jean Louis ; chacun de nous pourrait être un autre homme, une autre femme, qui passe par hasard chez un couple d’amis en apparence idéal pour y découvrir, sidéré(e), l’horreur conjugale ; chacun de nous pourrait devoir faire le deuil d’un autre amour perdu à côté d’un autre carrousel, ou, un jour, vouloir prendre la route, coûte que coûte...

Capture d’écran 2024-04-19 193730Le concert qui eu lieu jeudi 4 avril au Rocher de Palmer de Cenon (33) signa un moment fabuleusement attendrissant et drôle, tonique et nitescent, à la veine irriguée par l’énergie complice et cocasse qui circule entre Yves Jamait et ses musiciens tout au long du spectacle, et rejaillit dans la salle, entre les gens, où des histoires, des émotions, pourtant déjà mille fois chantées et entendues, venaient encore bousculer, renverser, atteindre l’émoi et piquer les yeux. Et le moment fut d’autant plus engageant que le concert de l’artiste y fût précédé par une première partie assurée par le trio dijonnais Tia Tio (bientôt en entretien), qui, en cinq chansons, nous amena voyager, nous téléportant d’un point à l’autre du globe terrestre, surpris de déjà nous trouver si loin en si peu de temps.

Auparavant Yves Jamait acceptait de nous accorder un entretien.

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– Yves bonjour et merci pour ce nouvel entretien. Nous nous étions vus précédemment pour la tournée « Parenthèse II », et, entre temps, tu as promené le répertoire de ton dernier album « L’autre » sur les routes et dans les villes de France. Te revoilà parti à la rencontre du public avec une autre tournée visitant les répertoires de tes anciens albums, « Plancha Tour ». Qu’est-ce qui a motivé l’envie de reproposer un tour de chant avec des anciens titres ?

La dernière fois qu’on s’était vus, c’était pour la tournée « Parenthèse II » avec Didier et Samuel. Entre temps, on a fait un spectacle à la sortie de l’album « L’autre » qui s’appelle « Le tour de l’autre », avec un décor assez conséquent, ce qui fait qu’on ne pouvait pas aller partout, parce que techniquement, il fallait qu’on puisse placer ce décor. Donc on a malheureusement fait peu de dates, peut-être trente cinq. Habituellement j’en fais plutôt quatre vingt. Pourtant tous les professionnels qui ont vu le spectacle ont dit que c’était probablement mon meilleur. On venait aussi de changer de tourneur. Et dans ce spectacle, à un moment, on ne chantait, avec Samuel, que tous les deux. Et en déconnant je disais à Samuel qu’on était bien, pas besoin de déployer tout ce matériel : j’imaginais une plancha, et on rappelait les deux autres, se mettait autour d’un micro commun, et on visitait les anciennes chansons en acoustique. C’était le moment « plancha ». Et puis voyant qu’on avait moins de dates, et que c’était à la fois une question de prix et une question d’adaptation du spectacle, on a eu l’idée de poursuivre avec ce « Plancha Tour ». On est dans le plus simple appareil ; ça ressemble plutôt à la tournée « Parenthèse », sauf qu’on est les quatre habituels, sans Didier sur scène. On ramène tout à la base, et on s’éclate, parce que, comme pour la « Parenthèse », ça part dans tous les sens. C’est assez drôle ; on se marre tout le temps. C’est parti comme ça et ça va tourner au moins jusqu’au mois de juin 2025. J’ai d’autres projets bien sûr, mais ça va tourner.

– Peut-être ce genre de tournée répond-il aussi à un désir ou besoin de festivité du public, après les confinements et temps morts dans l’événementiel ?

Je ne fais pas de sociologie. Je ne pense pas comme ça ; je pense en spectacle, en chansons. C’est surtout que j’aime tourner tout le temps. Donc à partir du moment où je voyais que le spectacle précédent, qui pourtant a super bien marché chaque fois qu’on l’a joué, ne se vendait pas beaucoup, et posait des difficultés au tourneur, je me suis dis : « faisons un spectacle passe-partout, moins cher, qui aura besoin de moins de technique ». On ramène juste notre sonorisateur ; les lumières sont faites par le technicien de la salle. Effectivement on est dans un truc qui relève plus de la proximité avec les gens, et en général les gens aiment bien ça avec moi. Malgré tout, le « Tour de l’Autre » était de toute beauté. On a eu des trous de quatre mois sans le jouer, et c’était compliqué de retrouver les repères après ces périodes sans jouer. Donc il restait une ou deux dates de ce spectacle qu’on a changées en dates de « Plancha tour », et on a continué. Les dates partout sont pleines, ou alors il manque cinq ou dix pour cent de la salle. Déjà quand on a tourné avec « Parenthèse » juste après le covid, on a fait cent vingt dates. J’ai cette chance que les gens adhèrent aux chansons, et adhèrent aux personnages aussi, parce que les musiciens sont devenus des personnages à part entière. On est une équipe bien soudée ; on se marre bien, et c’est des fou-rires tout le temps. C’est vraiment très agréable. Je vis une belle fin de vie.

Capture d’écran 2024-04-19 193948– On a vu récemment des artistes tels Damien Saez et Hubert-Félix Thiéfaine, qui depuis des décennies continuent de remplir de lieux de spectacle de grande capacité d’accueil, sans aucune promotion médiatique et en ayant disparu des radars radiophoniques et télévisuels depuis longtemps. Tu fais parti de ces chanteurs artisanaux, qui, en marge de l’industrie du disque et des influents de la profession, et sans soutien des médias de masse, ont acquis et conservent la fidélité d’un public et une popularité nationale conséquente. Quels regrets ou quelle fierté ressent-on d’un tel parcours ?

– Je fais de l’artisanal par constat. Je ne le fais pas par militantisme. Longtemps on a cru que Thiéfaine le faisait, car il préférait être dans le côté sombre, ce qui n’est pas vrai. Il aurait tout à fait accepté d’avoir le statut d’un Renaud ou d’un Lavilliers. Je pense que Damien Saez va plutôt dans une autre politique de ce côté là, plutôt rebelle. Mais à un moment il faut regarder ce qui est vrai : les radios ne me passent pas ; la profession ne m’encense pas. Et puis il y a la volonté de pouvoir faire ce qu’on veut quand on veut. On s’est toujours arrangés pour ne pas être coincés et avoir une liberté de mouvement. Et ce n’est pas dans le sens rebelle de la chose. Si j’ai envie de faire un spectacle sur Maxime Le Forestier, je vais l’appeler et le faire, sans m’occuper de savoir si ça va se vendre, si ça fait bien, si, stratégiquement, ça passe. La maison de disque est le seul lien qu’on a avec un extérieur, et la maison de disque nous connaît : ils ont dit « oui », et ils savent que de toute façon, s’ils avaient dit « non », on s’en branle. Mais ça fait vingt ans qu’on travaille ensemble ; on se connaît. J’ai deux spectacle en projet, l’un sur Maxime Le Forestier, et l’autre de mes chansons avec deux accordéons. On ferait ça en attendant le prochain album. Avec Samuel et son comparse, Fred Langlais, avec qui il fait un duo d’accordéons ; ce sont deux bêtes à l’accordéon. Ça me permet de faire un pied de nez à tous les gens qui disent : « ah c’est ça, Jamait ; y a encore de l’accordéon ? ».

– Et une casquette ?

– « Y a la caquette ? Et encore de l’accordéon ? ». Oui ! Et y a encore de la guitare, et y a encore du clavier. C’est la raison pour laquelle j’ai fait cette chanson « Accordéon », et je sketch là dessus sur scène ; j’en plaisante. Et où est le problème ? Donc l’idée est non seulement d’assumer l’accordéon, mais en plus de faire un truc que à l’accordéon. Et le spectacle sur Le Forestier, j’aimerais le faire avec Jérôme, mon guitariste, et avec un guitariste qui a joué longtemps avec Le Forestier qui s’appelle Michel Aumont. Le Forestier avait écrit un bouquin qui s’appelle « Brassens et moi », et l’idée était de faire « Maxime et moi », et de raconter le parcours de fan que j’ai eu avant, à travers ses chansons, et pas forcément les plus connues. Je connais absolument tout de Maxime. Je pense que ça tournera de septembre 2025 à février ; l’idée est de faire quelque chose sur trois ou quatre mois, pas plus long. J’ai aussi un album à faire et une exposition de peintures à finir, un peu beaucoup de choses.

Capture d’écran 2024-04-19 194005– Tu disais précédemment que la Chanson, des chansons, t’avaient éduqué. Est-il question de quelque chose comme une reconnaissance éternelle à cette forme d’expression artistique qui t’a permis de devenir l’artiste que tu es ?

