Tag Archives: Albert Camus

Et la chanson dans tout ça?

11 Fév

Au lendemain des Victoires – en chantant- de la Musique,  un petit retour avec notre ami Orwell, de plus en plus d’actualité, et d’autant plus inquiétant…

Pour mémoire…Orwell- 2 vérité

Ce que disait Orwell en 1948..

Extrait de “1984″ :

Il existait toute une suite de départements spéciaux qui s’occupaient, pour les prolétaires, de musique, de théâtre et, en général, de délassement. Là, on produisait des journaux stupides qui ne traitaient presque entièrement que de sport, de crime et d’astrologie, de petits romans à cinq francs, des films juteux de sexualité, des chansons sentimentales composées par des moyens entièrement mécaniques sur un genre de kaléidoscope spécial appelé versificateur.” … “L’air avait couru dans Londres pendant les dernières semaines. C’était une de ces innombrables chansons, toutes semblables, que la sous section du Commissariat à la Musique publiait pour les prolétaires. (…) Mais la femme chantait d’une voix si mélodieuse qu’elle transformait en chant presque agréable la plus horrible stupidité …”

Toute ressemblance avec quelques chansons play-listées n’est absolument pas fortuite.

A peu près 10 ans plus tard…

Albert-Camus_8464Ce que disait Camus en 1957 (Extrait du Discours du 10 décembre 1957 )

(…) L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s’ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel.

(…)

Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. Il n’est pas sûr qu’elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que, partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l’occasion, sait mourir sans haine pour lui. C’est elle qui mérite d’être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie.

(…)

camus journal

et pour conclure (conférence du 14 Dec 1957)

(…) À partir du moment où l’abstention elle-même est considérée comme un choix, puni ou loué comme tel, l’artiste, qu’il le veuille ou non, est embarqué. Embarqué me paraît ici plus juste qu’engagé. Il ne s’agit pas en effet pour l’artiste d’un engagement volontaire, mais plutôt d’un service militaire obligatoire. Tout artiste aujourd’hui est embarqué dans la galère de son temps. Il doit s’y résigner, même s’il juge que cette galère sent le hareng, que les gardes-chiourme y sont vraiment trop nombreux et que, de surcroît, le cap est mal pris. Nous sommes en pleine mer. L’artiste, comme les autres, doit ramer à son tour, sans mourir, s’il le peut, c’est-à-dire en continuant de vivre et de créer. (…)

Le discours de Suède est disponible en Folio, tout comme « 1984 » d’Orwell.

La morale de cette histoire, larirette, c’est que tout peut finir par des chansons, mais peut-être pas n’importe lesquelles.

Bonne lecture… 

Norbert Gabriel

Une chanson pour la route…  des vacances? Voilà… avec mademoiselle Gibson 

%d blogueurs aiment cette page :