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Festival Comme Un Grondement Amoureux de l’Université Populaire de Bordeaux : entretiens avec La Maison des Femmes de Bordeaux et Le Cri du Peuple

27 Oct

Par les temps actuels où les annulations de dates de concert succèdent aux déprogrammations d’évènements culturels, privant les artistes de scènes pour s’y exprimer, plongeant dans la précarité et l’incertitude les nombreux travailleurs du secteur du spectacle, et ne laissant pas entrevoir de retour prochain au foisonnement festivalier qui fait vibrer la vie et le rend savoureuse, il est fort compréhensible que le maintien d’un évènement soit vécu par le public comme un acte de résistance. Et sans doute l’est-il d’autant plus du fait d’une dimension militante, lorsqu’un festival se consacre à relier la rencontre culturelle et l’expression artistique à une thématique sociétale et politique. Ce fut précisément le cas de la cinquième édition du festival Comme Un Grondement Amoureux, organisée du premier au dix octobre dernier par l’Université Populaire de Bordeaux (U.P.B.), sur plusieurs communes de l’agglomération bordelaise, pour mettre en avant les questions de la liberté de choix amoureux, de l’égalité de droits et de traitements entre sexes, et de la lutte féministe entre autres. L’U.P.B., ayant sollicité la participation de plusieurs associations de terrain pour tenir des stands, animer des conférences et contribuer à des débats, proposait au public une programmation dense et diversifiée, avec par exemple un arpentage du livre Troubles dans le Consentement d’Alexia Boucherie, et un concert du groupe Le Cri Du Peuple [voire ici] pour clôturer la soirée finale au café culturel bordelais Le Pourquoi Pas?. La fréquentation fut intense, plutôt massive et surtout particulièrement enthousiaste, tant la rareté des occasions de se retrouver pour partager un moment festif et enrichissant rend le public avide et solidaire de ces initiatives généreuses et courageuses. Nous n’aurions pas manqué ce moment associatif, qui, impliquant des artistes et des littéraires auprès d’une cause, permet, outre d’y intéresser le public, aussi de provoquer la rencontre de personnes au vécu parfois douloureux et traumatique lié à des oppressions et violences familiales ou sociales avec la musique ou d’autres disciplines artistiques, à même de leur offrir un moyen de transcender leurs souffrances et peurs, et peut-être leur révéler leur propre potentiel créateur, comme se l’est donné pour mission La Maison des Femmes de Bordeaux, présente sur le festival, avec l’organisation régulière d’ateliers collectifs et expositions, en parallèle de son rôle d’accompagnement des femmes victimes de violences. C’est pourquoi nous avons souhaité réaliser un focus sur son travail, grâce à l’entretien que nous a accordé Claude, l’une de ses membres administratrices, à la suite d’un bref échange au sujet de l’organisation du festival avec Suzanne, effectuant son service civique au sein de l’U.P.B., et avant que deux chanteuses du Cri Du Peuple, Muriel et Marina, acceptent de consacrer un peu de temps pour nous expliquer le sens qu’a pour elles la participation du groupe au « Jour du Grondement », date ultime du festival.  

 

– Bonjour Suzanne, et merci de nous accorder un peu de temps. Pouvez-vous présenter l’esprit de l’Université Populaire de Bordeaux et les missions qu’elle s’est fixées ?

L’UPB est une association d’éducation populaire politique, qui part du principe que tout le monde  possède un savoir, car chacun a une expérience de vie, pour proposer des échanges de « savoirs chauds », c’est-à-dire ce que notre vécu nous a appris, et les croiser avec des savoirs théoriques qu’on appelle « savoirs froids ». Et on va mélanger « savoirs chauds » et « savoirs froids » non pas pour faire de l’eau tiède, mais pour faire de la transformation sociale, de l’émancipation, grâce à l’échange et la mise en commun de nos expériences de vie. L’association a deux volets : un volet évènementiel qui organise des rencontres pour le public extérieur, comme ce festival, des conférences, des arpentages, et un volet interne où nous sommes prestataires pour des écoles, des centres sociaux ou d’autres associations qui nous demandent des formations.

 

– On sait combien il est compliqué par ces temps-ci de maintenir un évènement public, et le votre est l’un des rares à avoir résisté à la politique d’annulation systématique. C’est aussi ce qui a fait son succès de fréquentation publique. Aviez-vous envisagé de l’annuler? 

On en a beaucoup parlé et dès le début on s’est dit que c’était trop important d’avoir encore des temps collectifs où on peut échanger. Depuis le confinement l’actualité politique est quand même assez morne ; on avait besoin de ce festival, qui parle de l’amour, un sujet qui nous concerne toutes et tous. On ne voulait pas l’annuler. On a donc demandé, via notre page facebook, l’avis de gens sur la question, et la grande majorité des réponses et commentaires nous encourageait à maintenir le festival. Et c’est peut-être justement dans ces périodes calmes où il ne se passe pas grand-chose dans l’actualité des mobilisations sociales qu’il est judicieux d’en profiter pour pouvoir se réunir pour réfléchir ensemble. C’est aussi ainsi qu’a été accueilli le fait qu’on maintienne cette date. Nous avons dû annuler deux autres évènements sensés avoir lieu à la Halle des Douves, enfin les reporter, sans date fixe pour le moment. Mais un troisième qui se tiendra à la Salle des Fêtes du Grand Parc s’est maintenu contre toute attente, grâce à la volonté des salariés et travailleurs de la salle qui ont émis le souhait que ça se passe, et de la mairie de quartier.

 

Liens : Université Populaire de Bordeaux : https://upbordeaux.fr/

https://www.facebook.com/universitepopulaire.debordeaux

Café Culturel Le Pourquoi Pas? :  https://www.facebook.com/pourquoipasbordeaux

 

 

La Maison des Femmes de Bordeaux

– Bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Depuis quand existe la Maison des Femmes à Bordeaux et quelles sont les directions dans lesquelles elle œuvre?

La Maison des Femmes a été créée il y a presque vingt ans. Au départ ce sont des associations féministes organisées en collectif qui ont voulu créé un lieu partagé pour les femmes. Il y avait des activités, des commissions. Et peu à peu c’est devenu une entité associative à part entière. Nous sommes donc une association d’éducation populaire. Nous avons plusieurs axes d’intervention : travail d’accueil et d’accompagnement par rapport aux violences conjugales et aux violences en général, et aussi d’aide relative aux difficultés sociales ou autres, et partage d’activités. C’est donc aussi un lieu où se tiennent des expositions, des ateliers faits par des bénévoles pour d’autres personnes y participant gratuitement, et par ailleurs un lieu de réflexions, de discussions, de documentation, de rencontres et conférences pour réfléchir au féminisme, à la situation des femmes et aux moyens d’agir. Notre choix est donc d’être ouvert plus souvent que d’autres associations, c’est-à-dire du lundi au vendredi, et de proposer régulièrement des activités culturelles, à raison de deux ou trois initiatives par mois, parfois en collaboration avec d’autres associations. Par exemple en octobre, nous avons organisé une rencontre avec Le CRI [Lire  ici], très ancienne association qui intervient sur la question de la prostitution, et qui actuellement travaille plus particulièrement sur le risque de prostitution pour les jeunes femmes, un vernissage, ou un arpentage hier autour du livre Troubles dans le Consentement d’Alexia Boucherie, en collaboration avec le festival de l’Université Populaire de Bordeaux (UPB).

 

– Qu’est-ce que la fait relier des disciplines artistiques à votre engagement et de les y impliquer, et vos participations à des évènements culturels apporte à la lutte pour la défense des droits et le soutient des victimes, aux artistes et aux victimes elles-mêmes?

 – C’est bien sûr un biais pour attirer le public et l’inviter à s’intéresser à cette cause. Et c’est aussi concrètement un moyen d’offrir un lieu d’expression à de jeunes artistes qui se lancent dans une discipline. Il y a des ateliers réguliers d’arts plastiques, de relaxation. Et nous allons voir quelles autres activités peuvent être proposées en fonction des bénévoles qui y sont disposés. Il y a l’idée donc de permettre à des femmes qui créent, et pas forcément pour aborder une thématique féministe, de mettre en œuvre et exposer leur création. Et puis c’est aussi à travers la culture qu’on peut réaliser un certain nombre de choses quant à l’aspect de documentation. L’art est un moyen de discussion, d’échanges, de confrontations de points de vue. Ce n’est pas uniquement décoratif. L’idée des ateliers d’activités artistiques que nous proposons est de monter un projet ensemble. Cela permet à des personnes qui ont un passé social violent, en participant à des ateliers et venant à des vernissages, d’être, ici dans une Maison qui est un peu la leur, dans une situation un peu à même niveau que les artistes, en échangeant sur les techniques artistiques par exemple. C’est une façon d’aller vers des pratiques artistiques, ce que n’auraient peut-être pas fait ces personnes d’elles mêmes ou si on leur avait juste conseillé une exposition à aller voir.

 

– Outre l’accueil des personnes et l’activité culturelle et artistique de l’association, la maison des Femmes assure-t-elle aussi un rôle d’accompagnement juridique?

On veut concilier tout cela : il faut que ça vive, mais aussi qu’on ne néglige pas les permanences d’accueil, considérant que lorsque des personnes en demande d’aide arrivent, il ne faut pas qu’elles se retrouvent dans l’effervescence, car elles ont besoin de tranquillité pour faire le point. Notre local permet de réserver un petit salon où les personnes qui viennent demander de l’aide ne se retrouvent pas face à la froideur d’un bureau administratif, mais dans un cocon avec une ou deux personnes pour les écouter, leur expliquer quels recours sont à leur disposition. Pour nous c’est important d’offrir un cadre solidaire et convivial, et non pas de reproduire le travail qui est d’ailleurs très bien assuré ailleurs. Nous ne sommes pas un prestataire ; nous sommes une association féministe où la solidarité passe par cette entraide là. Il y a des permanences juridiques avec des bénévoles qui peuvent donner une première information, mais ce n’est pas un service juridique. Ensuite nous renvoyons vers les institutions et les structures qui vont avoir les moyens d’accompagner plus précisément. En revanche pour l’accueil violences, nous faisons parti du réseau 3919, ce qui veut dire qu’on est reconnue comme association référencée sur cette question. Un dispositif qui a été mis en place récemment au niveau des administrations pour intervenir lorsqu’il y a eu un dysfonctionnement, et permet de contacter directement les services de police ou de justice, afin de rectifier assez vite des situations, comme un refus d’enregistrement de plainte.

 

– Cela se produit-il encore?

Maintenant si une personne nous informe que sa plainte a été refusée par un service, on sollicite les responsables, et les situations sont réglées. Pour ce qui concerne la période récente, entre le Grenelle, le travail d’information durant le confinement, des interventions dans les formations de policiers, les mentalités et moyens d’action des policiers, en particulier à Police Secours de nuit, ont beaucoup évoluées. Lorsqu’ils interviennent sur ce qui semble être une violence conjugale, dans le doute, ils proposent systématiquement l’enregistrement d’une plainte, et éventuellement place l’auteur supposé des violences en garde à vue. Leurs consignes sont très strictes. Dans la formation où nous sommes intervenus, le principal questionnement des policiers relevait plutôt d’une incompréhension des raisons pour lesquelles une victime refuse de porter plainte ou ne mène pas les démarches à terme.

 

– C’est la réaction de beaucoup de nos concitoyens qui ne connaissent pas la terreur et l’emprise auxquelles sont soumis(es) les victimes de violences et l’état de vulnérabilité émotionnelle et psychique dans lequel cela les plonge ; et il est vrai que le phénomène d’emprise est quelque chose de si irrationnel, qu’il est très compliqué à concevoir lorsqu’on ne l’a pas vécu soi-même. Ne faudrait-il pas plus largement dans la société informer à ce sujet et expliquer ce phénomène mal connu?

