Alfée Compagnie (2)

21 Oct

Autour de la table, les esprits s’évadent, partagent, sourient. Comment définir ? Quels mots ?
Comme un jeu.
Agathe Elieva est là, chez elle,  Syn-Anton, Hum Toks… et le reste de la bande.
Un jeu, des couleurs, des regards. Quelques sons. Toupetitou fait retentir le piano. Rejoint la harpe : gling, gling…
Repart vers le piano : clang, clang…
Sommes ensemble, sommes ailleurs. Sommes dix, ce soir-là. Comme les deux mains.
Nous penchons sur Alfée. Alfée Compagnie.
Comment dire ? Quels mots ?

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(suite de l’interview d’Agathe Elieva,
présentation de l’Association « Alfée Compagnie »)
Début de l’interview, à lire ici : Alfée Compagnie (1).

Hum Toks : Comment travailles-tu ? Comment travaillez-vous ?

Agathe : Notre travail est conçu comme un véritable prolongement artistique, intimement lié à la création. Créations où chacun peut, malgré/avec ses différences, découvrir, écouter, transmettre, partager.

A l’intérieur de cadres d’improvisations, de jeux, de manipulations, on apprend à écouter, à s’exprimer (vocalement, physiquement, émotionnellement…), à évoluer au sein d’un groupe. Je m’adapte aux différents handicaps, humeurs du jour, histoires personnelles, j’improvise beaucoup, ai tous les outils en tête pour espérer leur faire les meilleures propositions possibles afin de leur apporter ce dont ils ont besoin, toujours dans un souci de cohérence artistique. Une séance peut être ainsi construite autour d’un thème musical, un rythme, un parcours sonore, une improvisation instrumentale, des jeux corporels etc.

Il y a quelques rituels indispensables à notre temps commun : nous recréons notre espace dans la grande salle impersonnelle avec un tissu que nous installons/désinstallons ensemble, une comptine/ronde/chanson au début et à la fin, toujours la même par saison.

Il s’agit donc d’un travail de découverte, d’essais, d’expérimentation et d’échanges, afin de transmettre le plaisir de faire et de créer. Il n’y a pas d’obligation de résultat, c’est une des conditions de la collaboration : nous savons bien qu’il faut du temps pour chaque chose. Il ne s’agit pas d’exercer une pression quelconque ou de faire croire que nous ferons comme. Cela n’a pour moi aucun intérêt dans notre travail artistique. Nous appelons ces ateliers des performances car il s’agit d’un temps improvisé, où nous recréons l’instant avec les outils que nous expérimentons à chaque séance.

« Alfée » ©Leslie Tychsem

 

Hum Toks : Que dirais-tu des enfants, des adultes avec lesquels tu travailles ? Comment vivent-ils ces moments ? Quelle réception ? Que créent-ils ?

« Bleue » ©Agathe Elieva

Agathe : Ils ont tous hâte d’en voir la fin… et poussent de gros soupirs de soulagement. Non je plaisante, évidemment. L’humour… voilà une donnée importante dans ma relation à eux. Capitale. J’ai eu mes plus grands fous-rire professionnels avec un jeune polyhandicapé qui ne parlait pas et malgré cette absence de mots, les idées et l’humour passaient de façon parfaitement compréhensible. C’est souvent cette relation que j’installe qui étonne les adultes avec lesquels je travaille, ainsi que mon exigence artistique. Il y a toujours deux ou trois personnes de l’équipe (éducateurs spécialisés, infirmiers, orthophonistes, etc.) qui participent aux ateliers. Ils apprennent en même temps que les enfants, ce qui induit un nouveau rapport entre eux. Je crois que nous nous apportons beaucoup grâce aux regards différents que nous avons sur les enfants. N’ayant reçu d’autre formation que ma vie, mon expérience et mes réflexions, mon regard sur eux est artistique et non médical. Ce qui sera perçu comme symptôme par exemple par un infirmier sera pour moi la normalité d’un geste musicien répété, une recherche de son, une expérimentation d’objet sonore. Une normalité d’enfant en plein éveil. Souvent, les enfants, par leur appropriation des jeux, des chants, me surprennent et continuent à m’apprendre. Nous communiquons ainsi, en petits ensembles musicaux. Ils créent leur langage, mettent en sons leur histoire, expriment, par le biais de leur sonorité, leurs douleurs/peurs/affections. D’un même instrument, le guiro par exemple, ils auront tous une manière différente d’en jouer : discrète, maladroite, agressive, assurée ou très fine dans les variations de nuance et de tenue. Tout cela nous permet de créer ensemble. Ils sont heureux, parfois soulagés, parfois tristes aussi. Il y a des larmes salvatrices aussi, comme des rires. Il ne faut pas en avoir peur et savoir les accueillir pour continuer le chemin la séance suivante, ensemble.

Certains personnels ne pensaient pas que les enfants dont ils avaient la charge avaient une notion du temps jusqu’au moment où ils se sont rendus compte que les jeunes les pressaient chaque jeudi pour terminer le repas à l’heure afin d’être prêts pour la musique et mon arrivée.

« Origami » ©Agathe Elieva

 Hum Toks : Autre chose à dire ?

Agathe: Oui. On me demande souvent si je suis musicothérapeute, la réponse est non. J’essaye juste d’être éveillée, à l’écoute, curieuse, musicienne donc. Et puisque tu me permets de le dire ici, j’aurais aimé que les « administratifs » viennent avec nous pendant nos rencontres… Peut-être auraient-ils pris alors la mesure de notre travail — qu’ils rangent souvent dans la catégorie « je peux faire comme vous moi aussi je chante sous ma douche » sans concevoir que la musique en particulier et l’art en général, est un métier avec une fonction, un apport vital dans la société, et dans la construction de l’humain, voire du citoyen en devenir !

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Hum Toks : Alors, l’avenir de l’Association Alfée ?
Agathe : La campagne d’adhésion a débuté… N’hésitez pas à nous rejoindre.
Hum Toks : Merci Agathe.
Interview menée par Hum Toks / E.5131 / Eric SABA

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Alfée Compagnie :
https://www.facebook.com/AlfeeCompagnie

Pour soutenir l’Association, ça se passe là :
Alfée Compagnie

Les travaux de Leslie Tychsem :
http://fricasseepourcamion.tumblr.com/

2 Réponses to “Alfée Compagnie (2)”

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  1. Alfée Compagnie (1) | leblogdudoigtdansloeil - mars 19, 2016

    […] suite de l’interview, c’est là : Alfée Compagnie (2) […]

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  2. …un peu de maison en construction… | alfée compagnie - décembre 26, 2021

    […] * interview en 2 parties dans “leblogdudoigtdansloeil” : Agathe -1 / Agathe -2- […]

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