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Jean Mounicq, la quête de l’aventure humaine à travers le monde…

9 Nov

Couv_mounicq_1200x1200Depuis quelques jours, le 12 ème livre de photographies de Jean Mounicq est en librairie, « Portraits » … (Editions de Juillet)
Jean Mounicq, c’est une rigueur sans faille et l’œil  absolu, la faculté de voir l’essentiel et de le montrer comme une évidence.

« L’attention toujours en éveil, l’œil est assuré, la mise en place des structures de l’image presque innée, la sélection des éléments du décor drastique. Considérer la scène, son architecture, ses ouvertures, ses contraintes et ses opportunités. Installer le personnage dans un ordonnancement de l’espace, l’établir dans l’assise apaisante d’une contenance choisie ou le laisser vaquer à ses emportements de l’instant. Mesurer à l’œil la transparence de la lumière, les contre-jours, les zones d’ombre et les reflets. Le plus souvent, tenter de maîtriser l’éclairage faute de l’organiser. Envisager l’ensemble, repérer les objets, écarter l’intrus, bannir le futile, supprimer le joli, scruter le pertinent, choisir le remarquable. Asseoir le juste équilibre entre les plans. Dans le flot des paroles, propos et questions du journaliste, répliques et objections de l’écrivain, plaisanteries du peintre, invitation à prendre l’outil du sculpteur, la garde est baissée. S’esquissent un relâchement des tensions, une distraction du corps, un reflux de l’attention, une brèche dans l’application à paraître. » (Françoise Denoyelle)

Dans son parcours de vie, la photographie arrive presque fortuitement, par sa mère qui lui cherche un métier pour l’établir à son compte, car dans la région de Malesherbes, un garçon avec le certif’ avait le choix entre l’usine, une grande imprimerie autant dire peu de perspectives enthousiasmantes.
L’apprentissage a commencé dans un studio chez un portraitiste. « des gens très gentils chez qui je faisais des petits travaux de finition... je n’ai pas appris grand-chose…»

L’arrivée à Paris se fait à 14/15 ans, avec un emploi à l’IGN, faire des photocopies- dans un sous-sol- et son parcours de photographe commence avec un voyage reportage au Congo, avec l’Institut Géographique National, il a 18 ans, et 5 ans plus tard c’est une première publication dans Sciences et Voyages .

L’idée d’un travail personnel vient avec un sujet sur la prostitution à Anvers   « pour marquer le coup… »

jean mounicQ PHOTOL’exposition, « La Grande Famille de l’Homme » en 1956 a été une révélation: « on pouvait donc écrire avec la photographie ... » Révélation et réflexion qui le conduit à s’installer un mois, seul, l’hiver, dans l’île d’Ouessant. Pour écrire.
Le bilan est un peu décevant, pourtant,  « le texte était bien, les photos étaient de l’accompagnement…». En recevant en cadeau le livre de Cartier Bresson, « D’une Chine à l’autre », c’est une autre découverte, « … il y avait l’unité de lieu, d’action et de temps, il y avait une écriture photographique... » et au cours de l’année 1958, Jean Mounicq envoie ses planches contacts à Henri Cartier-Bresson, « … dois-je continuer ou aller planter des choux ? » La réponse est claire : « il m’a dit, venez me voir, puis venez avec nous… je ne connaissais rien… » Toutefois, pour Cartier-Bresson «  il y a un œil… » et Jean Mounicq entre chez Magnum. (Pour être dans l‘équipe Magnum, il faut être co-opté par les deux tiers des membres) C’est le temps d’un séjour à Londres, qui se concrétise par un album aux Editions Rencontre en 1968.

Auparavant en 1960, un voyage en Espagne donnera « Le Romancero du Cid » publié au Club des Libraires, un joli petit livre raffiné, une sorte de voyage poétique … un road movie en taxi sur les traces du Cid avec la romancière Dominique Aubier… Les photos sont en couleurs alors que Jean Mounicq préfère le noir&blanc,  » la couleur c’est de l’illustration« .

