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Léo Ferré, la mémoire … et Madeleine…

27 Août
Ce portrait a été publié une première fois pour l’anniversaire de Madeleine Ferré, l’année de la publication d’un livre qui a fait pas mal de vagues.

Qui êtes-vous Madeleine ?madeleine ferré 27-08-2016 15-40-33 376x330

Madeleine Rabereau,
épouse Ferré de 1952 à 1973.

Je suis né par erreur en 1916, et une seconde fois le 6 janvier 1950 quand j’ai connu Madeleine.  Léo Ferré

De 1950 à mars 1968, Madeleine Rabereau a été la muse, l’amante, l’aimante – à la folie – d’un des plus formidables créateurs du monde de la chanson. Durant 18 ans, elle accompagne la vie d’artiste du poète maudit devenant poète majeur (au sens reconnaissance publique) Il faut bien entendre « accompagner » dans l’acception la plus large du terme :  … et pour les chansons, elle m’aide beaucoup.  Paris canaille, tenez, c’est elle qui a fait le 3e couplet, et  Vitrines aussi,  j’ai écrit tout en vrac, et elle a arrangé ça. Il faut que ce soit dit.  Léo Ferré à Comédia 20/4/1954

C’est elle qui a fait le découpage du Mal Aimé.  id

C’est ma femme Madeleine qui pendant 6 mois a analysé le poème pour en extraire la distribution. ( à Paris Match 8 juin 1957)

Ce sont les mêmes circonstances pour « L’étrangère », une lecture-découpage-assemblage, et un titre qui n’est pas d’Aragon, mais qu’il a validé.

Dans cet accompagnement où se mêlent intimement toutes les composantes d’une vie de couple passionnel à l’excès, les témoignages sont nombreux pour situer Madeleine comme une partenaire dans l’évolution artistique de Ferré. Témoignages de proches ou déclarations à la presse. Ensuite est venu le temps des orages, et de la ré-écriture de l’histoire, au mépris de la simple évidence, avec la complicité passive de journalistes peu curieux ou trop courtisans. Il est évident que Madeleine n’a pas révélé Ferré, mais elle lui a révélé des capacités auxquelles il ne croyait pas spontanément. Dans l’expression scénique par exemple, quand l’homme assis au piano devient l’homme debout au micro, ce qui va beaucoup mieux aux textes « debout » de Ferré. Les anarchistes, c’est une chanson debout. A tous points de vue.

Il y a aussi l’exemple de Pauvre Rutebeuf, un collage d’extraits de trois poèmes différents extraits des Poèmes de l’infortune, Rutebeuf n’a pas écrit  Pauvre Rutebeuf , stricto sensu. C’est un travail d’arrangeuse textuelle qu’il faut rendre à Madeleine Ferré pour ces années, comme Gainsbourg a été un arrangeur en allant déceler quelques mélodies cachées chez Haydn ou Chopin, ou Beethoven, pour en faire des chansons populaires.  Ce qui est admis pour un arrangeur musical devrait l’être pour un arrangeur textuel.

memoires madeleine 27-08-2016 16-04-11 464x614les yeux de MadeleineDe ces années de création, il reste au moins deux témoignages : Poètes vos papiers un album Odéon de 1956, et Mémoires d’un magnétophone, un livre difficile à trouver, mais qui existe.

Pour le reste : « Il ne faut pas connaître les artistes » Léo Ferré (après une visite chez Ravel)

La vie d’artiste, c’est sur scène que ça se passe, la vie des artistes, c’est la vie privée, il y a eu des livres qui ont raconté ou qui racontent parfois des balivernes, parfois des vérités arrangées ou des vérités dérangées, c’est une autre histoire, leur histoire, quand ça n’apporte rien à la création artistique, laissons les chansons donner leur part de lumière… Et laissons dans l’ombre les histoires d’amour qui finissent mal en général …

Avec le temps,  Avec le temps, va, tout s’en va,
Même les plus chouettes souvenirs, ça t’a une de ces gueules, 

avec le temps, va, tout s’en va…

Cette esquisse de portrait de Madeleine Ferré est étayée par des citations, déclarations, témoignages publiés dans différents médias. Les propos tenus par Léo Ferré, et cités ci-dessus n’ont jamais été démentis, de même que les témoignages de Benoîte Groult, de Paul Guimard, de Catherine Sauvage en particulier. Témoignages figurant dans la biographie Léo Ferré, une vie d’artiste par Robert Belleret, Actes Sud 1996. L’ouvrage biographique le plus complet et le plus sérieux, jamais contesté.

Madeleine Rabereau est morte le 24 mai 1993,  Léo Ferré ne l’a pas su,  ça lui aurait fait un choc, selon son neveu. A noter qu’après leur séparation, et jusqu’à la mort de Madeleine, Léo Ferré et ses héritiers ensuite ont versé régulièrement une « pension » à Madeleine Rabereau.

Norbert Gabriel