Dimanche 10 mars avait lieu, au Rocher de Palmer de Cenon en Gironde, le concert de sortie de l’album « Rendu les armes » de Julie Lagarrigue, album doublé d’un second disque « Julie chante Nicolas Jules », mais dont un seul titre, « Celui qui n’a rien » fut joué lors du rappel, la chanteuse se consacrant principalement à présenter au public ses nouvelles chansons.
La soirée célébrait aussi la clôture des quatre journées du festival « Drôles de Piafs », né à l’initiative de l’artiste, et soutenue par Cyrille Cholbi (structure Cholbiz), qui a offert, aux étudiants de Licence de Musicologie de l’université Bordeaux III Michel de Montaigne, l’opportunité de partager des scènes avec des artistes alternatifs de chanson francophone (Doclaine, Dimone, Tiou, Jur et Boule). On peut saluer le courage de l’engagement des différents acteurs impliqués dans le projet, pour faire vivre la Chanson et permettre à de jeunes auteurs-compositeurs-interprètes de rencontrer artistes aguerris et publics, avec qui ils ont partagé des moments intenses, comme l’an passé, lors de la première édition, et la beauté du geste de résistance que constitue leur investissement, tant personnel que financier (à pertes) dans cette aventure, l’aventure de la richesse des rencontres et des partages qui créent la poésie d’un moment et esquisse celles d’horizons à venir. A en juger par l’adhésion du public, nul doute que demeure et se ravive la conscience de combien il est précieux, par ces temps sinistres et artistiquement appauvris, que se dressent de tels partisans du soutien à la créativité, et des chemins de traverse possibles, aussi jonchés de ronces soient-ils, contre l’idée que l’industrie classique du disque et le show-business ultra-médiatisé sont les seules voies possibles pour que des artistes puissent partager ce qu’ils ont à offrir.
Aussi c’est par deux de ses élèves que fut assurée la première partie de Julie Lagarrigue, Mathilde Chatin et Andoni Martiquet, qui choisirent, après avoir interprété chacun certaines de leurs propres chansons, de reprendre ensemble son titre « La mer est immense ». L’artiste, émue de cette reprise, la chanta à son tour lors de son tour de chant.
« Dis, c’est quand, avec ton piano noir, que tu nous amènes ? » aurait-on pu osé, tant la salle comble attendait avec impatience les nouvelles compositions de Julie Lagarrigue. L’entrée en matière au cœur des morceaux de l’album n’allait pas tarder. Et pour ce faire, l’artiste, tantôt au piano, tantôt à la guitare, avec ou sans harmonica, avait choisit d’être accompagnée des musiciens Thomas Labadens à la guitare et batterie, Edouard Lhoumeau au doudouk, et Marc Mouches en saxophone additionnel pour un final en fanfare avec « La plume », Franck Leymeregie, percussionniste du précédent album, « La mue du serpent blanc », venu rallier la troupe pour l’occasion de ce concert, ainsi que d’Amrit Douqué, vocaliste, mime et danseuse, pour un spectacle musical et visuel auquel l’audace de cette originalité donnait un dynamisme accrocheur.
Une mise en scène imaginée avec goût, cet intrépide et avide goût de l’étrange qui pigmente et pimente de façon intrigante la sobriété, la mélancolie, l’humour ou la tendresse de l’œuvre de Julie Lagarrigue depuis ses débuts. L’artiste avança donc les morceaux de « Rendu les armes » à travers un espace temporel à envahir, bouleverser, et ensemencer d’émotions, dans lequel les notes et les mots semblaient si fertiles et pertinents qu’on sentait à peine glisser les minutes de ces deux heures suspendues comme un éphémère devenu éternité, avant de nous rendre à la réalité d’un éphémère déjà trop vite passé.
Seuls trois anciens titres osèrent s’immiscer dans le tour de chant tout neuf, « Le tango des squelettes », « La mer est immense », et « Léon qui gronde » en rappel, en l’honneur du vigneron artisan Norbert Depaire, dont la cuvée Léon qui Gronde, est l’objet de l’ode composée par Julie Lagarrigue, et qui était venu pour l’occasion, offrir aux auditeurs, après le concert, une dégustation de ses vins. L’initiation de la jeunesse à la Chanson connut un écho particulièrement émouvant au creux même du concert de la chanteuse, dont la jeune fille, vint rejoindre sur scène sa maman pour interpréter, avec timidité, mais courage, la chanson qu’elle même a écrite, « C’est la vie qui coûte cher ».
Le ravissement du public découvrant les chansons de l’album avec cette atypique et cocasse mise en scène visuelle le laissa conquis, et incapable de se hâter à quitter les lieux, la dégustation vigneronne offrant l’occasion de se prolonger, autour d’un verre et avec des échanges d’impressions, « la joie ou le chagrin que ce genre de frisson procure », encore dans ce moment, dont aucun ne souhaitait s’arracher à l’atmosphère chaleureuse, presque familiale. Et on se dit qu’il serait parfait qu’il en soit toujours ainsi avec la Chanson. On mentirait, si on n’le disait pas…
Les dates à venir sont indiquées ici : https://julielagarrigue.com/agenda/
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Miren Funke