Tout à fait. On connait mal la terreur des victimes, le cycle de la violence qui fait que celui qui a violenté peut alterner violence et repentance. La formation pour les policiers était vraiment conçue pour qu’ils comprennent ces processus d’emprise et en prennent conscience. Le problème soulevé restant que de leur côté, la structure hiérarchisée exige qu’ils fassent remonter les informations à leur hiérarchie, qui ensuite traite avec nous, alors que les policiers de terrain aimeraient pouvoir être en contact direct avec les associations. Mais ce sont des choses qui se construisent avec le temps. Ce travail prend beaucoup d’énergie, car depuis un an nous sommes énormément sollicités pour des réunions d’information et d’échanges. Et on ne peut pas passer nos journées à se consacrer à cela au lieu d’être sur le terrain auprès des femmes qui en ont besoin. Mais en même temps ça signifie que du côté des institutions, il y a une préoccupation de plus en plus grande et une envie d’agir plus importante. Cependant les moyens ne sont pas vraiment octroyés pour pouvoir traiter les mises en œuvre d’une protection, ou l’accès à un hébergement d’urgence, puis un logement pérenne, car les situations transitoires sont très dures à vivre et déstabilisantes pour les femmes et les enfants. Cela  existe en théorie, mais est compliqué à appliquer, du fait du manque de moyens. Ce qui fait qu’outre le phénomène de l’emprise et la peur des représailles, certaines femmes se trouvent piégées dans l’impossibilité financière de quitter un domicile violent, n’ayant pas d’emploi ou un tout petit salaire, et aucun moyen d’aller ailleurs. C’est déjà difficile pour une personne de se dépêtrer d’une emprise ; quand s’y adjoignent des difficultés matérielles, cela complique encore plus la situation. Ceci dit on constate une plus grande sensibilité environnante à cela. Durant le confinement les appels qui ont été enregistrés ne provenaient pas que de victimes de violences, mais aussi de proches ou de voisins. Ça veut dire qu’il y a une attention plus grande vis à vis de ça. Il y a moins d’indifférence. Mais malheureusement dans la compréhension des situations, beaucoup de gens continuent de penser que les violences conjugales sont l’exclusivité des milieux populaires, ou immigrés par exemple, ou que la consommation d’alcool en serait grandement responsable. Contrairement à cette idée, les violences existent dans tous les milieux sociaux ; et il y a des milieux, spécifiquement bourgeois et grand-bourgeois, où tout se règle dans l’entre-soi et est étouffé. Les préjugés n’ont pas disparu. Ce qui explique qu’au-delà de s’extirper de l’emprise subie, les femmes vivent une difficulté à libérer la parole et ne savent pas comment en parler autour d’elles. Il y a des gens qui ont une autorité, une respectabilité apparente, une assise sociale, et n’arrivent pas à porter cette image de victime et reconnaitre la réalité. Donc que la curiosité et l’attention existent dans la société signifie aussi qu’on va pouvoir parler de ces phénomènes d’emprise, de la façon dont les choses s’installent, se renouvellent, se maintiennent.

 

– La parole n’est-elle pas d’autant plus compliquée à libérer que d’une manière générale les personnes à comportement prédateur sont des séducteurs sociaux qui parviennent facilement à s’attirer la sympathie, la considération, voire l’admiration, parfois la compassion, de leur entourage, en ayant dans leurs relations sociales un comportement bien différent que celui qu’ils ont avec la personne leur servant de proie, et en montrant un visage respectable et charmant -voire en s’octroyant le rôle de la victime parfois-, ce qui isole la victime réelle dans le silence, par crainte que personne ne puisse croire ce qu’elle aurait à en raconter?

Oui! C’est exactement le problème. Et combien d’hommes sont effectivement des séducteurs, et d’une séduction qui va au-delà du charme. Le débat qui a eu lieu en France il y a quelques temps sur la séduction est quand même effrayant : on considère normal que les hommes séduisent, possèdent une petite collection de femmes autour d’eux en permanence. On avait un peu peur, lors du commencement de la campagne « mee too » qu’il s’agisse d’un élan très spontané et sans suite. Mais même si le confinement rend difficile de quantifier la mobilisation, il y a quand même une prise de conscience plus grande, notamment chez les jeunes générations. Il y a aussi des choses qui se sont développées quant à la connaissance de la réalité des discriminations sur les lieux de travail, et de l’inégalité salariale. Et cela touche des publics qui ne se pensaient et disaient pas féministes. Les gens rentrent dans le combat féministe de différentes façons aujourd’hui.

 

 

Liens :

Maison des Femmes de Bordeaux : http://maisondesfemmes.net/

https://www.facebook.com/MDFCulturelle

 

 

Le Cri Du Peuple

– Bonjour et merci de ces quelques instants. Le Cri du Peuple a accepté d’assurer le concert de clôture du festival. Lors d’un précédent entretien, vous évoquiez l’importance pour vous de participer à des évènements à thématique politique, qui donne du sens à votre façon de vivre la musique et aux paroles que vous chantez. Dans quelle mesure le thème du Jour du Grondement (amoureux) vous tient-t-il à cœur? 

– Muriel : Nous avons des chants féministes dans notre répertoire, et sommes donc sur des positions féministes quant au libre choix de sa sexualité, et si on parle de révolution des rapports amoureux, il faut parler de cela. Il faut aussi parler de la question des violences patriarcales qui sont un frein à notre liberté de choix. C’est pour cela qu’on a choisit dans notre set de chanter des chansons qui mettent en avant la liberté des femmes de pouvoir choisir, et dénoncent tout ce qui peut y constituer un frein, donc le capitalisme, puisque quand on est dans la misère, où est la liberté de choix? La chanson « Fille d’ouvriers » par exemple parle de ces femmes qui sont peut-être amenées à la prostitution de par leur précarité. Et qui dit prostitution, dit passage par la case prison éventuellement, mort prématurée, par coups subits ou maladie. On peut penser que cette chanson date de plus d’un siècle et aborde des thématiques anachroniques. Mais non. Cette chanson dit le lien entre le capitalisme, le patriarcat, la question des femmes racisées aussi. De toute façon, on ne peut pas séparer le féminisme des autres questions. On ne peut pas prétendre se moquer de ce que font les femmes et les laisser libres, si elles ne peuvent pas sortir de chez elle, par manque de moyens financiers, donc subir les coups d’un conjoint violent, étant dans l’impossibilité de partir ailleurs, si elles ne peuvent pas sortir le soir, car elles craignent d’être agressées. Ça n’a aucun sens! La liberté, ce n’est pas en théorie. On tient à faire les liens entre ces questions, pas juste célébrer un évènement festif, mais dire aussi ce qu’il faut abattre pour avoir vraiment une chouette vie amoureuse choisie.

 

– Mais le caractère festif de l’évènement n’est-il pas quand même aussi en cohérence avec votre façon d’animer les chants que vous interprétez et l’esprit combatif et joyeux que vous y insufflez?

– Muriel : Bien sûr, après on voulait quand même un évènement festif, donc on a chanté la chanson « Toutes des putes »  de GiedRé qui est un gros clin d’œil humoristique, car elle est rigolote, pour affirmer qu’on a le droit d’aimer comme on veut, de s’habiller comme on veut, de se promener avec qui on veut, et par les temps qui courent quand on voit le nombre de jeunes filles qui se font traiter de « putes », parce qu’elles trop couvertes ou pas assez, c’est important. Cette chanson est provocante et rigolote, mais on l’aime justement à cause de ça : elle replace dans la légèreté une cause grave.

– Marina : Et elle va à l’encontre de ce qui a été dit récemment par plusieurs responsables politiques sur la tenue républicaine pour les filles, que je trouve particulièrement choquant. Je ne comprends pas que les gens ne soient pas révoltés en entendant de tels propos. On s’aperçoit qu’en fait, l’ordre moral réactionnaire n’est pas si loin que ça. Pour l’instant le « féminisme » porté par l’état est très superficiel et apparent. Comment un homme peut-il se permettre de nous dire comment nous habiller et si c’est républicain ou pas? Cette chanson est très adaptée à ce sujet. Les propos qu’on entend actuellement sur la décence de la tenue des filles constituent un sacré retour en arrière.

– Muriel : Personne ne se pose la question d’éduquer plutôt les garçons à ne pas s’exciter et se permettre des gestes ou paroles déplacés.

– Marina : Et on ne s’occupe pas autant de la décence de la tenue des garçons. Moi, par exemple, je n’ai pas forcément envie de voir le caleçon et la raie qui dépasse du pantalon de jeunes hommes. Mais on ne se pose jamais la question sous cet angle pour eux, et je n’entends personne les accuser d’incitation au viol. D’ailleurs à ce titre, pour revenir aux droits des femmes, tant que la justice ne prendra pas en compte de considérer et traiter le viol comme un crime de sang, on n’y arrivera pas. Tant qu’on verra des prédateurs condamnés à deux mois de prison avec sursis ou échapper le plus souvent à un procès, on n’y arrivera pas.

– Muriel : Le nombre de plaintes qui aboutissent à un procès est infinitésimal ; la plupart du temps, c’est classé sans suite. On sait que le travail des avocats consiste à faire déclasser un viol en agression sexuelle, puisque c’est puni d’une peine moindre, le viol étant un crime aux termes de la loi. On sait aussi que la présomption d’innocence ne sert que les puissants, c’est-à-dire qu’elle signifie la présomption que les victimes ont menti. Tant qu’on ne mettra pas en œuvre des politiques courageuses pour permettre aux femmes d’échapper à cela, la liberté et l’égalité des sexes ne seront que de la théorie et des mots creux.

 

– Le lutte contre l’homophobie fait aussi partie de vos préoccupations et des thématiques que vous chantez, et est très étroitement reliée à cette même volonté politique -et peut-être ce vice humain- de certains de décider selon quels principes les autres doivent vivre, paraitre et aimer. En est-elle un volet aussi important que les autres selon vous ?

– Muriel : Effectivement on a choisit d’interpréter la chanson des lesbiennes, pour rappeler que ce n’est quand même pas encore acquis de pouvoir se promener dans la rue en prenant sa copine par la main quand on est une femme, sans essuyer des réflexions stupides. Si on veut parler de « grondement amoureux », il ne faut pas rester hétéro-centrés. A partir du moment où il y a libre consentement, il n’y a aucun mal à aimer qui ont veut.

– Marina : L’amour réel n’est possible qu’à partir du moment où on te laisse choisir comment et avec quel partenaire tu veux vivre cet amour. On n’a pas à te dicter comment tu dois aimer, ni qui tu es d’ailleurs. Les personnes transsexuelles ont le droit de choisir leur vie et leur façon d’être ; on n’a pas à les juger ni leur dire si c’est bien ou mal. Il n’y a pas de notion de bien ou de mal dans l’amour, si ce n’est vis-à-vis de la violence dont on peut user envers l’autre. On trouvait donc que c’était intéressant de participer au jour du Grondement pour parler en musique de ces choses et transmettre à travers le chant ces valeurs là.

– Muriel : Et puis, ça va être un peu hors sujet par rapport au thème du festival, mais franchement quel bonheur de retrouver des gens face à soi! Depuis le confinement on n’a pas pu faire de fête, ni se rejoindre, et là je trouve qu’il y a une superbe ambiance, tellement les gens sont contents de se revoir. C’est ça qui fait une société, le fait que les gens interagissent. Et on sait bien que ce qui protège aussi les femmes, c’est de faire société, d’affirmer et propager des valeurs ensemble et d’être solidaires. Il faut que lorsqu’un homme par exemple insulte une femme dans les transports en commun et tient des propos sexistes, tous les gens autour se dressent pour le mettre dehors. J’ai vécu ce genre de situation : pas loin de la Fac, on a viré un mec du tram pour ça. Lorsque ça se sera reproduit plusieurs fois, que ce genre d’attitude soit systématiquement désapprouvé massivement et sanctionné par les réactions des témoins de la scène autour, ceux qui en sont les auteurs la ramèneront moins. La peur doit changer de camp.  Bravo à l’Université Populaire de Bordeaux d’avoir assumé de maintenir le festival, alors que tout le monde annule les évènements partout ailleurs. Maintenant il faut cesser de considérer ce qu’on ne peut pas faire et de subir les interdictions, et s’interroger plutôt sur ce qu’on pourrait faire et la façon de pouvoir le faire. Il faut changer la façon dont on raisonne. 

