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Christiane Courvoisier, Entre la mer et le spectacle

26 Nov

Christiane Courvoisier bandeau en rouge noir

Dimanche 22 Novembre à l’Essaïon… Ça commence par un extrait parlé de Benoît Misère, et d’emblée, on entre dans une ambiance de soirée intime, une amie vous a invité à partager, peut-être découvrir, une de ses passions, Léo Ferré. Mais le Ferré de Christiane Courvoisier n’est plus le fulminant qui crache ses mots en rafales rageuses, entre la mer et le spectacle, il y a des nuances, des  mots d’amour en filigrane. Ferré a toujours été très bien servi par les femmes qui l’ont chanté, et on constate qu’il y a encore des choses à redécouvrir, avec une approche différente. Celle de Christiane Courvoisier. Cette interprétation plus intime, plus retenue, exalte la qualité des textes et leur donne une intensité sublimée par la sobriété, par une interprétation épurée, intense et épurée. Dans les multiples portraits Christiane Courvoisier AA2-001musicaux qui lui ont été consacrés, dans son œuvre monumentale (1600 pages) il y a de quoi faire briller des facettes multiples, parfois des caricatures avec des exercices convenus, le Ferré tonitruant souvent mis en avant, mais tout n’est pas si simple. On sait que Ferré était un personnage riche de complexités et de contrastes, celui que nous montre Christiane Courvoisier est un vieux sage qui serait revenu de tous les désespoirs, de toutes les désillusions, mais qui envers et contre tout vous invite à la vie. Debout.

Avec quelques unes de ses chansons parmi les moins exploitées,  La mort des loups  et le formidable  Ludwig , un duo voix parlée et un piano symphonique, (musique de Beethoven) Christiane Courvoisier touche en plein coeur.

Christophe Brillaud au piano décore avec beaucoup de finesse, une belle musicalité, un contrepoint lumineux. C’est le mot qui pourrait symboliser ce spectacle, lumineux. La nostalgie ? Et alors ? La vie, et basta !

pochette-ferreC’est aussi un album, disponible, avec la contrebasse de Bernard Lanaspée, l’ordre des chansons est un peu différent de celui du spectacle. C’est une invitation à voir le spectacle, à écouter l’album, et comparer. Risque d’addiction possible, tant on redécouvre un Ferré rajeuni. Romantique exalté, passionnément vivant.

Voir ici, les dates de concert, et autres renseignements utiles.

Extrait de l’album

https://www.youtube.com/watch?v=2yrRxvMP2-o

Norbert Gabriel

NB: après le spectacle , j’ai écouté et réécouté l’album plusieurs fois, quand on aime, etc.  D’où une petite confusion à rectifier.

« Juste une petite précision,  et ce n’est pas bien grave, le texte d’entrée Ludwig, n’est pas un extrait de Benoît Misère, c’est  « je suis né près de la mer… » dit avant FLB qui l’est. Ludwig est un texte à part entière, au départ projet de préface pour une réédition des Carnets intimes de Beethoven et que Léo a dit un jour sur cette Ouverture d’Egmont de Beethoven, souvenir de ce moment de son enfance « et tu pensais qu’Egmont, c’était la mer… » et qui est donc devenu Ludwig; Léo l’a dit en dirigeant l’orchestre symphonique de Montréal, en 1986 (peut-être aussi ailleurs, mais ce n’est pas sûr…) Enregistrement du triple album Ludwig-L’imaginaire-Le Bateau ivre en 1981

Christiane Courvoisier

Béart, Ferré, Brassens, Gainsbourg, tous des ratés des arts majeurs…

19 Sep

guy-beart2 Gainsbourg P ClémenceTous des ratés des arts majeurs, Ferré, Brassens, Gainsbourg, l’un aurait voulu être Villon , l’autre Beethoven ou Mozart, le dernier Van Gogh ou Picasso, pour la gloire de son vivant, c’est mieux.

Art majeur pour mineures

Ce qu’il reste de cette soirée Apostrophes de 1986, c’est le numéro de com’ esbrouffe de Gainsbourg avec sa digression sur les arts majeurs « à initiation ». Quant à la musique et la chanson, elles ne seraient que des ersatz d’art accessibles à des imbéciles incultes car non initiés.

Dans le développement de son improvisation Gainsbourg se contredit en partie, en expliquant qu’il a atteint, frôlé Rimbaud dans quelques unes de ses chansons, qui seraient donc selon lui élevées au rang d’art majeur, puisque la poésie et la littérature sont des arts majeurs.

Lui, mais pas les autres.

