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Une brise à la Comédie-Française…

20 Déc


C’est avec beaucoup d’appréhension que j’ai assisté à la première mise en scène de Robert Carsen pour le théâtre. Le metteur en scène quitte momentanément l’opéra pour s’emparer de La Tempête, une des dernières comédies écrites par Shakespeare en 1610.

Par une stratégie politique, le roi de Naples Alonso s’allie avec Antonio, frère du duc de Milan pour éliminer ce dernier en l’envoyant avec sa fille Miranda sur une île perdue au beau milieu de l’océan. Le plateau de la salle Richelieu s’est alors transformé en un îlot coupé du monde aux allures de chambres d’hôpital d’un blanc immaculé. A la Comédie-Française, on s’attendait à une mise en scène classique sans artifices sonores et filmiques mais comme rien n’est immuable, le théâtre a décidé de s’attarder dans la mise en scène de pièces classiques à la façon contemporaine: «Pourquoi pas, si c’est de bonne qualité ?» me direz-vous.  

Les nombreuses interruptions du jeu des acteurs par la vidéo cassent le lien que tissent avec nous les comédiens, ce qui provoque de profonds moments de flottement. Mais d’un autre côté, la mer projetée sur la toile de fond crée un point de fuite pour notre regard, ce qui nous dépayse. De très bonnes idées sont proposées par Carsen: quand Ariel, interprété magnifiquement par Christophe Montenez, surgit au milieu du plateau par des trappes, une avalanche de déchets tombés de nulle part, le jeu poétiques des ombres qui en disent plus que les individus… Les déplacements des comédiens sont très bien orchestrés par rapport au décor: petit à petit, nous comprenons que le public est à la place de la mer quand Ariel se promène sur les sièges du premier rang, comme s’il marchait sur des galets émergés de l’eau.

Si vous vouliez voir des acteurs qui vous transcendent, passez votre chemin spectateurs! En général, quand on s’ennuie dès les premières minutes d’une pièce, c’est que cela ne s’annonce pas glorieux. En effet, la pièce a du mal à démarrer, le personnage de Prospero (Michel Vuillermoz) ne nous captive pas et sa fille Miranda (Georgia Scalliet) est à côté du jeu tout comme le fils du rois de Naples (Loïc Corbery)… Heureusement qu’il y a la mise en scène pour retenir l’attention du public, sinon la durée de la pièce aurait paru plus longue qu’elle ne l’était (2H40 avec entracte). Je ne regrette pas d’être venu, détrompez-vous, car j’ai vu jouer un très grand comédien sur scène: Hervé Pierre dans le rôle du bouffon crasseux Trinculo. Une voix rieuse et aiguë, un vrai petit comique barbouillé de saleté ressemblant au personnage de Ben Gun interprété par le magistral Charles «Chic» Sale dans L’Île au Trésor de Berry Cooper. Dès qu’il faisait son entrée sur scène, l’attention du public se remobilisait, une bouffée d’air frais dans un spectacle tombé à l’eau.

 

Mathias Youb

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