 

Liens : https://www.facebook.com/lecridupeuplebordeaux/

 

Miren Funke

 

Musique, héritage militant et solidarité avec les immigrés : concert et entretien du Cri du Peuple au Kabako

25 Août

 

Le Kabako, quésaco? C’est ainsi que fut renommé récemment un local départemental de Bordeaux à l’abandon, réquisitionné il y a quelques mois par des bénévoles du secteur associatif pour héberger des réfugiés mineurs s’étant retrouvés à la rue, car non pris en charge par les autorités en attendant que leur minorité soit officiellement reconnue. « Kabako » signifiant « surprise » en langue Bambara, parlée au Mali et en Afrique de l’Ouest, et par une partie des jeunes y ayant trouvé un foyer inespéré, temporairement au moins, comme un clin d’œil au sens de son nom, l’endroit résonnait jeudi dernier au rythme d’un concert surprise du Cri du Peuple. L’ensemble vocal bordelais qui depuis quinze ans anime, accompagne et soutient les luttes sociales en interprétant des chants des répertoires anarchiste, antifasciste et féministe français et européen nous avait déjà accordé un entretien l’an passé, à l’occasion du Festival contre le racisme et les stéréotypes à Cenon (33) [lire ici], pour raconter l’aventure humaine d’un collectif de personnes unies par des valeurs et des idées philosophico-politiques communes, l’envie d’extirper de l’oubli des chants de lutte appartenant au patrimoine populaire plus ou moins ancien et de les faire (re)vivre et connaitre, et la volonté de donner un sens à la perpétuation de cet héritage musical et culturel en se produisant bénévolement en soutien à des mouvements, rassemblements et actions pour défendre en chanson les causes qui les touchent et leur semblent justes.

Toute manifestation politique ou festivalière étant interdite depuis des mois, en raison de la pandémie, la période était appropriée pour que Le Cri du Peuple s’attèle enfin à l’enregistrement d’un album compilant certains des morceaux avec lesquels le groupe a enchanté et rempli d’une énergie, d’une chaleur et d’une lumière bienfaisantes le militantisme local au cours de ses quinze années d’existence. C’est donc heureux de la perspective de sortie de l’album qui se profile à l’horizon, que Le Cri du Peuple, dont plusieurs membres font partie des bénévoles s’occupant du Kabako, a décidé de s’y produire, en premier lieu pour partager un moment festif et musical avec les jeunes. Et quand on imagine ne serait-ce qu’un dixième des épreuves et des vécus parfois traumatiques que ces personnes ont traversé, à peine sorties de l’enfance, pour l’espoir d’une vie meilleure en Europe -ou d’une vie tout court-, c’est sans trop de peine qu’on envisage combien leur offrir un moment d’amusement, de musique et de poésie est aussi vital que l’entre-aide matérielle et le soutien juridique. Seule preuve en fut la réaction éclatante de joie de ce jeune public, dont a priori on aurait pu craindre qu’il ne soit pas très réceptif à des chants militants ne lui étant pas familiers. Et pourtant : l’entendre reprendre le refrain féministe « Non, c’est non! » en chœurs, battre le rythme sur des percutions de fortune ou en frappant des mains pour accompagner la chanson de révolte québécoise « Je suis fils », et le voir danser sur l’hymne anarchiste espagnol « A las barricadas » suffit amplement à saisir toute la dimension universelle -et simplement humaine en fait- du langage musical et de la force que les élans de chants de lutte et d’espoir peuvent intuitivement communiquer. Nous profitions de la soirée pour un nouvel entretien avec des membres du Cri du Peuple pour en parler.

 

– Bonsoir et merci de nous accorder cet entretien. On ne présente plus votre chorale qui s’est fait entendre depuis quinze ans en Gironde pour appuyer les mouvements, manifestations et luttes sociales en chansons, et ressuscite et fait vivre le patrimoine musical anarchiste francophone. Où en est l’aventure du Cri du Peuple aujourd’hui?

-Pat : Le terme de « chorale » en fait ne convient pas vraiment à notre ensemble. Déjà pour intégrer une chorale, on demande de savoir chanter, et même si nous savons chanter, ce n’est pas notre premier critère de recrutement de nouveaux membres. Il faut d’abord que les gens aient nos idées, sociales, libertaires, féministes, antifasciste, antiracistes, et puis que ce soient des gens avec qui ça fonctionne. On se rend compte que quand trop de nouveaux membres arrivent dans l’ensemble, on a des problèmes de fonctionnement. De ce fait nous privilégions l’appellation de groupe.

-Muriel : C’est difficile d’intégrer des gens. Il y a quand même un esprit et ce n’est pas facile d’apprendre les morceaux, d’autant qu’il n’y a pas tant de membres que ça qui sont musiciens. Les gens pensent qu’on monte un morceau en trois minutes et demi. Mais en réalité c’est très long, parfois laborieux, de structurer une chanson, l’harmoniser, décider comment on va la chanter. Si en plus il y a trop de nouveaux membres à former au fonctionnement dont nous avons l’habitude, ça complique tout, à moins que les gens connaissent déjà le groupe et nos chansons. Apprendre à s’écouter mutuellement, se caler, chanter avec les autres, ce n’est pas la même chose que chanter juste seul. Et je pense qu’il y a plein de choses dans l’ambiance et l’état d’esprit du groupe qui sont liées à la façon dont on travaille, donc il n’est pas question de changer de méthode. On ne travaille pas avec des partitions, des notes, le métronome.

-Julien : On travaille avec des bières!

-Muriel : Non, mais on tâtonne, on cherche, des fois quand un morceau est proposé, on va en écouter diverses interprétations pour se faire une idée. Il y a un gros travail de réappropriation et d’interprétation des morceaux.
Samia : Et puis surtout ce n’est pas une chorale où tu viens juste chanter. C’est un groupe, parce qu’on compte les unes sur les autres. On n’a pas de chef de chœur.

 

– Un album à sortir va venir ponctuer l’histoire du groupe. Comment et pourquoi avoir décidé d’enregistrer enfin ce répertoire que vous faites vivre depuis quinze ans en public ?

-Muriel : D’habitude lorsqu’on décide d’un set à chanter en public, on le répète beaucoup, et puis on chante. Ce printemps-ci, on n’a pas fait cela, car en vertu de la pandémie, tous les festivals et évènements ont été déprogrammés. Du coup on en a profité pour s’occuper de cet enregistrement, d’autant que notre copain ingénieur du son, Jean, était disponible, n’ayant aucun engagement à cause du confinement. On a d’abord fait une première réunion avec lui, car ce qu’on voulait, nous, ce n’était pas un son de studio carré et formaté. Il a fait plusieurs prises, en répétitions aussi, sur le vif parfois, et comme il connait le groupe pour nous avoir vus plusieurs fois, il savait nous dire lorsque la prise correspondait exactement à l’esprit du groupe, et à l’énergie de ce qu’on dégage en concert. On espère vraiment qu’à l’écoute du disque on retrouve cette énergie et cet esprit qui investit les chansons et y met de l’intention. Parfois Jean se cachait pour nous capter, et on oubliait se présence, ce qui fait qu’on se lâchait plus. Je pense que c’est dans ces moments peut-être qu’il a eu de meilleures prises.

-Julien : Certains morceaux quand même ne sont pas pris en live ; on a du les enregistrer instrument par instrument, et pupitre par pupitre.

– Muriel : On ne peut pas faire un disque qu’avec des prises live, parce que par moment fatalement l’accordéon par exemple couvre les voix. Techniquement je ne sais pas comment Jean va se débrouiller, mais j’aimerais bien qu’on retrouve vraiment quelque chose qui ressemble à ce que fait Le Cri du Peuple.   

 

– Comment avez-vous orienté le choix des chansons qui se retrouveront sur l’enregistrement?

-Muriel : L’idée était d’y mettre aussi des morceaux représentatifs de ce que nous faisons depuis le début. C’est pour ça qu’on est allé déterrer de vieux morceaux qu’on n’avait plus chantés depuis longtemps, et d’ailleurs que les nouvelles membres ne connaissaient absolument pas.  L’enregistrement nous a donné donc l’idée de réintégrer dans le nouveau set de vieilles chansons qu’on a mises dans l’enregistrement, car elles sont l’histoire du Cri du Peuple. Du coup une vieille copine qui était une ancienne membre du groupe a décidé de revenir aux répétitions. Donc en longueur on est à treize ou quatorze morceaux enregistrés. Et puis il y aura des invités sur l’album, car Christine, qui est la mémoire vivante du Cri du Peuple, a recontacté des musiciens qui à l’époque des premiers morceaux avaient joué avec nous, mais n’en disons pas plus pour le moment. On voulait que le disque reflète vraiment l’histoire du groupe, qui existe quand même depuis quinze ans, et pas seulement des derniers morceaux en date.

-Marina : Pour les « jeunes » membres, on a pris plaisir à découvrir ces anciens morceaux. J’ai adoré.

-Pat : Actuellement l’enregistrement est presque terminé. Ensuite, on devra certainement lancer une souscription ou une précommande pour trouver des sous pour payer le pressage.

– Muriel : Parce qu’on ne va pas demander non plus aux gens de faire ce boulot bénévolement pour nous. Ce sont des gens qui possèdent des compétences qu’on n’a pas pour faire ce travail, qui y passent du temps et y consacrent des efforts. Il est donc normal de les rémunérer.

 

– Parlons du concert de ce soir, qui a lieu sans avoir vraiment été annoncé à grand fracas : est-ce à dire que son but est moins d’attirer du public pour découvrir ou soutenir ce lieu que d’offrir un moment de partage et de joie aux jeunes qui y sont hébergés et aussi aux bénévoles qui s’y impliquent, et dont d’ailleurs plusieurs membres du groupe sont ?

– Samia : On est très contentes de chanter ce soir ici au Kabako, qui est un lieu de vie pour mineurs non accompagnés en recours, c’est-à-dire qui ont été déclarés non-mineurs par le département, et ont soumis un recours au juge des enfants pour obtenir que leur minorité soit reconnue. Il faut savoir que durant ce temps là, en attente de la décision, aucune instance, ni personne ne s’occupe d’eux : étant officiellement ni mineur ni majeur, ils se retrouvent donc à la rue. Ce lieu qui était ouvert a donc été occupé par des bénévoles afin qu’il accueille la trentaine de jeunes qui y est actuellement hébergée. L’idée du concert est née collectivement, puisque nous sommes quatre ou cinq membres du Cri du Peuple à venir régulièrement passer des journées et des nuits ici. On s’est dit que ce serait une bonne idée de chanter pour eux, devant eux, et leur offrir une petite soirée. J’ai édité les paroles des chansons, parce qu’on a pensé que ça pourrait aussi servir d’atelier lecture, car tout est prétexte à apprendre.

– Muriel : Et puis les mesures sanitaires relatives à la pandémie compliquent tout : on ne peut pas appeler les gens à venir soutenir massivement ou participer à un spectacle, ni même passer à une journée « portes ouvertes », comme ça s’organise dans les squats traditionnellement. Heureusement il n’y a eu aucun cas de personne infectée ici, car nul doute que ça pourrait servir de prétexte pour faire évacuer le lieu.

 

– Puisque vous y êtes bénévoles, pouvez-vous présenter le lieu, sa création et son fonctionnement ?

-Julien : Des bénévoles ont constitué un collectif indépendant, qui n’est pas affilié à une organisation particulière, même si certains sont membres d’associations ou de syndicats. Il y avait même les nouveaux élus à la mairie de Bordeaux, de la liste Bordeaux en Lutte, présent le jour l’investissement des lieux.

-Samia : Mais personne n’agit au nom de son association, groupe ou syndicat ; nous ne sommes qu’un collectif d’individus.

-Jules : Pour le moment les autorités restent tolérantes quant à l’occupation du lieu, qui est sécurisée et paisible. C’est bien que les jeunes aient cet endroit où vivre au lieu de passer l’été à la rue, autrement il aurait fallu rouvrir l’Athénée Libertaire pour y organiser des repas de l’accueil de jour, comme l’été dernier [lire  ici].

– Pat : Il y a quand même des rumeurs de risque d’expulsion, évidemment à cause des déclarations de la préfecture.

-Marina : Mais pour l’instant, il n’y a pas d’arrêté d’expulsion ni de procédure, car le bâtiment appartient au département.

