Archive | mars, 2024

Concert de sortie de l’album « Rendu les armes » de Julie Lagarrigue à Cenon

21 Mar

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Dimanche 10 mars avait lieu, au Rocher de Palmer de Cenon en Gironde, le concert de sortie de l’album « Rendu les armes » de Julie Lagarrigue, album doublé d’un second disque « Julie chante Nicolas Jules », mais dont un seul titre, « Celui qui n’a rien » fut joué lors du rappel, la chanteuse se consacrant principalement à présenter au public ses nouvelles chansons.

Capture d’écran 2024-03-06 135416La soirée célébrait aussi la clôture des quatre journées du festival « Drôles de Piafs », né à l’initiative de l’artiste, et soutenue par Cyrille Cholbi (structure Cholbiz), qui a offert, aux étudiants de Licence de Musicologie de l’université Bordeaux III Michel de Montaigne, l’opportunité de partager des scènes avec des artistes alternatifs de chanson francophone (Doclaine, Dimone, Tiou, Jur et Boule). On peut saluer le courage de l’engagement des différents acteurs impliqués dans le projet, pour faire vivre la Chanson et permettre à de jeunes auteurs-compositeurs-interprètes de rencontrer artistes aguerris et publics, avec qui ils ont partagé des moments intenses, comme l’an passé, lors de la première édition, et la beauté du geste de résistance que constitue leur investissement, tant personnel que financier (à pertes) dans cette aventure, l’aventure de la richesse des rencontres et des partages qui créent la poésie d’un moment et esquisse celles d’horizons à venir. A en juger par l’adhésion du public, nul doute que demeure et se ravive la conscience de combien il est précieux, par ces temps sinistres et artistiquement appauvris, que se dressent de tels partisans du soutien à la créativité, et des chemins de traverse possibles, aussi jonchés de ronces soient-ils, contre l’idée que l’industrie classique du disque et le show-business ultra-médiatisé sont les seules voies possibles pour que des artistes puissent partager ce qu’ils ont à offrir.

IMG_5449Aussi c’est par deux de ses élèves que fut assurée la première partie de Julie Lagarrigue, Mathilde Chatin et Andoni Martiquet, qui choisirent, après avoir interprété chacun certaines de leurs propres chansons, de reprendre ensemble son titre « La mer est immense ». L’artiste, émue de cette reprise, la chanta à son tour lors de son tour de chant.

« Dis, c’est quand, avec ton piano noir, que tu nous amènes ? » aurait-on pu osé, tant la salle comble attendait avec impatience les nouvelles compositions de Julie Lagarrigue. L’entrée en matière au cœur des morceaux de l’album n’allait pas tarder. Et pour ce faire, l’artiste, tantôt au piano, tantôt à la guitare, avec ou sans harmonica, avait choisit d’être accompagnée des musiciens Thomas Labadens à la guitare et batterie, Edouard Lhoumeau au doudouk, et Marc Mouches en saxophone additionnel pour un final en fanfare avec « La plume », Franck Leymeregie, percussionniste du précédent album, « La mue du serpent blanc », venu rallier la troupe pour l’occasion de ce concert, ainsi que d’Amrit Douqué, vocaliste, mime et danseuse, pour un spectacle musical et visuel auquel l’audace de cette originalité donnait un dynamisme accrocheur.

IMG_5465Une mise en scène imaginée avec goût, cet intrépide et avide goût de l’étrange qui pigmente et pimente de façon intrigante la sobriété, la mélancolie, l’humour ou la tendresse de l’œuvre de Julie Lagarrigue depuis ses débuts. L’artiste avança donc les morceaux de « Rendu les armes » à travers un espace temporel à envahir, bouleverser, et ensemencer d’émotions, dans lequel les notes et les mots semblaient si fertiles et pertinents qu’on sentait à peine glisser les minutes de ces deux heures suspendues comme un éphémère devenu éternité, avant de nous rendre à la réalité d’un éphémère déjà trop vite passé.

