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La complainte du partisan, comment naît une chanson emblématique…

3 Avr
Anna Marly est à l’origine de deux chants de résistance qui sont entrés dans l’histoire par des voix de femmes, Anna Marly, qui a composé les musiques, et Germaine Sablon  a été la première à enregistrer Le Chant des partisans, hymne de la Résistance diffusé par la BBC dans l’émission Honneur et Patrie. (Le chant, sifflé, devient le 17 mai 1943, l’indicatif de l’émission Honneur et Patrie de la radio britannique BBC)

Anna Iourievna Smirnova-Marly (en russe : Анна Юрьевна Смирнова-Марли), née Betoulinskaïa (Бетулинская), est une chanteuse et guitariste française d’origine russe, née le 30 octobre 1917 à Pétrograd (Russie) et morte le 15 février 2006 à Palmer (Alaska).

Mais au début c’est une chanson pour les partisans russes:  La marche des partisans … Ensuite, deux chansons naissent, La complainte du partisan, et Le chant des partisans. Et c’est en grande partie une histoire née de femmes résistantes, Anna Marly, Germaine Sablon, et Louba Krassine qui a présenté Anna Marly à Druon et Kessel.

La Complainte du partisan est écrite à Londres en 1943 par Emmanuel d’Astier de La Vigerie pour le texte et Anna Marly pour la musique. Elle est diffusée pour la première fois sur les ondes de la BBC à destination de la France occupée et un des disques est même détruit par la DCA allemande lors d’un parachutage de résistants. Elle devient une chanson populaire dans les années 1950. Puis est oubliée plusieurs années. Enfin, La Complainte du partisan  est reprise en anglais en 1969 par Leonard Cohen, sous le titre The Partisan, et bénéficie d’une renommée internationale. Les paroles originales seront parfois édulcorées dans les différents arrangements et les diverses interprétations jusqu’à aujourd’hui. Par exemple « les Allemands » seront remplacés par « l’ennemi » non nommé, ou « les soldats ». 

 

Anna Marly raconte la création du  » chant des partisans « 

Ecoutez « La complainte du partisan »

Par  Anna Marly, la première …

Anna Prucnal avec intro parlée

 

Leonard Cohen avec choeurs français

 Quand Léonard Cohen commence à enregistrer, il tâtonne, cherche, hésite, il exprime ses doutes , suggère, « il faudrait des voix françaises.. » Ben Johnston (producteur qui a travaillé avec les plus grands, Bob Dylan, Johnny Cash, Leonard Cohen, Willie Nelson et d’autres artistes de Nashville) décide, « On arrête, on continuera dans quelques jours . » Sans plus d’explications . Le lendemain il va à Paris, trouve un accordéoniste et trois chanteuses, enregistre puis mixe avec la voix de Cohen,  et lui fait écouter le résultat.. « Excellent, dit Cohen, on dirait vraiment des voix françaises … » Et Bob raconte, «  il était juste un peu fâché que je ne l’aie pas emmené à Paris.. »(Source I’m your man, biographie de Leonard Cohen)
Un producteur peut aussi avoir de très bonnes idées ..

Quelques autres versions, plus ou moins dérivées sur le même thème et les compositions d’Anna Marly ..

 Emily Loizeau 

  Leonard Cohen et Noir Desir.- The Partisan

Marc Ogeret, et non Léo Ferré, qui n’a jamais chanté cette chanson…

Et Isabelle Aubret

 

Le chant des partisans

Maurice Druon, Joseph Kessel, Anna Marly

Maurice Druon, auteur, avec son oncle Joseph Kessel, du Chant des partisans (musique d’Anna Marly), l’a écrit en Angleterre pendant la guerre en 1943. Il a toujours refusé de toucher un centime de droit d’auteur de cette chanson, expliquant que des Résistants étant allés au poteau d’exécution avec cette chanson sur les lèvres, il estimait que cette chanson était la leur et avait cessé d’être la sienne.

