Dans les années 53-57, plusieurs ACI majeurs de la chanson francophone arrivent sur la scène , dans l’ordre: Brassens, Brel, Béart, Anne Sylvestre…
Guy Béart va très vite accéder au succès, avec des chansons qui sont interprétées par Juliette Gréco, Patachou, Hélène Martin, Cora Vaucaire, Zizi Jeanmaire, Odette Laure, Suzy Delair, Annabel Buffet, et avec des chansons qu’il interprète lui-même, bien entouré, entre autres par Boris Vian en directeur artistique … Mac Orlan et Brassens sont les premiers à témoigner de leur admiration. Mais c’est en 1958 qu’il entre dans l’histoire de la chanson, avec « L’eau vive » qui est chantée dans les écoles,comme un standard du folklore, c’est la première fois que ça arrive à un chanteur vivant, et de plus dans les toutes premières années de sa carrière. « L’eau vive » va être enregistrée par dix des têtes d’affiche de ces années dès les premiers mois de sa sortie, de Tino Rossi à Marcel Azzola, en passant par Colette Renard, Marcel Amont et Marc Ogeret … Et par la suite, elle fait une carrière remarquable, 92 semaines au hit parade de la chanson, avec en prime quelques parodies drôlatiques ou politiques.. Et très vite, le film éponyme dont elle était la bande son a été oublié ( film de François Villiers, sur un scénario de Giono, qui avait adoubé Guy Béart, Pascale Audret est l’héroïne du film, la jeune Hortense.)
Les quelques versions ci-dessous montrent que les versions proposent du kitch vintage avec Tino, mais aussi le presque folk de Denis Pépin, et les versions jazz instrumentales, avec la riche B.O. du film (en deux parties), à vous d’écouter, et honneur au créateur pour commencer.
Versions instrumentales de « l’Eau vive » , comme vous ne l’avez peut-être jamais entendue, la B.O. du film avec ses variations
Partie 1
De Béart à Béart(s)
Hugues
Yvette Giraud
Denis Pépin
Les Troubadours
Tino Rossi
Dorothée
Marcel Amont
Instrumental Harmonica
Marcel Azzola
Orchestre Percy Faith
Guitare classique
Jazz avec Joseph Reinhardt : guitare solo, Dingo Adel : guitare, Patrice Caratini : contrebasse
Les crayons de couleurs (Adaptation de la chanson de Bobby Bare « What color is a man « en 1966.
Voici une photo en deux versions l’une est l’originale signée » Associated Press, mais c’est l’autre « cropped out » (recadrée) qui a été diffusée « . Etonnant ?
Associated Press est une agence de presse mondiale et généraliste dont le siège est aux États-Unis. Créée en 1846, c’est l’une des plus anciennes coopératives au monde.
Cette photo a été malencontreusement « cropped out « * recadrée dans sa partie gauche, lors du sommet à Davos 2020 … L’agence a plaidé « une erreur de jugement » ce qui confirme donc que des personnes dans cette agence tripatouillent les photos de leurs reporters sur des critères de « jugement » personnel très particulier … Est-ce que ce monde est sérieux ?
Pour mémoire sur la déontologie de la presse, salut à Willy Ronis, en 1955, il a retiré toutes ses photos de son agence de diffusion, en raison des pratiques habituelles de la presse qui achète des photos, puis les recadre avec des légendes nouvelles, ce qui conduit souvent à montrer le contraire de ce que voulait l’auteur … Avec des revenus amputés, Ronis et Marie-Anne, sa femme partirent vivre en Provence dans un village presqu’en ruines, où il avait fait le « Nu provençal » en 1949. Ronis reviendra sur le marché de la photo en 1972 quand un accord sera signé pour le respect du droit des photographes à être maîtres des légendes sur leurs photos, et si possible du respect des cadrages … Si possible, parce que sur ce plan, tout n’a pas été parfait … Comme des photos de Doisneau en format carré (le 6×6 Rollei) recadrées en format rectangulaire dans les mises en page.
Autre chanson en rapport avec cette actualité,
Comme pour Aufray et ses crayons cette chanson a toujours été dans les spectacles de Béart.
Et voici une des dernières versions des Crayons de couleurs,
Si tout finit par des chansons, ça se finit pas toujours très bien ...
Dédié à l’Ougandaise Vanessa Nakate.
Norbert Gabriel
Mise au point ?