– Complètement ! Je dois tout à la Chanson. Le peu d’instruction et le peu de culture que j’ai sont passés par la Chanson d’abord. Ça ne fait pas sérieux… Ce n’est pas un diplôme. Mais c’est en écoutant les chanteurs que j’ai appris des choses, et que j’ai cherché à creuser. Les premiers temps où j’écoute Maxime Le Forestier, j’ai quinze ans, à l’école je suis plus que médiocre, je l’entends chanter « Entre 14 et 40 ans » sans savoir de quoi il parle, ou « Parachutiste » sans comprendre pourquoi on peut leur en vouloir. Il dit le mot « fasciste », et je ne sais même pas ce que ça veut dire, pour te dire d’où je viens. Quand on me dit que mes chansons sont magnifiques, je reviens de loin ; je suis vraiment parti de zéro. La première fois que j’écris et commence à vouloir poser un texte, c’est vraiment à chier : il n’y a pas une petite lumière de quelque chose où on peut voir du talent. C’était vraiment très mauvais. J’ai respiré, vécu, ressenti, « Chanson » pendant des années ; ça a été ma béquille, ma bouée de sauvetage, face à la vie. C’est de là que j’ai tout puisé. Et après j’ai écarté sur d’autres : Moustaki, des gens qui m’ont fait voyager, la culture, la peinture. Je suis passé par là pour apprendre des choses. Donc assez brouillon. Et puis par une culture de gauche qui t’accueille bien, avant de t’enculer, mais qui t’accueille. J’ai ce parcours là. La gauche était la gauche. Maintenant j’ai plus de recul : je me sens homme de gauche, mais « la gauche », politiquement parlant, ça ne me parle plus. Je me sens de gauche par l’aspect social, alors que je n’ai pas spécialement envie de décapiter un roi, personnellement, même si historiquement ça vient de là : au parlement étaient à gauche ceux qui voulaient décapiter le roi, et à droite ceux qui ne voulaient pas. La bien-pensance sociale de gauche m’a attiré ; maintenant j’ai beaucoup plus de recul là dessus. Je suis plutôt heureux d’avoir élevé mes enfants dans un esprit un peu comme ça, tout en leur disant que ce n’est pas la panacée. Mais c’est ce qui m’a cultivé, donc je ne peux pas non plus le rejeter. Je ne le rejetterais pas, car je me sens profondément de gauche. Mais politiquement je ne me reconnais dans aucun parti, et je pense qu’on a été beaucoup utilisés, les gens comme moi, par un parti dit « socialiste » qui ne me fait que douter maintenant. La droite ne m’a jamais trahi : elle n’a fait que ce que je n’avais pas envie qu’elle fasse. Alors que la gauche a toujours dit qu’elle allait faire des choses qu’elle n’a pas fait, tout en rappelant qu’il y a eu l’abolition de la peine de mort et les congés payés. Merci ! Vingt cinq ans pour ça, on va peut-être arriver à faire autre chose, un peu. Mais on n’apprend que par l’expérience, et maintenant on va dire que j’ai l’expérience de m’en foutre.

– Tu dis que la Chanson t’a éduqué et instruit. Et tes propres chansons ne sont pas dépourvus de texte, souvent très poétique, et fourmillant d’idées. Néanmoins tu as souvent eu une parole critique envers la Chanson dite « Chanson à texte », qui, pourtant est précisément à même, par sa qualité littéraire, de pouvoir éduquer et instruire, et enrichir le vocabulaire de ceux qui en possèdent moins -et je dis cela sans condescendance, car les chansons de Thiéfaine ont enrichi le mien dès une préadolescence où je maîtrisais très mal le Français, qui n’était pas ma langue maternelle-. Est-ce à cause d’un certain élitisme faisant du peu d’accessibilité et d’intelligibilité un critère de bon goût, logique qui peut s’apparenter à une forme de mépris du populaire ?

– Ce n’est pas que je n’aime pas les chansons « à texte » ; je trouve prétentieux de dire que je fais de la « Chanson à texte ». Une chanson comme « La mémoire et la mer » de Ferré est une vraie chanson à texte. Mais Patrick Sébastien, c’est aussi de la chanson à texte : il va faire rire, chanter, danser autour d’un mariage ou d’une fiesta, et si tu mets à ce moment là « La mémoire et la mer », tu vas te faire jeter, alors que c’est un des plus beaux textes qui aient été faits. Mais dire qu’on fait de la « Chanson à texte » a un côté prétentieux ; en général c’est un truc qui se pose et dit : « je ne fais pas n’importe quoi ». Pour moi la Chanson, c’est d’abord un truc populaire. Alors après on essaye de soigner, de faire des choses bien tournées, qui chantent un peu. J’aime beaucoup l’écriture du XIXème siècle. C’est un peu rétrograde ; mais enfin Brassens allait chercher dans le Moyen Age. Mais Brassens avait quand même vocation à être populaire. Il ne voulait pas chanter pour une niche ou une élite. D’ailleurs maintenant ceux qui font de la chanson pour des niches ou des élites écrivent assez simplement, parce que ça fait mieux d’écrire simplement. Il y a une espèce de posture. Dire qu’on fait de la « Chanson à texte » est une posture qui m’emmerde. J’ai eu une marraine, qui m’a élevé, qui était complètement analphabète : j’aime l’idée de penser que mes chansons auraient pu la séduire. Ça me ferait chier qu’elle ait pu écouter ça en se disant : « je ne sais même pas de quoi il parle ». Maxime Le Forestier était accessible. Il m’a fait sortir le dico, comprendre des choses ; je trouvais ses syntaxes et tournures de phrases poétiques, avant même de trouver un côté politique dedans. C’est ça qui m’intéressait. « Y en a qui », qui est une chanson que j’ai écrite pour mon premier album, et qui marche beaucoup, est une chanson vindicative, de colère. Mais aujourd’hui, je ne l’écrirais plus. D’abord je ne la trouve pas très bien écrite ; et puis je me sentirais racoleur et démagogue. Bon, je l’ai écrite, je l’assume ; je peux la chanter, car j’incarne des personnages quand je chante. Mais je ne l’écrirais plus aujourd’hui. Je suis un petit bourgeois aujourd’hui : je vis bien de ce que je fais, et je n’ai pas la vie que j’avais quand je l’ai écrite. J’ai acheté ma maison à crédit il y a deux ans ; je n’avais jamais fait ça de ma vie. Donc je me considère bourgeois. Je fais encore des choses, comme tout mec qui n’a jamais rien eu avant et tout d’un coup a la sensation d’être choyé par la vie. Je suis un fan de boxe, et Tyson allait en banlieue d’où il venait et distribuait ses tunes partout, parce que l’injustice était insupportable pour lui : on reste un peu comme ça. Donc les Emmaüs m’ont contacté, et j’ai été jouer pour eux ; je parraine une asso. Il y a des choses qui me mettent en colère, qui peuvent m’énerver, qui peuvent m’agacer. Mais je ne me permettrais pas de dire « allez, soutenez-moi ». Je connais des chanteurs qui sont comme ça, et des fois ils en ont marre, parce qu’on ne les attend que là. Et ils sont emprisonnés dans ça. Maxime, ça a été son cas : il m’a dit un jour qu’à un moment, tout le monde le prenait pour le chanteur hippie par excellence, qui représentait ce mouvement. Dans sa jeunesse il y était, parce qu’il y avait des choses inadmissibles pour lui ; mais il n’était ni plus ni moins que le témoin d’une société, pas forcément le porte-parole d’un mouvement. C’est pour ça que je me suis vite défendu de ça, après « Y en a qui », parce que je ne voulais pas devenir le porte-parole de quoi que ce soit. J’aime la « Chanson à texte », mais je suis venu par la variété. J’ai dans la chanson « Les poings de mon frère » d’ailleurs revendiqué Johnny Halliday. Un coup, avec Linda Lemay, on a fait un concours à celui qui connaîtrait la chanson de Johnny que l’autre ne connaîtrait pas. Alors qu’on est deux chanteurs dits de « Chanson à texte ». J’écoute beaucoup « La mémoire et la mer » ces temps-ci ; je ne sais toujours pas ce qui m’émeut, mais je la trouve d’une beauté et d’une liberté d’écriture rares. Mais la Chanson, c’est un truc qui accompagne la coiffeuse, le banquier, le routier, la boulangère, le mécanicien, des cadres. Je fais de la Chanson française, ce qui n’est absolument pas un genre, parce que la Chanson française, ça va de Stromae à Patrick Sébastien, en passant par tout ce que tu veux, et moi je suis là dedans. La question de la posture m’évoque ces vieux chanteurs qui font de la Chanson et disent qu’ils font du Rock, parce qu’ils doivent penser que ça fait rester jeune. Je n’ai pas envie de rester jeune ; je n’ai aucun problème à être vieux. Ça fait partie de la vie. J’ai soixante deux ans, je ne suis pas un gamin, et je ne vais pas faire du jeunisme. La jeunesse n’est pas quelque chose vers quoi je veux aller ; et je ne voudrais surtout pas y retourner ! J’étais tellement mal dans ma peau, étant jeune. Je suis mieux dans ma peau de vieux que dans ma peau de jeune.

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– Et, toi qui te montres peu indulgent avec la qualité littéraire de tes anciens textes, à quel moment, ou par quel déclic es-tu venu au goût de l’écriture poétique ?

