Tag Archives: Willy Ronis

Photo et malentendu ….

17 Mai

Prolégomène : Dans le top 5 des photographes qui m’accompagnent, Willy Ronis, dont l’exigence en matière de photo de reportage ‘engagée’ a toujours été d’une honnêteté rigoureuse, jusqu’ à quitter l’agence qui vendait ses photos, car on respectait pas l’esprit avec des légendes inexactes. Ce qui l’a conduit à s’exiler dans une quasi ruine provençale durant plusieurs années, en raison de la perte de revenus qui a suivi cette décision, quitter l’agence de diffusion. Ce qui suit est indirectement un des effets secondaires d’une mauvaise lecture possible d’une photo de reportage.

« C’est une des 100 photos qui a changé le monde selon le magazine Life. Au beau milieu d’un marathon, on voit une femme qui court, soudainement bousculée par un homme en costume qui tente sans succès de lui arracher son dossard n° 261. »

Ce texte accompagne la photo ci-dessus sur une page FB. Cette femme c’est Kathrine Switzer, engagée dans le marathon de Boston en 1967… Pendant la course, au 6 ème km, le directeur de la course se précipite pour lui arracher son dossard : « sortez de ma course... » L’action est brève mais violente, et il est éjecté par deux concurrents masculins Tom Miller, et John Leonard, amis de Kathrine Switzer, l’un est athlète, et l’autre joueur de foot-ball américain . Sur la page FB où cette photo était publiée, avec les 3 lignes de présentation, j’ai précisé que les deux concurrents masculins ont éjecté l’importun, parce que c’est ambigü sur l’image, on pourrait y voir une agression de leur part.. Ça m’a valu illico le qualificatif de « tocard » ce qui est peut-être vrai, mais l’imprécision des lignes accompagnant la photo méritait de souligner que -selon les propos de Kathrine Switzer- elle n’a pas eu d’hostilité de la part des concurrents, mais uniquement des instances du sport, voilà .. Une photo mérite parfois une légende précise pour éviter d’être mal comprise, c’est pas Willy Ronis qui me contredira sur ce point.

Les protagonistes de cette affaire :

Kathrine Switzer, universitaire et athlète

– Jock Semple un des organisateurs

-Tom Miller et John Leonard, des amis sportifs, foot-ball américain et athlétisme

– Arnie Briggs son entraîneur

Une autre photo aurait été plus explicite sur qui fait quoi dans cette affaire ..

En 1967, elle a 20 ans, elle parcourt davantage que la distance d’un marathon à l’entraînement et le règlement du marathon de Boston n’interdit pas explicitement aux femmes de participer, Kathrine Switzer parvient donc à convaincre Arnie Briggs de soutenir son inscription. Lors de son enregistrement officiel, elle préfère utiliser les initiales de ses prénoms, « K.V. » (Kathrine Virginia), qu’elle emploie déjà pour signer ses articles écrits pour le journal de l’université .

Le 19 Avril 67, jour de la course, elle porte le dossard 261. Elle est encouragée par les autres participants et le public. Malgré son apparence et le fait qu’elle porte du maquillage, du rouge à lèvres et un serre-tête en plus de son short et d’un survêtement, elle n’est pas empêchée de prendre le départ aux côtés de son entraîneur Arnie Briggs et son compagnon Tom Miller,… (pour la suite voir wikipédia qui indique qu’une autre concurrente, Roberta Gibb, qui n’était pas enregistrée avait parcouru le marathon l’année précédente. ) Suite de son palmarès:

1972 Marathon de Boston Boston 3 eme Marathon 4 h 49 min 18 s

1974 Marathon de New York New York 1ère Marathon 3 h 07 min 29 s


1975 Marathon de Boston Boston 2 ème Marathon 2 h 51 min 37 s

A écouter cette émission de 2016 : https://www.franceinter.fr/emissions/l-oeil-du-tigre/l-oeil-du-tigre-09-octobre-2016

Revenons au propos initial qui concernait cette photo, une de celles qui ont changé l’histoire. Le petit texte qui la présente est très incomplet, mais surtout il met en avant l’agression dont est victime la concurrente. Et sans explication, on peut croire que les deux hommes derrière elle, essaient de lui arracher son dossard et la sortir de la course, on pourrait même ne pas comprendre que le seul agresseur est celui qu’on voit le moins. Pour avoir apporté cette précision, j’ai eu une réponse «  tocard qui fait du mansplaining »… J’aurais pu souligner aussi que ce n’est pas au milieu du marathon, mais au 6 ème km, mais c’est un détail sans grande importance.