*We regret publishing a photo this morning that cropped out Ugandan climate activist Vanessa Nakate, the only person of color in the photo. As a news organization, we care deeply about accurately representing the world that we cover. We train our journalists to be sensitive to issues of inclusion and omission. We have spoken internally with our journalists and we will learn from this error in judgment. (Associated Press)
The Lonesome Death of Hattie Carroll ALBUM : « THE TIMES THEY ARE A-CHANGING ». 1964
Dans mes lointaines enfances péri-lyonnaises, il y avait de la musique et des chansons, toute la famille chantait, de Trenet à Verdi ou Puccini, Montand ou l’opérette hispano-marianesque, tout était bon à faire chorus selon l’heure et le lieu. Je suppose que j’ai plus souvent été bercé par « une chanson douce que me chantait ma maman les soirs d’orage dans la maison qui dort » que par Rock around the clock ou le grand air de La Tosca … Mais « Il masolin di fiori » par mémé Tina, c’est vraisemblable.
Toutes les chansons sont autobiographiques, mais c’est surtout l’autobiographie de notre vie. *
Le Grand Perron
Mon goût pour la chanson qui raconte, plus que la chanson à gigoter des pieds ou bouger son cul, est venu de la rencontre entre « Actualités » (d’Albert Vidalie et Stéphane Golmann), et mon environnement familier. 1951 ou 52, la fille du directeur de l’hôpital Jules Courmont, ou Le Grand Perron, est malade, elle a la maladie bleue… On ne sait pas bien ce que c’est, mais ça a l’air inquiétant, étant donné la façon dont les parents en parlent à mots couverts. Vu de nos 10 ans, c’est limite comique, le directeur de l’hôpital, c’est quasi Dieu le père, il donne du travail à plusieurs familles du quartier , c’est le seigneur du château, mon grand père lui fabrique des meubles d’ébénisterie, et on trouve plutôt rigolo que sa petite fille soit bleue. Une schroumphfette avant l’heure ? Les maladies en couleurs, on avait ça dans notre quotidien, la rougeole, la jaunisse, la rubéole, mais le bleu ?
Et puis … et puis voilà que la chanson repeint le tableau en couleurs moins rigolotes,
Un enfant bleu
Dans son berceau de bois blanc
Fermant ses yeux innocents
Meurt tout doux tout doucement…
Déjà, un enfant qui meurt, vu de nos 10 ans, c’est surréaliste, la mort c’est pour les vieux, et en plus, la fille du directeur de l’hôpital, comment envisager ça ? Ce n’était plus la mort de Mimi dans La Bohème, les morts d’opéra ou de cinéma, où on sait que c’est pas pour de vrai, et même quand c’est pour de vrai comme Jeanne d’Arc, c’est pas pareil, Jeanne est éternelle dans sa légende, comme Roland de Roncevaux ou Robin des Bois … Donc, voilà comment le principe de réalité est arrivé dans ma vie avec une chanson. Avec la guitare de Crolla, c’était rare une chanson à la radio en guitare voix … Les mots prennent une dimension de conte fascinant.
Quelques années plus tard, c’est aussi la radio qui m’apporte le negro-spiritual, qui me prend par cœur et par corps comme si j’avais des ancêtres esclaves en Louisiane . Ça ne s’explique pas, c’est entrer de plain pied dans le monde de « La case de l’oncle Tom » mais les couleurs pastels du conte deviennent rouge sang dans un carrousel d’images un peu floues, et puis tout devient concret, cruellement concret avec les premières chansons de Dylan, des chroniques sauvages présentées avec un humour acide, ou un dépouillement terrible, comme « La ballade de Hollis Brown »
* Tirée comme Hollis Brown d’un fait-divers réel, cette chanson est sans doute la plus désespérée de cet album. Elle illustre le racisme ambiant dans le sud des Etats-Unis au début des années soixante, mais aussi un thème récurrent chez Dylan, le peu de confiance accordée aux juges, et aux pouvoirs en place en général.
NB: il est assez fréquent depuis quelques années de gloser ou ricaner sur Aufray et Dylan, mais les faits sont têtus, en 1964, c’est lui qui fait connaître Dylan en France, même si une ou deux chansons avaient été enregistrées un peu avant par des chanteurs adaptant des tubes américains devenant « une chanson de Richard Anthony » . Pour le grand public la découverte d’un album entier consacré à Dylan a été une révélation. Et dans ces années de variétés yé-yé, les textes corrosifs de Dylan donnaient un autre regard sur nos amis ricains… Dernier point, contrairement aux précédents interprètes de Dylan, Hugues Aufray a vécu aux USA, à New-York, où il a connu Peter Paul and Mary, et Bob Dylan à Greenwich Village. Et pour les adaptations, faites avec Pierre Delanoë, chaque traduction a été validée par Dylan et ses avocats. Delanoë était réticent en raison de son anglais scolaire, et il demandé à Aufray de travailler avec lui, Aufray maîtrisant mieux le langage populaire américain. Ils ont fait un erreur avec Tambourine man, dans l’argot de New York, c’est le dealer qui vient frapper à la porte. Aufray ne le savait pas, et ils traduisent par,
Hey ! Monsieur L’homme orchestre Joue moi ta chanson J’ai pas sommeil Et la vie me mèn’seul’ n’importe ou Hey ! Monsieur L’homme orchestre Fais chanter mes nuits Dans cet’jungle-monnaie Emmèn’moi loin d’ici
Hey! Mr. Tambourine man, play a song for me..