De rencontres en rencontres, avec des revues « Elle » (le début des « Portraits ») le Week End Telegraph ou la Maison de Marie-Claire, naissent des projets et des publications, sur l’artisanat, études sur les architectures rurales, et après cette période ce sont les projets personnels qui vont devenir l’essentiel de ses travaux, « Venise », « Paris Retraversé » et « Paris Ouvert » une série de voyages dans Paris loin des cartes postales , « Quand j’ai commencé mon projet sur les villes, ce qui m’importait c’était de EtKFHL6VgAA_I0Nphotographier les lieux clos. J’ai pensé à Xavier de Maistre… » c’est donc par le 20 ème qu’il commence à photographier tout ce qui est derrière les façades, une sorte de vie intime du Paris populaire, loin du folklore, et tous les arrondissements de Paris seront explorés pendant quelques mois. Presque autant qu’il y a d’arrondissements. Ces grandes fresques photographiques ont été publiées par l’Imprimerie Nationale dans des albums exemplaires, tant sur le fond que la forme. Dans le lien en bas de page, vous trouverez la liste des expositions, des différents prix qui situent la place de Jean Mounicq dans la photographie contemporaine, celle d’un homme dont la ligne directrice est la quête de l’aventure humaine à travers le monde, ou dans les rues voisines.

Depuis 2019 l’ensemble de son œuvre est confiée à la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, négatifs et tirages numérisés, qui sont tous accompagnés des légendes écrites par l’auteur. L’œuvre de Jean Mounicq a rejoint celle, de Daniel Boudinet, de Marcel Bovis, de Denise Colomb d’André Kertész, de François Kollar, de Thérèse Le Prat, de Roger Parry, de Bruno Réquillart, de Willy Ronis…

Il reste un livre à publier « Rome romaine » mais aujourd’hui c’est « Portraits » qui est dans l’actualité, avec une présentation signature samedi 12 Novembre à 16 h au Grand Palais Ephémère, dans le cadre de Paris Photo 2022.

Norbert Gabriel

Le lien qui recense l’ensemble de ses expositions, publications,distinctions  –>  https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Mounicq

Photo et malentendu ….

17 Mai

Prolégomène : Dans le top 5 des photographes qui m’accompagnent, Willy Ronis, dont l’exigence en matière de photo de reportage ‘engagée’ a toujours été d’une honnêteté rigoureuse, jusqu’ à quitter l’agence qui vendait ses photos, car on respectait pas l’esprit avec des légendes inexactes. Ce qui l’a conduit à s’exiler dans une quasi ruine provençale durant plusieurs années, en raison de la perte de revenus qui a suivi cette décision, quitter l’agence de diffusion. Ce qui suit est indirectement un des effets secondaires d’une mauvaise lecture possible d’une photo de reportage.

« C’est une des 100 photos qui a changé le monde selon le magazine Life. Au beau milieu d’un marathon, on voit une femme qui court, soudainement bousculée par un homme en costume qui tente sans succès de lui arracher son dossard n° 261. »

Ce texte accompagne la photo ci-dessus sur une page FB. Cette femme c’est Kathrine Switzer, engagée dans le marathon de Boston en 1967… Pendant la course, au 6 ème km, le directeur de la course se précipite pour lui arracher son dossard : « sortez de ma course... » L’action est brève mais violente, et il est éjecté par deux concurrents masculins Tom Miller, et John Leonard, amis de Kathrine Switzer, l’un est athlète, et l’autre joueur de foot-ball américain . Sur la page FB où cette photo était publiée, avec les 3 lignes de présentation, j’ai précisé que les deux concurrents masculins ont éjecté l’importun, parce que c’est ambigü sur l’image, on pourrait y voir une agression de leur part.. Ça m’a valu illico le qualificatif de « tocard » ce qui est peut-être vrai, mais l’imprécision des lignes accompagnant la photo méritait de souligner que -selon les propos de Kathrine Switzer- elle n’a pas eu d’hostilité de la part des concurrents, mais uniquement des instances du sport, voilà .. Une photo mérite parfois une légende précise pour éviter d’être mal comprise, c’est pas Willy Ronis qui me contredira sur ce point.

Les protagonistes de cette affaire :

Kathrine Switzer, universitaire et athlète

– Jock Semple un des organisateurs

-Tom Miller et John Leonard, des amis sportifs, foot-ball américain et athlétisme

– Arnie Briggs son entraîneur

Une autre photo aurait été plus explicite sur qui fait quoi dans cette affaire ..

En 1967, elle a 20 ans, elle parcourt davantage que la distance d’un marathon à l’entraînement et le règlement du marathon de Boston n’interdit pas explicitement aux femmes de participer, Kathrine Switzer parvient donc à convaincre Arnie Briggs de soutenir son inscription. Lors de son enregistrement officiel, elle préfère utiliser les initiales de ses prénoms, « K.V. » (Kathrine Virginia), qu’elle emploie déjà pour signer ses articles écrits pour le journal de l’université .