– Je n’ai jamais fait un concours de ma vie, ni passé d’examen à part des examens sanguins. Je n’aurais pas osé. Simplement j’écoute, je lis, les autres et quand je vois une belle tournure de phrase, qui est bien pensé, j’essaye de trouver des formules. J’avais un copain qui écrivait très bien, qui n’est pas devenu chanteur, mais donne des cours de guitare, et je regardait ce qu’il écrivait, et petit à petit, de temps en temps, j’arrivais à trouver une formule dont j’étais content. Entre ma première chanson, je devais avoir quinze ans, et le moment où j’ai commencé à oser montrer mes texte, j’avais fait un concert à la vingtaine avec un groupe qui s’appelait l’Adam de Sagesse -d’ailleurs je chantais les chansons de ce copain qui écrivait pas trop mal-, j’avais trente sept ans quand j’ai sorti ma première. Donc il s’est passé vingt deux ans, assez douloureux : je n’osais pas me lancer, parce que je trouvais que ce que je faisais était à chier ; j’en avais une envie folle. Et à trente sept ans, quand je suis monté sur scène, je me suis dis qu’incontestablement j’étais là chez moi. C’est l’endroit où je suis le mieux au monde. Il n’y a aucun autre endroit dans la vie où je me sens mieux que sur scène. L’envie venait de là ; j’avais surtout envie de faire le pitre. Après, écrire des chansons était très compliqué. De mes quinze a mes trente ans, j’ai pris une cuite qui en gros a duré quinze ans, avec des problèmes à régler, l’absence d’un père, qui fait que la confiance en soi est problématique. Mais de temps en temps il m’arrivait de m’enfermer dans une piaule pour me hurler dessus ; j’en chialais de ne pas écrire bien. Et j’y retournais, avec, de temps en temps, une petite réussite. Et je jouais le soir pour mes potes bourrés et tout le monde trouvait ça bien. Parce que quoi qu’il en soit, une fois que j’étais parti à chanter une chanson, je l’incarnais vite et j’envoyais. Mais de là me lancer dans quoi que ce soit… Quand je discute avec Joyet, qui, lui, a un vrai parcours littéraire depuis très jeune, moi, je suis parti vraiment de rien. Une barque qui rame, mais sans eau dessous. Donc tu avances comment quand c’est comme ça ? Tu pousses ta barque jusqu’à trouver un point d’eau. Quand j’ai écrit le premier album, j’ai été en panique à l’idée de devoir en écrire un autre ; j’avais l’impression d’y avoir tout mis. Et puis ça a été exponentiel. Ce que j’ai appris à faire, c’est noter absolument toutes les idées, le moindre mot, la moindre tournure de phrase, la moindre mélodie. Et quand j’ai besoin d’écrire un album, je me plonge dans la relecture, je tire des phrases, parfois je ne sais même pas ce que je vais écrire, mais je tricote, tire le fil. Ce qui fait que je n’écris pas en partant de thèmes, ou rarement. Sur le dernier album, il y a « A marrée basse » que j’ai écrit sur commande. C’était une commande de l’université de Besançon sur le temps qui passe, alors que je ne fais que ça, des chansons, sur le temps. Et puis je leur ai envoyée ; trois mois après toujours pas de retour, et puis on a fini par me dire que ce ne serait pas pour cette année, donc je l’ai reprise. Pour le coup c’était très écrit. Mais sinon je fais des chansons, pas de la littérature ; je n’ai pas envie de faire de la littérature chantée. Pour « Toi », par exemple, c’est encore une autre façon de faire, qui est plus à l’américaine, car je n’avais que « toi » et un air qui tournait, sans savoir ce que j’allais écrire d’autre. Alors il fallait chercher avec les sonorités. Un qui excelle là dedans, c’est Philippe Lafontaine, qui fait vraiment sonner et claquer le Français. Il a des chansons absolument merveilleuses ; je suis un gros fan de ce mec. L’écriture a évoluée avec moi. D’abord j’ai réussit à ne plus avoir un regard critique assassin sur moi. Pour les trois premiers albums, je me jugeais vachement. Maintenant je suis plus apaisé pour écrire. Ce qui est bien dans le fait d’avoir pu continuer, c’est la sensation de se réaliser. Chose à laquelle je ne pensais pas pouvoir accéder un jour. Vivre de ce que tu aimes, je ne pensais pas non plus pouvoir faire cela un jour dans ma vie.

– Le fait d’avoir entamé une carrière musicale et rencontré l’amour du public tardivement, à un âge déjà serein, ou en tous cas, expérimenté et conscient des réalités et de la valeur des choses, en comparaison d’artistes qui ont explosé avec un premier succès populaire dès le départ et très jeunes, a-t-il eu l’avantage de te protéger de certains périls contre lesquels, jeune, on manque de méfiance et d’accompagnement psychologique ?

– Moi ça me serait arrivé jeune, je serais mort. Ce qui est arrivé à d’autres à vingt ans m’est arrivé à quarante. Et je n’ai pas eu une reconnaissance du métier, des « professionnels de la profession » comme disait Godard. J’ai rencontré des tas de gens, des artistes que j’aimais, mais surtout le public est venu. Je n’aurais jamais bougé mon cul si le public n’était pas venu. Et je ne me suis jamais dit qu’il fallait que j’explose. Je n’avais pas besoin de ça. A partir du moment où je pouvais gagner un smic en chantant, pour moi, ça marchait. Avant je bossais à l’usine, alors gagner un smic en chantant des chansons, super. Je n’étais pas avide de reconnaissance. Maintenant j’ai derrière moi deux Olympia, je ne sais combien de Cigale ; j’ai été jouer en Belgique, au Québec, en Russie ; j’ai chanté partout en France, moi qui ne voyageais pas et serais resté sédentaire, si je n’avais pas fait ce métier. Ça fait vingt ans que je fais ça ; les gens sont contents quand ils me voient : il y a pire à vivre, quand même! Et je ne suis plus énervé. Pour certains chanteur, partir en tournée est une source d’angoisse. Pour moi c’est un vrai plaisir, partir sur les routes. On est une belle équipe ; on se parle bien. Quand tu dois supporter un chanteur qui n’est pas bien dans sa peau, qui vit mal d’être chanteur, c’est compliqué. Si c’est comme ça, il vaut mieux faire comme Gérard Manset : lui n’a jamais fait de scène, car il n’aimait pas ça.

– As-tu prévu des festivals ce été ?

– Les festivals, j’aime bien, car on rencontre d’autres artistes et c’est plutôt cool pour ça. Mais après c’est toujours frustrant, car tu ne joues qu’une heure. Et puis, nous aimerions bien en faire ; notre spectacle marche plutôt bien avec les publics. Mais en général, ce sont les petits festivals artisanaux qui m’accueillent, et il faut bien reconnaître, qu’eux ont du mal à survivre. Je vais aller faire le festival des fromages de chèvres pour Paco, et peut-être quelques autres. Mais pour cet été il n’y a pas de grand festival prévu. Jouer une heure et devoir s’arrêter, alors qu’on vient juste de rentrer sur scène, ça frustre les musiciens aussi qui doivent arrêter quand ils commencent à être dedans. En plus tu joues devant un public debout ; il n’y a pas la même attention. C’est pour ça que j’aime bien que le public soit assis. Je profite. Le dernier concert, on a joué deux heures et demi, et ça me paraît rien.

– Et les « Bars à Jamait » ?

– Quand on nous en demandera. C’est un truc qu’on n’a jamais fermé. Bien sûr il n’y aura plus Anne Sylvestre, qui était u des piliers. Les deux derniers que j’ai fait se passaient en Suisse, donc il n’y avait pas les piliers, mais des chanteurs suisses ou transfrontaliers, et Nicolas Jules. C’est toujours ouvert : on s’est toujours dit que s’il y avait une demande, on sortirait les téléphones et on rappellerait les copains. Et maintenant il y a plein de jeunes que j’inviterais bien. Le noyau ne sera plus le noyau dur, puisqu’on en avait fait vingt sept avec Anne. Il y avait Agnès Bihl, Nathalie Miravette, Bernard Joyet, Gérard Morel et moi. La parité, en plus ; je ne m’en étais jamais rendu compte! Mais le départ d’Anne a fait que ce ne sera plus jamais la même chose. On commence tous à se faire vieux. Mais c’est bien aussi quand on peut inviter des jeunes.

Lien : https://www.jamait.fr/

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Miren Funke

Photos:Carolyn C

Concert de sortie de l’album « Rendu les armes » de Julie Lagarrigue à Cenon

21 Mar

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Dimanche 10 mars avait lieu, au Rocher de Palmer de Cenon en Gironde, le concert de sortie de l’album « Rendu les armes » de Julie Lagarrigue, album doublé d’un second disque « Julie chante Nicolas Jules », mais dont un seul titre, « Celui qui n’a rien » fut joué lors du rappel, la chanteuse se consacrant principalement à présenter au public ses nouvelles chansons.

Capture d’écran 2024-03-06 135416La soirée célébrait aussi la clôture des quatre journées du festival « Drôles de Piafs », né à l’initiative de l’artiste, et soutenue par Cyrille Cholbi (structure Cholbiz), qui a offert, aux étudiants de Licence de Musicologie de l’université Bordeaux III Michel de Montaigne, l’opportunité de partager des scènes avec des artistes alternatifs de chanson francophone (Doclaine, Dimone, Tiou, Jur et Boule). On peut saluer le courage de l’engagement des différents acteurs impliqués dans le projet, pour faire vivre la Chanson et permettre à de jeunes auteurs-compositeurs-interprètes de rencontrer artistes aguerris et publics, avec qui ils ont partagé des moments intenses, comme l’an passé, lors de la première édition, et la beauté du geste de résistance que constitue leur investissement, tant personnel que financier (à pertes) dans cette aventure, l’aventure de la richesse des rencontres et des partages qui créent la poésie d’un moment et esquisse celles d’horizons à venir. A en juger par l’adhésion du public, nul doute que demeure et se ravive la conscience de combien il est précieux, par ces temps sinistres et artistiquement appauvris, que se dressent de tels partisans du soutien à la créativité, et des chemins de traverse possibles, aussi jonchés de ronces soient-ils, contre l’idée que l’industrie classique du disque et le show-business ultra-médiatisé sont les seules voies possibles pour que des artistes puissent partager ce qu’ils ont à offrir.

IMG_5449Aussi c’est par deux de ses élèves que fut assurée la première partie de Julie Lagarrigue, Mathilde Chatin et Andoni Martiquet, qui choisirent, après avoir interprété chacun certaines de leurs propres chansons, de reprendre ensemble son titre « La mer est immense ». L’artiste, émue de cette reprise, la chanta à son tour lors de son tour de chant.

« Dis, c’est quand, avec ton piano noir, que tu nous amènes ? » aurait-on pu osé, tant la salle comble attendait avec impatience les nouvelles compositions de Julie Lagarrigue. L’entrée en matière au cœur des morceaux de l’album n’allait pas tarder. Et pour ce faire, l’artiste, tantôt au piano, tantôt à la guitare, avec ou sans harmonica, avait choisit d’être accompagnée des musiciens Thomas Labadens à la guitare et batterie, Edouard Lhoumeau au doudouk, et Marc Mouches en saxophone additionnel pour un final en fanfare avec « La plume », Franck Leymeregie, percussionniste du précédent album, « La mue du serpent blanc », venu rallier la troupe pour l’occasion de ce concert, ainsi que d’Amrit Douqué, vocaliste, mime et danseuse, pour un spectacle musical et visuel auquel l’audace de cette originalité donnait un dynamisme accrocheur.