La traduction est partie sur l’idée que la musique ouvre des « espaces de rêve » alors que Dylan évoquait d’autres vecteurs pour ces voyages oniriques. Mais la traduction l’a amusé, et il l’a validée. Le sujet étant moins sensible que la mort solitaire de Hattie Caroll, l’adaptation a été acceptée, la même chose n’aurait pas été possible pour Hattie Caroll.
Depuis quelques temps je lis sur ma page FB des communications ou des partages dont le fond et la forme risquent fort de provoquer un coup de balai salutaire… Parmi ces dénigrements c’est Hugues Aufray qui est souvent la cible avec son album Aufray chante Dylan. J’ai lu que c’était une légende et qu’avant lui Dylan était chanté en France, souvenirs « précis » à l’appui. N’ayant pas la mémoire qui flanche sauf parfois pour ce qui s’est passé hier matin, les années 60 et suivantes sont y gravées fidèlement surtout en matière de chanson. Ces années-là, c’est la déferlante des néo rockeurs aux noms anglicisés et légendes bidonnées qui adaptent la plupart du temps des succès américains parolés en français avec plus ou moins de talent. Parmi eux Richard Anthony qui, dans ces années, a constamment adapté les succès de variétés US. Et parmi ceux-ci, il interprète dans la foulée Blowing in the wind (traduit par Pierre Dorsey) que Peter Paul and Mary ont vulgarisé en en faisant un tube. Anthony s’y colle en 63/64 sans jamais faire une quelconque référence à Dylan.
Dans ces mêmes années 61/64 Hugues Aufray qui a passé du temps aux USA (un an en 1961) où il a connu Peter Paul and Mary, a aussi entendu Dylan. Et de retour en France il envisage de lui consacrer un album. Avant 1960, Aufray a commencé à chanter en interprète , Gainsbourg, il est un des premiers a graver Le poinçonneur des lilas, Vian, Michel Vaucaire, Moustaki, (Le jugement dernier) Michèle Senlis, Kurt Weil, Trenet , Carmichael (Georgia...) et d’autres américains.
Pour ce projet Dylan, il demande à Pierre Delanoë de traduire, mais Delanoë n’est pas sûr de son anglais scolaire, et il travaille avec Aufray, qui a passé un an à New York et connait mieux le langage populaire. Dans ce projet soumis à Dylan, ils s’engagent à envoyer chaque traduction pour validation, ce que feront Dylan et ses avocats. Ces faits ont été rapportés par Delanoë qui avait en général la modestie enthousiaste sur ses travaux. Il remet bien les choses en place sur qui a fait quoi.
Une seule chanson a un sens différent de l’original, Tambourine man, mais Dylan a laissé faire, l’essentiel des autres traductions le satisfaisait. C’est donc en 65 que sort l’album Aufray chante Dylan… et si Blowing in the wind était connu avant, c’est quand on a entendu La ballade de Hollis Brown ou La mort solitaire de Hattie Carroll que les français, en général, ont compris la réelle dimension de Dylan. A qui Hugues Aufray rendait hommage dans les concerts ou les émissions radio-télé… Je ne me souviens pas que Richard Anthony ait parlé de Dylan et de son importance dans la chanson qui raconte la vie rugueuse, et les zones sombres de l’american way of life.
Pour mémoire, la mienne, la première fois que j’ai entendu Aufray c’était avec San Miguel, une chanson de Jane Bowers adaptée par Michel Vaucaire sur une musique de D (Dave?) Bowers, une chanson assez dylanienne… C’était en 1960 ou 61.
Lorsqu’Hugues Aufray prépare ce projet, il est suffisamment connu pour mener à bien cette affaire ambitieuse et imposer un album entier avec quelques chansons pas très propices à faire danser les teen agers dans les surboums. Comme les deux ci-dessous .
Ajoutons que dans les sons néo french rock hallydesques, les couleurs musicales du skiffle group apportaient un souffle vraiment nouveau …
et la chanson qui m’a bouleversé autant que Nuit et brouillard,
Et pour compléter quelques minutes d’entretien récent pour bien comprendre qu’une adaptation de chansons américaines sont mieux traduites quand le traducteur est aussi un musicien, c’est pas Sarclo qui dirait le contraire … Et Dylan non plus quand ils évoquent la traduction de « Like a rolling stone » et le sens du texte, quand Aufray traduit « How does it feel / How does it feel » par « Où vont ces files / Ces sans-domicile » ce n’est pas une assonance douteuse, mais comme le dit Dylan, c’est l’esprit de la chanson.
Et pour mes souvenirs San Miguel version originale intégrale avec intro parlée