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Entretien avec Olivier Daguerre, un artiste alternatif sous courant continu

23 Mar

 

En 2019, Olivier Daguerre sortait son septième album « 107 812 km/h » sous forme d’un livre-disque dans lequel ses chansons s’accompagnent d’illustrations de Sarane Mathis, réitérant par là l’expérience du précédent « La nuit traversée », paru aux éditions LimaO, qui alliait déjà à sa musique d’autres formes d’expression artistiques, picturale -du même illustrateur- et littéraire avec des textes de l’écrivaine Mély Vintilhac. Mais plutôt qu’une continuité creusant le sillon déjà exploré d’émotions parfois très sombres et douloureuses, « 107 812 km/h » s’est enfanté à sa suite comme une réponse par l’instinct de vie et l’impératif d’appétit pour l’existence, se colorant de pigments, pour chasser la noirceur des tragédies auxquelles l’humanité nous confronte. De pigments bleus notamment, en référence à la couleur de notre planète, au parcours de laquelle le titre de l’album fait allusion, ce chiffre correspondant à la vitesse à laquelle la terre avance sans dévier de sa trajectoire et sans repasser deux fois par le même point. Sans doute peut-on y percevoir une métaphore relative à la manière dont le chanteur, que nous avions eu le plaisir d’entendre au festival Musicalarue au concert des Hyènes avec Cali [Lire ici], conçoit, arpente, avale et vit son propre itinéraire artistique depuis ses débuts sur la scène Punk-rock des années 1990, dont l’esprit et le sens de l’urgence lui restent chevillés à l’âme, au sein du groupe Les Veilleurs de Nuit. Avec cet album, pour la première fois sur l’intégralité d’un disque, Daguerre porte, non pas ses propres textes, mais ceux de son complice Michel Françoise, enchâssés dans l’écrin de compositions musicales, où la chanson francophone se rythme et se nourrit de Folk sobre et de Blues-rock ventral envouté de percussions chamaniques ( « Essuie-glace », « Pigeon Vole », « Parc Opéra-Bastille ») ou de tourne entêtantes (« 1700 km h »), qui remue du fond des tripes jusqu’à un degré spirituel hypnotique aux accents (John Lee) Hookeriens (« Boulevard du monde »). « On peut tout voir à travers, de l’évidence au mystère » chante-il dans le titre « Colophane ». On y entend surtout le mystère d’une évidence : l’alchimie qui permet à Daguerre, à l’instar d’un Bashung, d’incarner et d’assumer les mots d’un autre auteur avec le même instinct que s’il les avait écrit lui-même. Les deux hommes étaient venus dernièrement à Bordeaux jouer ces titres dans l’intimisme du Théâtre l’Inox, pour une soirée bouleversante en co-plateau avec l’agenais Sylvain Reverte (qui avait participé avec Daguerre au conte « L’enfant-Porte » mis en musique par Michel Françoise et Francis Cabrel) [ Lire ici]. Si l’album parle de séparations (« Dans l’incendie », « Avalanches », « Dans l’œil du cyclone »), décline des instants de vies qui se croisent parfois plus qu’elles ne se partagent, incline la poursuite de ces mêmes vies après une étape ou une fin, et rappelle aussi la tristesse de constat pessimistes à travers la chanson « En pointillés », dont la thématique aurait pu s’inscrire parmi les autres titres de « La nuit traversée », et dans l’apaisante sérénité mélancolique de laquelle résonne un lointain et doux écho de « L’agriculteur » de Ridan, il se penche introspectivement sur ce qui émerge de ces épisodes, ces expériences, ces tranches de parcours qui nous enrichissent autant, sinon plus, qu’ils ne nous vulnérabilisent, et nous font grandir le long d’une existence qui se comprend avec d’autres perspectives.

 Chaque jour ta voix,
Ma voix ou d’autres voix
C’est la voix de l’amour…

chantait Edith Piaf dans « Les mots d’amour ». Et c’est à l’image de cette conviction que se trace depuis 3 décennies la route de Daguerre : à chaque album, que ce soit la voix de la détresse ou celle de l’espoir, la voix du deuil ou celle de la survie, la voix de l’anéantissement ou celle de la résilience, la voix de la souffrance ou celle de la joie, la voix de l’horreur ou celle de la beauté, c’est la voix de la vie qui chante dans le timbre de l’artiste, la vie qui « s’accroche et renait comme les printemps reviennent », pour paraphraser le titre des Cowboys Fringants « Les étoiles filantes ». Daguerre lui aussi file et brille, mais au contraire des météores, ne fuit pas, jamais amarré trop longtemps dans le même port, mais toujours encré avec fidélité dans ses engagements et dans l’intensité et la générosité avec lesquelles il sait dégainer les fils pour laisser jaillir l’électricité. Dernièrement en résidence, l’artiste alternatif sous courant continu, qui foisonne toujours de projets, nous accordait un entretien.

 

– Olivier, bonjour et merci de nous accorder cet entretien. La résidence que tu fais actuellement concerne-t-elle la tournée du dernier album ou un autre projet ?