On peut noter que selon ses diktats, le douanier Rousseau est un peintre mineur, puisqu’il n’a jamais été initié.

Son altercation avec Béart a laissé les autres intervenants muets, alors qu’ils auraient pu argumenter… Mais peut être que le contexte a été très largement responsable de ce clash, d’abord l’extrait pour bien resituer l’ambiance.

Et maintenant, l’explication de Louis Chédid sur ce qui s’est passé en coulisses, lors des répétitions d’une chanson que tous les invités devaient faire en choeur, accompagnés par Serge Gainsbourg au piano.

Ce qui s’est passé avant pouvant expliquer ce qui s’est passé pendant…

Lors de la répétition, il s’avère qu’il faut modifier la tonalité, et Gainsbourg, au piano, ne sait pas transposer, car c’est un autodidacte de la musique, et s’il sait jouer de « son » piano, (comme Barbara) il ne sait pas faire de l’accompagnement tout terrain. C’est donc Louis Chédid qui le remplace, on voit Gainsbourg en gros plan, et les mains de Chédid sur le piano… On peut imaginer que cette petite humiliation devant les invités a pu avoir une incidence en transformant le Dr Jekyll en Mr Hyde, ou Gainsbourg en Gainsbarre…

Quant à sa démonstration sur l’art du pianiste, c’est encore de l’esbrouffe, un effet pour le buzz, créer le scandale, car en effet, il y a un contentieux entre lui et Béart. Sa démonstration de la guitare sommaire est un peu pathétique, Ségovia et Django, sont là infirmer cette pantalonnade. D’autant que Gainsbourg s’est beaucoup servi dans les grands compositeurs pour trouver des mélodies, qu’il n’a pas composées alors que Béart est un mélodiste exceptionnel « qui trouve des mélodies qu’on a l’impression d’avoir toujours connues » (Souchon).

Ce qui conduira aussi Gainsbourg à revendiquer pour son art mineur, tous ses emprunts à la musique classique, avant qu’on ne lui en fasse le reproche.

On remarquera que l’un et l’autre ont laissé des chansons aux mélodies ancrées dans les mémoires, la différence est que l’un les a empruntées, l’autre les a composées. Et les deux ont fréquenté de grands auteurs qui ont bien nourri leur talent.

Mais encore avant, bien avant, fin des années 60, il y a l’affaire de « Je m’aime » A l’époque ils sont assez amis, et Béart propose à Jane une chanson délicieusement érotique qui plaît beaucoup à miss Birkin. Mais Serge met un veto absolu, pas question que « sa » Jane lui fasse une infidélité avec un collègue. Premier point de friction. Mais surtout il y a celle de l’emprunt-plagiat à un compositeur africain, que Béart lui a reproché, et que Gainsbourg n’a jamais voulu réparer . Au retour d’une tournée en Afrique en 1964, Béart y était, Gainsbourg s’intéresse à un artiste local , à qui il emprunte sans complexe, et sans créditer.. Il s’agit de pièces prises telles quelles de l’album « Drums of Passion » du percussionniste natif du Nigéria, Babatunde Olatunji.  Marabout est en fait Jin-go-lo-ba, Joanna contient Kiyakiya et New York U.S.A. n’est autre que Akiwowo.*

Le plagiat ne sera cependant pas passé inaperçu; il faudra attendre jusqu’en 1986 pour qu’Olatunji soit crédité sur les chansons.

Il n’est pas impossible que la juxtaposition de ce plagiat reconnu, la même année que cet « Apostrophes » ait fait de Béart le mauvais témoin exécré … Qui n’a pas évoqué  cette désagréable affaire.

et pour les autres inspirations http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.samples-en-talons.ch%2Fv2%2Findex.php%2FPop%2Fgainsbourg-genie-du-sample.html

Cette mise au point aujourd’hui est simplement dictée par le fait que nombre de médias, à la mort de Guy Béart,  ont remis à la une cette altercation d’Apostrophes, sans chercher plus loin que le débat sur l’art pour mineures, comme dira Serge Gainsbourg dans un autre débat. Gainsbourg était capable du meilleur Gainsbarre du pire. Et dans cette séquence, c’était Gainsbarre pas au mieux de sa forme.

Norbert Gabriel

*(Sources:Bertrand DICALE Les Miscellanées de la chanson française. Lonrai: Éditions Fetjaine, )

Autre source pour le plagiat et ses conséquences dans le commentaire de Fred Hidalgo (voir dans les commentaires)

Les tableaux sont de Patrick Clémence.