Que certains sports soient résolument misogynes, personne n’en doute, que la société ait de considérables progrès à faire dans ce domaine, ça me semble d’un évidence criante. Il m’a semblé dommage que cette photo laisse autant de place à des imprécisions dommageables.

Norbert Gabriel

Histoire lamentable de photo de presse …

26 Jan

En préambule une chanson toujours de circonstance

Les crayons de couleurs (Adaptation de la chanson de Bobby Bare « What color is a man « en 1966.

Voici une photo en deux versions l’une est l’originale signée » Associated Press, mais c’est l’autre « cropped out  »  (recadrée)  qui a été diffusée « . Etonnant ?

Associated Press est une agence de presse mondiale et généraliste dont le siège est aux États-Unis. Créée en 1846, c’est l’une des plus anciennes coopératives au monde.

Cette photo a été malencontreusement « cropped out « * recadrée dans sa partie gauche, lors du sommet à Davos 2020 … L’agence a plaidé « une erreur de jugement » ce qui confirme donc que des personnes dans cette agence tripatouillent les photos de leurs reporters sur des critères de « jugement » personnel très particulier … Est-ce que ce monde est sérieux ?

Pour mémoire sur la déontologie de la presse, salut à Willy Ronis, en 1955, il a retiré toutes ses photos de son agence de diffusion, en raison des pratiques habituelles de la presse qui achète des photos, puis les recadre avec des légendes nouvelles, ce qui conduit souvent à montrer le contraire de ce que voulait l’auteur … Avec des revenus amputés, Ronis et  Marie-Anne, sa femme partirent vivre en Provence dans un village presqu’en ruines, où il avait fait le « Nu provençal » en 1949. Ronis reviendra sur le marché  de la photo en 1972 quand un accord sera signé pour le respect du  droit des photographes à être maîtres des légendes sur leurs photos, et si possible du respect des cadrages … Si possible, parce que sur ce plan, tout n’a pas été parfait … Comme des photos de Doisneau en format carré (le 6×6 Rollei) recadrées en format rectangulaire dans les mises en page.

Autre chanson en rapport avec cette actualité,

 

Comme pour Aufray et ses crayons cette chanson a toujours été dans les spectacles de Béart.

Et voici une des dernières versions des Crayons de couleurs,

 

Si tout finit par des chansons, ça se finit pas toujours très bien ...

Dédié à l’Ougandaise Vanessa Nakate.

 

Norbert Gabriel

Mise au point ?

*We regret publishing a photo this morning that cropped out Ugandan climate activist Vanessa Nakate, the only person of color in the photo. As a news organization, we care deeply about accurately representing the world that we cover. We train our journalists to be sensitive to issues of inclusion and omission. We have spoken internally with our journalists and we will learn from this error in judgment.  (Associated Press)

Jean-Pierre Leloir, l’homme qui aimait les artistes

8 Nov

Livres photo spectacle AAAQue c’est beau la photographie … chantaient les Frères Jacques… Certes, mais c’est comme tout, le pire peut côtoyer le meilleur. Et parfois… Mais l’heure ne sera pas à la morosité mais à une vision plutôt positive…

Quelques livres,

  • Pierre Jamet, Fred Mella, Paul Tourenne (Temps de pause)
  • Georges Dudognon (St Germain…)
  • Robert Doisneau (La vie d’un photographe) plus le CD, « Le braconnier de l’éphémère)
  • Jean-Pierre Leloir (Portraits de la chanson française)

Jean-Pierre Leloir, l’homme qui aimait les artistes

C’est sans doute le plus grand photographe de spectacle de notre génération, essentiellement connu pour ses images dans le monde de la musique, la chanson, le jazz, et la célébrissime photo des trois grands, dont voici une autre version avec l’auteur en action:

LeloirPhotographiant

Quelques photographes contemporains ont largement illustré dans leurs albums leur amour du genre humain, dans toutes ses variations, Boubat, Denise Colomb, Doisneau, Ronis, par ordre alphabétique. Quelques paparazzi ont largement montré que l’ignominie n’a pas de limite dans la recherche de l’image choc, à n’importe quel prix. Ce qui rappelle une anecdote de Robert Doisneau, au cours d’un voyage dans les Alpes lors de la transhumance, il fait un bout de chemin avec un troupeau, et une voiture folle oublie de freiner, percute le troupeau, et voilà une dizaine de brebis tuées… Quand il raconte ça, on lui demande,

  • –  Tu as fait des photos ? 
  • – Non, j’ai consolé le berger...