-Sandrine : C’était celui de la MDSI, la Maison Départementale de la Solidarité et de l’Insertion, donc un lieu dédié qui finalement rempli une mission dans le même esprit, avec des espaces qui permettent de loger presque décemment les jeunes. Le problème est que des jeunes continuent d’arriver, car il y en a qui se retrouvent mis à la rue chaque jour sur décision du département qui leur refuse l’aide sociale à l’enfance. Pendant la période d’évaluation de leur dossier, qui dure d’un mois à un mois et demi, ils sont logés dans des hôtels, avec un éducateur qui passe les voir, mais sans prise en charge médicale, encore moins psychologique ou affective, alors que certains ont un vécu vraiment traumatique. On leur donne des tickets restaurant pour aller dans des fastfoods, où ils n’en peuvent plus de manger de la merde. Et puis on les jette à la rue soudainement si le dossier de reconnaissance de minorité est invalidé. Donc ici ils peuvent dormir, se reposer, cuisiner, participer à l’entretien et aux tâches ménagères ensemble, s’instruire et faire des activités. Pour la question alimentaire on bénéficie de deux sources de récupération : l’Amicale Laïque de Bacalan [NDLR quartier voisin], et la Banque Alimentaire, via l’association Les Enfants de Coluche et Alimentation Solidaire 33.

– Marina : D’ailleurs si tu peux faire passer un message, ils ont besoin d’argent, car ça coute cher d’acheter de la nourriture. Donc il y a un besoin d’aide financière pour pouvoir continuer de sortir de la nourriture de la Banque Alimentaire et la distribuer. On peut y contribuer ici : lire ici

 

– Que signifie le nom du lieu Kabako ?

-Samia : Il veut dire « surprise » en Bambara, qui est une langue du Mali et d’Afrique de l’Ouest. Il a été choisi par un jeune qui d’ailleurs n’est plus ici. Heureusement certains partent quand même avec une meilleure solution, ce qui libère la place pour d’autres. Un avocat a réussit a obtenir récemment un référé qui va dans le sens de ce qu’on réclame, à savoir que les jeunes soient pris en charge par le département jusqu’à la fin de leur dernier recours. Et on espère que ce lieu sera le dernier de ce genre à avoir besoin d’exister et que demain il n’y aura plus de mineur à la rue.

 

 

 

Miren Funke

Photos : Miren et CDP

 

Liens:  page fb du Cri du Peuple : https://www.facebook.com/lecridupeuplebordeaux

 

Page du Kabako : https://www.facebook.com/Kabakobordeaux

Soutien en ligne : ici

 

Page fb Alimentation Solidaire 33 : https://www.facebook.com/Alimentation-Solidaire-33-108403657489936/

Cagnotte :  —-> clic sur la bourse   

 

Entretien avec la chorale anarchiste Le Cri du Peuple à l’occasion du Festival contre le racisme et les stéréotypes

13 Août

Samedi 11 mai avait lieu à l’espace Le Rocher de Palmer de Cenon, près de Bordeaux, le Festival contre le racisme et les stéréotypes, organisé à l’initiative de Solidaire 33. La journée proposant au public conférences, ateliers et débats sur le thème, ainsi que la pièce musicale d’HK « Du cœur à l’outrage » et plusieurs concerts, s’annonçait être un de ces évènements bénéfiques et dynamisants qui rassemblent les gens, voient se rejoindre les copains, se produire des rencontres, se nouer des liens, et enrichissent de poésie les cœurs venus se ressourcer à la chaleur humaine et au partage des valeurs généreuses et altruistes. De valeurs et de poésie, il en fut précisément question durant la représentation de la chorale anarchiste Le Cri du Peuple, ensemble vocal bordelais qui depuis plusieurs années donne vigoureusement de la voix et porte la force des convictions en musique, à l’occasion de moments militants et en soutien à des causes précises, comme ce fut le cas le mois précédent, durant l’initiative évènementielle «Bienvenue» consacrée au thème de l’accueil des réfugiés. De mémoire aussi, la particularité du Cri du Peuple étant de chanter un répertoire constitué de chants de lutte anarchistes, qui, s’il comporte des morceaux récents connus de tous les libertaires au moins, a pris le parti d’extirper de l’oubli et de l’anonymat des chansons égarées ou ignorées du patrimoine musical anarchiste français, et de leur redonner vie et écho. A les entendre résonner à nouveau, c’est plus que le saisissement d’un mouvement de cœur au souvenir de ces anciens rêves et de ces colères justes qui animaient l’idéalisme des âmes insurgées qu’on savoure ; c’est aussi une œuvre de salubrité et de sauvegarde culturelle qui enchante la survivance d’un esprit et les combats qui l’incarnent. Une œuvre en préliminaire de laquelle Le Cri du Peuple avait choisi exceptionnellement d’interpréter en duo avec HK, la chanson « Ta récompense » de son groupe HK et les Saltimbanks. Quelques instants après la fin du concert plusieurs membres de la formation acceptaient de nous raconter leur aventure.

-Bonjour et merci de nous accorder un entretien après votre concert. Comment est née l’idée de cette chorale ?

-Christine : Il y avait un groupe de chants de luttes qui avait été fondé par Nadia de la Fiancée du Pirate à Langoiran avec des copines à elle. Nadia était une amie et comme j’habitais Bordeaux, je l’ai pas mal tannée pour qu’elle fasse ça à Bordeaux. Je ne sais pas si ça l’a influencée, mais il se trouve qu’elle a décidé de transporter ce groupe à Bordeaux, ce qui faisait loin pour les copines de Langoiran, donc on a fait appel à des copains et des copines. Du coup le groupe a débuté au local « Rastacouère » à Bordeaux en 2003-2004, notamment avec moi et Muriel. Tu as là le canal historique.

-Muriel : Il y avait au début pas mal de chansons en langues étrangères, « Pinelli », l’histoire de cet anarchiste défenestré en Italie dans les années 1970, une autre chanson d’Amérique latine, une chanson catalane, « L’Estaca », beaucoup de chansons antimilitaristes aussi. Et puis on a fait un set spécial en Espagnol pour la commémoration de la révolution espagnole en 2006. En fait au départ c’était un groupe de chansons historiques militantes qui reprenait les classiques.

-Christine : Le principe du Cri du Peuple, c’est qu’il reste une partie des gens qui étaient là au départ, nous trois en fait , plus Anne-Laure qui est revenue il y a 2 ou 3 ans , et qui faisait partie du groupe de Langoiran . Il y a toujours eu des gens qui passaient et qui repartaient, le plus souvent, car c’était des gens jeunes, des étudiant.es, qui repartaient s’installer ailleurs ensuite. Et puis parfois certain.es sont parti.es, car il.les trouvaient notre discours trop radical. Par exemple la dernière chanson que nous avons chantée ce soir sur « Le vote » est typiquement le genre de chansons clivantes, qui a pu faire que certain.es ne se sentaient pas de la chanter, étant en désaccord. Clairement Le Cri du Peuple est une chorale anarchiste ; mais il y a des gens dedans qui ne sont pas anarchistes, et on a le droit de ne pas l’être, et de ne pas toujours en accord avec les paroles. On n’est pas obligé d’être anarchiste pour chanter dans notre chorale, mais il y a des principes anarchistes non négociables que nous défendons ; si on n’y adhère pas, on peut aller dans une autre chorale, mais on n’est pas obligé d’être anarchiste pour chanter avec nous, si ça ne gène pas d’assumer les paroles des chansons.

Muriel : Mais le choix du répertoire que l’on chante est de mettre en avant cette mémoire là, qui n’est pas beaucoup chantée. On peut entendre « Bella ciao » ou « l’Internationale » partout ; mais nous avons choisi de déterrer des chants qu’on n’entend nulle part ailleurs, car nous sommes spécifiquement anarchistes. On n’est pas une chorale de rebellitude mainstream.

-Aujourd’hui vous avez pu interpréter un titre d’HK et Les Saltimbanks en duo avec HK. Avez souvent l’occasion de partager des moments artistiques comme celui -là ?

-Muriel : C’est le truc sympa qu’on a réussi à faire avec d’autres chorales ou artistes. On avait fait un concert avec La Chorale à Deux Balles. Et c’est marrant, car on essaye de trouver des chants en commun et de monter un truc un peu spécial pour la soirée.

-Christine : Quand La Collectore avait fait le présentation de son dernier album sur scène à Barbey, on était monté chanter avec eux. Le mois dernier on a chanté avec El Comunero qui interprète un set de chants de la Révolution Espagnole .

-Muriel : On a chanté pour le festival Bienvenue. Donc il y a toujours ce côté où on essaye de partager des moments, comme on a fait cet après-midi avec HK, même si c’était un peu improvisé.

-L’évènement Bienvenue, qui a réuni au mois d’avril des moments artistiques et festifs ainsi que des débats et conférences autour du thème de l’accueil des réfugiés en France et en Europe, tout comme ce Festival contre le racisme et les stéréotypes qui se tient aujourd’hui, n’est pas la seule occasion militante où vous vous êtes produits. Est-ce primordial pour vous de chanter pour soutenir ?

-Muriel : L’autre particularité c’est que nous ne chantons pas n’importe où quand même. Ce n’est pas parce que les gens ne voudraient pas qu’on y chante. Mais nous ne souhaitons pas aller chanter dans un bar super commercial par exemple qui voudrait nous faire venir parce que c’est trop fun de s’encanailler avec des anarchistes. On choisit les endroits où on chante et on aime bien chanter en soutien à des causes. On ne va pas aller dans un lieu beauf ou sexiste ; ça fait partie de nos principes d’affirmer qu’on ne va pas nous utiliser n’importe où. Et depuis le début on avait également l’idée de chanter dans les manifestations, ou des moments de lutte comme des piquets de grèves ou des blocages, parce que ça donne la pêche de pouvoir manifester en chanson. Quand tu bloques un dépôt et que tu dois attendre toute la nuit, c’est cool de chanter et se redonner de la vigueur. Lorsqu’on a chanté l’autre jour sous La Tente à Son sur les quais pour Bienvenue, c’était vraiment un soutien à un moment de lutte et aux réfugié.es . On a pas mal chanté en soutien aux réfugié.es , car la situation à Bordeaux est quand même grave et ils ont vraiment besoin d’aide, d’argent aussi, donc faire passer le chapeau pour eux en fin de concert n’est pas inutile. Et pour nous, ça donne du sens à ce qu’on chante : ce n’est pas que du folklore.

-Christine : Et l’idée c’est aussi de faire des sous pour les caisses de soutien. On ne va pas cautionner n’importe quoi, ce qui ne veut pas dire que parfois on ne s’est pas peut-être fourvoyé. On essaye effectivement d’avoir aussi un discours féministe en même temps qu’anarchiste, parce que ça ne va pas toujours de pair ; il faut le savoir.

-Au sujet de la cause féministe justement, Le Cri du Peuple a été pendant longtemps une chorale quasi-entièrement féminine, ce qui pouvait laisser croire qu’elle était strictement réservée aux filles. Aujourd’hui deux garçons participaient. L’introduction de garçons dans la chorale est-elle due à l’abandon d’un principe d’exclusivité féminine?

-Christine : Non. Il y en a quatre actuellement. Pendant très longtemps la chorale a été mixte ; c’était moitié-moitié. Il y a 2 ans, tous les gars étaient partis.

-Muriel : Il y a des moments de creux dans l’existence de la chorale ; on la maintient, mais elle a parfois été un peu en veilleuse, car il n’y avait plus trop de monde. Mais cette chorale existe, et repart chaque fois.

-Christine : On n’accepte pas non plus n’importe qui.

-Quels sont vos critères d’acceptation ? Chanter juste ?

-Muriel : Non ! Le seul critère que l’on n’impose pas, c’est de chanter juste, et c’est parfois dommage.

-Christine : Il y a souvent des gens qui pensent chanter faux, et qui en fait avec la pratique s’aperçoivent qu’ils peuvent chanter juste.

-Pat : Pour revenir à la présence de garçons, on n’a jamais décrété qu’on était une chorale purement féminine, donc on est content.e d’avoir des camarades garçons avec nous. Par contre tu as peut-être remarqué que sur certaines chansons comme « Toutes des putes » ou « Non, c’est non », ils se mettent en retrait.

