L’étranger…

27 Nov

                                  

             L’autre est un homme non pas dans, mais malgré sa différence. 

(Claude Levi Stauss).

Et l’autre peut habiter en nous-même.

Appréhender l’autre, l’identifier, le différencier, attester qu’il existe, s’enrichir de ses différences, même si il vient heurter notre ego, se confronter à l’étrangeté du monde, nous sommes tous l’étranger de quelqu’un :   Au rebours du commun, on reçoit plus facilement la différence que la ressemblance en nous.  ( Montaigne).

De la nostalgie d’Un américain à Paris, Gershwin, qui rêve de son pays natal, à Mamadou, le citron pressé de François Béranger, en passant par Lily de Pierre Perret, qui vient de son plein gré vider les poubelles à Paris,  l’étranger à qui l’auvergnat a donné quatre bouts de pain, quand dans sa vie il faisait faim,  ( Brassens ), de Sarah, une petite fille Comme toi, ( Jean-Jacques Goldman ) :

C’était une petite fille sans histoires et très sage 
Mais elle n’est pas née comme toi ici et maintenant ,

de L’italien de Reggiani, qui a trouvé ses allumettes dans une rue du Massachussetts, des immigrés de Marc Robine : Ils ne parlent pas mon langage / Viennent d’Espagne ou d’Algérie / C’est pas par plaisir qu’ils voyagent...

 

à ce pauvre paysan / Qui cultivait depuis longtemps / Son tout petit lopin de terre, chassé de partout, et qui est mort avec son seul trésor, une étoile d’or :

 

Du pied-noir qui doit quitter le pays où il est né : Adieu mon pays, Enrico Macias, à Federico Garcia Lorca qui n’atteindra jamais Grenade, ( Jean Ferrat ), ou Le polonais qui traîne encore son vieux chagrin ( Jean Ferrat ), Mon pote le gitan de Mouloudji, qui est un gars curieux, de tout temps, cet étranger a inspiré les auteurs, les poètes, les chansonniers.

L’étranger de Camus, celui qui est étranger à son sort, indifférent au monde, parce que le monde est indifférent à son égard.

L’étranger de Baudelaire, chanté par Léo Ferré, montre le désarroi d’un homme qui n’ a que la beauté de la nature pour seule famille, pour seule patrie. Les violons de la mélodie accentuent ce désarroi.

Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? 
 J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !

 

Ce même poème, peut-être encore plus poignant, sans musique, par  Jean Babilée :

 

Léo Ferré qui a aussi chanté Les étrangers, avec toujours une très belle orchestration.

 

Quand la mer se ramène avec des étrangers 
Homme ou chien c’est pareil on les r’garde naviguer 
Et dans les rues d’Lorient ou d’Brest pour les sauver 
Y a toujours un marin qui rallume son voilier.

 

Et avec Ivry Gitlis au violon :

 

Il a aussi chanté L’étrangère d’Aragon

 

La version éblouissante d’Yves Montand :

 

 

Comme un étranger dans la ville de Gilles Marchal décrit un homme perdu dans une ville étrangère :

 

Harry Nilsson et Gilles Marchal

 

La version d’Eddy Mitchell, plus blues :

 

La version originale par Fred Neil :

 

 

Un poème de Prévert,  porte-parole des sans noms, des opprimés, des migrants, des mal aimés, Hommes de pays loin / Cobayes des colonies  / apatrides d’Aubervilliers / Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel / Brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris  / Vous êtes de la ville / Vous êtes de sa vie / Même si mal en vivez / Même si vous en mourez   et hélas toujours d’actualité, Etranges étrangers, a été mis en musique et interprété par de nombreux artistes.

Ici, Prévert lui-même, accompagné par Henri Crolla :

 

Une version très touchante, juste accompagnée de percussions de André Minvielle :

 

Poème dit, accompagné à la guitare, avec Yasmina qui danse, par Les Rim’ailleurs :

 

Une très belle version par le groupe féminin Evasion :

 

Très simplement dit par Tété, chanteur français né à Dakar, avec une intro au piano, et quelques chants d’oiseaux :

 

L’exilé de Bernard Lavilliers, sur des musiques tropicales :

Juste un homme parmi les hommes tout seul dans Paris 
Plus rester, plus partir, plus rêver, en finir 
Naufragé solitaire exilé volontaire.

 

L’étranger  paroles de Robert Malleron, musique de Marguerite Monnot, par Damia :

 

Ou par Edith Piaf :

 

L’étranger de Léonard Cohen, celui qui veut échanger le jeu auquel il joue contre un refuge, et reprise en français par Graeme Allwright :

 

L’étranger au paradis, chanson qui provient de la comédie musicale Kismet, de Robert Wright et Georges Forest, sur une mélodie inspirée des danses polovtsiennes de Borodine.

Stanger in paradise, ici chantée par Naren Santayana :

 

Une des meilleures  versions est celle de Tony Bennett :

 

Chantée en français par Luis Mariano :

 

Ou Dario Moreno :

 

La version qui a été propulsée sur les ondes, en 1955, et lancé définitivement la carrière de Gloria Lasso :

 

L’étranger de Gerald de Palmas :

 

 

Un très beau poème d’Aragon sur la fragilité, la précarité de vivre, devenir étranger à soi-même : J’arrive où je suis étranger,

Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger,

Mis en musique par Jean Ferrat :

 

Reprise par Raphaël :

 

 

La chanson, tube de l’été 1966, qui a fait l’objet d’un imbroglio judiciaire, Strangers in the night, de Kaempfert possède en effet 22 accords de Magic Tango de Philippe Gérard, par Frank Sinatra :

 

Une version plus jazzy de Matt Monro :

 

 

Alors, où aller pour ces étrangers qui fuient la misère, la guerre, les dictatures :

Où aller ? Où aller / Je ne sais pas où aller, chante l’ivoirien Tiken Jah Fakoly :

J’ai vendu mon bateau
Ici, il n’y a plus de poisson
Et j’ai vendu mon âme
Il n’y avait plus d’espoir
J’ai vendu ma femme,
Mon amour, mes enfants
Pour ne pas mourir à mon tour. :

 

Tiken Jah Fakoly qui chante aussi Ouvrez les frontières :

 

 

Alpha Blondy ne mâche pas ses mots pour dénoncer le racisme : Sale racisme

 

 

Armée française :

 

 

Où aller pour les sans papier ?