Ce sont des projets annexes. Je participe à beaucoup de projets de collectifs d’artistes, suite à des rencontres que je fais, ou des demandes d’écriture. Là je suis musicien dans un spectacle pour une metteure en scène, qui fait un seul en scène. J’ai donc composé des musiques sur ses textes et j’interviens dans son spectacle comme musicien. Je fais pas mal de trucs en dehors de mon projet personnel ; il y a toujours trois-quatre projets en même temps. J’écris aussi pour le jeune public actuellement.

 

– A ce propos, Sylvain Reverte, avec qui nous t’avons vu jouer dernièrement au théâtre l’Inox à Bordeaux [Lire ici] participe beaucoup à des ateliers d’écriture, en milieu scolaire, hospitalier ou carcéral, en tant qu’intervenant et formateur, tout comme toi.  Qu’est-ce que ces interventions apportent à ton appréhension du monde et éventuellement ta façon de transcrire les émotions?

C’est un état d’esprit. On a ça en commun avec Sylvain. Je l’ai fait dès que j’ai été intermittent. Ça a un rapport avec la transmission de la passion pour l’écriture de chansons. Chez moi c’est lié à mon adolescence : la musique, c’est comme si ça avait un peu sauvé ma vie. Alors c’est un acte un peu militant au départ. Maintenant depuis quatre-cinq ans dans le cahier des charges culturel des institutions, tout est axé sur la formation et la transmission, autour de l’écriture, et tant mieux. Il y a de plus en plus d’artistes qui interviennent dans ce sens. Et plus personnellement on se sent vivant différemment de quand on fait juste des tournées. C’est chargé en émotions ; c’est un partage incroyable. Tu crées des choses avec des personnes inattendues, et ça montre que tout le monde  a quelque chose à dire, et souvent artistiquement, notamment chez les cabossés ou les laissés pour compte qui sont en échec scolaire. Et ce, que ce soit dans l’activité musicale, ou théâtrale, sculpturale, dessinatrice. Ça déclenche beaucoup de choses, et ça se vérifie, que ce soit en milieu psychiatrique, hospitalier, carcéral, associatif ou éducatif. Ça rejoint la passion, mais il y a quand même un acte militant ; c’est un engagement. Et puis égoïstement, ce que ça apporte humainement n’a pas de prix. On devient presque accro à ça, à ces situations où on est en hyper sensibilité et on reçoit beaucoup d’émotions. Au grand désarroi de Sylvain, notre voyage à Dubaï pour ça a été reporté à cause du virus. Je l’avais déjà fait par deux fois. Ce sont des ateliers qu’on fait dans des lycées français, mais avec des gamins qui peuvent être d’une douzaine de nationalités différentes et parlent donc plusieurs langues, et ont chacun leur parcours. C’est très intéressant aussi, mais c’est encore autre chose. Les Émirats sont un endroit où je ne serais pas allé de moi-même, s’il n’y avait pas eu un projet artistique comme ça.

 

– Le précédent album « La nuit traversée » était un album très sombre, et le dernier, sorti à sa suite, « 107 218 km/h » se remplit au contraire de beaucoup de couleurs, de bleu notamment qui est la couleur de notre planète, et réveille des appétits de vie. Etait-ce comme une nécessité de répondre aux émotions graves et noires du précédent par un sursaut de la vie qui reprend le dessus?

« La nuit traversée » était vraiment sur ce qu’on traverse et la façon dont on sort la tête de l’eau. C’est nourri des personnes que j’ai pu croiser dans ma vie, et d’expériences personnelles aussi. Mais on avait ça en commun, cette force ou ce courage, qui fait que la vie l’emporte à chaque fois. Alors c’était un peu noir, et la transition était cette prise de conscience qu’une fois qu’on a relevé la tête, il n’y a plus de temps à perdre. C’est pour ça que « 107 218km/h » était tout bleu et qu’il comportait cette notion de vitesse avec ce chiffre particulier. Pour dire qu’il fallait bouffer la vie, mais de quelle façon ? Pourquoi ? L’album interroge là-dessus aussi.

 

– Ce chiffre précisément est celui de la vitesse à laquelle la terre se déplace sans dévier de sa trajectoire et sans repasser deux fois par le même point. Y a-t-il une dimension symbolique de ta façon de concevoir et de vivre la création musicale et ton métier?

Oui. Encore une fois c’est très personnel. C’est-à-dire que c’est mon mode de vie aussi, et que ça fait trente ans que je vis comme ça. Il y a un côté bohémien, et dans les projets, et dans les personnes que je fréquente, même si j’en croise que je ne reverrais jamais de ma vie, mais avec qui il y a toujours des choses très intenses. J’ai la chance de beaucoup voyager. Et plus tu bouges, plus tu vois que rien n’est immobile. Je suis toujours à la recherche de cette notion du vivant. Et chaque fois tu prends une sacrée leçon de personnes qui ont une force incroyable par rapport à ça. Même si nous restons immobiles et qu’on ne fait rien, il faut savoir qu’autour de nous, ça bouge. Il faut bouger, être curieux, savoir écouter, aller à la rencontre, surtout de nos jours. Ça parle de liberté à ce niveau là ; c’est la seule chose qui nous reste un peu. Alors ça parait naïf, mais je crois quand même à ça.