Germaine Sablon première version enregistrée

 

Yves Montand

 

Après Anna Marly, La Complainte du partisan est interprétée par de nombreux artistes comme Les Compagnons de la chanson, Leny Escudero, Mouloudji, Marc Ogeret, Anna Prucnal, etc.

Ce chant connaît finalement une deuxième jeunesse quand il est repris dans sa version anglaise, Song of the French Partisan, sous le titre The Partisan, en 1969 par le chanteur canadien anglophone Leonard Cohen dans son deuxième album Songs from a Room.

La version de Leonard Cohen est elle-même ensuite reprise par les interprètes suivants :

  • Joan Baez en 1972
    – Buffy Sainte-Marie dans l’album She used to wanna be a ballerina en 1974 ;
    le groupe américain 16 Horsepower sur l’album Low Estate en 1997;
    le groupe Electrelane en 2005 dans l’album Axes ;
    les groupes Other Lives et YuLeS, depuis 2009, sur scène, sous une forme « revisitée » ;
    – le groupe El Comunero dans le disque Sigue Luchando sorti en octobre 2012 et aux « couleurs plus rock » ;
    le groupe Anonymous Choir sur l’album Anonymous Choir sings Leonard Cohen paru en 2015 ;
    le groupe Dubamix reprend la version de Leonard Cohen en 2014 sur l’album Pour qui sonne le dub .
    le groupe Hamon Martin Quintet avec la chanteuse Rosemary Standley sur son album Clameurs .

Une version anglaise plus récente peut être entendue dans la bande originale du jeu vidéo Wolfenstein: The Old Blood, adaptée par Hy Zaret et jouée par Tex Perkins et Mick Gordon8.

On trouve de nombreuses pages qui citent Léo Ferré comme interprète, sous une piste audio et des vidéos, mais c’est Marc Ogeret, Ferré n’a jamais chanté cette chanson.

Les sources : Le chant des partisans

 De forêt en forêt / La route longe / Le précipice
Et loin tout là-haut / Quelque part vogue la lune / Qui se hâte
Nous irons là-bas / Où ne pénètre ni le corbeau / Ni la bête sauvage
Personne, aucune force / Ne nous soumettra / Ne nous chassera
Vengeurs du peuple / Nous mettrons en pièces / La force mauvaise
Dût le vent de la liberté / Recouvrir / Aussi notre tombe…
Nous irons là-bas / Et nous détruirons / Les réseaux ennemis
Qu’ils le sachent, nos enfants / Combien d’entre nous sont tombés / Pour la liberté 
!

(Texte primitif d’Anna Marly)

 Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne,
Ohé ! partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme !
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.

(Texte Druon/Kessel)

Le Chant des partisans ou Chant de la libération est l’hymne de la Résistance française durant l’occupation par l’Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale.

Notules diverses,

– La mélodie du Chant des partisans — inspirée d’un air populaire en Russie pendant la guerre civile — est due à la chanteuse et compositrice Anna Marly. Elle compose cette chanson en 1941 à Londres sous le titre « La marche des partisans » ou « Guerilla song », avec des paroles originales en russe, sa langue maternelle. La musique, initialement composée en 1941 sur un texte russe, est due à la Française Anna Marly, ancienne émigrée russe qui en 1940 avait quitté la France pour Londres. Les paroles originales en français ont ensuite été écrites en 1943 par Joseph Kessel, également d’origine russe, et son neveu Maurice Druon qui venaient tous deux de rejoindre les Forces françaises libres.

– Le chant, sifflé, devient le 17 mai 1943, l’indicatif de l’émission Honneur et Patrie de la radio britannique BBC (diffusée deux fois par jour), puis un signe de reconnaissance dans les maquis. On choisit de siffler la mélodie, d’abord pour ne pas être repéré en la chantant mais aussi car le chant reste audible malgré le brouillage de la BBC effectué par les Allemands.