IMG_5465Une mise en scène imaginée avec goût, cet intrépide et avide goût de l’étrange qui pigmente et pimente de façon intrigante la sobriété, la mélancolie, l’humour ou la tendresse de l’œuvre de Julie Lagarrigue depuis ses débuts. L’artiste avança donc les morceaux de « Rendu les armes » à travers un espace temporel à envahir, bouleverser, et ensemencer d’émotions, dans lequel les notes et les mots semblaient si fertiles et pertinents qu’on sentait à peine glisser les minutes de ces deux heures suspendues comme un éphémère devenu éternité, avant de nous rendre à la réalité d’un éphémère déjà trop vite passé.

IMG_5412Seuls trois anciens titres osèrent s’immiscer dans le tour de chant tout neuf, « Le tango des squelettes », « La mer est immense », et « Léon qui gronde » en rappel, en l’honneur du vigneron artisan Norbert Depaire, dont la cuvée Léon qui Gronde, est l’objet de l’ode composée par Julie Lagarrigue, et qui était venu pour l’occasion, offrir aux auditeurs, après le concert, une dégustation de ses vins. L’initiation de la jeunesse à la Chanson connut un écho particulièrement émouvant au creux même du concert de la chanteuse, dont la jeune fille, vint rejoindre sur scène sa maman pour interpréter, avec timidité, mais courage, la chanson qu’elle même a écrite, « C’est la vie qui coûte cher ».

Le ravissement du public découvrant les chansons de l’album avec cette atypique et cocasse mise en scène visuelle le laissa conquis, et incapable de se hâter à quitter les lieux, la dégustation vigneronne offrant l’occasion de se prolonger, autour d’un verre et avec des échanges d’impressions, « la joie ou le chagrin que ce genre de frisson procure », encore dans ce moment, dont aucun ne souhaitait s’arracher à l’atmosphère chaleureuse, presque familiale. Et on se dit qu’il serait parfait qu’il en soit toujours ainsi avec la Chanson. On mentirait, si on n’le disait pas…

Les dates à venir sont indiquées ici : https://julielagarrigue.com/agenda/

Liens : site : https://julielagarrigue.com/

Facebook : https://www.facebook.com/julielagarrigueofficiel

Miren Funke

Les funambules de la résistance chanson, le PIC et Michèle Bernard

11 Mar

 

Ils sont de la tribu des saltimbanques, pas toujours dans la lumière, la tribu des horticulteurs de la fine fleur de la chanson, des orpailleurs résolus, dans la lignée de La Colombe, l’Echelle de Jacob, des Trois Baudets, du Cheval d’Or, de l’Ecluse, de la Fontaine des 4 Saisons, et quelques autres, on les retrouve au PIC* qui a succédé au FLF** et 30 ans de programmations affinées comme ces vins de vignerons exigeants et discrets..

Michèle Bernard PIC reduitDans ses programmations inventives le Petit Ivry Cabaret a invité pour deux soirées Michèle Bernard, une artiste qui a exercé son art dans presque tous les domaines de la scène francophone, spectacles en duo, en solo, avec des choeurs de femmes – et un petit orchestre forain- des tours de piste avec cirque et spectacles jeune public; la carte de visite de Michèle Bernard c’est la déclinaison d’une vie de saltimbanque tout terrains, le kaléïdoscope de ses chansons c’est l’inventaire de tous les désordres et toutes les tendresses pour supporter ces désordres. Dans cette nouvelle tournée « Miettes » Michèle Bernard est accompagnée par Pascal Berne, Nico Frache et David Venitucci.

Et c’était en harmonie avec ce que propose l’équipe du PIC, menée avec brio par Sélina Casati et Patrice Mercier et leurs compagnons de route dans cette nouvelle aventure. Si vous ne connaissez pas le PIC, je n’ose y croire c’est par là → https://petitivrycabaret.fr/

Michèle Bernard est une chroniqueuse de la vie, drôle, tragique, caustique, engagée selon ce que disait Camus il y a plus de 60 ans, «  l’artiste, qu’il le veuille ou non, est embarqué. Embarqué me paraît ici plus juste qu’engagé.. » Et dans la bourlingue de la vie, on navigue parfois à contre courant pour créer envers et contre tout, car seuls les poissons morts suivent le courant . Proverbe séminole.

Si vous ne connaissez pas bien Michèle Bernard suivez le guide → https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2023/10/12/michele-bernard-quand-vous-me-rendrez-visite/

* PIC = Petit Ivry Cabaret

** Forum Léo Ferré

Norbert Gabriel

Concerts « Drôles de piafs » en Gironde du 07 au 10 : Julie Lagarrigue, Doclaine, Boule, Tiou, Dimoné, et les étudiants de Licence « Musiques actuelles, Jazz,et Chanson »

6 Mar

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Cette fin de semaine, du 7 au 10 mars, quelques scènes bordelaises auront la chance de découvrir les concerts « Drôles de piafs », organisés à l’initiative de Julie Lagarrigue, avec le concours d’autres artistes de chanson francophone, notamment Nicolas Jules, et, cette année, Boule, Tiou, Jur, Dimoné et Doclaine [ici], et des étudiants de Licence « Musiques actuelles, Jazz et Chanson » du département de musicologie de l’université Michel de Montaigne Bordeaux III, seule Licence de Chanson en France, avant que la semaine se clôture par le concert de sortie du dernier double album de la chanteuse « Rendu les armes/ Julie chante Nicolas Jules » au Rocher de Palmer, dimanche 10 mars [https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2024/02/13/entretien-avec-julie-lagarrigue-pour-la-sortie-du-double-album-rendu-les-armes-jules-chante-nicolas-jules/%5D.

« Drôles de piafs » qui a pour propos l’organisation de rencontres entre étudiants en musicologie et artistes indépendants du métier, pour ouvrir des perspectives en marge du système industriel de la musique, réitère donc l’expérience de l’an passé, en conviant le public à venir découvrir des artistes d’ailleurs et encourager des échanges générationnels, en dépit de obstacles et des périls, tant s’impliquer pour promouvoir l’expression artistique alternative et soutenir des auteurs-compositeurs-interprètes peu connus ou encore anonymes est un engagement auquel peu, de moins en moins, y compris dans les réseaux associatifs alternatifs, se risquent. L’existence de ces initiatives, pourtant indispensables au frémissement de la créativité et à la survie de la Chanson, qui embellissent les moments de partage et enrichissent la vie culturelle, mais qui se raréfient, principalement pour raison budgétaire, puisque souvent ceux qui les portent y perdent beaucoup pour n’y gagner rien d’autre que la satisfaction d’avoir contribué à propager de la poésie, étant grandement menacée, leurs organisateurs et participants comptent sur la curiosité et le sens citoyen du public pour venir massivement soutenir les concerts.

Les billets sont en pré-vente via la plateforme Halloasso de Julie Lagarrigue/Le vélo qui pleure ici : https://www.helloasso.com/associations/le-velo-qui-pleure/evenements/droles-de-piafs-2024

Et l’artiste a tenu à nous en parler un peu il y a peu de temps.

– Julie, bonjour et merci de cet entretien. Peux-tu expliquer en quoi consiste les programmes que tu réalises avec ces étudiants ?

Avec le temps, je me suis dit que ce serait bien de montrer aux étudiants ce que c’est que le véritable métier de terrain, en pratique, et leur montrer aussi qu’on peut être musicien, sans rentrer dans le show-biz, que ça existe d’être intermittent du spectacle et de bosser, sans être reconnu, comme font plein qu’on connaît. Ce n’est plus la même époque ; on est largués, nous : les étudiants musiciens qui ont vingt ans sortent des EP, font beaucoup de productions, se servent des outils modernes. Donc l’année dernière, je les ai faits venir pour un mini-festival, et je leur ai fait travailler des reprises de Nicolas Jules, Nicolas Moreau et Boule, puisqu’on travaillait sur l’interprétation. Ils ne comprenaient pas très bien à quoi servait de faire toutes ces reprises. Après j’ai fait venir les artistes, et on a délocalisé les cours au Cerisier. Chaque jour, les artistes venaient, ils avaient carte blanche, et on a fait un master-classe rencontre. Et le soir les étudiants jouaient en première partie des artistes, avec les reprises des artistes en question. Le tourneur Cyrille Cholbi (Cholbiz Production) a investi financièrement pour assurer le salaire des artistes. Et puis c’est intéressant de faire connaitre l’association Rock et Chansons de Talence aux étudiants, car elle propose des lieux de répétition et studio d’enregistrement accessibles.

– Comment les étudiants ont-ils appréhendé ce travail ?

Les étudiants y sont allés à reculons, car ils ne savaient pas du tout ce qui les attendait. Mais ils ont pleuré à chaudes larmes en sortant du spectacle de Boule. Ils m’ont dit au final qu’ils avaient compris qu’être artiste, c’est beaucoup de travail. Donc je me suis dit que ce n’était pas si mal déjà. Car je n’ai invité que des artistes indépendants, qui leur ont raconté comment ils faisaient, y compris leur com, leurs pochettes d’album. Donc ils ont compris que c’était beaucoup de travail, et aussi que c’était quand même superbe de voir des artistes sur scène, car c’est une génération, qui, avec le covid, n’est pas beaucoup sortie voir des spectacles. Financièrement évidemment, ce n’est pas du tout rentable de faire cela, mais comme les étudiants étaient si enjoués, et que là, ils sont en dernière année, j’ai proposé de recommencer cette année, mais pour qu’ils chantent leurs propres compositions. On a donc fait une collaboration avec Rock et Chanson, à Talence. Boule revient en trio, et en première partie il y aura Doclaine, et Tiou, et Dimoné. Ce sera le 8 mars. Il faut vraiment qu’on arrive à remplir la jauge, car c’est le seul moyen de rentrer un peu de finances. Et je clôturerai la fin de la semaine, dimanche 10, avec ma sortie d’album au Rocher de Palmer, et deux ou trois étudiants que je vais choisir, avec Norbert, le vigneron que tu connais, qui viendra offrir un verre de ses vins de Château Courtney pour dégustation.