 

– Les textes du dernier album ont été écrits par Michel Françoise, ton complice de longue date. Toi qui es auteur, pourquoi avoir décidé de laisser la plume et les mots à un autre pour cet album?

Michel a écrit tous les textes et moi les musiques. C’est la première fois que je travaille comme ça, ce qui est super, parce que ça me permet de ne jamais vivre la même chose artistiquement. Ça me casse de toute routine. Lui m’avait envoyé plein de textes ; par contre j’avais carte blanche pour retoucher les textes, comme c’est moi qui les interprète. Il a accepté cette souplesse là. J’ai pu choisir et retoucher les textes, car il fallait quand même que ça me corresponde. C’est ce qui est génial dans l’échange. Et pareil pour les musiques que j’ai composées : c’est lui qui a fait tous les arrangements. C’est comme si on avait tout co-écrit à deux, et c’est super de travailler en binôme ; c’est la première fois que je le fait de A à Z sur un album complet. C’est un travail vraiment artisanal de création à deux. Je n’aime travailler que comme ça. Le mot « artiste » est souvent ampoulé. Je pense que nous sommes des artisans.

 

– Peut-on établir un parallèle avec la façon dont Alain Bashung, qui était aussi lui-même auteur,  travaillait avec d’autres auteurs, dont les textes lui allaient pourtant comme un gant si on peut se permettre l’expression?

Carrément! J’ai eu la chance de travailler aussi avec un des auteurs de Bashung, Jean Fauque, qui avait bossé sur les albums « Osez Joséphine », « Chatterton » et puis « Fantaisie Militaire » entre autres. J’avais rencontré Bashung une fois et on avait discuté de leur façon de travailler. Et Bashung travaillait comme ça avec les auteurs, c’est-à-dire qu’il remalaxait -il y a d’ailleurs une chanson qui s’appelle « Malaxe » qui parle de ça-, et il avait carte blanche de ses auteurs qui savaient comment il fonctionnait. Et en tant qu’interprète pour s’accaparer les mots, il intervenait soit dans une façon de réorganiser le texte, ou juste de saupoudrer quelques mots. C’était toujours l’auteur qui était au service. Effectivement c’est un artiste parmi d’autres que j’adore, et on a ça en commun avec Michel Françoise.

 

-« 107 218 km/h » est le deuxième album que tu sors sous la forme de livre-disque, accompagné d’illustrations de Sarane Mathis et aussi de textes. Est-ce d’avoir gouté à ce concept qui t’a donné envie de réitérer l’expérience ?

J’ai rencontré l’éditrice Fany Souville, qui venait de créer sa maison d’éditions, après qu’elle m’ait contacté pour un tel projet. Mais dès le départ je voulais partir sur l’idée d’un triptyque de trois bouquins qui auront tous le même format, et je voulais travailler avec le même illustrateur, et avec un ou une écrivain(e) différent. Il y a eu ça dans « La nuit traversée », mais pas dans le « 107 218 km/h ». Mais Michel l’a chapitré, avec des textes très courts, hors chanson. Actuellement je prépare le troisième qui sort en 2021, qui sera du même format que « La nuit traversée » et le « 107 218 km/h ». Il est déjà écrit et enregistré, et sera complètement différent, mais toujours illustré par Sarane Mathis. Je travaille dessus avec une écrivaine qui va, elle, écrire une nouvelle inspirée des chansons. Et puis ce sera par la suite décliné en coffret des trois bouquins. Tu auras donc la rencontre des trois entités artistiques avec un peintre, une écrivaine, et des chansons.

 

– Ne craint-on pas, lorsqu’on se lance dans un projet de proposer des images, accompagnant des chansons, de les imposer à l’imagination des auditeurs et de peut-être la brider, en les empêchant de se créer leurs propres images à partir des chansons, comme lorsqu’on réalise un clip vidéo?

A la différence des clips, dans un bouquin ou face à un tableau, tu as une seule image qui correspond à un texte. L’idée que j’avais de ce système de livre-disque, c’est que tu peux le feuilleter sans écouter la musique, tu peux même ne rien lire et regarder uniquement les images. Que ça influence des personnes, ça ne m’obsède pas. Je ne me suis pas posé cette question là. C’est quelque chose sur quoi on s’interroge plus quand on fait un clip, parce qu’un clip accompagne la chanson de A à Z avec plein d’images. Là tu as une proposition artistique de l’illustrateur, qui, lui aussi, avait carte blanche pour peindre ce qu’il voulait.

 

– Le titre « Rubicon », plus de par son ambiance musicale que par le texte vraiment, fait inexorablement penser à la chanson « Le labyrinthe » de Laurent Le Larron, qui est aussi un familier des collaborations avec l’équipe d’Astaffort et l’association Voix du Sud, comme toi. Est-ce un clin d’œil intentionnel ou un hasard?