-Julien : Quand je suis arrivé j’étais persuadé que la chorale était non-mixte, car je les avais vues chanter quelques fois. Et c’est Marina qui m’en a parlé et assuré que ce n’était pas le cas. J’étais plutôt timide au début, mais ça s’est bien passé : j’ai trouvé de suite ma place et rencontré une bienveillance énorme.

-Pat : Tu vois dans les critères, il y a ça : la bienveillance. Parfois on refuse des gens, car on est suffisamment nombreu.ses et bien rodé.es comme ça, mais ce n’est pas discriminatoire.

-Christine : Personnellement j’ai beaucoup insisté pour qu’il y ait plus de garçon. Et puis les camarades qui viennent, nous les connaissons ; on sait que ce n’est pas n’importe qui. On ne recrute pas vraiment ; ça marche un peu par cooptation. Les nouveaux , par exemple , sont des camarades de Boris ou Julien .

-Muriel : Ce sont quand même des gens qu’on côtoie, et dont on sait que pour eux ce n’est pas juste un truc artistique funky, et que ce sont des gens à qui ces chansons parlent.

-Christine : On ne souhaite pas non plus se retrouver avec des mecs qui vont nous expliquer la vie. Par exemple si on décide de faire un morceau, nous les femmes, sur le féminisme, sans que les garçons chantent, nos camarades le respectent ; il n’est pas question de discuter le bout de gras avec un relou qui va nous expliquer qu’il est aussi féministe que nous et vouloir s’imposer.

-Julien : Et puis on est 15 au total dans la chorale, donc il ne faut pas qu’il y ait trop de décalage non plus entre les idées de chacun, si on veut que l’alchimie du groupe continue de fonctionner. Là on sait qu’on pense à peu près tous la même chose d’un point de vue militant.

-Votre répertoire a évolué depuis les débuts, où on entendait bien plus de chants internationaux lors des représentations, qui ont laissé la place à des morceaux issus du patrimoine anarchiste français, souvent méconnus, que vous avez sortis de l’oubli. Est-ce par soucis linguistique ou par désir de faire revivre les chants d’un répertoire en voie de disparition?

-Muriel : Dans l’évolution, on a de plus en plus laissé tomber des chants en langue étrangère, par soucis que les gens du public comprennent ce qu’on chante. Sur un concert comme celui de cet après-midi, si les gens ne parlent pas l’Espagnol ou l’Anglais, c’est compliqué. Du coup on a resserré petit à petit le répertoire autour des chants de lutte en Français, y compris « Homophobia » qui est une chanson du groupe punk britannique Chumbawamba, dont on a traduit les couplets en conservant uniquement le refrain en Anglais, car ça aurait été dommage que les gens ne comprennent pas ce que raconte le texte.

-Christine : D’ailleurs les gens sont désormais plus concentrés et plus en phase avec le set qu’avant.

-Muriel, tout à l’heure durant le set, tu as présenté Le Cri du Peuple comme un « passeur de mémoire », mais vous avez également intégré dans le set des morceaux récents issus de la scène punk alternative comme « Homophobia » justement ou « No pasaran » du groupe Les Cadavres. Est-ce à dire que vous considérez ces titres aussi comme appartenant au patrimoine de la chanson militante ?

-Muriel : C’est très compliqué, parce qu’à un moment, les anciennes du groupe, on en a eu marre de chanter toujours la même chose. Tu ne peux pas faire ça pendant des années. Donc on a voulu un peu renouveler, et on s’est dit qu’effectivement il y a des chants de lutte plus récents, qui ont de la gueule, qui veulent dire des choses, et c’est aussi finalement notre patrimoine. Je pense que la culture punk, c’est du patrimoine ; ça a un sens dans le milieu anarchiste, parce que le Punk a beaucoup collé à l’actualité et aux idées anarchistes.

-Christine : Et puis ce morceau des Cadavres a une histoire : on a fait un projet il y a trois ans qui s’appelait « Le Cri du Punk » avec un double set qui reprenait des morceaux du Cri du Peuple, et des morceaux punks, amplifié, avec des musiciens de plusieurs groupes bordelais ; nous étions une vingtaine sur scène.

-D’ailleurs vous chantez notamment un morceau typiquement issu du patrimoine bordelais, « Mon voisin vient de loin », créé par LaReplik [https://www.facebook.com/la.replik.pirates/] et repris plus d’une fois. Est-ce un clin d’œil affectif à la culture locale ou y a-t-il d’autres critères qui entrent en compte pour le choix des morceaux ?

-Christine : Nadia qui était dans la chorale avait été batteuse de LaReplik. On l’a repris et on l’a fait écouter une fois à Ludo [NDLR Ludo Tranier, chanteur de LaReplik et de Buscavida  (Voir ICI )

-Muriel : On aime ces trucs là aussi ! Et pour revenir au choix des chansons, parfois c’est conflictuel ; très souvent sur dix propositions nous en rejetons neuf.

-Christine : C’est compliqué : Parfois le thème n’est pas percutant ; parfois c’est souvent la forme qui va poser problème.

-Muriel : Oui : le premier critère rédhibitoire, c’est qu’il faut que ce soit réalisable en chorale. Il y a des chansons inchantables une fois qu’on leur a retiré les instruments. Si ça risque de ne rien rendre, ce n’est pas la peine. Et une fois que c’est recevable, car on peut en faire quelque chose en chorale, on s’engueule. C’est dur, car parfois certain.es peuvent en avoir un sentiment d’injustice.

-Christine : C’est toujours une blessure d’ego, lorsque tu proposes des chansons que tu aimes à un collectif et que c’est systématiquement ou souvent rejeté. Mais c’est très dur de choisir un morceau pour Le Cri du Peuple qui soit pertinent.

-Marina : Par exemple aujourd’hui, on a chanté « Le vote », mais on ne l’a pas tou.tes chanté. Y a des chansons que tout le monde ne se sent pas de chanter. On peut chanter une chanson à plusieurs, sans qu’elle fasse forcément consensus et les personnes qui n’ont pas envie de la chanter peuvent s’en abstenir.

-Muriel : Je ne suis pas entièrement d’accord, car je pense que la chorale ne ressemblerait à rien, si chaque fois, il y avait deux ou trois personnes qui s’abstenaient de chanter.

-Christine : L’anti-électoralisme est un sujet très clivant, car dans Le Cri du Peuple, il y a des gens qui ne sont pas anarchistes et qui votent. Du coup il.les ne chantent pas cette chanson, mais ça fait plusieurs années qu’on la fait, et même si elle est un peu nase –on est d’accord, elle vaut que dalle artistiquement-, ça fait des années qu’on se fait un peu plaisir à la chanter en quittant la scène. Donc qu’il y ait des gens qui ne la chantent pas, ce n’est pas grave. Par contre sur le set constitué, il faut quand même qu’il y ait consensus.

-Marina : Personnellement il y a des chansons que je n’apprécie pas beaucoup, mais qui par contre ne sont pas en désaccord avec mes valeurs et ne vont pas à l’encontre de ce que je suis ; par conséquent je les chante quand même.

-Muriel : Pour prendre l’exemple de « La rengaine », lorsqu’on a découvert cette chanson, on l’a kiffé dans la seconde et on s’est dit qu’il fallait en faire quelque chose, tellement c’est beau. On a été quelques une à faire nos autoritaires pour l’imposer alors qu’on avait décidé de ne pas modifier le set. On s’est fait grave engueuler ! Mais on avait envie d’embarquer tout le monde dans notre coup de cœur. Et ça valait le coup. Quand c’est compliqué et que ça bloque vraiment, on ne va pas se prendre la tête et on laisse tomber, car la priorité est quand même de se faire plaisir ensemble. S’il y a trop de conflit, ça veut dire qu’il ne faut pas prendre la chanson, car ça ne marchera pas.

-Boris : Justement dans cette chanson nous avons modifié un propos qui gênait certain.es.

-Muriel : Oui parce que cette chanson a été écrite avec dans le refrain une référence qui parle de « la chambre à gaz des banquiers ». Alors on s’est dit qu’en 2019, on ne pouvait pas chanter ça. La Shoah, c’est quelque chose de particulier qu’on ne peut pas instrumentaliser. Alors on a changé pour « la guillotine des banquiers ».

-Concernant les chansons comme « Je vote » que vous chantez sur l’air de « Se Canto » avec des paroles qui n’ont aucun rapport avec l’original, qui écrit les textes ?

-Muriel : C’est un texte que je tiens du milieu militant nantais, car je suis originaire de Nantes. Et lorsque je suis arrivée à Bordeaux, je chantais ça dans les fins de soirées, avec d’autres chants bretons ; c’était un peu le « off ».

à suivre entretien avec HK…

Miren Funke

photos : Miren, Kafar 33 (photo de Ludo de Buascavida)

Lien : https://www.facebook.com/lecridupeuplebordeaux/

Lien du festival https://www.facebook.com/events/556377694836345/

Concert de soutien Ford Blanquefort Même pas Mort! rencontre avec le groupe de théâtre

14 Oct

Samedi 21 septembre

Samedi 21 septembre, la salle de spectacle Le Krakatoa à Mérignac, près de Bordeaux, organisait conjointement avec le collectif Ford Blanquefort, Même pas mort!, une soirée en soutien aux salariés de l’usine Ford, dont la fermeture programmée de longue date a finalement été actée par une décision de justice refusant de se prononcer contre et autorisant les licenciements au terme d’une lutte de dix ans, durant lesquels le combat syndical et salarial avait réussi à empêcher la liquidation du site par le constructeur américain. Dix ans de batailles, de conflits, de petites victoires et de sursis, arrachés, épisode après épisode, dans une lutte volontaire, digne, exemplaire, pour conserver les emplois, dix ans d’un militantisme sans relâche, dix ans sous l’épée de Damoclès à craindre le moment où le couperet finirait par tomber et à espérer quand même qu’on ne se bat pas en vain, à mener des grèves, épuiser les recours juridiques, négocier avec les dirigeants de l’entreprise, en appeler à l’intervention des pouvoirs publics, s’entourer de soutiens associatifs, humains et artistiques pour médiatiser la cause, et se ressourcer lors de témoignages festifs de solidarité à l’occasion de concerts et d’évènements. Non pas que les militants aient été de doux rêveurs utopistes inconscients de la féroce réalité que de toute évidence leur imposerait fatalement un employeur ayant pourtant bénéficié de multiples aides de l’état français pour renoncer à la fermeture de cette usine de boite de vitesse (50 millions de subventions publiques), que par ailleurs aucun impératif économique n’exigeait, l’usine n’étant pas déficitaire, bien au contraire (7,6 milliards de profits en 2017). Mais c’est un sens de la dignité et le refus de la résignation qui tenaient les camarades debout dans l’adversité contre le non-sens, et le cynisme de principes économiques selon lesquels la vie des femmes et des hommes, ayant usé leur santé à produire, n’a pas plus de valeur que l’usage que le patronat peut en faire selon son gré. Et lorsque les lettres de licenciements commencent à arriver, qu’elles sont là, entre vos mains, ces dix ans sont finis. L’usine, le travail qu’on sait accomplir, les compétences professionnelles, l’expérience, les collègues, les camarades, la sécurité d’un salaire, qui bien que n’étant pas mirobolant permettait de vivre et de nourrir ses enfants, la fierté de l’ouvrier peut-être, les emplois annexes des sous-traitants, l’existence des commerces et de la vie sociale et économique d’une commune dépendant de l’existence de ces emplois, le sens de la solidarité, se lever le matin pour faire quelque chose, se battre pour quelque chose : tout est fini. Alors à ce concert, pour l’organisation duquel de nombreux acteurs joignirent leurs forces, des artistes venus témoigner leur soutien, au personnel du Krakatoa, dont certains travailleurs vinrent donner un coup de main bénévolement, en passant bien sur par le public arrivé nombreux -la salle était quasiment complète-, une atmosphère particulière s’installait : un mélange paradoxal d’envie de réjouissance et de festivité, de rires et de chants, et d’une amère tristesse au gout de profond désarroi. Nombreux laissèrent couler leur chagrin, leur dégout, leur effondrement le long du visage. Ce fut une soirée chaleureuse certes, musicalement et comiquement riche. Mais le cœur ayant pourtant besoin de faire la fête ne parvenait pas à y aspirer pleinement, comme dans ces moments funèbres où l’instinct de vie aurait précisément besoin de se hurler plus fort que d’habitude, mais se contraint d’une retenue, comme si la joie sans frein y revêtait un caractère indécent, dont elle ne devrait pourtant jamais avoir à se parer, tant nul ne sait sans doute mieux que ces femmes et ces hommes debout combien elle est vitale à l’existence.