En visitant des expos diverses, dont des expos de photos, il m’arrive souvent, trop souvent, de penser que j’ai envie de consoler l’artiste qui a servi de modèle, en s’exposant sur scène. Avec en fond sonore une petite voix qui chantonne:  Gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge.

Doit-on considérer que le fait de s’exposer en scène permet à tous les voleurs d’images de se servir sans se gêner, et de disposer de cette image en propriétaire absolu qui peut se dispenser de l’autorisation du modèle ?

Sans oublier que ce libre-service s’accompagne souvent de désagréments pour le public, avec la noria devant la scène de quelques professionnels de la profession, équipés de téléobjectifs maousses; néanmoins, on se met à 2 mètres du sujet, et malgré les sonos qui tonnent, les clics-clacs du réflex se font bien entendre du public, enfin du public qui écoute vraiment, étant donné la tendance lourde des publics brandissant des smartphones ou des tablettes pour voir dans un écran de 50 ou 100 cm2, ce qui se passe sur la scène de 150 m2… Est-ce bien raisonnable ?

Les temps modernes de la photo numérique mettent à la portée d’amateurs à peine avertis des prises de vue qui demandaient une connaissance technique éprouvée au temps de l’argentique, et avec des films de 36 poses (parfois 72) il fallait réfléchir avant de cliquer. Qu’est-ce je veux montrer ? Comment je vais le montrer ? Comment ce sera perçu ? Et privilégier la perfection technique ou l’émotion?

Parfois l’excellence de la définition permet de montrer le moindre bouton sur la peau… C’est de la photo de dissection, et c’est que voulaient éviter les portraitistes des années 40, avec leurs plaques-négatifs en 30×40 parfois (Centimètres) ils mettaient un tulle pour adoucir la crudité du cliché, et garder un peu de magie dans l’image. Mais ceci est une autre histoire de temps révolus.

Une photo d’Allain Leprest, prise quelques temps avant sa mort m’a profondément choqué, ceux qui ne connaissent pas Leprest vont y voir le visage d’une sorte de zombie terrifiant, limite vampire pervers cruel, et cette image ne correspond à aucune des chansons de Leprest, à la rigueur « Je hais les gosses » prise au premier degré… Techniquement la photo est bonne, pour figurer dans un album de freaks, mais pour faire aimer Leprest, c’est le contre emploi total.

Jean-Pierre Leloir, Robert Doisneau, Georges Dudognon, Willy Ronis ont aimé les artistes qu’ils ont photographiés, même avec une photo-vérité, il émanait une tendresse dans leur approche de l’image. Le paparazzi se fiche de ces considérations, seule compte sa chasse à l’image, comme un sniper sans état d’âme, pourvu que l’image soit dans la boîte, il shoote . Et se shoote avec ses images-choc. Et avec les réseaux dits sociaux, les dommages sont plus fréquents que les hommages. C’est sans doute une idée obsolète de respecter le droit à l’image, et les accords amiables d’un(e) artiste qui a demandé « pas de photos » et qui doit le répéter pendant son spectacle aux trublions qui n’ont même pas la discrétion d’être invisibles. C’est juste une question de respect.

Puisque que Leloir est le sujet de départ, quelques images d’artistes qu’il aimait, et comment il les montrait.

jp leloir montage

Extraits du livre « Portraits de la chanson française » (2012)

Et enfin, un portrait biographique par Fred Hidalgo.

Norbert (Nicéphore)  Gabriel

Last but not least, il y a quelques années, Eric Barbara photographe jazz a exposé une superbe série d’images mettant en beauté Elisabeth Caumont et Manu DiBango lors d’une cérémonie Victoires du jazz, il avait écrit en dédicace pour l’exposition:  » Elisabeth et Manu, mon seul talent c’est vous. » Quand il m’arrive de montrer une photo de spectacle un peu réussie, j’ai toujours cette dédicace en tête.

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