C’est un hasard. Mais ça arrive souvent. On en parle entre chanteurs quand on se croise, ou même quand on créé quelque chose et on se dit que ça ressemble à mort à un truc qu’a fait Bob Dylan ou à un morceau des Stones ou de Bernard Lavilliers. Inconsciemment il y a des univers, des productions, des mélodies ou des façons de construire une chanson qui se répètent. Il faut avoir la modestie de se dire qu’on n’invente jamais rien réellement. C’est plus une façon de livrer une émotion à un instant T. Que la chanson évoque Le Larron, je n’y avais pas pensé, mais ça ne me surprend pas. Parfois on rencontre d’autres auteurs, ou on se rencontre soi-même sur d’autres chansons. Parfois je m’en rends compte huit mois après, que ça ressemble à Dylan, à Saez ou à un autre. Il arrive même que ça créé un frein quand on se rend compte qu’on a composé un truc qui ressemble vraiment trop à ce qu’on a déjà fait ou que d’autres on fait. On se dit que là, on est sur une fausse piste, qui rappelle trop quelque chose qui existe déjà.

 

– En parlant de Saez, c’est en première partie de son concert de Seignosse en 2005 que je t’avais découvert. En as-tu gardé un souvenir marquant?

Mais je croise beaucoup de gens qui m’avait découvert ce soir là, et ça fait vraiment plaisir, parce que c’était quasiment notre premier concert.  

 

– Y a-t-il dans le refrain de la chanson « L’œil du cyclone » une référence au poème de Paul Eluard « Liberté » ?

Il y a un petit clin d’œil. On en a parlé, parce qu’à un moment Michel et moi travaillions sur des poésies, mais chacun de son côté, et quand j’ai vu passé ce texte, ça me l’a évoqué.

 

– Lors de ton concert au Théâtre l’Inox à Bordeaux, une amie, Kate Beans est venue sur scène interpréter avec toi « De l’ivresse », pour un duo improvisé très spontané. Qui est-elle ?

Elle est professeur de musique dans un collège. Je l’avais rencontrée, car on fait des formations pour les enseignants à Astaffort, où ils viennent éprouver ce que vont vivre leurs élèves lorsqu’ils font venir un artiste intervenant pour créer des chansons. Et je suis allé ensuite deux fois à son collège à Lacanau travailler avec elle, ses élèves et deux professeurs de lettres. On a sympathisé. Parfois tu as des professeurs comme ça qui chante en dehors de leur métier d’enseignant, à côté, et qui ont une certaine folie qui fait du bien par rapport à l’éducation nationale. Elle rêvait de chanter cette chanson à l’arrache, puisqu’on n’avait rien répété, et je lui ai proposé de profiter du concert pour chanter ce morceau en duo. C’était complètement improvisé ; ça s’est fait naturellement.

 

– L’interprétation scénique chez toi frappe toujours par un magnétisme animal qui se libère et l’intensité d’une énergie qui attrape immédiatement les concerts, dès la première chanson, dès le premier mot même. Est-ce que cette impression correspond à la façon dont tu vis la scène ?

C’est surtout comme ça que je conçois la scène. C’est entier dès que je monte sur scène. On vit beaucoup avec le corps, qu’on bouge ou pas. Et ensuite ça monte au cerveau. Le côté animal dont tu parles, c’est ma façon d’appréhender la scène et de le vivre et de ressentir le plaisir, et de tout livrer comme ça. Après les gens se servent ou pas. On ressent vraiment le public, alors que souvent on ne le voit pas, mais on ressent cette présence. C’est ça qui est fou. Alors ça peut déranger aussi certaines personnes dans le public, ce côté physique. Ce n’est pas réfléchi. En fait j’étais comme ça dès le début, quand j’ai démarré, sur la scène Punk-Rock. Il y avait déjà cette violence. On jouait chaque morceau comme si on allait mourir au prochain titre. Il y avait cette urgence physique où tu te donnais entièrement. Alors c’est vrai que je conçois la scène ainsi, mais ça vient du parcours que j’ai eu, et tient à la façon dont je me suis construit. Je pense que je ne pourrais pas le vivre autrement. Je ne sais pas si ça correspond à la scène de fin des années 80, parce que j’ai démarré à cette période avec cet esprit là. Peut-être si j’avais démarré plus tard ou dans d’autres conditions, je n’appréhenderais pas la scène de cette façon. C’est comme une recherche de l’absolu, d’être le plus généreux possible. Un concert c’est comme un échange. On a la prétention de monter sur scène, de livrer une émotion, par l’écriture, la musique, la mélodie, mais je trouve que le corps est très important.

 

– Revenons à l’album « La nuit traversée ». La chanson dont le titre lui donne son nom évoque évidemment le sort des réfugiés lancés à la traversée de la Méditerranée pour rejoindre nos côtés européennes, mais l’album se construit autour d’autres chansons qui abordent des traversés intimes d’épreuves personnelles. Pourquoi cette métaphore qui établi des parallèles entre ces combats de natures différentes ?