Avant que les différents artistes et humoristes animent la soirée, un groupe de théâtre, au sein duquel nous retrouvons plusieurs membres de la chorale anarchiste Le Cri Du Peuple [ LIRE ICI ] deux salariés militants de l’usine Ford, Gilles et Jérôme [qui nous avaient accordé un entretien l’an passé  LIRE ICI ], et d’autres camarades, amorçait le spectacle par une lecture théâtrale et chansonnière d’extraits du livre Ford Blanquefort, Même pas mort! C’est à l’initiative d’Isa, de la compagnie de théâtre bordelaise Les Petits Tréteaux, que fut mise en scène cette œuvre collective de plusieurs auteurs, sociologues, humoristes, chanteurs et dessinateurs, dont les droits sont réservés à l’Association de défense des emplois Ford. Une lecture émouvante par les convictions qui s’y expriment bien sûr, mais aussi parce qu’elle porte la parole de vies qui n’ont rien d’anonyme, qui sont celles de nos proches, nos amis, nos copains, en inscrivant la démarche de ses auteurs dans le sillage de celle des intellectuels et des artistes solidaires de la cause ouvrière, et que ce ne sont pas des comédiens professionnels qui l’interprètent. La metteuse en scène, Isa, elle-même artiste – et non moins militante du milieu associatif active auprès de nombreuses causes (entre autres l’élan de solidarité envers les personnes jetées à la rue après l’expulsion de plusieurs squats à Bordeaux les mois précédents), dont les engagements, à l’instar de ceux de ses compagnes et compagnons, s’ancrent dans un sens de concordance et de solidarité des différentes luttes-, amènent ces amateurs, pour certains novices dans l’exercice théâtral, à un degré d’exigence qualitative remarquable, preuve que l’excellence artistique n’est pas l’exclusivité d’un élitisme professionnel. Après la représentation, des membres de la troupe nous retrouvaient en fin de soirée pour parler de toute la noblesse d’un art populaire qui a du sens et du sens qu’ils lui donnent à travers cette pièce.

 

– Bonjour et merci de nous accorder cet entretien après la soirée qu’on vient de passer. Pouvez-vous nous raconter comment est née l’idée de la pièce que vous avez jouée ce soir?

– Marina : Isabelle de l’association Les Petits Tréteaux nous a proposé de faire une lecture d’extraits du livre Ford Blanquefort Même pas morts !, et l’a peu à peu mise en scène.

– Julien : Au départ il ne s’agissait que d’une lecture simple et on s’est un peu tous regardés en chiens de faïence, avec nos textes à lire. Et puis on a commencé à se dire qu’avec une guitare, et puis un cajun, on pourrait arranger les choses en incorporant des morceaux de musique entre les textes, et puis Isabelle a proposé d’intercaler carrément des chansons de lutte.

– Marina : Isabelle a donc composé une mise en scène à partir de ça, et nous avons eu la chance d’avoir Nadia (du groupe La Fiancée du Pirate) pour nous diriger de manière à ne pas chanter trop faux.

 

– Alors ce livre, comment est-il né, dans quel but et par quelles collaborations ?

– Béatrice : En fait la CGT de Ford tenait un canard qui s’appelait « Bonne Nouvelle » dans lequel ils remettaient à leur sauce des dessins humoristiques piqués dans la presse de gauche. Au moment de l’annonce de la fermeture de l’usine, ils ont donc fait appel à certains dessinateurs auteurs de ces dessins, et d’autres qui ont participé exprès pour alimenter le canard. Il y a eu jusqu’à quatre vingt dessins dont de Plantu, de Urbs, Large, etc… Ensuite on a compilé les dessins a fait appel à des auteurs pour réaliser ce livre avec des textes autour : on a contacté Chalandon, Morel, rencontré au salon du livre d’autres auteurs à qui ont demandé au culot s’ils voudraient participer à ce livre. Tous les textes ont été donnés comme ça. Libertalia  est une maison d’édition libertaire qui nous a donné carte blanche et a édité le bouquin, en considérant ça comme un « tract de luxe », l’idée étant de diffuser la lutte et la faire connaitre, sans prendre en considération des histoires de rentabilité ni autre. D’ailleurs les droits d’auteurs de l’ouvrage sont réservés à l’association de défense des emplois Ford. Et puis Isa a lu le bouquin et eu l’idée de la pièce.

– Marina : Donc les textes ont été écrits par des auteurs, des humoristes, des chanteurs, des universitaires. Il y a les Pinçon-Charlot, Sorj Chalandon, Serge Halimi, François Morel, Philippe Blanchet, Guillaume Meurice, Juliette, Didier Super entre autres. C’est un très beau livre avec de superbes textes et des textes qui peuvent parler aux gens, car ils sont extraits de ce que peut vivre quelqu’un qui perd son job. Par exemple il y a un texte qu’on n’a pas lu, mais qui parle d’une paire de chaussures payées au gamin du couple, qui s’use au bout de deux ans et qui ne pourra pas être remplacée, car le père  va être licencié. Ça a l’air tout con, mais c’est précisément le quotidien que plein de gens vivent et qui parle à tous. On peut se mettre à leur place et ça peut peut-être inciter les autres à s’identifier et réfléchir au fait qu’aujourd’hui, ce sont les Ford qui perdent leurs emplois, mais demain ? Il faut que les gens prennent conscience que ça ne va pas s’arranger et que ça va continuer comme ça, parce qu’on est dans un monde où la seule chose qui compte, c’est le pognon. Et comme le disait si bien Sandrine avec les textes de Didier Super, ça coute bien moins cher de fabriquer en Chine ou au Maroc, et que de plus en plus de gens se retrouveront en galère. Et la galère, ça vient vite. Même si tu touches des indemnités, en deux ans, ça part très vite, et quand tu es trop âgé pour te requalifier dans un autre travail que celui que tu sais faire et qui est très spécialisé, car tu as fait toute ta carrière dans la même entreprise – la moyenne d’âge des ouvriers de Ford est de 52 ans -, ou que tu es un salarié qui s’est mis en avant dans les luttes syndicales comme Jérôme, Gilles ou Philippe, tu es mal parti pour retrouver du travail ailleurs. Je suis sure que ce soir il y avait aussi dans le public des gens pas spécialement concernés par la lutte des Ford, qui sont venus pour voir des artistes, et j’espère que chez ces personnes les textes qu’on a dit pourront allumer une petite lumière. Ce qui me touche dans le texte de Marco lu ce soir, c’est quand il dit qu’il ne comprend pas comment ça se fait qu’il est le seul à se révolter et se mettre en avant. C’est ça : tu ne peux pas laisser une personne ou un groupe de personnes te tirer de l’avant et toujours se battre pour toi ; c’est aussi à toi de t’engager. Si on veut se battre et gagner, il faut qu’on soit tous ensemble. Sinon ceux qui tirent les autres pendant deux ans, cinq ans, dix ans, fatiguent, se découragent et laissent tomber. Et puis ils ont tenu dix ans dans le « ça va se faire », et maintenant que les lettres de licenciement sont là, ils sont dans le « c’est fait ». Ils ont tenu dix ans en lutte et demain, il faudra se réveiller sans lutte. J’ai un énorme chagrin pour ces camarades.

– Isa : La réalité est que ce monde du travail est mort. C’est Ford qui s’arrête, mais c’est plein de choses qui s’arrêtent. On est sur la fin d’un système. Le capitalisme nous a amenés dans le mur, et il va falloir qu’on pense à autre chose. Aux Etats Unis, Ford a délocalisé dans des endroits où les salaires leur coutaient moitié moins cher ; Detroit vit sur des ruines. Et Ford n’a pas arrêté de vendre des bagnoles ; ils continuent à en vendre et à faire de la publicité, et il n’y a jamais eu autant de bagnoles.

– Marina : Et il n’y a pas que les gars ; il y a aussi leurs parents, leurs enfants. Ces mecs là ne portent pas que le poids d’avoir perdu leur travail, mais aussi de ne plus être une source de ressources pour leurs enfants, pour leur femme. Comme dans toute entreprise touchée par ça, tu vas avoir une vague de gens qui vont se suicider.

 

– Les textes dits par chacun de vous sont tirés du livre, mais comment s’est décidée leur sélection ?

– Victoria : On a tous eu la liberté de choisir les textes qu’on voulait sélectionner. Lorsqu’on était plusieurs positionnés sur un même texte, on a constitué des binômes.

– Marina : On a du en couper certains, parce qu’il y avait des textes longs et si je n’avais pas coupé le mien, j’aurais pu tenir la scène pendant une demi heure toute seule, mais on a gardé l’essentiel et j’ai essayé de montrer la progression du personnage dans mon choix de passages.

– Victoria : On a pu aussi récupérer des slogans, parce que dans ce bouquin, il n’y a pas que des textes écrits ; il y a aussi des dessins et des slogans.

 

– Qui a déterminé la participation de chacun des membres à votre groupe ?

– Isa : Le bouquin m’a vachement plu et l’idée d’en faire une lecture théâtralisée s’est imposée. J’ai donc donné rendez-vous aux copains des Petits Tréteaux pour ceux qui étaient disponibles, Victoria, Sarah, Nadia, et après on a pensé à proposer de participer à des gens qu’on connait et qui ont suivi la lutte des Ford, donc Marina, Sandrine et Julien qui font partie de la chorale Le cri Du Peuple, et puis Jérôme et Gilles de Ford, et un copain à moi, Patrick, du quartier, qui joue de la guitare, et Béa du collectif Salle des Fêtes aussi. L’idée était de réunir des gens qui ont des affinités, mais aussi des gens qui étaient là d’avant et qui peuvent un peu porter le groupe, parce qu’on fait de l’éducation populaire, donc s’il y a des gens qui ont déjà fait un peu de théâtre, ils arrivent à porter les autres. Il fallait qu’il y ait un lien affinitaire autour de la lutte des Ford. De toute façon, les pièces qu’on monte dans le quartier se font toujours autour de petites rencontres, parce qu’il y a quelque chose d’affinitaire, parce qu’on a envie de raconter une histoire avant. Dans la troupe tout le monde est militant.

 

– La solidarité des luttes est précisément une dimension qui ressort de vos engagements à tous, puisque que nombreux d’entre vous sont syndiqués ou adhérents ou sympathisants libertaires, se sont impliqués assidument cet été dans l’élan de solidarité envers les personnes expulsées de squats à Bordeaux, parmi lesquelles on compte une majorité de demandeurs d’asile, militent et participent à d’autres combats sociaux. L’envie de faire vivre le propos de ce livre s’inscrit-elle dans la volonté d’exprimer le lien intrinsèque qui existe entre tous ces engagements, en trame de fond une conscience de classe populaire?