– Donc, l’ode que tu avais composé, en hommage à son vin, « Léon qui gronde » sera-t-elle de mise ?

Oui. Il faut qu’on bosse « Léon qui gronde ».

– Plus globalement quelles autres conséquences bénéfiques ont ces rencontres à tes yeux ?

Les jeunes composent et produisent beaucoup, mais il est vrai qu’ils n’écoutent pas tant que ça de références, dans le patrimoine de la Chanson. C’est pour cela que j’ai voulu leur faire travailler l’interprétation, parce que je trouve qu’avant d’écrire une chanson, c’est bien d’apprendre à interpréter une chanson comme elle a été écrite : tu ne poses pas trop des questions d’auteur, tu ne remets pas en cause le texte, tu ne doutes pas. Tu apprends la chanson, et après, tu la mets à ta sauce. J’adore ce travail. Les faire travailler sur leurs propres compositions est très délicat, car tu ne peux pas leur faire retoucher leur texte. Souvent ils parlent de choses qui leur sont très intimes ; donc c’est difficile de suggérer des changements. Mathilde Châtin par exemple que j’ai choisi pour ma première partie veut travailler ma chanson « La mer est immense ». Et je pense que c’est très encourageant aussi pour les artistes qui viennent, d’être découverts, chantés et repris par des étudiants. Ils en étaient super touchés. Et puis faire venir des artistes dans la région est une manière d’amorcer des échanges et faire découvrir à des gens qui viennent de loin des chanteurs d’ici et vice versa.

– C’est une prise de risque que très peu, de moins en moins même, d’associations consacrant pourtant leurs efforts à permettre à des artistes alternatifs de s’exprimer, osent. Elles font pourtant un travail dévoué et nécessaire, et la scène locale serait bien morose sans cela ; mais concrètement l’évolution des dernières années laissent le sentiment que de plus en plus, même chez les alternatifs, ce sont toujours les mêmes qui passent et repassent, que les réseaux sont hermétiques, et hélas les prises de risque se raréfient.

En même temps tu comprends vite qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas trop moyen de prendre des risques. Nous avons à L’Inconnu, soixante places assises. Pour un concert solo, il faut compter trois cent euros par tête de technicien, donc déjà six cent euros la soirée, sans avoir payé le tourneur, l’hôtel, ni personne, sans compter les frais de la Sacem à régler. Cela fait que si tu fais une entrée à dix euros, en remplissant les soixante places, tu es forcément perdant. On ne peut pas organiser autre chose que des concerts solo. C’est très problématique. Cholbiz a investi à perte l’an passé là dedans. Je n’ai rien à y gagner ; je vais même y perdre. C’est vraiment pour promouvoir l’expression des artistes qu’on fait cela. Donc je comprends que les associations de spectacle ne prennent pas de risque. C’est déjà bien qu’elles arrivent à continuer et survivre. Le seul moyen qu’on s’en sorte à peu près bien, c’est d’arriver à relayer un maximum de com, pour remplir la salle.

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Miren Funke

Lien : https://www.helloasso.com/associations/le-velo-qui-pleure/evenements/droles-de-piafs-2024

Nouvel album de Nicolas Jules, La reine du secourisme

18 Fév

NJULES

C’est le soir, l’heure de la résignation au banal. Je m’apprête à y céder, par habitude.
Mais sur le canapé, il y a le nouvel album de Nicolas Jules. La pochette est grande ouverte, et je me dis : entrons !

Au plafond tout à coup s’allume un lampion qui n’était pas là deux secondes plus tôt.Le genre rond, en papier plié, rouge-orangé mais ça, c’est juste parce que c’est mon goût. Je retiens mon souffle et respire mieux tout à la fois : la résignation et le banal attendront.

A grands coups de pieds de biche, le casse du siècle bouleverse mon intérieur et la civilisation en prend pour son grade. C’est mérité : elle est assez peu fréquentable. Restent les steppes, les oasis et les bistrots, ces points d’eau précaires où l’urgence rend la rencontre possible. Rare, éphémère, risquée, mais possible. Il me vient alors à moi aussi l’envie de me battre contre les moulins à vent ou de zigouiller les averses, enfin, n’importe quoi d’inutile et donc hors-de-prix. Le lampion est d’accord.

La réalité rechigne et cherche à reprendre le dessus. « Ecoute-bien « , siffle-t-elle « tu l’entends la boîte à rythme ? ». La réalité n’est pas très maligne. Qu’elle cherche à s’approcher de cette boîte et nul doute qu’un diable en sortira, qui la mettra KO une fois de plus. Peut-être même qu’il s’appellera Robert.

L’album s’achève. Je ferme les volets, le banal piaffe à la porte. Je suis prête à la bagarre car j’ai ma trousse de premiers secours.

Will Ferris

La reine du secourisme
Disponible sur www.nicolasjules.com
Paroles et musique : Nicolas Jules
Roland Bourbon : batterie, marimba, balais
Frédéric Jouhannet : violon
Nicolas Jules : voix, guitare, basse
Photos : Thibaut Derien
Mastering : Mathieu Pion
Graphisme : Audrey Lehembre

Entretien avec Julie Lagarrigue pour la sortie du double album « Rendu les Armes » / « Jules chante Nicolas Jules »

13 Fév

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Si ce septième album de Julie Lagarrigue arrive double, c’est que l’artiste s’est enfin offert le plaisir de répondre à l’appel d’un désir qu’elle mûrissait de longue date : consacrer un enregistrement à interpréter des chansons de Nicolas Jules. C’est chose faite, avec la sortie imminente de « Rendu les armes » qui propose donc l’album de Julie Lagarrigue sur un premier disque, et treize reprises de son choix de morceaux de Nicolas Jules sur un second. Et, pour contredire un titre de l’album, ça coule presque de source, tant le parcours de la chanteuse a été inspiré, conforté, encouragé par le propre cheminement du poète lunaire, et les deux artistes ont tissé des liens au gré des rencontres, des partages de scènes et d’une commune philosophie de leur métier, et se sont même écrit l’un pour l’autre (« Telle ou telle », « Le garçon »). De source rocheuse sur faille ardoisière, pourrait-on oser, puisque « Rendu les armes », mis en miroir avec « Julie chante Nicolas Jules », se retrouve éclairé d’une stratification de reflets que réfracte l’insertion d’une artiste dans le monde d’un autre, et exprime une atmosphère minérale, en contraste avec deux les précédents albums, « Amours sorcières » à l’âme arborisée et florale, et « La mue du serpent blanc » aux chaleurs épicées par des musicalités exotiques et des rythmiques de Musiques du monde. Choix instrumentaux sobres, mais osés, et initiatives sonores insolites donnent à « Rendu les armes » l’intensité d’un album recentré sur l’univers personnel de Julie Lagarrigue, emprunt d’une authenticité toujours tarabustée du goût du différent, un soupçon d’inquiétant infusant avec sinuosité dans la profondeur des sentiments, univers qui ne se promène pas, comme avec « La mue du serpent blanc » à la rencontre d’autres galaxies, mais nous promène à l’intérieur de lui-même, dans les rêves de l’artiste, vers ses amours (« Rendu les armes », « Dis, c’est quand ? », « Quand je mords comme ça »), aux abords obscurs de ses douleurs et terreurs aussi (« La mer noire », « Peut-être là »), à travers ces impudeurs émotionnelles qu’on écrit et chante, lorsqu’on ne peut les dire sans poésie (« J’mentirais »). Nulle crainte cependant que « Rendu les armes » augure un repli sur le classicisme musical et la chanson triste, car quelques dansent entraînantes rythmes leurs pas sur ses espaces (« Ça ne coule pas de source », « Igor et Blaise »), avant que le disque s’ambiance d’une interprétation carnavalesque de la chanson « La plume » de Régis Wattripont.

Du disque de reprises des chansons « Julie chante Nicolas Jules », une seule chose me paraît opportune à dire, tant il me semble préférable de laisser aux auditeurs la liberté qui leur fera entendre selon leur propre perception l’autre voie que leur donne une autre voix : la magie d’une interprétation, c’est chanter une même chanson en lui faisant, au moins partiellement, raconter une autre histoire. Et de la magie sur ce disque, il y en a.

La tournée de dates de cet album qui s’annonce proposera un spectacle que l’artiste a souhaité jouer accompagnée, et dont voici les dates, avant le concert de sortie d’album le 10 mars au Rocher de Palmer à Cenon (Gironde). Et c’est pour en parler que Julie Lagarrigue nous a accordé un entretien.

15 FEVRIER, RENDU LES ARMES, trio POITIERS (86)

22 FEVRIER, RENDU LES ARMES trio, GIF SUR YVETTE (91) Complet

23 FEVRIER, RENDU LES ARMES trio, CHOLET (49) Jardin de verre 

24 FEVRIER , LA POWÊSIE JULES ET MOI, Le petit Ivry Cabaret , IVRY (94) solo

Julie3– Julie, bonjour et merci de cet entretien. Tu as choisi de proposer un album double, et on en reparlera, puisqu’il se compose de deux disques, dont l’un contient des nouvelles chansons de ton répertoire, et l’autre des reprises de chansons de Nicolas Jules. D’entrée la première impression globale qu’on en a est qu’il est plus recentré musicalement sur la Chanson française, mais néanmoins inventive, que ton précédent album « La mue du serpent blanc » qui ouvrait tes chansons à des rythmes dansants, chaloupés, et des orchestrations exotiques. Correspond-il a une envie de revenir à une identité sonore plus sobre et moins dépaysante peut-être ?