IMG_5412Seuls trois anciens titres osèrent s’immiscer dans le tour de chant tout neuf, « Le tango des squelettes », « La mer est immense », et « Léon qui gronde » en rappel, en l’honneur du vigneron artisan Norbert Depaire, dont la cuvée Léon qui Gronde, est l’objet de l’ode composée par Julie Lagarrigue, et qui était venu pour l’occasion, offrir aux auditeurs, après le concert, une dégustation de ses vins. L’initiation de la jeunesse à la Chanson connut un écho particulièrement émouvant au creux même du concert de la chanteuse, dont la jeune fille, vint rejoindre sur scène sa maman pour interpréter, avec timidité, mais courage, la chanson qu’elle même a écrite, « C’est la vie qui coûte cher ».

Le ravissement du public découvrant les chansons de l’album avec cette atypique et cocasse mise en scène visuelle le laissa conquis, et incapable de se hâter à quitter les lieux, la dégustation vigneronne offrant l’occasion de se prolonger, autour d’un verre et avec des échanges d’impressions, « la joie ou le chagrin que ce genre de frisson procure », encore dans ce moment, dont aucun ne souhaitait s’arracher à l’atmosphère chaleureuse, presque familiale. Et on se dit qu’il serait parfait qu’il en soit toujours ainsi avec la Chanson. On mentirait, si on n’le disait pas…

Les dates à venir sont indiquées ici : https://julielagarrigue.com/agenda/

Liens : site : https://julielagarrigue.com/

Facebook : https://www.facebook.com/julielagarrigueofficiel

Miren Funke

Les funambules de la résistance chanson, le PIC et Michèle Bernard

11 Mar

 

Ils sont de la tribu des saltimbanques, pas toujours dans la lumière, la tribu des horticulteurs de la fine fleur de la chanson, des orpailleurs résolus, dans la lignée de La Colombe, l’Echelle de Jacob, des Trois Baudets, du Cheval d’Or, de l’Ecluse, de la Fontaine des 4 Saisons, et quelques autres, on les retrouve au PIC* qui a succédé au FLF** et 30 ans de programmations affinées comme ces vins de vignerons exigeants et discrets..

Michèle Bernard PIC reduitDans ses programmations inventives le Petit Ivry Cabaret a invité pour deux soirées Michèle Bernard, une artiste qui a exercé son art dans presque tous les domaines de la scène francophone, spectacles en duo, en solo, avec des choeurs de femmes – et un petit orchestre forain- des tours de piste avec cirque et spectacles jeune public; la carte de visite de Michèle Bernard c’est la déclinaison d’une vie de saltimbanque tout terrains, le kaléïdoscope de ses chansons c’est l’inventaire de tous les désordres et toutes les tendresses pour supporter ces désordres. Dans cette nouvelle tournée « Miettes » Michèle Bernard est accompagnée par Pascal Berne, Nico Frache et David Venitucci.

Et c’était en harmonie avec ce que propose l’équipe du PIC, menée avec brio par Sélina Casati et Patrice Mercier et leurs compagnons de route dans cette nouvelle aventure. Si vous ne connaissez pas le PIC, je n’ose y croire c’est par là → https://petitivrycabaret.fr/

Michèle Bernard est une chroniqueuse de la vie, drôle, tragique, caustique, engagée selon ce que disait Camus il y a plus de 60 ans, «  l’artiste, qu’il le veuille ou non, est embarqué. Embarqué me paraît ici plus juste qu’engagé.. » Et dans la bourlingue de la vie, on navigue parfois à contre courant pour créer envers et contre tout, car seuls les poissons morts suivent le courant . Proverbe séminole.

Si vous ne connaissez pas bien Michèle Bernard suivez le guide → https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2023/10/12/michele-bernard-quand-vous-me-rendrez-visite/

* PIC = Petit Ivry Cabaret

** Forum Léo Ferré

Norbert Gabriel

Concerts « Drôles de piafs » en Gironde du 07 au 10 : Julie Lagarrigue, Doclaine, Boule, Tiou, Dimoné, et les étudiants de Licence « Musiques actuelles, Jazz,et Chanson »

