
Photo©NGabriel
Premier de la série des livres pour l’été, retour…
Si on devait définir une règle de vie selon Pierre Barouh, ce serait sans doute celle qui cultive l’art des rencontres, avec en filigrane, « Je n’aime pas ce qui commence et ce qui finit, j’aime ce qui se prolonge. » La combinaison des deux a tracé une ligne fluide, qui a toujours laissé la place à l’accident heureux, cet imprévu magique offert à ceux qui rêvent les yeux ouverts, pour ne pas rater un rêve qui passe. Dans son parcours de papillon curieux et en éveil, Barouh a pollénisé sans compter, et Saravah continue son chemin d’exploration et de révélations de talents rares. Souvent en avance, parfois trop en avance, comme Pierre Akedengue, ou Gérard Ansaloni précurseur des slameurs. Mais là où le plus souvent on trouve un fast food langagier un peu artificiel, sur des rimes téléphonées et un rythme mécanique, Ansaloni offre un opéra de mots somptueux. Et un banquet superbe.
Tous ces éclats d’artistes révélés par Saravah ont souvent fait oublier que Pierre Barouh est d’abord un auteur, un passeur d’émotions, un voyageur de l’intime qui raconte des souvenirs personnels qui deviennent les nôtres. On doit être quelques uns à avoir rêvé d’emmener une fille du dimanche sur une barque devenue goélette ou trois mâts sorti d’un port secret entre Vendée et les îles sous le vent. On doit être quelques uns à avoir pédalé dans le sillage d’une bicyclette et d’une jupe dansante sur les jambes d’une belle indifférente avec qui on aurait bien effeuillé la marguerite, seul un instant, sur l’herbe tendre d’un bosquet complice.
Avec son histoire faite de rencontres qui, chaque fois ajoutent une couleur dans le kaléïdoscope, Pierre Barouh a ouvert tant de portes sur les paysages humains qu’il est l’arbre initial caché par la forêt qu’il a engendrée. Qu’il a pollénisée.
Dans un monde qui a la très fâcheuse tendance à tout étiqueter de la façon la plus sommaire qui soit, et à regarder de travers les originaux multi-cartes, Barouh est une anomalie difficile à réduire à un portrait monochrome. Pour peu qu’il soit à Vancouver quand on le cherche à Tokyo, ou qu’on l’attende à Paris, qu’il fasse un reportage vidéo au Cambodge quand on le voudrait chanteur, il décourage la plupart des médias dont la curiosité se limite à ce qu’on peut résumer en moins de 3 lignes.
«Pour bien comprendre les gens, le mieux c’est encore d’écouter ce qu’ils disent.» selon Pierre Dac.
Rien n’est plus vrai en ce qui concerne Pierre Barouh, le mieux c’est d’écouter ses chansons, puisque tout a commencé par là, de cette envie de partager les ronds dans l’eau dans le Petit Lay ou de faire une ballade sur la barque de l’oncle Léon, sur le Grand Lay, de faire une samba Saravah, et ce partage a eu un vecteur privilégié, la chanson. Eclats de vie et de rêves, qu’un baladin met sur le papier, avec quelques notes, et qu’il peut offrir à tous vents, aux passants, dans la rue, à quelques paumés de l’univers dans un bistrot, qui feront un public de hasard, et de rencontre.
C’est la symbolique du prisme, qui peut transformer un rayon de lumière blanche, en faisceau arc-en-ciel, ou reconstituer le rayon à partir de l’arc-en-ciel.
Et comme un alchimiste, les mots qu’il pose deviennent images, sensations, détonateurs. Avec des effets secondaires inattendus, comme faire revivre des émotions, et un film oublié, dont on n’a gardé que le titre, et quand Pierrot chante « Les filles du dimanche » ressurgit une sorte de flash back avec un titre et des images floues en noir et blanc, « Quand passent les cigognes » mais les émotions sont nettes.
C’est ce que vous trouverez, et plus encore, dans « Les rivières souterraines » un carnet de vie, de vies voyageuses, de vie partageuse, de vie panoramique
Pour qu’un souvenir ami
garde dans son tamis
Le bleu de nos nostalgies
Pour que la mémoire du vent
Retienne nos chansons, amis recommençons..
Dans ce voyage, un fil rouge, la quête de l’utopie ; si elle reste pour beaucoup un chemin inexploré, une chimère globale, on verra que sur la route de Pierre Barouh, elle a été réalisée à échelle réduite, mais réelle, et ces semis éparpillés sont le commencement de quelque chose qui se prolonge, un effet Pollen. Celui d’un auteur.
Dont vous aurez la bande son avec le double album : « Dit vert…Divers .» 37 chansons de 1951 à 2007, ce n’est pas un best off compil’ qui juxtapose les succès, les tubes, c’est une biographie musicale, 60 ans de chansons, dans une chronologie* d’écriture des textes et non l’agencement plus ou moins artificiel sur des critères de marketing, une notion totalement étrangère à cet auteur créateur. Qui a beaucoup contribué à générer un peu de beauté humaine.
C’est un de ces albums qu’on écoute en continuïté, et cet ensemble livre et album constitue l’indispensable bréviaire des disciples et adeptes du SLOW BIZZ, un art de vivre et de chanter.
Norbert Gabriel
« Les rivières souterraines » 2012 (Edition A vos pages)
« Dit vert divers » 2012 chez Saravah
*Une petite rectification « Les filles du dimanche » sont créditées de l’année 1952, c’est 1959 ou 1960, mais ça ne change rien sur le fond.
En fin d’année, un bel évènement se prépare avec les 50 ans de Saravah…
– Pour que tout cela continue de se prolonger en d’autres aventures et spectacles, voyez ci-dessous, un clic et hop !