Le 19 Avril 67, jour de la course, elle porte le dossard 261. Elle est encouragée par les autres participants et le public. Malgré son apparence et le fait qu’elle porte du maquillage, du rouge à lèvres et un serre-tête en plus de son short et d’un survêtement, elle n’est pas empêchée de prendre le départ aux côtés de son entraîneur Arnie Briggs et son compagnon Tom Miller,… (pour la suite voir wikipédia qui indique qu’une autre concurrente, Roberta Gibb, qui n’était pas enregistrée avait parcouru le marathon l’année précédente. ) Suite de son palmarès:

1972 Marathon de Boston Boston 3 eme Marathon 4 h 49 min 18 s

1974 Marathon de New York New York 1ère Marathon 3 h 07 min 29 s


1975 Marathon de Boston Boston 2 ème Marathon 2 h 51 min 37 s

A écouter cette émission de 2016 : https://www.franceinter.fr/emissions/l-oeil-du-tigre/l-oeil-du-tigre-09-octobre-2016

Revenons au propos initial qui concernait cette photo, une de celles qui ont changé l’histoire. Le petit texte qui la présente est très incomplet, mais surtout il met en avant l’agression dont est victime la concurrente. Et sans explication, on peut croire que les deux hommes derrière elle, essaient de lui arracher son dossard et la sortir de la course, on pourrait même ne pas comprendre que le seul agresseur est celui qu’on voit le moins. Pour avoir apporté cette précision, j’ai eu une réponse «  tocard qui fait du mansplaining »… J’aurais pu souligner aussi que ce n’est pas au milieu du marathon, mais au 6 ème km, mais c’est un détail sans grande importance.

Que certains sports soient résolument misogynes, personne n’en doute, que la société ait de considérables progrès à faire dans ce domaine, ça me semble d’un évidence criante. Il m’a semblé dommage que cette photo laisse autant de place à des imprécisions dommageables.

Norbert Gabriel

Si la photo est bonne …

2 Avr

Autoportrait de l’artiste, qui donne un assez bon aperçu de ce qui peut se passer en spectacle… mais pas que …

Suite à l’initiative de Nathalie Miravette – sur les photos  pas que lisses  – je me suis souvenu d’un brouillon ébauché il y a quelques mois… Une plongée dans les archives, quelques notes esquissées…

Si la photo est bonne …

Photo DR

Si la photo est bonne, elle reflète ce que j’ai perçu d’un artiste à travers ses chansons et ses spectacles. Et cette photo d’Herbert Pagani représente bien ce que j’ai entendu dans ses chansons, et ce que j’ai vu en spectacle, et après spectacle. Un regard tendre et lucide sur le monde qui l’entoure, mais un regard aigu et sans concession. Celui d’un artiste embarqué en son temps, et qui ne peut pas regarder ailleurs vers des paysages de rêve, quand le cauchemar est juste derrière la porte.

Autres images représentatives,

Mèche/Clémence Chevreau ©NGabriel

Francesca Solleville au Forum Léo Ferré ©NGabriel

Et aussi,

Rémo Gary au Forum Léo Ferré ©NGabriel

Photo DR

Le regard est essentiel,  il doit « parler » à tout le monde, pas seulement aux familiers de l’artiste. Et si possible, j’aime aussi que ce regard me regarde, moi, le spectateur, ou qu’il me donne l’impression de regarder quelque chose ou quelqu’un, pas de se perdre dans un horizon flou, vide , comme ce regard qui fuit, qui refuse de me regarder, ça me désoblige …

L’autre point important est la subjectivité du photographe, ce qu’il veut montrer… Et là on peut avoir des centaines de nuances. Une des premières questions à se poser: « Est-on amoureux des photos qu’on fait ou des sujets et modèles choisis ? » On peut aussi s’interroger sur les choix que font parfois les artistes pour leur communication… Ou les choix que font leurs conseillers. Mais ceci est une autre histoire …

Emile Savitry, peintre photographe et musicien connaissait bien Henri Crolla, l’homme et le musicien, et il a su le montrer, c’est assez rare .

©Emile Savitry

Avec  quelques mots de plus de deux de mes maîtres à montrer et penser :

« Suggérer, c’est créer, décrire, c’est détruire. »
Robert Doisneau

 « Je me dis que ce n’est pas la peine d’assombrir un monde qui est déjà très noir.
Les artistes doivent venir en scène pour dire qu’il fait beau
 »
Jacques Higelin

Et pour terminer voici l’inspiratrice de ce bla-bla, normale…

Nath Miravette la belle vie de pianiste AAA 10-01-2015 22-20-22 10-01-2015 22-20-22 10-01-2015 22-20-023

Last but not least comme disait William à Léonard, voyons voir :

Ce que je veux montrer
Ce que je montre
Ce qui est perçu.

C’est la dernière ligne qui est essentielle.