6 Mar

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Cette fin de semaine, du 7 au 10 mars, quelques scènes bordelaises auront la chance de découvrir les concerts « Drôles de piafs », organisés à l’initiative de Julie Lagarrigue, avec le concours d’autres artistes de chanson francophone, notamment Nicolas Jules, et, cette année, Boule, Tiou, Jur, Dimoné et Doclaine [ici], et des étudiants de Licence « Musiques actuelles, Jazz et Chanson » du département de musicologie de l’université Michel de Montaigne Bordeaux III, seule Licence de Chanson en France, avant que la semaine se clôture par le concert de sortie du dernier double album de la chanteuse « Rendu les armes/ Julie chante Nicolas Jules » au Rocher de Palmer, dimanche 10 mars [https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2024/02/13/entretien-avec-julie-lagarrigue-pour-la-sortie-du-double-album-rendu-les-armes-jules-chante-nicolas-jules/%5D.

« Drôles de piafs » qui a pour propos l’organisation de rencontres entre étudiants en musicologie et artistes indépendants du métier, pour ouvrir des perspectives en marge du système industriel de la musique, réitère donc l’expérience de l’an passé, en conviant le public à venir découvrir des artistes d’ailleurs et encourager des échanges générationnels, en dépit de obstacles et des périls, tant s’impliquer pour promouvoir l’expression artistique alternative et soutenir des auteurs-compositeurs-interprètes peu connus ou encore anonymes est un engagement auquel peu, de moins en moins, y compris dans les réseaux associatifs alternatifs, se risquent. L’existence de ces initiatives, pourtant indispensables au frémissement de la créativité et à la survie de la Chanson, qui embellissent les moments de partage et enrichissent la vie culturelle, mais qui se raréfient, principalement pour raison budgétaire, puisque souvent ceux qui les portent y perdent beaucoup pour n’y gagner rien d’autre que la satisfaction d’avoir contribué à propager de la poésie, étant grandement menacée, leurs organisateurs et participants comptent sur la curiosité et le sens citoyen du public pour venir massivement soutenir les concerts.

Les billets sont en pré-vente via la plateforme Halloasso de Julie Lagarrigue/Le vélo qui pleure ici : https://www.helloasso.com/associations/le-velo-qui-pleure/evenements/droles-de-piafs-2024

Et l’artiste a tenu à nous en parler un peu il y a peu de temps.

– Julie, bonjour et merci de cet entretien. Peux-tu expliquer en quoi consiste les programmes que tu réalises avec ces étudiants ?

Avec le temps, je me suis dit que ce serait bien de montrer aux étudiants ce que c’est que le véritable métier de terrain, en pratique, et leur montrer aussi qu’on peut être musicien, sans rentrer dans le show-biz, que ça existe d’être intermittent du spectacle et de bosser, sans être reconnu, comme font plein qu’on connaît. Ce n’est plus la même époque ; on est largués, nous : les étudiants musiciens qui ont vingt ans sortent des EP, font beaucoup de productions, se servent des outils modernes. Donc l’année dernière, je les ai faits venir pour un mini-festival, et je leur ai fait travailler des reprises de Nicolas Jules, Nicolas Moreau et Boule, puisqu’on travaillait sur l’interprétation. Ils ne comprenaient pas très bien à quoi servait de faire toutes ces reprises. Après j’ai fait venir les artistes, et on a délocalisé les cours au Cerisier. Chaque jour, les artistes venaient, ils avaient carte blanche, et on a fait un master-classe rencontre. Et le soir les étudiants jouaient en première partie des artistes, avec les reprises des artistes en question. Le tourneur Cyrille Cholbi (Cholbiz Production) a investi financièrement pour assurer le salaire des artistes. Et puis c’est intéressant de faire connaitre l’association Rock et Chansons de Talence aux étudiants, car elle propose des lieux de répétition et studio d’enregistrement accessibles.

– Comment les étudiants ont-ils appréhendé ce travail ?