  • André Gillois, responsable de l’émission de la résistance française, donne à Pierre Seghers quelques détails sur la naissance du Chant des partisans. Le 13 mai 1943, le sujet d’un indicatif musical est abordé au cours de la préparation de la première émission prévue pour le 17 mai. Emmanuel d’Astier de La Vigerie propose de rencontrer Anna Marly qui anime alors — entre autres lieux — un petit club français de Londres. Le soir même, l’artiste les reçoit dans la petite pension qu’elle occupe, 30 Campdon Hill Garden. Elle interprète à la guitare, sans les chanter, six de ses compositions. Deux mélodies — Paris est à nous et Le Chant des partisans — sont sélectionnées et enregistrées dès le lendemain, le 14 mai 1943. André Gillois précise :

Anna Marly avait réuni quelques musiciens pour former avec sa guitare un petit ensemble auquel elle avait adjoint deux siffleurs chargés des notes du début. Seulement ces professionnels sifflaient trop bien pour donner l’impression de combattants clandestins sifflotant en marchant sur les routes. Nous prîmes donc le parti, d’Astier et moi, de remplacer les spécialistes

 Germaine Sablon avait acheté chez l’épicier du village un petit cahier d’écolier dont les premières pages contiennent des leçons d’anglais. J’y lis ensuite les couplets : dans le premier « le vol noir des corbeaux » n’était encore que « le cri sourd du hibou » et  » les cris sourds du pays qu’on enchaîne  » étaient   » le chant lourd du pays… »

C’est là en 1941 qu’elle compose à la guitare la musique de La marche des partisans, ou Guerilla song, sur des paroles russes dont elle est également l’auteure. Henri Frenay écrit : « Dans sa langue natale, elle avait composé un chant : Les Partisans puis elle l’avait mis en musique. Sur cette musique inchangée et en s’inspirant de ses paroles, Joseph Kessel et Maurice Druon feront notre inoubliable chant des partisans ».

En 1943, la mélodie du Chant des partisans (ou Chant de la Libération) est choisie comme indicatif musical de l’émission Honneur et Patrie animée par André Gillois, sifflé par Claude Dauphin, André Gillois et Maurice Druon. L’air est enregistré le 14 mai. Il est diffusé deux fois par jour du 16 mai 1943 au 2 mai 1944 sur les antennes de la BBC. L’air est sifflé de sorte qu’il soit perceptible à l’écoute en dépit du brouillage ennemi. Il devient l’hymne de la Résistance française et le signe de reconnaissance dans les maquis.

Le 30 mai 1943, Joseph Kessel et Maurice Druon en écrivent les paroles françaises. Pour la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes, « Le Chant des Partisans est aussi un appel à la lutte fraternelle pour la liberté : « C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères », et la certitude que le combat n’est jamais vain : « [ami] si tu tombes, un ami sort de l’ombre [à ta place] »

Les Partisans est un chant traditionnel russe dont le véritable nom est la Marche du régiment Drozdovski (russe : Марш Дроздовского полка), et dont la musique a été utilisée, avec des paroles différentes, par les deux camps de la guerre civile qui a suivi la Révolution de 1917 : l’Armée rouge, combattant pour les bolchéviques, et les armées blanches, tenantes de l’ordre ancien de la Sainte Russie.

Bien qu’écrit avant la Seconde Guerre mondiale, ce chant fut très utilisé par l’Armée rouge lors de cette guerre. Il est issu du Chant des partisans de l’Amour (de 1828) et se retrouve dans le chant régimentaire des Drozdovski des armées blanches (1919).