Le titre « La nuit traversée » est effectivement une chanson sur les migrants. C’était l’axe. Pour moi ce qui se passe est le pire truc du XXI ème siècle. C’est insupportable ; on se sent vraiment impuissants. J’ai rencontré plusieurs migrants, et suite à leurs témoignages, voyant la force qu’ils avaient d’avoir traversé ce qu’ils avaient vécu, cette chanson a été le démarrage de tout. Et après le thème de cette première chanson est ce qui a déclenché le reste. Je n’allais pas faire un album entier sur les migrants. Mais leur exemple était le cas le plus extrême de la façon dont on relève la tête quand même, et à quel prix. D’eux-mêmes, eux regardent devant ensuite. Alors les autres chansons parlaient d’autres personnes, d’autres histoires, mais il y avait en commun cette question de traverser des épreuves et de relever la tête, que ce soit suite au deuil, à la maladie, à la mort, à toutes les écorchures qu’on peut tous avoir en nous.

 

– N’était-ce pas une thématique déjà présente dans une de tes premières chansons, « Les plaies ouvertes », enregistrée sur l’EP « Ici je » et par la suite sur l’album « Le cœur entre les dents », qui raconte les douleurs et les traumatismes d’une vie de femme confrontée à des abus ?

– « Les plaies ouvertes », c’est pareil. C’est hélas toujours d’actualité. J’ai tellement eu d’amies qui avaient vécu des viols, des attouchements, des violences. Ça rejoint le thème de « La nuit traversée » : il s’agit de personnes qui ont un courage incroyable. Ce sont tout le temps des femmes. Alors je n’aime pas trop le mot, mais j’ai toujours été féministe à mort, à cause de ça. Depuis tout petit je ne comprenais pas le sort qu’on peut te réserver, parce que tu es une fille. Et je ne comprends toujours pas la négation de ce droit d’être, de disposer de son corps la tête haute. C’est quelque chose qui me poursuit toujours et qui a toujours accompagné mon écriture. Cette chanson « Les plaies ouvertes » en fait partie, et elle concerne des gens très proches, que je côtoie toujours ou qui ont disparu. Mais c’est une chanson que je ne chante plus aujourd’hui. Il y en d’autres qui ont pris le relai.

 

 

Miren Funke

Photos : Miren à l’Inox de Bordeaux, sauf (2) Carolyn C à Musicalarue, Luxey

 

Liens : Daguerre : http://www.daguerre.mu/

LamaO editions c’est là –>

 

 

Daguerre et Sylvain Reverte en concert à L’Inox (Bordeaux) : entretien avec l’artiste

17 Jan

Samedi 07 décembre dernier, l’association Bordeaux Chanson, qui fidèle à son habitude de proposer au public bordelais un moment d’évasion et d’émotions, continue d’œuvrer avec ses acteurs bénévoles, pour qu’existent et s’expriment les auteurs compositeurs interprètes francophones, recevait au Théâtre l’Inox deux artistes au parcours professionnel et à l’histoire humaine intimement liés, puisque leur amitié se ponctue depuis plusieurs années de collaborations musicales (participation au conte musical « L’enfant-Porte » créé par Yannick Jaulin, et mis en musique par Francis Cabrel et Michel Françoise) : Sylvain Reverte, accompagné de son pianiste et complice Christophe Britz et Olivier Daguerre jouant, lui, avec Michel Françoise aux guitares. Cependant point de duo ce soir là entre les deux hommes, qui se succédaient pour un co-plateau où chacun interpréta ses propres morceaux.

Renversons quelques instants l’ordre chronologique de cette soirée, dont en seconde partie, le concert de Daguerre, accompagné donc de Michel Françoise, fut un moment d’une intensité ensorcelante. J’avais découvert l’artiste en 2005 à Seignosse (Landes), lors d’un concert de Saez, dont il assurait la première partie avec les morceaux de son premier Ep autoproduit « Ici Je ». Je me souviens avoir été d’entrée ébranlée par le magnétisme du personnage, qui m’avait aspirée et sonnée. Une claque, comme on dit (un coup de poing même). Tant et si bien que je m’étais empressée de quitter le concert de Saez avant la fin, pour être sûre de pouvoir acheter l’Ep de Daguerre à sa table de presse. Quatorze années, sept albums, où une poésie écorchée et éblouissante s’enchevêtre à des thématiques souvent graves et lourdes, parfois plus passionnées, pour ensemencer des chansons ciblant au cœur et sans détour les sentiments et les idées, et tant de concerts plus tard, le charisme du chanteur -que nous avions vu l’été dernier au festival Musicalarue avec les Hyènes et Cali [Lire ici]– n’a pas perdu un millième de degré : dès le premier mot prononcé, l’homme habite la chanson, électrise l’atmosphère, et aimante l’attention du public, happée par l’authenticité d’une âme qui interprète avec vérité et à fleur de nerf, sans filtre. Impossible de relâcher l’attention de cette tension que Daguerre a toujours su charger en haut voltage et tenir, comme instinctivement, accrochée aux câbles des émotions qu’elle fait tressaillir. Le concert arpenta des morceaux des derniers albums, «Mandragore », «La Nuit Traversée » et surtout «107218km/h », le dernier en date sorti en mars 2019, bouleversant. Seul ancien titre interprété, « De l’Ivresse » (extrait du « Cœur entre les dents ») improvisa une plage conviviale, où Daguerre invita spontanément une amie présente dans la salle, Kate Beans à venir chanter en duo avec lui.

