On dit que la chanson « à texte » c’est un truc pour les vieux qu’ont de l’âge et qui mâchouillent entre leurs dents branlantes que c’était mieux avant, que les radios ne vont pas déprimer les jeunes avec ces litanies de vieux débris qui ne voient pas avancer le monde… C’est vrai qu’il faut avancer, ne pas rester accroché à ses vieilles lunes comme une moule à son bouchot, néanmoins, quand on est devant le gouffre, est-il raisonnable de faire bond en avant ? Je vous laisse réfléchir à ça, et je vous propose une vieillerie de chanson qui pourrait faire écho aux actualités. Le genre de chanson qu’on aurait pu entendre le samedi sur le coup de midi, mais ce temps est révolu. Mieux vaut chanter le chat de la voisine, ou la danse des canards, c’est plus positif… Ou danser David Guetta…
Jean-Roger Caussimon est parti dans les étoiles en 1985, et pourtant, ce qu’il chante résonne avec une une pertinence cruelle…
On arrive au printemps des élections, avec tous les discours emphatiques de nos chers élus qui vont chanter Allons enfants de la patrie... et je rêve que le peuple réponde sur un tempo de 49-3…. Et comme la culture ne semble pas intéresser nos postulants, donnons à la voix d’un saltimbanque un espace d’expression, aussi restreint soit-il…
Je fais du gauchisme à la mode
Oui, j’ai lu ça dans un journal
C’est offensant quoique banal
Pourtant quelle à-droite méthode
Si vous chantez la Liberté
La Justice, l’Égalité
On vous traite de « démagogue »
Et dès que l’on vous catalogue
« Auteur dont il faut se méfier »
De vous, l’on écrit, c’est commode
Avec dédain, avec pitié
« Ce monsieur connait son métier
Il fait du gauchisme à la mo-o-de ! »
Je fais du gauchisme à la mode ? Mais que fait ce pouvoir d’argent Qui prend souci des pauvres gens Mais juste en certaines périodes ? Quand pensionnés et retraités De quelques francs sont augmentés Ce sont leurs voix que l’on racole Ils vont voter dans les écoles Huit jours plus tard, l’immobilier Brandissant les foudres du code Les expulse de leur quartier « Dressez constat, monsieur l’huissier » Je fais du gauchisme à la mo-o-de !
Je fais du gauchisme à la mode Si, quand je pense aux objecteurs Traités comme des malfaiteurs Mon cœur point ne s’en accommode Et que dire des étudiants Que l’on fait chômeurs et mendiants Bien avant qu’ils n’aient leurs diplômes Quand au Prince de ce royaume À l’intérieur bien intégré Vais-je lui consacrer une ode Quand il traque les immigrés ? « Non, mon Prince, mille regrets Je fais du gauchisme à la mo-o-de ! »
Je fais du gauchisme à la mode Et l’on me dit manipulé Et l’on croit pouvoir révéler À quel parti je m’inféode Allons, messieurs, soyons sérieux Tout simplement j’ouvre les yeux Je suis témoin de mon époque Le succès présent, je m’en moque L’Histoire d’hier à nos jours Fut écrite par des rhapsodes Des rimeurs et des troubadours « Le temps des cerises » est bien court (C’était du gauchisme à la mo-o-de ?) C’était du gauchisme à la mo-o-de !
Mais il n’y a pas que les vieux chanteurs du siècle du siècle dernier qui regardent le monde tel qu’il est, tel qu’on peut le déplorer, et pleurer. Marche, camarade, marche …
Norbert Gabriel
Les albums de Jean-Roger Caussimon, c’est là, chez Saravah.
PS: ce babillage a été publié il y a quelques mois, mais ça va ça vient avec toujours autant de pertinence. Et en bonus, une autre, une autre, en rappel, qui résonne souvent quand vient un écho des palinodies électorales…
Et on peut aussi retrouver, sur le même thème « Le carnaval des pinocchios » ou « Le bal des tartuffes », ça marche aussi…