C’était pour la sortie officielle de son nouvel album, Comme si j’avais des Elles ..
Claud Michaud a offert mardi une très belle soirée au cours de laquelle il a interprété des chansons écrites par des femmes et ce fut la redécouverte de ces paroles&musiques, rajeunies, réactualisées, non pas que les versions originelles par leurs auteures soient obsolètes, mais inconsciemment, on les relie à leur année de naissance. Et lorsque Claud Michaud les chante, elles sont d’ici et maintenant. Et elles prennent un relief nouveau. Avec « De la main gauche » marquée par la voix de Danièle Messia, sa touche féminine, son timbre frémissant, un peu voilé, une voix aux nuances violettes*, Claud Michaud apporte sa voix virile de baryton, et pourtant la fragilité est sous-jacente.
Parmi les redécouvertes, il y a La petite fugue écrite à deux mains Catherine et Maxime Le Forestier, et chantée à 3 voix, celle de Claud Michaud, celle de Clélia Bressat-Blum – l’excellente partenaire pianiste- et la voix de son piano, une merveille de musicalité..
Après les chansons de l’album, Claud Michaud prolonge la soirée en guitare voix, avec un bonus très spécial en rappel: Moi mes souliers … en polonais… ça change du joual … ou du ch’ti de nos amis des Hauts de France, nouvelle nomenclature de cette région chère à Christian Camerlynck qui prend le relais dans deux billets dont il nous fit la primeur en début de soirée. Et dans ce moment de prolongations, un de ces petits miracles du spectacle vivant, un sifflement très doux venu de la salle accompagne le chanteur dans un duo spontané, harmonieux et inattendu.. Un vrai moment de grâce …
La chanson art populaire majeur ?
La chanson est peut-être un art mineur, je n’en sais rien et je m’en fiche parce que je sais que c’est le seul art ou on n’a pas forcément besoin d’apprendre le solfège, ou un instrument de musique. La chanson, c’est le plus grand dénominateur commun des arts. Chacun peut se la voler et se la garder rien que pour soi. Bien sur qu’il y en aura d’autres qui chanteront la même chanson mais pas pour les mêmes raisons. Chaque chanson entre, un jour, dans le jardin secret de quelqu’une, de quelqu’un. Une chanson c’est un chant d’amour, mais c’est aussi un cri de colère, un cri de guerre contre le malheur et les souffrances. Les chansons sont des mots dont on se souvient grâce à une mélodie, grâce à une petite musique de nos jours et de nos nuits. Des mots qui nous disent, sans qu’on ait besoin de se raconter.
C’est une berceuse que l’on chante aux autres pour dire : tendresse, douceur, bonheur, vivre.
C’est une berceuse que l’on se chante à soi-même comme un « doudou d’enfant » que l’on serre sur le coeur avant de s’endormir.
C’est une petite chanson que l’on chante pour se donner du courage pour le jour qui nait.
Ce sont musiques et paroles qui s’envolent à la rencontre d’autres musiques, d’autres langues, d’autres cultures.
La gloire des interprètes…
Un interprète c’est quoi ? C’est un voleur de chanson des autres, c’est un usurpateur, un imposteur. C’est aussi un artisan des mots et des mélodies qui écrit, compose des tours de chant, qui fait un patchwork avec les mots des autres et qui, réunissant la chanson d’une telle la marie avec la chanson d’un tel et engendre alors un regard différent. Un regard, une écoute différente. J’ai posé la question à l’ami Bruno Ruiz et il m’a dit : « C’est un serveur qui commence par se servir lui-même » Je suis assez d’accord et il goûte les plats avant de les servir.
Certains même écrivent des spectacles complets, racontent des vies avec les chansons des autres et c’est passionnant. Madame Raymonde (Denis D’Arcangelo), Laurent Viel, Elsa Gelly….)
Qu’auraient été les chansons de Gilles Vigneault, de Ferré sans Catherine Sauvage, les poèmes et chansons de Prévert et Kosma sans Cora Vaucaire, Yves Montand, celles de Debronckart sans Marie Thérèse Orain. Aragon et Ferrat sans Francesca Solleville.
Johnny Hallyday en personne était surtout un interprète. Piaf était une interprète d’abord, elle a écrit des chansons, certaines très célèbres, La vie en rose, pour Marianne Michel, et L’hymne à l’amour, pour elle, mais elle a toujours fait appel à des auteurs multiples pour enrichir sa palette d’interprète, et Colette Renard et Patachou…
Les interprètes sont rarement mis en valeur. Il serait temps d’en parler ils gardent, préservent et font vivre le patrimoine chanson
J’ai entendu Anne Sylvestre dire , « et pourquoi les femmes chantent des chansons écrites par des hommes ?. Aujourd’hui les chansons d’Anne Sylvestre sont chantées par de nombreux interprètes femmes ou hommes et c’est tant mieux.
PS : Demande-t-on à un comédien de réécrire Molière, Shakespeare, Dumas, Feydeau, Courteline, Guitry, NON Alors pourquoi le demander aux chanteurs ?
Christian Camerlynck
Tout est dit et bien dit, et j’ajoute ces vers de Moustaki
Tu me diras que j’ai tort de chanter
La révolution et la liberté,
Que tout cela ne sert à rien,
Que ce n’est pas encore pour demain …
Tu me diras que j’ai tort ou raison,
Ça ne me fera pas changer de chanson,
Je te la donne comme elle est,
Tu pourras en faire ce qu’il te plaît.
Avec la voix des interprètes qui font vivre ces chansons…
Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues..
Last, but not last, dans ses remerciements, Claud Michaud a salué avec chaleur une photographe qui le suit depuis quelques années, Chantal Bou-Hanna dont voici une de ses photos de l’artiste… et pour en voir d’autres, clic sur la guitare.
*Herbert Pagani demandait à ses compositeurs des accords « rouge-orange » des harmonies « jaune d’or.. » et ça marchait..
Norbert Gabriel
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Oui, merci aux interprètes qui rendent les plus belles chansons éternelles, en leur apportant leurs touches personnelles, en les recréant, en les faisant sortir de l’oubli, de génération en génération, comme une grande chaîne toujours renouvelée qui passe de voix en voix. Merci aux goûteurs qui nous les servent, et Claude Michaud a très bon goût !
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