Sans papier,
Je suis sans papier
Sans papier
Je suis sans papier.

Tu es venu chez moi
Tu as racheté ma terre
Tu as tout pris chez moi
Tu m’as arraché ma terre
Je n’ai plus rien chez moi 
Je viens chercher sur ta terre
Tu me rejettes chez toi, 
Je suis exclu sur ta terre… Chante Meiwei

 

Hélas, on ne choisit pas l’endroit où l’on naît,  comme le chante Maxime Le Forestier, Etre né quelque part, c’est toujours un hasard :

Pourtant, comme l’affirme HK et les saltimbanques, nous sommes tous citoyens du monde !

 

Beaucoup de chansons de colère, de désespoir, d’appels au secours, quelques unes plus angéliques ou optimistes, mais c’est l’espoir qui tient debout les rêveurs, les utopistes.

Croyez-vous qu’il soit possible d’inventer un monde
Où il n’y aurait plus d’étranger ?

 

C’est par cette chanson de Pauline Julien, qui a quitté ce monde il y a 20 ans, en 1998, parce qu’elle ne pouvait plus chanter, que je conclus ce tour d’horizon, mais ce n’est pas une fin en soi, si vous avez envie de rajouter des chansons sur ce sujet, il doit y en avoir beaucoup plus…

Danièle Sala

 

 

10 Réponses vers “L’étranger…”

  1. L'Ornitho novembre 27, 2018 à 14 h 24 min #

    Je pense aussi à « l’Exilé » de Serge Reggiani.

    Belle thématique.

    Aimé par 1 personne

  2. leblogdudoigtdansloeil novembre 27, 2018 à 15 h 18 min #

    Le thème n’est peut-être pas en rapport direct, mais j’ai toujours entendu cette chanson de Leonard Cohen comme une sorte de poème pour les migrants .. (The Guests)

    One by one, the guests arrive
    The guests are coming through
    The open-hearted many
    The broken-hearted few
    But no one knows where the night is going
    No one knows why the wine is flowing
    Ah love, I need you, I need you, I need you, now
    And those who dance, begin to dance
    Those who weep begin
    Welcome, welcome cries a voice
    Let all my guests come in
    No one knows where the night is going
    And all go stumbling through that house
    In utmost urgency, saying, « Do reveal yourself
    Or why has thou forsaken me? »
    No one knows where the night is going….

    Peut-être grâce au violon de Raffi Hagopian..

    Aimé par 1 personne

    • Danièle Sala novembre 27, 2018 à 15 h 29 min #

      Oui, si on lit les paroles en français, on peut le penser :

      Et ceux qui dansent commencent à danser
      Et ceux qui pleurent commencent
      Bienvenue, bienvenue, crie une voix
      Que mes invités entrent

      Et tous traversent la maison en trébuchant
      Dans une solitude secrète
      Disant, Révèle-toi
      Ou, Pourquoi m’as-tu abandonné…

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  3. leblogdudoigtdansloeil novembre 27, 2018 à 15 h 30 min #

    On peut ajouter aussi l’éternel métèque, ici avec Catherine Le Forestier et Favreau à la guitare..

    Aimé par 1 personne

    • Danièle Sala novembre 27, 2018 à 15 h 38 min #

      Belle version en effet, et même le métèque lui-même, et il y en a tant encore, de quoi faire une suite…

      J’aime

  4. leblogdudoigtdansloeil novembre 27, 2018 à 15 h 44 min #

    Et ce vieux pélerin qui est partout un étranger, ici dans la très belle version de Jean-François Bernardini …

    Aimé par 1 personne

    • Danièle Sala novembre 27, 2018 à 15 h 57 min #

      Ah oui ! Un adepte de la non-violence. C’est lui qui dit avant chaque concert :  » Ne fermez pas la porte  » ! Et il a aussi chanté :  » Ma soeur musulmane ». https://youtu.be/UeaNuqqSrEM

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  5. Olivier novembre 27, 2018 à 16 h 50 min #

    Il y aurait également Kosovo de Michel Bühler, une autre chanson touchante et très humaine, comme à son habitude.

    Sur un trottoir j’ l’ai déposé
    Au moins dix fois m’a dit merci
    À la foule j’ l’ai vu se mêler
    On va sa route on vit sa vie
    Alors tandis qu’il s’éloignait
    À sa place j’ai cru r’voir mon père
    Quand au charbon il s’en allait
    L’été l’hiver
    Ouais tout à coup j’ai r’vu mon père
    Même regard doux mêmes mains
    C’est sûr’ment parc’ qu’on est sur terre
    Un peu frangins

    Aimé par 1 personne

    • Danièle Sala novembre 29, 2018 à 13 h 37 min #

      Merci Olivier pour cette chanson, je l’ai écoutée à Blanzat, à La Muscade, il y a quelques années, dans le cadre des Rencontres Marc Robine.

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