– Isa : C’est pour cela que ce soir il y a eu cette prise de parole : ce n’est pas parce que je voulais monter sur scène, mais parce que les copains en sortant de scène ont plus de mal à prendre la parole, car ils sont encore dans l’émotion de la pièce, et il fallait dire tous les liens qu’il y a entre les Gilets Jaunes, les victimes de violences policières, Georges Abdallah, les migrants, la lutte des Ford, toutes ces causes là. Cette lutte des salariés de Ford est quand même exemplaire, car il y a très peu de lutte qui ont été menées comme celle là en France à ce jour, ces vingt dernières années : c’est une lutte qui a duré plus de dix ans à batailler pour sauver leurs emplois, et c’est exceptionnel. C’est pour ça qu’on a tenu à la fin à rendre hommage à Gilles et Jérôme, les deux ouvriers qui font parti de la troupe. Parce que ces licenciements font des dégâts collatéraux aussi. Nous sommes ici tous des précaires, des chômeurs, des travailleurs pauvres, certes français, blancs, et cet été nous sommes nombreux à avoir participé à la solidarité avec les migrants, mais mine de rien, il ne faut pas oublier d’où on vient, et que si nous, nous ne sommes pas en forme, on ne pourra pas aider les autres. Et c’est vrai qu’il y a des vagues de personnes qui sont encore plus pauvres que nous qui arrivent. Mais nous sommes, nous aussi, victimes de ce capitalisme. C’est pour ça qu’on a écrit cette dédicace à dire en fin de représentation pour Gilles et Jérôme ; c’était une surprise, car si on leur avait dit avant, ils n’auraient pas voulu être mis en avant. C’est très émotionnel peut-être, mais c’était leur rendre hommage, parce que ces mecs là, ils vont se retrouver au chômage. On en est tous à batailler pour trouver du travail à mille deux cent euros par mois ; ce n’est pas pour pleurnicher, mais on est sur des réalités de vie identiques. Et puis nous sommes tous issus de l’immigration, par des parents polonais, espagnols ou autres. Je suis touchée par cette composante qu’il y avait sur la scène ce soir, de tous ces gens qui sont sur ces diverses luttes dont je parlais. Je ne fais du théâtre que pour ça.

 

– L’affiche de ce concert de soutien était conséquente ce soir, avec plusieurs artistes ayant répondu à l’appel, et encore d’autres qui se sont ajoutés par la suite. On le déplorait tout à l’heure, les temps laissent l’impression de ne plus avoir de prise de position d’artistes célèbres à large audience populaire, comme le fut Jean Ferrat, même s’il y a toujours des artistes alternatifs engagés politiquement, et nous les connaissons, mais qui ne sont pas de ceux qui diffusés par les médias radiophonique et télévisuel. Néanmoins malgré les circonstances peu joyeuses de l’annonce des licenciements, voir ce soir ces artistes désireux de soutenir les copains de Ford et en tous cas se sentant concernés, remontait le moral. Avez-vous échangé avec eux ?

– Marina : Je n’ai pas eu trop de contacts avec eux, à part avec Cali, avec qui il y a eu négociation. Julien peut te le raconter !

– Julien : Quand on est arrivés en fait le régisseur s’est moqué de nous et ne nous a pas pris au sérieux. Nous sommes des amateurs, tu comprends… C’était pendant les balances, et donc la batterie et le matériel avaient déjà été installés et Isa me dit que ça va être compliqué d’installer notre décor, puisqu’il ne restait que deux mètres disponibles sur la scène. On avait les tables, le guéridon, le cajun à mettre ; enfin c’est une pièce de théâtre avant tout. J’ai donc expliqué au régisseur qu’il y avait parmi nous des ouvriers de Ford, que la soirée était pour eux, que sans eux, elle ne se serait pas faite, et qu’il fallait donc nous faire de la place pour jouer. Et on a poussé le matériel pour faire de la place.

– Isa : Je pense qu’ils ont été un peu pris dans la panique d’urgence de dernière minute, parce que plusieurs groupes se sont rajoutés à l’affiche au dernier moment. Et forcément, on arrive, on est des amateurs et ils ne se sont pas rendu compte de la dimension du théâtre.

– Julien : Donc on devait jouer à 19h30, mais à cette heure là, personne n’était encore entré dans la salle ; les gens faisaient la queue dehors. On ne pouvait quand même pas jouer devant personne ! Et le régisseur n’était pas d’accord qu’on retarde l’horaire, avec l’argument que le timing était serré et qu’il ne pouvait quand même pas couper Cali. « Cali ! Tu te rends comptes ? Je ne peux pas lui demander de jouer moins longtemps» me dit-il. Et Cali qui était juste derrière moi avait tout entendu et est intervenu auprès de l’ingénieur pour lui dire qu’on commencerait dans un quart d’heure, quand les gens seraient entrés, peu importe si lui devait raccourcir son concert. C’est vrai que je trouvais ça très méprisant de nous dire de jouer devant personne, juste parce qu’on est des amateurs. Oui, nous sommes des amateurs, mais avant tout c’était une soirée militante en soutien des Ford, pas une soirée artistique du Krakatoa, même si c’est super tous ces artistes venus en soutien.

 

– Dans le public, de nombreuses personnes autour de moi, pour ne pas dire toutes, étaient captivées par votre lecture, et en même temps pleuraient beaucoup et chantaient avec vous lors de l’interprétation de chants de lutte. Avez-vous ressenti sur scène le retour du public ou recueilli des réactions de spectateurs ensuite ?

– Marina : La pièce avait déjà été jouée au Grand Parc, mais ce soir c’était un peu une vraie première fois très émouvante. On voyait les gens en face dans le public pleurer ; il y avait des travailleurs de Ford. Pour moi c’était vraiment une belle aventure humaine. Beaucoup de gens sont venus nous dire combien ils étaient touchés et c’est agréable qu’un texte soit ainsi accueilli, d’autant que ces textes sont vraiment très beaux.

– Victoria : Il y a eu beaucoup de retours d’anonymes. Chaque fois qu’on sortait dehors de la salle, des gens nous interpellaient pour nous remercier, car eux-mêmes ou des membres de leur famille étaient concernés directement. D’ailleurs c’était très difficile d’avoir du répondant face à ces personnes. Tu as les larmes aux yeux et tu restes sur l’émotion.

– Isa : Quand on joue au théâtre, pour moi, que ce soit des amateurs ou des professionnels, c’est pareil : ils doivent être bien en condition et il faut être bien sur scène. Et pour ce faire il faut être bien préparé. Je ne fais pas de différence entre amateurs et professionnels. Je fais de l’éducation populaire, je le dis et le revendique : je pourrais faire jouer un éléphant. Enfin je plaisante bien sur ; c’est complètement con! Je disais ça en référence à un danseur de renom qu’on avait fait venir au Grand Parc et qui aurait fait danser n’importe qui, y compris un éléphant. Le travail de théâtre est draconien, et quand le groupe est sur scène, il y est seul. Et si le groupe sort de scène déçu ou pas bien, c’est hyper traumatisant. Bien sûr il y a des choses dans la vie bien plus violentes. Mais le théâtre est fait pour transcender le quotidien, comme la musique ou la danse, ou n’importe quel support artistique ou culturel. Là dans le groupe, ils ont tous des vies à côté : c’est leur moment de plaisir, fait sur leur temps libre. Donc il faut que ça marche et qu’ils soient bien. C’est quelque chose que je sais organiser, parce que j’ai appris à être animatrice, à faire de la coordination de projets, et je connais donc quelques techniques. Et c’est du travail ; il faut une rigueur et tenir un rythme. Ce soir les gens étaient beaucoup à l’écoute, parce que je pense que vous les avez embarqués dans l’histoire.

– Marina : Et c’est vrai qu’Isa nous a donné super confiance. C’est un joyeux bordel organisé.   

– Nadia : Puis comme on s’entend bien, on a vraiment envie de continuer et de faire d’autres dates avec cette pièce. Et puis la culture est un bon biais pour aborder le militantisme, pas de manière trop militante justement.

 

 

Miren Funke

Photos : artistes divers : Carolyn Caro ; groupe de Théâtre : Miren

 

Liens : facebook de la compagnie Les Petits Tréteaux : clic sur le rideau –>

 

 

 

 

 

Editions Libertalia : c’est là ->

 

 

 

 

 

Concert de soutien au Collectif des Migrants de Bordeaux mercredi 28 : entretien avec Le Cri Du Peuple

26 Août

 

Mercredi 28, la chorale anarchiste Le Cri Du Peuple, qui nous avait précédemment accordé un entretien lors du Festival contre le racisme et les stéréotypes, participera à un concert programmé au centre Darwin à Bordeaux, en soutien au Collectif des Migrants de Bordeaux (C.M.B), qui  organise l’accueil des personnes privées de logement par la récente vague d’expulsions successives de squats, leur propose des repas, des aides juridiques et médicales, et coalise les initiatives des différentes associations ou organisations, propageant la chaleur humaine d’un mouvement de solidarité qui s’est spontanément et dans l’urgence exprimé dès les premières expulsions, et engagé dans l’action concrète autour de militants anarchistes et sympathisants de gauche, de membres du milieu associatif (notamment le club de rugby solidaire Ovale Citoyen qui compose la mixité de son équipe en recrutant des joueurs issus de populations exclues et en exil), ou de gens simplement citoyens et humanistes, horrifiés et révulsés par la brutalité et le cynisme avec lesquels la république « des droits de l’homme » a subitement privé des être humains de leur abri, pour les jeter à la rue en pleine canicule, et à la déchetterie leurs affaires. Nombreux furent les girondins, politisés ou non, à s’insurger devant le sort de ces hommes, femmes et enfants, contraints d’errer et dormir dehors, parfois juste devant la porte condamnée de leur squat, et à s’abasourdir face à la stupidité et au non-sens de l’intervention préfectorale ordonnant l’application froide des décisions juridiques d’expulsion, sans plus d’empathie que de cas de conscience. Rapidement les dons de denrées alimentaires et produits de nécessité ont convergé vers le local de la Confédération Nationale du Travail (C.N.T Gironde), puis l’Athénée Libertaire, ou des militants et sympathisants se relayent pour assurer une distribution de repas, et un accueil de jour pour les expulsés, qui eux-mêmes s’impliquent dans l’accomplissement des tâches et dans la mise en œuvre de l’entre-aide -loin, très loin d’un esprit d’assistanat tel qu’il est souvent fantasmé par certains discours ignorants-, tandis que et la Bourse du Travail -local de la Confédération Générale du Travail (C.G.T)- prenait le relais pour un accueil de nuit. C’est peu dire que la solidarité localement a fonctionné avec la dignité, la conviction et l’intelligence des âmes de bonne volonté, pour qu’un havre existe permettant la distribution des repas et offrant un lieu de répit aux personnes, exilées ou non, s’étant retrouvées à la rue. Et comme les cœurs fertiles sont parfois à cours de moyens financiers, mais jamais à cours d’inventivité ni de poésie, l’idée d’évènements artistiques et musicaux s’est évidemment imposée comme un moyen de donner plus de lisibilité à cette cause et de récolter aussi des moyens. C’est naturellement vers certains des membres du Cri Du Peuple, très impliqués dans l’action, et qui lors de l’entretien qu’ils nous avaient déjà accordé, nous avaient expliqué l’importance pour eux de participer au soutien de justes causes et donner du sens aux paroles militantes qu’ils chantent, que nous sommes revenus pour leur permettre de parler de cette cause, en compagnie de Jean-François du club Ovale Citoyen et du Collectif des Migrants de Bordeaux.

 

– Bonjour et merci de nous accorder ce moment. Pouvez-vous nous parler de ce concert à venir et du Collectif des Migrants de Bordeaux en soutien duquel il aura lieu ?

– Marina : Le concert du 28 est organisé pour le Collectif des Migrants de Bordeaux (C.M.B) au centre Darwin, avec plusieurs autres artistes participants. Nous sommes plusieurs membres de la chorale effectivement engagés dans le mouvement solidaire. C’est la C.N.T qui a la première ouvert ses portes aux migrants expulsés, dans les tout premiers jours après l’expulsion du squat la « Zone du dehors » à St Médard en Jalles, afin qu’ils puissent trouver un refuge, des repas et prendre une douche. Puis le local du syndicat a du affronter des plaintes du voisinage et s’est retrouvé menacé d’expulsion lui-même. La logistique de préparation et distribution des repas s’est donc déplacée ici, à l’Athénée libertaire, où les militants et sympathisants poursuivent l’action. L’élan de solidarité s’est affirmé de partout : seule preuve en est que des gens de l’église catholique cohabitent ici avec des anarchistes pour aider. Le diacre a lancé un appel à ses fidèles, à travers le journal La Croix, sa page facebook et une interview sur France Inter, à apporter des dons et leur aide aux permanences qui sont assurées ici pour l’accueil des personnes, tous les jours sauf le lundi et le vendredi ; il a aussi trouvé quelques appartements pour loger provisoirement des familles.