– Chaque fois que je commence une aventure, on fait : un album, une équipe. Donc les musiciens étaient prévenus que l’album suivant se ferait avec d’autres ; ils ont été un peu déçus, parce que ça se passait très bien. Mais ils savaient. Pour des tas de raisons et surtout pour des raisons artistiques, je pensais que le prochain album se ferait avec d’autres. Et, en fait, sur cet album, j’ai tout fait toute seule : guitares, percussions, claviers. Et j’ai rajouté en invité un duduk, Edouard Lhoumeau, percussions de Franck Leymeregie, et toujours le saxophone de mon ami Marc Mouches. Contrairement au précédent album qui était plus Musiques du Monde et arrangé, je voulais celui-ci plus « roc », R.O.C. Mais je ne pouvais donc pas prendre Franck pour le mettre en scène, qui est un super percussionniste de Musiques du Monde, mais j’entendais plutôt des batteries, quelque chose de plus « crunchy ». Et il n’y avait pas de saxophone à faire jouer à François-Marie. J’ai fait un an de formation d’improvisation vocale avec Jean-Yves Pénafiel, qui m’a accompagnée à travailler beaucoup en individuel, comment j’interprète, sur les chansons de Nicolas Jules notamment, comment j’y suis, comment j’investis le chant, de quoi cela parle, pourquoi j’ai choisit de reprendre telle ou telle chanson, et j’ai choisit au final de prendre Thomas Labadens et une chanteuse avec moi. J’ai bossé le piano comme une dingue pendant des mois, pour ne plus avoir à m’en occuper et pouvoir m’investir dans le chant. Il m’est apparu clair qu’une de ces filles, Amrit Douqué, devait y chanter. Ça allait être le soleil, et moi, je serais la nuit. Effectivement elle va me faire de l’ombre ; et ça me met un gros challenge. On dirait qu’elle vient d’une autre planète ; elle a le coeur sur la main et est hyper ancrée. Elle sort d’une école de mimes. Je lui ai proposé de m’accompagner, mais que avec sa voix et son corps. Et c’est Jean-Yves qui fait la mise en scène du spectacle. Donc là ce sera vraiment un spectacle. Il y a autant à voir qu’à entendre chez elle, et elle ne joue pas comme une choriste qui reprend les mots en faisant des gestes, mais joue avec son corps et sa voix. C’est une recherche contemporaine vraiment de comment arranger un morceaux, avec une voix, très différente de la mienne, et un batteur. On a fait une sortie de résidence à Aubusson, et au bout du quatrième ou cinquième morceau, je me suis rendue compte que le public ne regardait qu’Amrit. On ne voit qu’elle ! C’est un peu un concert « cinéma muet » : elle fait l’image et moi le son. Elle a ce côté de la novice candide qui découvre tout, et chez les novices, il y a quelque chose de joyeux : ils essayent, il gagnent. Ce sont toujours des gagnants, parce qu’il n’y a pas trop d’enjeux derrière. On a travaillé aussi pour le spectacle solo, « La powésie, Jules et moi », et intensément, car cela me change mes repères de jouer un spectacle entier assise au piano.

– Alors ce spectacle, quel est-il ?

Je mélange des chansons de Nicolas et des miennes Au début je me suis dis que j’allais raconter notre rencontre, pourquoi j’ai fait ça, qui a écrit quel morceaux, etc. Mais finalement pas du tout. Je joue, très profond, très poétique, et j’assume de chanter des chansons sans meubler l’espace d’anecdotes ou de petites conneries à raconter qui font rire. J’assume de ne pas être là pour faire rire. Bon, après, je pense que je suis toujours rigolote, mais oui. On va jouer ce spectacle en Avignon. J’ai gardé quelques chansons de l’ancien répertoire, comme « La mer est immense ». J’ai mis côte à cote des chansons de Nicolas et des miennes, regroupées par thème. On a beaucoup de chansons sur les lettres par exemple. Sur les rencontres épistolaires. La mer. Je crois que bientôt je pourrais faire un album rien qu’autour du thème de la mer !

– Effectivement, sur ce dernier album, on trouve « La mer noire » dont le titre évoque immédiatement « La mer est immense », sans pourtant parler de la même chose, ni même contenir la même atmosphère. Que signifie-t-elle ?

– Cette chanson, j’ai failli l’enlever, tellement je ne pouvais pas l’écouter au mix, parce que c’est glauque. C’est sombre. Je l’ai écrite pour me faire du bien ; au lieu d’écrire un message désespéré, j’ai écrit une chanson. Je l’ai enregistrée « one shot », sans la reprendre. Et donc j’ai failli la laisser, mais en fait, en spectacle, elle va être très belle. Quand je l’ai écrite, j’étais plombée, mais le fait de l’écrire m’a fait sortir la tête de l’eau. Et maintenant lorsque je la rechante, je ne suis plus plombée.

Julie5– Qui a écrit « La plume », dont ce fut une surprise pour moi de découvrir que tu n’en étais pas l’auteur, tellement elle te ressemble et sied à ton répertoire ?

– Régis Wattripont, un copain, instituteur, qui est chanteur dans Les Vieilles Poules, un groupe de Bordeaux. Ça fait deux fois que je chante à cause de lui quand même : sur « La mue du serpent blanc », il m’avait dit un jour qu’il faudrait écrire une chanson qui dit : « Faut qu’on se garde ». Et je suis partie de ce titre, et j’ai écrit la chanson « Faut qu’on s’garde », que je lui ai envoyée. Je lui ai proposée, mais il ne l’a pas prise, et je l’ai donc gardée pour mon album. Et là, il m’a envoyé cette chanson, « La plume », dont il avait écrit la musique et le texte, au moment de la guerre en Ukraine, et je l’ai trouvée superbe. Elle parlait du mec désespéré qui n’a plus espoir en l’homme, mais finalement il y a de l’espoir. Pour l’encourager, je l’ai enregistrée, et je crois d’ailleurs qu’il la chante aujourd’hui, mais je lui ai demandé l’autorisation de la garder et d’y faire mes arrangements personnels. Je crois que ses arrangements à lui sont très différents. Je n’ai écrit ni la musique, ni le texte, mais effectivement je l’ai gardée, parce que peut-être j’aurais pu l’écrire. On la joue pour le rappel, parce que j’avais envie que ce soit « roc » et cirque aussi, populaire, mais dans le vrai sens du terme, et mes arrangements un peu cirque lui donnent un côté « tous ensemble », qui, je trouve, rassemble.

– L’effet sonore sur la chanson « Ça ne coule pas de source » choque un peu, ou dénote plutôt, par rapport au son général de l’album ; il impose une distance étrange. Que voulais-tu exprimer par ce choix ?

Il y a une réverbe un peu particulière. Je la chante en deux versions différentes, en spectacle solo et en trio. C’est une des seules chansons que je chante à la guitare. « On aurait nulle part où aller, je reste seule sur mon rocher », dit la chanson, et il y a ce côté abandonnée et esseulée. Y a une idée de solitude totale, et presque du dépit de se sentir abandonnée. Et en même temps, le refrain sentait le tube. Donc sur le disque on l’a faite un peu en version tube, mais on a mis cette réverbe pour donner ce côté un peu lointain et abandonné. Je voyais une femme, seule, au fin fond du farwest ou de la pampa, en train d’étendre son linge, qui aurait rêvé devenir chanteuse, et qui de temps en temps va au saloon pour chanter, et qui est en fait une chanteuse extraordinaire, mais qui ne deviendra jamais chanteuse, car elle est loin. J’ai pensé à une mise en scène de cowboy, assez délirante, et le metteur en scène a dit qu’on ne pouvait pas faire ça, car on n’entendrait plus du tout la dramaturgie de la chanson. Mais je me suis battue pour garder aussi cette ambiance très gaie. Donc ce sont vraiment des versions différentes d’une même chanson, qui, effectivement à la base, part d’un sentiment de solitude et de désespoir. C’est en fait Nicolas qui avait suggéré l’idée de la réverbe. Je ne regrette pas. C’est marrant, car sur chacun de mes albums, il y a ça : une chanson qui connaît deux versions. Ce n’est pas une manière de faire un non choix. C’est aussi pour montrer qu’une chanson, suivant comme on l’interprète, ne veut presque pas dire la même chose. C’est un peu aussi ce que je fais avec les chansons de Nicolas. Et la chanson de Régis, « La plume », lui ne la chante pas du tout pareil non plus. Mais pour ce qui est mix, il faut savoir que j’ai fait beaucoup de pistes ici chez moi, envoyées à Patrick, qui, lui, faisait les mix chez lui, et me les renvoyait ; et donc les choix, c’est souvent du compromis, en fait, et de la confiance aussi dans l’autre.

– Dans la chanson « J’mentirais », une phrase parlera probablement à tous ceux qui trouvent dans la création un moyen de transcender : « écrire encore pour se sauver ». Pour toi, qui es aussi art-thérapeute, est-ce la principale vertu de l’expression : sauver ?

– Je crois que c’est Anne Sylvestre qui disait cela. C’est une belle histoire, car je l’ai écrite et enregistrée très rapidement, et j’ai envoyé les pistes à l’ingénieur du son qui les a mixé et me les a renvoyées. Et quand j’ai écouté, j’étais à la gare, et j’entends un train qui arrive en grinçant, dans ma chanson. Je me suis dit que c’était génial, car c’était ça qui manquait à la chanson ! Donc j’enregistre le train suivant et l’envoie à Patrick en lui demandant de le rajouter absolument dans le mix. Quand je reçois le mix, ça n’allait pas du tout, car il avait nettoyé l’enregistrement, et enlevé tous les sons sales qui faisaient mal aux oreilles, et gardé en fait tout ce que je ne voulais pas. Il l’a refait, et m’a envoyé un très beau mail disant que des fois il ne comprenait vraiment pas où je voulais en venir, mais qu’il me suivait et était très content qu’on travaille ensemble, parce qu’il se rendait compte au final que ça l’amenait sur des chemins qu’il n’aurait peut-être pas empruntés. Et j’étais quand même toujours inquiète de savoir comment cette chanson allait parler aux gens. Pour moi, de loin, elle paraît très floue. Souvent on se dit que pour qu’une chanson parle aux autres, il faut qu’elle soit très près de quelque chose d’intime et en même temps très universel.

