Benjamin Bossone, Jérémie Bossone, Benoit Dorémus, (©Hexagone)
Les soirées BlackRoom, comme tout ce qui rare, ça va devenir très cher… Et il faudra pouvoir dire « J’y étais » si on veut vraiment être un vrai de vrai de la chanson francophone. C’est aussi une sorte de course au trésor, être dans les temps pour réserver, et un jeu de piste pour y arriver. Mais c’est possible, la preuve, j’y suis arrivé. Qu’est-ce qui s’y passe donc ? On y chante…
Au bon vieux temps d’André Claveau (je dois être le seul de la soirée à avoir connu presque personnellement) on chantait « Cerisiers roses et pommiers blancs » Mariano vocalisait « Mexico-oooooo », Tino Rossi c’était « Petit papa Noël » et on dansait plus l’Aimable Verchuren que Rock around the clock. C’est en ces temps quasi préhistoriques qu’un observateur du monde de la chanson informa Brel qu’il y avait d’excellents trains pour Bruxelles. Le même, ou son jumeau certifia qu’Aznavour ne ferait jamais carrière. Tant d’expertise laisse sans voix.
Quand les chanteurs de charme roucoulaient sucré leurs tableaux pastel, d’autres y mettaient la puissance créatrice de Van Gogh ou Vlaminck, leurs explosions, leurs jaillissement de passions et de rages de vivre. Je repense à tout ça, à cause de l’émission étique de Philippe K, sur France-Inter, et grâce à Jérémie Bossone. L’émission hebdo dudit Philippe K c’est une sorte d’assemblage de navet cuit à l’eau arrosé d’eau tiède, suivi d’un tilleul allégé. Et ce régime s’avérant déprimant, j’m’arrose le moral avec un ou deux whiskies à l’Empire, avec l’écrivain qui n’a rien à dire mais qui le chante à cœur battant. Rien à dire ? Ça se discute… Une des toutes dernières chansons, en première diffusion ce soir, Cherokee rose, a beaucoup à dire sur les déportations. Le progrès a remplacé les longues marches par des transports ferroviaires, mais le résultat est le même. La mort y fait un succès. De larmes… Vous en saurez plus en allant écouter Bossone. C’était la page culture et histoire, genre de chanson qui fait le bonheur de Télérama, à défaut des Inrocks. Mais ça ne saurait tarder, sur le plan guitare Fender, Bossone est largement au dessus de pas mal de rockeurs qui font plus de bruit que de musique. Suite à un écho comparatif un peu particulier, il me vient à l’idée que Bossone est plus près de Debronckart que de…. Non rien. Et le duo Benjamin et Jérémie Bossone, ça met le feu aux étoiles.
Mais avant Bossone, il y avait Dorémus… Ça commence bien, comme un début de gamme, Do Ré Mi, Do Ré Mus…ique ? Il y en a qui ont des noms prédestinés pour faire chanter leur vie. Une vie qu’il explore avec une élégance détachée dans les mille et une péripéties de ses amours. Il peut aussi développer avec autant d’élégance une tranche de vie que nous définirons par l’addiction à la lecture dans les lieux d’aisances, en bref, la littérature de chiottes. Comprend qui veut. S’il attaque les 1196 pages de la légende arthurienne, sur papier bible, l’occupation des lieux peut prendre un certain temps, mais c’est une autre histoire.
Ce soir, c’était la presque première des nouvelles chansons, et la première de sa nouvelle chérie qu’il tient entre ses bras, une certaine M’zelle Gibson, qui vérifie que l’âge ne fait rien à l’affaire pour une six-cordes de bonne famille. Une tendresse un chouïa narquoise parfois, quelques ficelles du métier de la scène entre deux chansons, comme l’art de ce qu’il ne faut pas faire démonstration à l’appui, tout pour ravir le public. D’ailleurs, il faut quand même dire la vérité, même si elle fâche, Bossone et Dorémus c’est rien que des menteurs, l’un chante qu’il n’a rien à dire, l’autre dit qu’il écrit faux et qu’il chante de la main gauche, eh bin c’est pas vrai ! Je vous invite fermement à aller le constater, en scène de préférence, mais sur album c’est bien aussi.
Dernier point le super bonus que le maestro Desreumaux impose, une chanson dont les duettistes doivent faire une interprétation personnelle, réécrite selon l’humeur, avant de faire l’originale en duo. Vous devriez trouver ça un de ces jours sur le site Hexagone, en plus de toutes les infos sur les soirées BlackRoom passées et celles à venir. Cherchez et vous trouverez. Ils le valent bien.
Sachez aussi que les libres participations responsables – le chapeau – invitent les constipés du porte-monnaie à une saine approche du prix d’un spectacle. Et là, c’est pas comprend qui veut, le message est très clair.
C’était un soir à la BlackRoom, un grand soir dans un lieu où naissent peut-être les futures légendes.
Ici : http://hexagone.me/author/hexagone/
Et pour quelques images de plus…