– Boris : L’idée de créer un collectif, le C.M.B a été lancée quand l’action menée au local de la C.N.T, puis ici pour garantir des repas et des douches, et du soutien a commencé à se pérenniser. Il s’agissait de rendre la cause visible avec un collectif unitaire centralisateur, qui réunisse en son sein les militants des divers horizons politiques, syndicaux ou associatifs et les citoyens non-affiliés, mais aussi les expulsés eux-mêmes, et relaye les informations de chacun aux autres, en impliquant autant les migrants eux-mêmes que les bénévoles. La page facebook a donc été créée, et est gérée par des migrants autant que par nous, le principe étant de mettre en avant la parole des concernés, soit par des communiqués qu’ils rédigent eux-mêmes, soit par l’aval qu’ils doivent donner aux publications. Tu peux constater de toute façon que les migrants accueillis ici s’impliquent pleinement dans la préparation des repas, les activités, la prise en charge de nouveaux arrivants. Certains sont parfois trop épuisés quand ils arrivent, mais d’autres participent énormément et se montrent très volontaires.   

– Marina : Donc notre chorale s’est engagée, avec ses moyens. Nous sommes plusieurs membres impliqués dans le fonctionnement des permanences et de l’aide. Et puis nous avons déjà poussé la chansonnette dans des bars ou dans la rue pour récolter de l’argent pour financer la caisse commune et en parler. Il y a déjà eu quelques petits concerts spontanément organisés par des membres du milieu associatif et alternatif qui ont également permis de récolter du soutien financier.

-Samia : Le concert aura lieu le mercredi 28 au centre Darwin, avec une entrée payante à faible prix ou prix libre, à partir de 18h. Deux grands axes sont mis en avant : la question de tous ceux qui sont privés de logement, dont les sans-papiers et demandeurs d’asile, et la question de la régularisation des gens en situation d’attente ou irrégulière.

 

– L’engagement en général tient à coeur à votre chorale. Est-ce pour vous une évidence de ne pouvoir dissocier l’action militante et de l’esprit du chant de révolte ?

– Sandrine : Le Cri Du Peuple existe depuis plusieurs années, mais ça fait vraiment un an et demi qu’on est très inquiets et mobilisés sur ces questions et qu’on récolte des sous pour ces causes, parce qu’on sent le vent tourner, et ça pue vraiment. La réglementation légale est en train d’évoluer à vitesse grand V, avec la remise en cause des droits des étrangers, les attaques du droit au logement aussi via plein de biais, notamment les diminutions ou suppressions des aides sociales. Dernièrement on nous dit que pour financer les mesures demandées par les Gilets Jaunes, on va devoir puiser dans le fond de réserve d’Action Logement, ce qui est encore une façon d’opposer les gens des classes populaires entre eux.

– Boris : C’est médiatisé à Bordeaux, car l’élan de solidarité a été intense et relayé par les médias. Mais plusieurs villes en France connaissent des situations similaires. Alors on dit que c’est dû à la préfète actuelle de Gironde, anciennement préfète de Calais, ce qui est vrai quelque part ; mais c’est surtout l’état qui mène cette politique. Ceux qui sont pris en charge par l’O.F.I.I sont dispersés dans des logements un peu n’importe où, dans la région Nouvelle Aquitaine, dans de petites villes un peu perdues, sans transport en commun, où ils se retrouvent isolés, sans pouvoir établir ou garder de rapports avec des associations ou des humains qu’ils connaissent. C’est donc très compliqué à vivre humainement et psychologiquement pour eux comme pour nous. Je pense qu’une chose utile à faire serait de construire un réseau solidaire avec les autres villes, comparer la façon dont on gère les choses, les idées qui sont mises en avant et s’en inspirer si nécessaire, et permettre aux gens de créer des contacts plus facilement.

– Marina : Il faut aussi que les gens qui acceptent d’obéir à ce type d’ordre inique comprennent qu’ils sont responsables de ce qu’ils font. C’est pourquoi on cite les gens qui appliquent les ordres et acceptent d’être grassement payés pour ça, même si bien évidemment nous savons que c’est la politique du gouvernement qui est mise en œuvre, parce que si ses fonctionnaires refusaient d’appliquer les ordres, le gouvernement ne pourrait rien faire. C’est la responsabilité de chacun. Depuis un an nous reversons l’argent récolté à un collectif qui s’appelle Espace Solidaire et qui travaille à accueillir, aider et soutenir les gens qui se retrouvent à la rue.

– Sandrine : C’est un collectif d’individus qui s’est créé y a un peu plus d’un an, dans le quartier St Michel où on voyait des gens errer en quête d’un refuge, pour agir et ne pas rester indifférent face à ces situations, et indiquer aux gens les lieux solidaires auprès desquels trouver de l’aide.

– Marina : Par exemple des cours de Français sont proposés aux migrants qui en ont besoin pour pouvoir faire leurs démarches administratives. Il faut savoir que certains arrivent ici en ayant vécu et traversé des choses terribles, connu l’esclavage, le viol, effectué des années de prison dans les pays où ils sont passés, vu leurs compagnons de voyage mourir, les membres de leur famille massacrés, mis parfois plus de trois ans de périple. Ils arrivent ici avec une histoire très lourde, et on ne peut pas mettre une aide psychologique en place, parce que ce n’est pas notre métier. Alors eux ont envie de parler français, mais il y a tellement de choses dans leur tête, que c’est très compliqué. On démarre les cours avec une cinquantaine d’ « élèves » pour en avoir peut-être trois qui vont s’accrocher, et qui sont des personnes ayant déjà un bagage scolaire ou universitaire.

– Boris : On a des enseignants en congés ou en retraite, ou des professeurs de Français-langues étrangères de l’Association de Solidarité des Travailleurs Immigrés (A.S.T.I) qui viennent donner des cours au local de la C.N.T, car enseigner le Français à des non-francophones ne demande pas les mêmes compétences que l’enseigner aux francophones. Pour l’instant nous sommes huit enseignants, donc on arrive à faire des suivis un peu personnalisés et c’est bien.

 

– Sur la situation, quelles solutions ont été proposées à ce jour par les autorités ?

– Jean-François [pour le C.M.B et Ovale Citoyen]: Tous les demandeurs d’asile qui avaient trouvé refuge de nuit à la Bourse du Travail, c’est-à-dire 70% des expulsés des squats, ont été finalement pris en charge jusqu’à la fin de leur procédure, même si ce sont des relogements provisoires. Au début la préfecture répondait par la négative à nos démarches en nous disant que toutes ces personnes étaient illégales, sans-papiers. Ce qui est faux. Il y a des travailleurs pauvres de citoyenneté française, des sans-papiers, des gens disposant de visas touristiques, de visas d’affaires, beaucoup de demandeurs d’asile. Cela concerne en tout 120 personnes pour le premier squat expulsé, l’Ascenseur, 70 pour le Garage, et encore 120 pour la « Zone du dehors ». Il semble que concrètement ça a embêté la préfecture d’avoir cette situation sous les yeux, avec des organisations syndicales et des citoyens gérant bénévolement une prise en charge d’urgence à la place de l’état, et elle a donc finalement dû se résigner à prendre notre parole en considération. On a finit par obtenir que la préfecture accepte de réaliser un diagnostic des situations avec le Samu Social, qui a révélé que la majorité des personnes étaient en situation de demande d’asile et en attente que leur cas soit étudié. Après leur relogement, la Bourse du Travail s’est à nouveau remplie, et nous avons réalisé un second diagnostic, dont nous avons obtenu qu’il soit pris en compte comme s’il avait été réalisé par une autorité officielle, qui a encore trouvé près de 70% de demandeurs d’asile. L’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (O.F.I.I) a donc du prendre en charge ces gens. Les autres ont obtenu un hébergement en foyer pour un mois, sauf certains qui ont refusé l’hébergement ou préféré quitter Bordeaux. Ce n’est que provisoire bien sûr, mais déjà ces gens ne sont plus à la rue, et contraints de s’entasser à la Bourse du Travail, qui n’a pas vocation à l’accueil de nuit comme elle l’a assuré pendant un mois, ne disposant que d’une douche et de quatre wc, et n’ayant plus de militant disponible pour rester sur place pour tenir les permanences. La préfète de Gironde se défend en disant qu’elle ne fait qu’appliquer une décision de tribunal avec ordonnance d’expulsion, et qu’en tant que « bras armé » de l’état, si elle ne fait pas appliquer l’expulsion, c’est elle qui est en tort. C’est exact. Mais ce en quoi nous contestions le bienfondé des expulsions, c’est qu’il n’y avait pas eu de diagnostic social préalable. Normalement quand on expulse un squat le C.C.A.S passe avant et relève la situation particulière de chacun pour qu’à la sortie du squat une offre de relogement soit faite. Cela a été en partie réalisé sur la « zone du dehors » ; pas du tout sur le Garage.

– Marina : Mais de toute façon les solutions proposées ont été des issus à très court terme, c’est-à-dire qu’on vire des gens d’un squat, on les place deux-trois jours dans un hôtel, et ensuite on ne se soucie plus de ce qu’il advient d’eux quand l’hôtel le met dehors. Le problème qui a choqué les gens est aussi que les évacuations se sont opérées dans la violence. La préfète s’est cru à la jungle de Calais, où elle avait sévi auparavant.

– Samia : Ils ont tout jeté, les affaires des gens parfois avec leurs papiers, cassé les meubles.

– Jean-François : Il faut savoir que certains des demandeurs d’asiles ont l’habitude de cacher leurs documents dans les matelas ou les affaires. Donc tous ceux qui n’avaient pas leurs papiers sur eux les ont vus partir à la benne avec les meubles. La volonté est de les priver de leur mobilier pour rendre impossible la reconstitution d’un autre squat, donc on jette tout à la benne. Nous nous sommes battus pour obtenir qu’on puisse rentrer dans les lieux pour récupérer des médicaments! Et puis il ne faut pas se faire d’illusion : tous les gens relogés en foyer occupent une place qui est une place en moins pour d’autres. C’est un système de vase communiquant. Actuellement le taux d’occupation des foyers dépasse les 120%.

 

– La tendance médiatique est souvent de décrire la France comme un pays de transit pour les flux migratoires, les migrants étant censés vouloir chercher fortune en Angleterre. Qu’en est-il de la réalité des aspirations ceux que vous rencontrez ici ?

– Marina : Il y a beaucoup de migrants qui viennent des ex-colonies françaises, donc qui ont déjà la pratique de notre langue en main. Ils viennent ici simplement, parce qu’ils ne peuvent pas vivre dans leur pays, qu’ils y sont menacés, quand ils n’ont pas déjà vécu l’emprisonnement, la torture ou la persécution, ou parce qu’ils fuient la misère et la famine. On recense quatre cent treize millions d’Africains qui vivent avec un euro quatre vingt dix par jour, pendant qu’une entreprise comme Total fait quatre milliards et demi de résultats nets en 2018 : l’Afrique est le continent le plus riche en ressource minière d’or, de platine, de diamants… Et tout cela n’est exploité que par des grandes puissances occidentales. Tant que les gens vivront dans la misère, ils continueront d’émigrer. Si on veut qu’ils cessent de venir, il est temps de rétablir de la justice.

– Sandrine : L’intellectuel sénégalais Felwine Sarr dit que si toutes les entreprises comme Total payaient les taxes qu’elles doivent aux pays d’Afrique dans lesquels elles sont implantées, il y aurait zéro dette et les états africains seraient même excédentaires.

– Samia : Ceci dit rappelons quand même que par principe nous sommes en tant qu’anarchistes contre les frontières, et que donc même si tout allait bien des ces pays, chaque humains devrait avoir le droit de circuler librement sur la planète.

– Marina : Exactement! La terre n’appartient à personne ; chaque humain a le droit d’aller et de s’installer là où il le veut.

 

Miren

Lien de l’évènement : clic ici –> 

 

Lien de la cagnotte solidaire : https://www.leetchi.com/c/collectif-des-migrants-de-bordeaux-soutenez-nous

Lien du Collectif des Migrants de Bordeaux :  https://www.facebook.com/collectifmigrantsbordeaux/

 

Le Cri du Peuple : https://www.facebook.com/lecridupeuplebordeaux/

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