 

 

Mais moins de deux heures auparavant, c’est Sylvain Reverte qui amorçait l’envolée des émotions avec son « Soleil Rouge » que nous avions découvert dans ce même théâtre de l’Inox trois ans plus tôt [ici]. Torche ardente, qui au grès d’une ascension exhortant nos sens vers un ciel embrasé et aveuglant, nous enflamme de sa beauté intérieure qui en met plein la vue, avant de laisser choir et virevolter en nous quelques milliers d’étincelles incandescentes, ce « Soleil rouge » agrippa le public d’une main de feu, pour le laisser, encore ébloui, s’apaiser doucement à des accords plus légers et des accents moins abrasifs, avec un second titre du même EP (« Soleil Rouge ») « Madame joue », regard ému et attendrissant que l’artiste pose sur la paternité. S’enchainèrent à sa suite d’autres morceaux de ce dernier enregistrement : « Josephine Baker », « Pauvre d’elle », « On levait le poing », ou encore « Les bords de mer ». Les réactions de l’auditoire à l’interprétation de cette dernière chanson, dont j’avoue avoir pensé à l’écoute de l’EP qu’elle constituait peut-être, de par le choix des instrumentations et des arrangements, l’élément faible de l’ensemble, mes gouts personnels ayant plutôt inclinés à imaginer la puissance de dérision du texte habillée dans un costume plus Rock,  m’interpellent. Preuve que l’arbitraire des gouts personnels ne peut prétendre être rien de plus que ce qu’il est -et c’est tant mieux!-, la chanson vécu un moment d’interaction avec un public très participatif, battant le tempo et se laissant charmer par la légèreté sans prétention d’une rythmique en clin d’œil aux variétés des années 80. Un constat s’impose : le morceau fonctionne. Avant de retrouver deux titres du précédent album (« Un homme dans l’ombre »), « Page 48 » et « Rendez-vous » qui clôtura cette première partie de concert par un instant de sidération, trop spontané pour être feint, où durant l’espace de quelques phrases, on perçu la voix de Sylvain Reverte traversée par le spectre de Mano Solo, le public s’entendit offrir quelques titres inédits, dont certains seront probablement de ceux constituant le prochain album en cours d’écriture. L’attention générale se focalisa particulièrement sur l’un d’eux, « Le lac », qui évoque les souvenirs d’un lac aux confins du Lot et Garonne et du Gers, où l’artiste passait sa jeunesse, et dont l’accès est à présent interdit. Mais la chanson raconte en réalité bien  plus. Et si elle bouleverse et atteint autant, c’est qu’elle est de ces morceaux par lesquels certains artistes parviennent, à travers le récit d’une histoire intime, à véhiculer des thématiques très universelles qui concernent et touchent tout le monde, comme le fit en son temps le « Toulouse » de Nougaro : la nostalgie d’un jeune âge à coup sûr, et le regret de l’insouciance avec, la provincialité peut-être, l’amour de la nature aussi, la perte des repères également, et sans doute la disparition de la liberté, de toutes ces petites parcelles de liberté de faire ce qui fut permis et n’est plus autorisé. La chanson marquera certainement un temps fort du prochain album de l’artiste et saura être de celles qui donnent de leur souffle (« Pauvre d’elle »). Quelques heures après la fin du concert, Sylvain Reverte acceptait de nous accorder un peu de temps.

 

– Sylvain bonsoir et merci de nous accorder cet entretien. Il y a quelques années que tu étais venu à Bordeaux, lors de notre première rencontre. Et ce soir, Olivier Daguerre et toi nous avez offert deux beaux concerts. Quelles sont à chaud tes premières impressions ?

 – C’est toujours bien de venir jouer à Bordeaux, car je ne viens pas souvent. La dernière fois que je suis venu, c’était il y a  deux ou trois ans en effet. Et ce qui est intéressant, c’est d’arriver avec de nouvelles choses pour voir la réaction du public et ce qui se passe en live. Et donc je sors de scène rassuré, avec une bonne impression sur les chansons à venir et le nouveau projet. Quant à Olivier, c’est le parrain de ma fille et un ami fidèle. On s’est connu depuis plus de dix ans ; il faisait les premières parties de mon groupe Le Manège Grimaçant. On était signés sur le même label, de Michel Françoise. Ensuite on a appris vraiment à se connaitre lors de la création de « L’enfant-porte », et à s’apprécier. Dès qu’on peut jouer ensemble, on est contents. J’adore le personnage et ce qu’il propose.

 

– La dernière fois que nous t’avions vu en concert, c’était à Agen, en première partie de Romain Humeau[ici], pour la présentation de ton EP « Soleil rouge ». Où t’a mené ta route depuis ?