Et pour finir, un souvenir témoignage de Bernard Pivot :

L’animateur d’Apostrophes s’est exprimé au sujet de cette altercation dans une interview au Figaro. L’événement est encore intact dans sa mémoire: «J’en garde un très mauvais souvenir. Guy Béart avait été agressé par Serge Gainsbourg, donc il avait dû réagir et l’émission ne le mettait pas à son avantage.»

TOP 100, and the winner is :

19 Fév

« Avec le temps » de Léo Ferré.avec

De quoi est-il question ? Des 100 chansons que l’on devait tous connaître par coeur, selon le titre du livre que Baptiste Vignol vient de publier chez Didier Carpentier.

Il a posé la question à 276 artistes de la chanson, presque tout le Gotha de la scène francophone, et à 69 spécialistes qui s’intéressent à cet art populaire. Le résultat est-il surprenant ?

Faire une liste des 10 chansons éternelles pour une personne X à un instant T est forcément un exercice aléatoire, s’il y a deux ou trois chansons qui restent quelles que soient l’heure et l’humeur, pour la suite c’est sans doute très fluctuant. Quand je marche dans la rue, il y a des mots ou des musiques qui arrivent sans préavis et sans qu’on sache ce qui les a suscitées. C’est une musique de Catherine Bedez qui m’a poursuivie plusieurs jours (la musique, pas Catherine)… Quelques temps avant, j’avais entendu en concert, une fois, cette chanson de Valérie Mischler, qui n’a pas encore la notoriété de Johnny, « Au fond de l’étang » et ce jour-là, seule la musique est revenue, sur un trottoir de Paris, plutôt animé, à mille lieues de l’étang en question. En revanche, à la maison, un moment de spleen, d’allégresse ou d’enthousiasme, j’ai toujours sous la main, près de la chaîne un disque de Jacques Yvart, « Chansons insulaires » depuis 30 ans il me fait voyager dans des mondes de contes et de rêves d’enfance toujours en embuscade… « La saga de l’aigle, de l’ours de mer et de la petite fille » 9’16 d’enchantement. Et avec le temps, l’enchantement est toujours présent. Toutefois, ce n’est peut-être pas une chanson à connaître par coeur et à fredonner, car elle est indissociable de la voix de Jacques Yvart, conteur et chanteur, et je vois pas qui d’autre pourrait l’interpréter. C’est sans doute ce que beaucoup se sont dit au sujet de Ferré, jusqu’à ce que « Avec le temps » devienne un standard plébiscité par tous les invités de ce livre.

Dans lequel on trouve ces 100 chansons chacune ayant ses deux pages (parfois trois) avec son histoire, les noms de celles et ceux qui l’ont choisie, avec les listes manuscrites de ceux qui ont répondu par écrit-papier (et non par mail)

On y trouve aussi tous ceux qui ont répondu avec leurs 10 chansons, et à travers ces choix, on peut essayer d’ébaucher des hypothèses sur ces élues, admiration d’artiste ou d’auteur, écho persistant d’une émotion reliée à cette chanson, « une chanson douce que me chantait maman » ou «  la première fille qu’on a prise dans ses bras » et qu’on n’oubliera jamais, associée à une chanson s’il y a lieu… qu’on n’oubliera donc jamais.

En ouvrant au hasard, page 191, chanson en neuvième position, je vois Vincent Baguian, Robert Charlebois, Joël Favreau, Claude Lemesle, Yves Simon, Cyril Mokaiesh, Mac Neil, Ignatus, Féfé , Florent Marchet, ils ont en commun « Foule sentimentale »… Ce livre on peut lire dans tous les sens, à l’endroit, à l’envers, en suivant une ligne précise, quelle est la chanson qu’ont en commun tel ou telle de nos préférés … Quelques liaisons fortuites :

Yves Duteil et Marcel Kanche ont en commun « Le bal des Laze »

Jean-Louis Murat et Oxmo Puccino « Framboise »

Antoine et Marie Nimier « Ta douleur » de Camille

Marcel Amont et Ricet Barrier «  Supplique pour être enterré sur la plage de Sète. »

Louis Ville, Akhenaton et Gotainer « Mon amie la rose » …

et il y en a 113 (car il a aussi les 13 qui n’étaient pas loin) pour faire un quiz familial un soir de Victoires de la Musique ou de pénurie télévisuelle.

top 100

Editions Didier Carpentier, dont le catalogue musique est bien achalandé

http://www.editions-carpentier.fr/?fond=rubrique&id_rubrique=3&page=2&nouveaute=&promo=

 Norbert Gabriel

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