Les étudiants y sont allés à reculons, car ils ne savaient pas du tout ce qui les attendait. Mais ils ont pleuré à chaudes larmes en sortant du spectacle de Boule. Ils m’ont dit au final qu’ils avaient compris qu’être artiste, c’est beaucoup de travail. Donc je me suis dit que ce n’était pas si mal déjà. Car je n’ai invité que des artistes indépendants, qui leur ont raconté comment ils faisaient, y compris leur com, leurs pochettes d’album. Donc ils ont compris que c’était beaucoup de travail, et aussi que c’était quand même superbe de voir des artistes sur scène, car c’est une génération, qui, avec le covid, n’est pas beaucoup sortie voir des spectacles. Financièrement évidemment, ce n’est pas du tout rentable de faire cela, mais comme les étudiants étaient si enjoués, et que là, ils sont en dernière année, j’ai proposé de recommencer cette année, mais pour qu’ils chantent leurs propres compositions. On a donc fait une collaboration avec Rock et Chanson, à Talence. Boule revient en trio, et en première partie il y aura Doclaine, et Tiou, et Dimoné. Ce sera le 8 mars. Il faut vraiment qu’on arrive à remplir la jauge, car c’est le seul moyen de rentrer un peu de finances. Et je clôturerai la fin de la semaine, dimanche 10, avec ma sortie d’album au Rocher de Palmer, et deux ou trois étudiants que je vais choisir, avec Norbert, le vigneron que tu connais, qui viendra offrir un verre de ses vins de Château Courtney pour dégustation.

– Donc, l’ode que tu avais composé, en hommage à son vin, « Léon qui gronde » sera-t-elle de mise ?

Oui. Il faut qu’on bosse « Léon qui gronde ».

– Plus globalement quelles autres conséquences bénéfiques ont ces rencontres à tes yeux ?

Les jeunes composent et produisent beaucoup, mais il est vrai qu’ils n’écoutent pas tant que ça de références, dans le patrimoine de la Chanson. C’est pour cela que j’ai voulu leur faire travailler l’interprétation, parce que je trouve qu’avant d’écrire une chanson, c’est bien d’apprendre à interpréter une chanson comme elle a été écrite : tu ne poses pas trop des questions d’auteur, tu ne remets pas en cause le texte, tu ne doutes pas. Tu apprends la chanson, et après, tu la mets à ta sauce. J’adore ce travail. Les faire travailler sur leurs propres compositions est très délicat, car tu ne peux pas leur faire retoucher leur texte. Souvent ils parlent de choses qui leur sont très intimes ; donc c’est difficile de suggérer des changements. Mathilde Châtin par exemple que j’ai choisi pour ma première partie veut travailler ma chanson « La mer est immense ». Et je pense que c’est très encourageant aussi pour les artistes qui viennent, d’être découverts, chantés et repris par des étudiants. Ils en étaient super touchés. Et puis faire venir des artistes dans la région est une manière d’amorcer des échanges et faire découvrir à des gens qui viennent de loin des chanteurs d’ici et vice versa.

– C’est une prise de risque que très peu, de moins en moins même, d’associations consacrant pourtant leurs efforts à permettre à des artistes alternatifs de s’exprimer, osent. Elles font pourtant un travail dévoué et nécessaire, et la scène locale serait bien morose sans cela ; mais concrètement l’évolution des dernières années laissent le sentiment que de plus en plus, même chez les alternatifs, ce sont toujours les mêmes qui passent et repassent, que les réseaux sont hermétiques, et hélas les prises de risque se raréfient.

En même temps tu comprends vite qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas trop moyen de prendre des risques. Nous avons à L’Inconnu, soixante places assises. Pour un concert solo, il faut compter trois cent euros par tête de technicien, donc déjà six cent euros la soirée, sans avoir payé le tourneur, l’hôtel, ni personne, sans compter les frais de la Sacem à régler. Cela fait que si tu fais une entrée à dix euros, en remplissant les soixante places, tu es forcément perdant. On ne peut pas organiser autre chose que des concerts solo. C’est très problématique. Cholbiz a investi à perte l’an passé là dedans. Je n’ai rien à y gagner ; je vais même y perdre. C’est vraiment pour promouvoir l’expression des artistes qu’on fait cela. Donc je comprends que les associations de spectacle ne prennent pas de risque. C’est déjà bien qu’elles arrivent à continuer et survivre. Le seul moyen qu’on s’en sorte à peu près bien, c’est d’arriver à relayer un maximum de com, pour remplir la salle.

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Miren Funke

Lien : https://www.helloasso.com/associations/le-velo-qui-pleure/evenements/droles-de-piafs-2024