C’est beau, n’est-ce pas ? Oui… mais quel rapport entre le Fuji Yama et l’album Hors cadre de Mathias Vincenot ? J’explique, imaginez que vous sortez de la forêt, en bas de l’image, et vous découvrez ce paysage extraordinaire, cette montagne suspendue entre le ciel et la terre… Si tout ce qui vous vient à l’esprit est « C’est beau », vous avez immédiatement conscience que vos mots ne sont pas à la hauteur de la situation. Je ne parle de l’altitude relative mais de cette beauté qui vous éblouit et vous envahit tout entier.
Voilà ce que j’ai vécu en écoutant Hors cadre, une sorte de sidération irradiante. J’entends Savinien qui murmure, c’est un peu court, jeune homme… Bon, d’accord. Procédons par étape. En un temps déjà ancien, j’étais en effet jeune, 10 ou 11 ans, la poésie m’a pris par cœur et par corps avec « Demain dès l’aube... » Trois strophes, douze vers, qui disaient avec des mots simples, limpides, toute la détresse d’un père, et du bas de mes 10 ans, je l’ai vécue cette détresse, avec ces vers… En ce temps, à part la mort des lapins, la mort m’était étrangère.
Il y eût aussi en chanson, un autre choc du même genre, avec Actualités, chantée par Montand, une partie de la chanson évoquait un drame concernant un enfant, et j’avais le même cas– la maladie bleue- à côté de chez moi. En quelque sorte j’étais dans la chanson.
Ce sont des situations où les mots vont au plus profond de l’intime, en débusquant parfois des émotions insoupçonnées. Quand Mathias Vincenot écrit « Le testament du vieil homme » j’ai le sentiment qu’il m’a radioscopé, et je suis bien certain que pas mal d’auditeurs de tous âges auront la même sensation pour d’autres poèmes, les poètes sont dangereux parfois, ils entr’ouvrent des portes dérobées, suscitent des traversées du miroir, mais le risque vaut le coup.
Voilà ce que j’ai ressenti, c’est personnel, ou abstrait, ou abscons, peut-être, mais regardez simplement le Fuji Yama, ça devrait vous éclairer sur la grâce, la puissance, la beauté, la sensibilité de cet album extra-ordinaire, et unique en son genre. Pour la forme, il est constitué de 21 textes en duo avec l’ensemble DécOuvrir sous la direction d’Etienne Champollion, un poème dit par 53 artistes, et 3 poèmes chantés.
… Retrouver le chemin et rattraper au vol ce qu’on croyait perdu…
Et on le trouve où ? Voir ici.
Distribué par EPM / Collection « Dire » dirigée par Bernard Ascal.
Norbert Gabriel