Julie2– Ne faut-il pas précisément être floue pour cela ?

– Je crois que c’est un art. Il faut trouver cet entre-deux, à la fois très près de soi et très universel. Je crois que c’est ce qui touche les gens. Celle-là est très près de moi ; je n’ai pas tant travaillé à la rendre universelle. Et en même temps je crois qu’elle fait partie de ces chansons que je comprends après coup. J’en ai écrit quelques unes comme ça. Tu vois quand j’ai écrit « Le beau de la foret », je parle d’une vraie histoire qu’on m’a racontée, celle d’un garçon amoureux resté silencieux durant des décennies sur l’amour qu’il avait pour une amie. Et, plus tard, je me suis rendu compte qu’un autre ami qui aime beaucoup cette chanson a lui-même une histoire avec son père qu’il n’a pas vu depuis trente ans. Et en relisant le texte à la lumière de cette autre histoire, je comprends que les mots collent tout à fait à son histoire aussi. En fait le texte marche aussi dans d’autres contextes que l’amoureux, qui peuvent être aussi parlants. « Ma douce » aussi est hyper universelle. Et donc, « Je mentirais » doit avoir aussi, je pense, un côté universel, mais je me demande ce que les gens vont en comprendre. Il y a une urgence à dire « Je mentirais, si je ne te le disais pas », qui est l’urgence du comment ne pas dire une vérité, tellement je vais le vomir, tellement je le transpire. Mais souvent il ne faut pas dire son histoire personnelle, car les gens peuvent se projeter dans leur histoire, et tu n’es pas maître de ce qu’ils inventent. Alors que si tu leur dis de quoi tu parles avec ta chanson, ils risquent de ne pas y voir autre chose. C’est comme quand j’ai écrit « Si tu la voyais » : je l’ai écrite pour une personne en particulier, mais ma mère a cru que je l’avais écrite pour elle, et en fait, elle est écrite pour toutes les personnes qui se sont senties visées ou concernées, et quand je rechante la chanson, je ne pense pas forcément à la personne pour qui je l’ai écrite, mais peut-être à plein de personnes différentes.

– N’y a-t-il pas aussi une résonance avec les chanson «Telle ou telle » qui dit « si je suis telle que je crois » et soulève cette thématique de l’authenticité, la vérité envers soi-même, qui était déjà évoquée dans une précédente chanson « Je parle comme je pense » ?

– Tu sais que ce n’est pas moi qui écrit « Telle ou telle », mais Nicolas. J’en ai composé la musique. Mais je pense qu’il y a effectivement quelque chose. C’est peut-être la chanson avec laquelle j’ai le plus de recul, car ce n’est pas moi qui l’ai écrite. J’ai passé dix ans à demander à Nicolas Jules de m’écrire une chanson ; il m’a toujours dit « non ». Et quand j’ai arrêté d’attendre, un jour, j’ai reçu ce texte. Je ne sais combien de temps il a mis pour l’écrire, mais, moi, j’ai mis deux minutes trente pour la mettre en musique. C’est complètement dingue, car je n’écris jamais séparément la musique et le texte. Mais là, c’était comme si je l’avais écrite, cette chanson. Pour moi c’était un bijou. Quand je l’ai lu, je me suis dit que c’était incroyable, parce qu’il l’avait certainement écrite pour lui, et elle parlait certainement de lui, mais je peux la chanter en parlant de moi sans aucun problème. Et ça a fusionné direct, ma musique et ce texte. Je pense que c’est un espèce de condensé de notre relation : « Entre, et tu sauras si je suis telle que je crois ou telle que tu m’inventes ». Longtemps je lui ai écrit en lui disant que j’étais en admiration, que s’il n’était pas là, je ne serais pas là non plus, parce que c’est vrai : le fait qu’il fasse ce qu’il fait, comme il le fait, m’a toujours montré que ça peut exister, qu’on peut le faire et tenir bon. On est toujours le phare de quelqu’un, mais ça encourage. Il a toujours été là ; il m’a toujours répondu, envoyé des choses. L’autre jour je suis allée voir Lolita Delmonteil, qui m’a dit que ça faisait un bien fou de se sentir des sœurs et des frères dans ce métier, parce que c’est un métier quand même où on est très seul quand on créé. Et contrairement à beaucoup, Nicolas est dans la réalité. Alors le jour où il m’a envoyé ce morceau, cette chanson que je peux chanter pour moi, j’en ai été très touchée. Je la chante directement, et je ne passe pas cette note très fragile, que je décide de garder quand même. C’est la première de l’album que j’ai envoyé à Patrick, qui fut un peu choqué par une ressemblance vocale avec Jane Birkin, et j’ai du le rassurer que ce serait la seule de l’album, et que ça passerait. Elle parle de cette relation qui peut exister avec tout le monde, mais de l’ordre d’une relation à l’idole, du fait qu’on se fait toujours une image de quelqu’un, en laquelle on projette ce qu’on veut, mais que cela ne regarde que nous, et que ce quelqu’un n’y est pour rien. On n’est pas responsable de l’image qu’on renvoie de soi aux autres.

– On n’est pas responsable de l’image qu’on a malgré soi, certes. Mais on est un peu plus responsable d’une image qu’on communique intentionnellement, quand par exemple on est dans la prétention ou le rôle de composition, qu’on raconte être comme ci ou comme ça, penser ci ou ça, adhérer à ci ou à ça. Non ?

– Mais c’est vachement dur ce rapport à l’image. Je me le pose depuis longtemps : faut faire des vidéos, faut faire des photos, faut communiquer de l’image tout le temps. Il faut réussir à passer ce soucis de l’image qu’on donne. J’ai envie d’être très nature, parce que je me sens nature. Mais en vrai, on ne peut pas véritablement faire ça, sans se farder un peu. Bref. Cette chanson parle de ce décalage entre ce qu’on s’imagine de l’autre, et ce que l’autre croit être. Après, si je garde cette voix aiguë en la chantant, c’est parce que je pense beaucoup à Jane Birkin, et à ce rapport entre l’artiste et l’image avec Gainsbourg. Et comme ce n’est pas moi qui l’ai écrite, je peux la chanter avec un détachement ; et il y a ce côté décalé de l’écriture de Nicolas qui emploie des images du quotidien, le couteau dans la margarine, le petite doigt dans la narine, mais qui parlent tellement pour décrire la façon dont on entre dans mon cœur. Et puis il y a cette phrase « je pourrais survivre à dix mille ans de famine », tellement belle. Elle évoque cette espèce de générosité, qu’il a, lui, d’ailleurs.

– Tu viens de citer Gainsbourg. La chanson « Le garçon » que tu as récit sur Nicolas, je suppose, et qui mentionne le « petit poisson » est-elle un clin d’oeil à la chanson écrite par Gainsbourg pour Juliette Greco ?

– Ouais !!! Merci de l’avoir vu ! Je croyais que personne ne l’entendrait tellement ça passe vite, même si je nomme Greco aussi. L’autre jour Yacine m’a dit qu’on dirait que c’est Nicolas Jules qui a écrit la musique, et ce n’est pas le premier. J’en avais proposé le texte à Nicolas, mais il n’en a pas voulu, même si ça lui irait comme un gant. Mais il se sentirait peut-être impudique de la chanter. Ça vaudrait le coup de lui demander. Cette chanson est aussi une métaphore de la liberté. Ce qui m’inspire depuis longtemps chez lui, c’est sa liberté : réussir à rester très singulier, à suivre son instinct, faire exactement comme il a envie et dire « merde » à tout le monde, se faire confiance. Je suis stupéfaite de ça, car on a beaucoup de mal à ne pas lisser pour plaire.

– Dans quel ordre as-tu enregistré les deux disques en fait, et le premier interprété a-t-il influencé ta façon d’interpréter le second peut-être ?

– D’abord le disque de reprises de Nicolas. C’était bien de travailler l’interprétation d’abord de sa face, et pouvoir ensuite coller à mes textes.

– En parlant d’hommages et de références, y en a-t-il une à la chanson « Comme un lego » de Gérard Manset dans « La pie » qui parle de « tas de petits êtres, en pâte à modeler» ?

– Non. Je ne la connais pas. Non, c’est une lettre désespérée ; on s’est posé beaucoup de questions pour la travailler sur scène, celle là. C’est un peu l’équivalent de « Grand fou ». Elle parle d’une femme et d’une lettre qu’elle ne sait pas trop si elle doit poster ou pas. Mais c’est pour ça que je voulais mettre mes chansons et les siennes face à face, avec ces deux disques. Je ne sais pas si ça se comprend ; ce n’est pas pour rien que ces deux faces sont dans mon double album. Et, en plus, ça se retourne, car il y a des endroits où les gens aiment bien Nicolas Jules et donc viennent me voir, car ils sont curieux de voir ce que je vais faire, des gens qui achèteraient plutôt le disque pour les reprises de Nicolas, et d’autres, qui sont plutôt mon public et découvrent Nicolas Jules à travers ces interprétations. Je crois qu’il faut s’écouter en fait, quand on a une envie ; c’est tout un chemin.

– Qui sont Igor et Blaise de la chanson ?

