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Jacques Debronckart

29 Avr
Rémo Gary vient de publier un album de chansons inédites de Jacques Debronckart,  « Voix de cailloux » ce sera à la une ici même demain, mais en attendant, un portrait de Jacques Debronckart, tel qu’il a été publié dans le coffret de Marie-Thérèse Orain, il y a 3 ans.

 

Photo DR

Dans ces années 60, quand les déferlantes yé-yé occupaient largement les médias radio-télé, apparaît une sorte d’étoile filante qui va laisser une trace indélébile dans les mémoires, un coup de tonnerre qui est la bande musicale de Mai 68 « J’suis heureux » que les radios passent avec « Je suis comédien » parfois à la télé.. Peut-être que cet enthousiasme compensait le silence qui avait accompagné en 67 « Mutins de 1917 » une de ces chansons qui malgré les censures unanimes va faire son chemin sinueux, discrètement, et 30 ans après ces mutins seront enfin réhabilités. C’est un exemple qui illustre que « les poètes voient plus haut que l’horizon, que le futur est leur royaume » et Debronckart est un de ces prophètes. Un peintre futuriste du monde qui arrive, un chroniqueur lucide, incisif ou narquois de la société du spectacle tout azimut. C’est la nostalgie des exilés, des émigrés-immigrés, celle qui chante Adélaïde, une ville du bout du monde, de l’autre bout du monde.

Jacques Debronckart est arrivé sur le devant de la scène presque contre son gré. Auteur compositeur accompagnateur, il est propulsé sur scène par Maurice Fanon, et de cabarets et cabarets, il fera un Olympia en vedette.

C’est dans les cabarets que se sont forgées de ces amitiés qui traversent le temps sans s’altérer. Avec Marie-Thérèse Orain, pour qui il a écrit, entre autres, « La chanteuse » tableau réaliste et burlesque de la vie d’artiste dans ces fameux cabarets chantants, et « mangeants » ce qu’on retrouve aujourd’hui en cafés chantants et « buvants », le temps passe, mais ne change pas tellement.

Artiste complet, Jacques Debronckart a eu comme partenaires de chansons, Bernard Dimey, Gribouille, Michelle Senlis , Nadine Laïk, il a été interprété par Isabelle Aubret, Christian Camerlynck, Juliette Gréco, Philippe Clay, Eva, Les Frères Jacques, Yvette Giraud, Simone Langlois, Nana Mouskouri, Marie-Thérèse Orain, Colette Renard, Francesca Solleville, Cora Vaucaire… une trentaine d’interprètes, il a publié 7 « 45t » (4 titres) et 8 albums ou CD, au cours d’une carrière stoppée à 49 ans, après des années de lutte contre la maladie, il succombe en 1983.

Humaniste sarcastique, il a constamment flirté avec la censure qui supporte mal l’insolence quand elle est fondée sur des faits historiques, ou la revendication précoce de « Mutins de 1917 » Dans les années 60-70, c’était pas la meilleure façon de faire les prime-time télé. Sauf chez Chancel et son Grand Echiquier.

Jacques Debronckart a beaucoup écrit sur des thèmes qu’il résume dans ces lignes :

Il ne faut pas croire qu’un pays devient fasciste d’un seul coup. Pas du tout. Cela se fait par petites approches dont les gens ne sont même pas conscients, et puis un beau jour, ils se réveillent sous le régime de l’Ordre.

La jeunesse d’aujourd’hui pourrait avoir de quoi réfléchir en écoutant les chansons de Debronckart, réfléchir et se réveiller, la chanson c’est aussi ça : un cri lancé, en espérant que l’écho fera suivre.