On a fait des concerts avec Christophe, qui m’accompagne. Ca m’a conforté dans l’idée d’approfondir le travail qu’on a amorcé ensemble. C’est un rythme qui me convient : on se voit de temps en temps pour travailler sur les prochaines compositions ; on prend le temps sans être stressés. On n’a pas d’impératif avec une major ou un label qui nous pousserait à produire. Donc on fait ça au rythme des saisons, tranquillement. C’est un luxe ; mais je n’ai jamais voulu que la musique soit un impératif avec une commande, comme un produit à mettre en rayon. Ca me bloque. Donc le fait de savoir que quelque part personne ne m’attend, et de sortir du bois et arriver comme une  surprise, je trouve ça intéressant.

 

– Dirais-tu que la collaboration avec Christophe se renforce et prend plus de place dans les créations ?

Exactement. J’ai envie de me laisser porter aussi par ce qu’il propose. Il a un univers à côté, puisqu’il a un groupe qui s’appelle Alnoï, avec lequel il est vraiment dans la musique électro-pop anglaise. Et je trouve intéressant de me laisser un peu porter par cet univers, parce que ce qu’il propose me plait, et que donc j’y adhère assez facilement. Je ne suis pas forcément quelqu’un de très malléable en termes de direction artistique, et c’est quelque chose que je travaille depuis un certain temps, parce que je trouve dommage de ne pas profiter des talents des gens qui m’accompagnent. J’étais plutôt du genre à diriger l’opérationnel, et à être complètement frustré, et pas à l’écoute, lorsque ce n’était pas moi qui dirigeait. C’est ce qui s’est passé pendant assez longtemps. Et désormais, j’arrive à me laisser convaincre plus facilement. C’est un risque qu’on prend à deux avec des orientations musicales vers lesquelles je n’étais pas forcément prêt à aller. Et je pense que plus ça va aller, plus je vais me dévêtir de la guitare, la conserver, mais doser différemment les choses, de façon à laisser plus d’espace au texte. C’est ce que je suis en train de faire actuellement : me cibler sur ce que j’ai envie de transmettre et ce que je suis en tant qu’auteur. J’ai envie de viser dans le mile, et c’est la complexité de ce travail là : être en accord avec ce que l’on ressent, ce que l’on veut dire. C’est donc plutôt pas mal que je puisse me concentrer là-dessus, et qu’en deuxième plan Christophe vienne enrober et enjoliver tout ça, et faire des propositions sur les arrangements.

 

– A propos de ces arrangements, les réactions interactives du public ce soir lorsque vous avez joué « Les bords de mer », dont je crois la composition a été particulièrement orientée par ses gouts personnels, m’ont fait réviser le sentiment dubitatif que la chanson m’avait laissé au premier abord. Ce titre recueille-t-il toujours autant l’adhésion du public en concert ?

Oui, ça marche, car elle est assez rythmée, et j’ai l’impression que les gens aiment bien quand ça bouge un peu. Alors j’essaye de penser à ça aussi, et d’alterner. Je sais que c’est un moment un peu libératoire.

 

– Tu as joué ce soir quelques nouvelles chansons. Peux-tu en parler ?

Il y a « De la haut » que j’ai coécrite avec Bruno Garcia, avec qui j’ai fait « L’enfant-porte ». Et ensuite il y a « Le lac », qui pour moi va être le point de départ de la création d’un nouvel album. J’ai d’autres chansons en travaux, mais j’ai fixé la ligne de mire là-dessus. J’ai été plus exigeant avec moi pour l’écriture de « Le lac ». Je me suis aussi plus dénudé, car c’est vraiment mon histoire. Ce n’est pas trop romancé. Et du coup, je tends à ça : aller puiser dans mon existence et mes sentiments de façon à être le plus juste et le plus authentique possible. Ce n’est que comme ça que ça peut marcher pour moi.

 

– Et paradoxalement ce titre qui est vraiment imprégné de ton histoire personnelle semble parler à beaucoup de gens et voué à ce qu’ils se l’approprient. Selon toi, y projettent-ils peut-être une identification avec leur vécu, leurs souvenirs, leurs sentiments propres ?

Oui. D’ailleurs c’est assez marrant, car j’ai joué cette chanson quatre fois, et les gens chaque fois ressortent avec cette chanson en tête et m’en parlent. Ca n’arrive pas souvent. Car ce sont des gens qui ne connaissent pas forcément mon répertoire, ni mon histoire, et cette chanson marque. Alors je me dis que c’est bon signe, et que je dois continuer là dessus.

 

– Y a-t-il donc un nouvel album qui se profile à l’horizon avec ces chansons ?

L’album en projet sera travaillé pour que trois ou quatre titres soient enregistrés courant 2020, et que sorte l’album en 2021. Pour le moment j’ai quatre compositions, et des idées qui arrivent. On va voir ; je ne me mets pas de pression. Il faut dire que j’ai des enfants en bas âge et beaucoup de mal à décrocher de mon rôle de père, qui prend beaucoup d’espace. Ma compagne qui est auteure compositrice, est aussi accaparée que moi. Donc là on vient de finir une petite tournée durant laquelle on a fait une dizaine de dates de septembre à décembre. L’idée est de se poser un peu. Et puis on risque de partir avec l’Alliance française faire des concerts à Dubaï. Partir tourner dans un pays étranger va me permettre de terminer la boucle de l’album « Soleil Rouge », pour partir sur autre chose ensuite. C’est une expérience que j’attends de vivre, le voyage qui va peut-être ouvrir encore d’autres horizons, même si j’arrive très bien à voyager chez moi aussi ; d’ailleurs je me suis mis au piano aussi pour m’ouvrir à d’autres horizons. Je me trouve en fait dans une période de transition.