– Les deux chiens. C’est une chanson que j’ai écrite en me réveillant d’un rêve, et tout est dans mon rêve : je vais rendre visite à un copain, et je prends toujours dans ce rêve un chemin qui n’existe pas, qui longe la mer et longe un grillage. Et ce jour là, ils ont foutu le grillage dans la mer, et j’arrive à une caravane, et il y a deux chiens qui me terrorisent, donc je reste sur place. Et je comprends après que tous les gens qui sont allés plus loin ne sont jamais revenus. Je me rends compte qu’au lieu d’avoir peur de la mer, de m’y noyer, de l’infini, du danger, j’avais peur de ceux qui m’en protégeaient en fait. Mes deux protecteurs : Igor et Blaise. Comme quoi dans la vie des fois on a peur de ses protecteurs, et on se trompe d’objet de nos angoisses. Comme plein de mes chansons, c’est un rêve, qui est, du coup, très onirique, même dans l’écriture.

Julie– Ça n’est plus un secret, tu exerces parallèlement des activités d’art-thérapeute en milieu hospitalier, et la finalité, ou plutôt étape finale, des ateliers d’écriture est le passage au traitement mondain, que ne franchissent pas beaucoup de gens qui pourtant écrivent ou pratiquent une autre expression artistique, mais sans la communiquer et la partager. Mais en tant qu’artiste, penses-tu que la finalité ultime, le sens même de l’écriture, soit d’être communiquée et partagée ou que sa vertu peut résider ailleurs ?

– En art-thérapie, on travaille sur uns schéma artistique, selon lequel, au départ il y a une œuvre avec un potentiel rayonnant, comme par exemple un tableau abandonné dans un grenier, ou un type qui joue dans la rue, et puis un humain qui croise cette œuvre et y réagit. Soit il est juste esthète et trouve ça beau, soit ça lui donne envie de peindre, de taper dans les mains, ou d’agir d’une manière ou d’une autre. On étudie en art-thérapie tout ce qui se met en place à chacun de ces actes, dans le fait de bien voir, bien entendre, avoir envie et le phénomène de l’intention, puis se mettre à faire, faire des choses qui sont en rapport avec ce qu’on a envie de faire. Une personne qui veut peindre comme Rembrandt, si elle n’a pas la technique, va être déçue par son travail. Et comme on travaille beaucoup sur l’estime de soi, on va essayer de faire coller l’objectif et la technique. Il y a des gens qui restent coincés à l’étape de bien entendre et bien voir, d’autres qui écrivent, mais ne font pas lire effectivement, d’autres qui chantent dans leur salle de bain, mais ne se font jamais entendre. Et le dernier acte, avant que l’œuvre devienne une œuvre à potentiel rayonnant, c’est ce qu’on appelle le traitement mondain : l’exposition. Une fois que tu as donné ton disque à écouter, tes chansons à partager, ce ne sont plus tes chansons : elle appartiennent au monde. C’est le moment où te tu détaches de l’œuvre. Ce n’est plus à toi. Et c’est aussi pour cela que je ne me sens pas responsable de la manière dont les gens accueillent mes chansons. Je n’ai pas l’impression de porter les rêves des autres. Il y a des gens qui m’écrivent que ça les porte, ils se sentent visés, concernés, et tant mieux pour eux, et d’autres qui ne sont pas contents, et tant pi. Je n’écris pas pour sauver le monde ; j’écris pour me sauver, moi, et c’est déjà pas mal. Ce que j’écris dans mes chansons, c’est ce que je ne peux pas dire autrement. C’est un moyen de dire avec pudeur, de dire les choses sans les dire, ou de les dire avec poésie. Ce qu’on peut dire, il n’y a pas besoin de le mettre en chanson. Je trouve que c’est à cela que sert l’art, à transcender les choses, en écrivant quelque chose qu’on ne maîtrise pas ou ne comprend pas. Mais je ne me sens pas du tout responsable de ce que mes chansons font à des gens ; j’en suis juste très contente, et heureuse du bonheur des gens.

Miren Funke

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Liens : site : https://julielagarrigue.com/

facebook : https://www.facebook.com/julielagarrigueofficiel

Youtube : https://www.youtube.com/user/julieleveloquipleure

Photos : Guillaume Roumeguère (1), Alain Nouaux (2), Jean-Baptiste Millot (3 et 4), Alain Chasseuil (5)

 

Mon âge d’or…

12 Fév

De Mnouchkine à Léo Ferré, des colos au Conservatoire, Natalie Akoun, frêle silhouette de fée entourée de ses deux comparses musiciens Vincent Leterme et Laurent Valero, espiègles à souhait, met sa vie en chansons. Une merveille de charme et d’intelligence. 

AFFICHE-monagedor-webQuand on lit ça dans la presse, signé par des journalistes exigeants, on peut se demander quoi ajouter … Eh bien peut-être que les éclairages sont parfaits pour faire de ce spectacle une réussite totale. L’argument, dirait Molière, c’est le cri du cœur d’une enfant « je veux être une saltimbanque, et je serai artiste pour pouvoir dire pourquoi j´existe ..  » Et elle le devient, le raconte dans une autobiographie comme un journal intime illustré par des chansons, celles de nos enfances, celles qui racontent , qui font voyager et rêver, celles dont Nougaro pourrait dire, elles font balancer l’âme, celles de notre jeunesse, des chansons éternelles qui peuvent parler à tout le monde, pourvu qu’on ait gardé une touche de cette folie enfantine d’espoir infini. Natalie vit son rêve, elle est saltimbanque, multifonction en quelque sorte, et dans cette starmania en trio, elle est entourée de deux partenaires Laurent Valéro multi-instrumentiste subtil et Vincent Leterme, pianiste aussi doué en musique que dans l’imitation du poisson… Si je vous dis… une chanson de Gréco … ? Vous le saurez en allant à L’Essaion  Jeudi-Vendredi- Samedi  jusqu’au 23 Mars

  • Auteur : Natalie Akoun
  • Mise en scène : Olivier Cruveiller

Suivez la flèche —> https://www.essaion-theatre.com/spectacle/991_mon-age-dor.html

Et pour quelques photos de plus , ©NGabriel2024

Montage LDDLO mon age d'or

Norbert Gabriel

Nicolas Jules en trio : interview puzzle

9 Fév

Nicolas Jules en trio : interview puzzle

[Contexte : Je devais faire une interview de Nicolas Jules, Roland Bourbon et Frédéric Jouhannet, qui passaient en concert dans mon bled. J’avais pour cela une série de questions assez pointues et néanmoins ludiques, un enregistreur et un peu le trac.
Une fois l’enregistreur posé au milieu de la table, il a refusé de fonctionner.
Ce qui suit est donc le résultat d’une prise de notes effrénée et émue, d’une relecture et d’une ré-écriture à l’avenant. Spécial.]

L’autre jour j’ai dit à ma collègue :

  • «  Aujourd’hui je pars une heure plus tôt, parce que, ce soir, j’ai un concert.
  • Tu vas voir qui ?
  • Nicolas Jules.
    Ah ? Je ne connais pas : c’est quoi comme genre ? »

Foutue question.

carnaval
Nicolas Jules c’est un gars qui fait des chansons. Il les interprète sur scène et les enregistre sur des disques. Ça fait à peu près 30 ans que ça dure. Il en est à 10 albums (et un live). Le 11eme devrait sortir prochainement.
Il chante en français et s’accompagne à la basse ou à la guitare, ce qui lui permet de jouer à peu près partout : théâtres, salles des fêtes, festivals, bars ou ton salon.
Parfois il joue avec d’autres musiciens, dont le point commun est d’être excellent.
Par exemple Roland Bourbon.
Roland Bourbon est percussionniste, un sacré percussionniste, que dis-je, un seigneur. Il a des poils soyeux sur le torse, qu’il partage volontiers, un panel d’expressions assez large allant de l’écorcheur fou au poussin abandonné. Il joue avec Nicolas Jules depuis des lustres, d’où une complicité musicale et scénique exceptionnelle.
Sur le dernier album – Carnaval sauvage, disponible ici (clique, tu vas voir, c’est très bien fait) – il y a aussi Frédéric Jouhannet.
Frédéric Jouhannet vient de Rouen et joue des violons. Il leur fait d’ailleurs des choses que je ne me risquerais pas à décrire, mais les violons sont consentants. Si le duo basse/ batterie garantit la structure, Frédéric Jouhannet est l’électron libre du trio, à la fois soliste et orchestre de chambre, coloriste, faiseur de nappes, créateur d’ambiance.

A propos d’ambiance et de liberté : le spectacle ne fait pas l’objet d’une mise en scène, d’une direction ou d’un regard extérieur. Il est le sujet de discussions, évolue au fil des improvisations et en fonction du public. Les musiciens ont été choisis pour ce qu’ils sont, ce qu’ils aiment faire et ce qu’ils savent faire. Il est donc de mise de s’amuser un max. En cas de doute, c’est «le patron qui tranche », avec une subjectivité assumée, que ce soit dans le choix des instrumentaux sur les albums ou la façon d’adapter une chanson à la scène.

Je pourrais continuer comme ça pendant des pages (si, je te jure : je pourrais), mais je crois que tu ne serais pas plus avancé. Ce que je te conseille, c’est d’aller voir son site officiel,  sa chaîne youtube, ou  (page facebook). Tu y trouveras des extraits de concerts, des photos filmées par Thibaut Derien, et des vrais courriers manuscrits qui te parleront du prochain album. Tu te diras « Mazette » (ou un autre terme si tu n’es pas adepte du mazette) : « Je n’ai vu ça nulle part ailleurs ».
Et là, tu vois, tu auras le début de la réponse à ta question.

Will Ferris

Tout le monde il est Jean Yanne…

8 Fév

1-P2110022visuel-Jeanyanne-uai-720x961C’est le retour de la diva extravertie, qui est en scène le métissage réussi de Memphis Slim et Chopin pour le piano, et de Betty Boop et Joséphine Baker pour l’expression , et qui continue ses shows de théâtre musical avec une maestria toujours épatante. Anne Cadilhac est en couple avec Eric Perez, et dans l’oeuvre éclectique de JeanYanne ils ont créé une musicale comédie de poche particulièrement vitaminée extrait : —> https://youtu.be/46zSovj-5gU Lire la suite