Norbert Gabriel

Naufragés, Mokaïesh, Dimey, Debronckart et les autres…

11 Sep

Livre Mokaiesh

Les chansons… Les refrains qu’on fredonne en sourdine
Entre l’île Saint-Louis et le pont Mirabeau
Quand Mon pote le Gitan s’endort dans sa verdine
C’est comme un beau poison qu’on aurait dans la peau
Moi qu’écris des chansons pour occuper mes heures
Je voudrais en faire une qu’on n’oublierait jamais
Afin que, parmi vous, un peu de moi demeure
Comme une fleur vivace aux Marches du palais. *

C’est la très belle surprise de la rentrée, Cyril Mokaïesh (et Giovanni Mirabassi) remettent à la une quelques naufragés de la gloire médiatique.

C’est un album, mais il y a une version livre-disque, dans lequel Bertrand Dicale resitue les personnages et les chansons. Autant dire d’emblée que ça doit figurer dans toute bibliothèque un peu sérieuse.

Dans ce beau livre de 108 pages, sobre, un extrait du « Petit précis de naufrage »:

Ces naufragés tout autant que leur talent, manifestent leur incapacité à le faire fructifier (…) On comprend bien avec eux qu’il faut avoir plus que du talent. Leur échec prouve qu’il faut avoir une patience, une hygiène, une rectitude, un désir, une raison. Ils sont assez inspirés pour écrire, ou chanter. Ils ne sont armés pour vivre. Au bout du compte, leur génie n’a pas suffi.  (Bertrand Dicale)

Naufragés. Ils ont eu un chemin de de bourlingues hasardeuses, cahoteuses, comme tous les fracassés de la vie, artistes qui ont mal aux autres, qui se scarifient de toutes leurs cicatrices…

Leurs contemporains les ont laissés dans l’ombre, peut-être qu’ils volaient trop haut, ces oiseaux de passage, pour séduire les basses cours du showbiznesse. Embarqués dans les aventures de la vie, ils écrivaient plus à l’encre de sang qu’à l’eau de rose. Leur redonner une voix jeune montre que leurs chansons ont gardé une force de frappe intacte, le temps n’ a rien entamé de cette révolution permanente

ExtraitC’est la play list de tous nos vieux copains, les enragés de cette chanson qui raconte, celle que nos médias actuels ont une fâcheuse tendance à oublier… ou à la noyer dans le fourre-tout des musiques actuelles. Ou à la ranger dans les greniers poussiéreux de la nostalgie

Mokaiesh, un mec qui n’a pas peur de mettre à la une ces personnages géants, peut-être trop grands pour leur époque.

On les a décrits comme dépressifs junkies, ivrognes, malades, mais on peut se poser la question pour quelques uns, qui est la cause, qui est l’effet ?

Cyril Moskaiesh, visuel de l'album Ecoutez, vous n’m’écoutez pas… C’est l’ouverture de l’album, tout est là, le cri d’un homme qui résonne à toutes les époques, et c’est de pire en pire, en 2015, on tweete pour « s’exprimer » pas pour communiquer, qui a envie d’écouter les réponses ? Ecoutez, vous n’m’écoutez pas...

Toutes ces chansons sont admirablement servies par l’interprétation sobre de Mokaïesh, et le piano de Mirabassi… Oui, du piano-voix, de quoi faire fuir tous les programmateurs, sauf Philippe Meyer… Raison de plus pour l’avoir chez vous ce livre-disque. Ou ce disque…

Cyril Mokaïesh et Giovanni Mirabassi seront sur scène avec ce répertoire, dimanche lors de la Fête de l’Huma à la Courneuve (Seine-Saint-Denis), puis un peu partout en France avec un passage du 6 au 17 octobre à Paris pour une série de concerts dans le salon Nijinski du Théâtre du Châtelet.

A vos agendas ! Suivez la route de Mokaïesh:  http://www.mokaiesh.com/wp/?page_id=75

* Chanson de Bernard Dimey

Dernière heure: France Inter est partenaire de la tournée, et plusieurs émissions vont inviter Cyril Mokaïesh…  Ce dont je ne doutais pas…  Ça prouve  qu’on n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle…

Norbert Gabriel

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