C’est de ce chant que Maurice Druon s’est inspiré pour Le Chant des partisans : un jour, fin 1942, ayant lu dans les journaux britanniques le récit de la bataille de Smolensk, son âme russe se réveille. Un mot lui revient à l’esprit, ce mot de « partisans 

Et pour finir dans l’air du temps, un peu de Radio Londres

 

On ne guérit jamais de son enfance ?  Anna Marly est née à Petrograd / St Petersbourg Coordonnées : 59° 56′ 02″ Nord, et elle a fini sa vie à Palmer en Alaska, 61° 36′ 07″ Nord, à 20 km près sur la même latitude …

Norbert Gabriel

 

 

Le dernier concert d’Anna Prucnal …

1 Déc
Lors de la première publication de cette chronique, on pouvait penser que c’était le presque dernier concert d’Anna Prucnal.
Ce fut sa dernière scène en région parisienne.

 

Anna Prucnal au Forum Léo Ferré décembre 2010

Martial Paoli, Anna Prucnal, Jean Mailland, Photos©NGabriel

C’était peut-être sa dernière représentation… Anna Prucnal comédienne et chanteuse hors du commun est venue faire ses adieux à la scène chanson au Forum Léo Ferré, enfin peut-être… Ce sont peut-être les derniers adieux, ou les avant derniers.. Allez savoir avec cette diva exigeante et fantasque qui a toujours mis son art au coeur de sa vie. Exigeante et fidèle, depuis pas mal d’années tous ses spectacles sont élaborés en collaboration fusionnelle avec Jean Mailland.

Pourquoi les adieux ? Peut-être parce qu’elle a tout fait, peut-être parce que sa voix n’a plus les éclats d’hier, mais grâce à une technique parfaite, une hyper sensibilité et un sens du texte très affiné, elle porte les mots avec une intensité émotionnelle exemplaire. C’est un moment de spectacle rare, et une leçon de spectacle exceptionnelle. On redécouvre avec la voix retenue les textes de révolte et de rage qui prennent une dimension nouvelle avec ces nouvelles interprétations.

Dans les 2 ou 3 premières chansons, on sentait qu’elle souffrait de cette retenue, mais très vite la comédienne prend ses marques, s’affranchit de la contrainte, c’est bouleversant, intense, ça touche en plein coeur, et dans cette petite salle chaleureuse, il y a une intimité , une proximité qui nous a laissés en totale communion avec Anna Prucnal, Jean Mailland, et l’excellent pianiste Martial Paoli

En quelques chiffres, Anna Prucnal, c’est 22 albums de chansons, 26 films , 15 téléfilms, 38 pièces de théâtre et 40 ans d’amour avec Jean Mailland …

Et si ces adieux étaient vraiment les derniers, mais sait-on jamais ? il y a un livre « Moi qui suis née à Varsovie » et quelques albums d’anthologie, où on croise Brecht, Vissotski, ces poètes flamboyants qui ont trouvé avec Anna Prucnal leur meilleure interprète , celle qui ne joue pas, mais qui incarne dans toutes les fibres de son être les sentiments exacerbés de ces oiseaux insoumis… Pourquoi elle vient trop tôt la fin du bal Pourquoi c’est les oiseaux jamais les balles qu’on arrête en plein vol.. A qui la faute ?

 

Il écrivait comme on se sauve d’un piège
faute au soleil faute aux tourments
mais comme il prenait pour papier la neige
ses idées fondaient au printemps
et quand la neige recouvrait sa page
faute aux frimas faute à l’hiver
au lieu d’écrire il essayait courage
d’attraper les flocons en l’air
mais aujourd’hui il est trop tard
il n’aura pas pris le départ
et son souvenir ne sera
que la chanson d’avant la lutte
et l’évadé qui n’aura pas atteint son but

(Vladimir Vissotski: « Le vol arrêté »)

C’était le 18 décembre 2010 , au Forum Léo Ferré à Ivry

 

Quelques chansons qui lui ressemblent ? Voilà…

 

 

 

Et pour  quelques photos de plus 

(Clic pour agrandir)

Photos©NGabriel

Norbert Gabriel

 

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