 

– Continues-tu de participer à l’animation d’ateliers ?

Je continue à fond. J’ai découvert les ateliers d’écriture en hôpital psychiatrique à Angoulême, et ça m’a vraiment marqué d’une façon très positive. J’ai été impressionné de la façon dont j’ai été reçu. Aller dans des lieux où il y a des gens en souffrance et apporter une petite lumière, c’est comme si à un moment donné on brisait leur quotidien monotone et on arrivait pour chambouler ça, l’espace de quelques minutes, pour repartir avec des yeux qui pétillent et des sourires sur les lèvres. Je considère que le premier travail que je dois faire est celui là : marquer les gens sur un temps donné qui va faire qu’ils oublient leurs problèmes et la routine quotidienne. C’était une première expérience. Et la seconde fut dans un centre de détention. On m’avait demandé de faire des trucs très Rock’n’roll, au motif que c’était un public difficile en attente de quelque chose de rempli de testostérone. J’ai pensé que j’allais me faire casser les dents avec mes balades et que ce serait compliqué, et en fait pas du tout : ça a été totalement l’inverse. Certains gars sont enfermés pour de longues peines, et il y a eu du partage et de l’échange autour de mes chansons. Je me sens en vie dans ces moments là. C’est quelque chose que j’affectionne énormément.

 

– Tires-tu peut-être de ces rencontres avec des expériences de vies autres, éloignées de la tienne, une ouverture sur des thématiques nouvelles ?

En fait je n’ai pas franchi le cap d’écrire sur ce que peuvent ressentir les autres. Je reste dans la cible de mon histoire, et c’est peut-être une erreur de ma part. Je n’en sais rien pour l’instant. Mais il y a des choses qui m’ont marqué, et je me demande comment je pourrais être bien placé pour me mettre à leur place ; ça me semble impudique. Je ne sais pas si c’est à moi de le faire. Mais peut-être que d’ici quelques temps, ça viendra. J’ai besoin d’un temps de digestion en fait, car ce sont vraiment des moments très forts, et seul le temps pourra dire si j’accouche d’idées. Bizarrement je préfère me dénuder face aux autres que d’aller dénuder les autres et m’en servir comme vecteurs. Il y a quelque chose qui me gène là dedans.

 

– Une dernière question sur la chanson « Pauvre d’elle » que vous avez jouée ce soir, et qui pour moi, hausse la barre d’un cran, d’un point de vue de la qualité poétique et de la force d’impact du propos. De quelle envie est-elle née ?

C’est  marrant : j’ai fait un atelier de cinq-six jours à Voix du Sud, enfermé avec mes notes sous le regard bienveillant d’un artiste qui me rassure dans la progression de l’écriture. Et à cette période j’avais la chance d’être avec Jean Fauque. J’ai commencé à écrire les premiers vers, avec le style du regard, des yeux, des oreilles et du cœur de Jean Fauque. J’étais alors dans une période assez turbulente, perturbé moi-même, sans savoir si j’avais vraiment un certain talent pour écrire. Il m’a accompagné dans l’écriture et rassuré, en validant chaque fois le fait d’utiliser certains mots, certaines métaphores. Lorsque j’ai eu fini le texte, il m’a dit qu’en fait je n’avais pas besoin de lui. Jean Fauque me dit ça ? Wahou! C’était super. J’étais parti dans l’idée de faire une sorte de déclaration à la France, ou à la liberté, à ce que peut représenter la France pour moi, peut-être pour d’autres aussi, à savoir que c’est juste un bout de terre où des gens vivent, passent, meurent, et que certains se battent pour ce bout de terre, certains autres y font des choses magnifiques, d’autres un peu moins. Ce mot de France évoque beaucoup de choses, et derrière lui, des gens qui sont prêts à mourir, prêts à gouverner, prêts à travailler pour elle, prêts à créer des œuvres, construire des monuments, etc… Le côté patriote est quelque chose qui me questionne, car si on remet les choses à plat, ce n’est qu’un bout de terre. Il y a certainement des choses à défendre, des choses belles et uniques. Je voulais porter mon petit témoignage là dessus. Mais souvent les gens l’écoutent et me disent que c’est sur la liberté. On peut le prendre comme ça effectivement. Du coup ça me convient, car on associe quand même la France à une idée de la liberté, même si c’est compliqué, extrêmement compliqué en ce moment, mais justement il ne faut pas le perdre de vue. 

 

Miren Funke

Photos : Miren

 

 

Liens : Sylvain Reverte : https://www.sylvainreverte.com/concert

Daguerre : http://www.daguerre.mu/

Bordeaux Chanson : http://www.bordeaux-chanson.org/

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