Norbert Gabriel

« Datacenter » : Léonel Houssam

29 Jan

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J’ai failli poser cette chronique quelques jours avant noël… ça m’aurait amusé. (Je sais m’amuser seul). J’imaginais le livre sous le sapin. Et puis le temps est passé, l’idée avec… Début janvier, un post de Léonel Houssam (très présent sur les « réseaux » dits « sociaux », sous le nom d’Andy Vérol il y a longtemps, ou encore d’Eliot Edouardson actuellement) m’a fait sourire :

« Au regard des ventes en novembre et décembre, je constate que mes livres ne sont pas des cadeaux de Noël à faire. »

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Lu cet été (étrange moment qu’inonde le soleil quand se prélassent le calme, le repos et la tranquillité pour qui peut se les payer) : le livre DATACENTER, publié en 2017.

Les photographies de Yentel Sanstitre accompagnent ce récit, roman, dialogue, monologue…? Essai…? Je ne sais pas trop. « Récit fictionnel », précise Houssam.

Littérature… ? Assurément. Au sens où il y a un travail sur la langue, les sons, le rythme, un style travaillé depuis longtemps. La forme rencontre la matière.

Un mot ? Une expression ? Un hashtag ? Oui : « extinction ».
#avantextinction (hashtag utilisé par Houssam) : tout ce qui précède, le monde d’avant l’extinction, le nôtre. Comment on y va. Avec méthode.

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Les jambes croisées, les fesses et le dos calés. La chaise longue était blanche, je crois. Plongée magnifique sur les Pyrénées, immenses, qui barrent la vue et laissent tantôt apparaître le soleil, tantôt la lune, et s’établir le silence. DATACENTER et ses nuances de gris asphalte, de violences quotidiennes et systémiques, inéluctables car liées à l’espèce dominante, établit un contraste saisissant avec l’écrin tranquille qu’envahissent habituellement mes heures d’été. Je m’installe, donc, je reprends la lecture, et je prends des coups. 

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©Yentel Sanstitre

Le récit n’est pas très long : c’est la bastonnade. Je lis lentement, je ne peux excéder quelques pages avant de retourner à une autre occupation, de retrouver le soleil, les sourires, l’inconscience (toute relative) des enfants réunis dans la maisonnée. On joue au ping-pong dans le garage, à la lumière des néons et je songe aux lignes qui viennent de traverser ma cervelle de part en part, laissant blessures, douleurs, cicatrices, éclaboussures.

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Les mots chantés par Serge Reggiani (écrits par Lemesle et Candy), dans « Couleur de colère » me reviennent en mémoire :

Moi l’intrus, l’anonyme
Le cocu, la victime
Je n’veux plus tendre l’autre joue.
Bouge, ma pauvre vie laissée pour compte si longtemps
Et si c’est éphémère, ne te prive pas d’air pour autant.
Rouge, le ciel est rouge et nous promet de beaux printemps
L’avenir est couleur de colère !
De colère ! {x3}

Lire DATACENTER de Houssam, c’est lire ce qu’on aurait préféré ne pas entendre. Tant que ça parle des autres tout va bien, mais le plus souvent, ça vient titiller sans indulgence nos hypocrisies, notre confort et c’est beaucoup moins plaisant… S’il n’est qu’une leçon à retenir : non, je ne vaux pas mieux que le voisin que je pointe du doigt.

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Léonel Houssam

Le récit distribue les torgnoles, la tête du voisin en prend suffisamment, pas besoin de s’en occuper. « Vous prendrez un sucre ? ». Euh, non, mais j’aimerais bien souffler un peu.

Des gifles qui se succèdent, un combat perdu d’avance : comme si le personnage (qu’on croirait narrateur) se trouvait seul un soir, une nuit, dans une salle de boxe et tapait, jusqu’à le détruire, le sac de frappe. « Frappe le sac, ne le pousse pas ». Le sac de frappe, le sac de sable. Quand on ne peut rien, on frappe le sac. Que faire d’autre…? Changer le monde…? D’autres ont essayé. Écrire…? Oui, écrire : les mots sont là et chaque mot vient heurter le lecteur, chaque ligne balance une beigne (au mieux… en attendant pire…). Houssam a trouvé une forme efficace. Le style on le lui connaît depuis longtemps, que l’on lise ses bouquins, ses extraits ou ses statuts (j’ai commencé à suivre le bonhomme sur Myspace, c’est dire si nous datons… — on en a laissé des traces dans le datacenter…).

Il y a les posts et il y a le livre. Pour passer de l’un à l’autre, il fallait trouver la forme, et piquer plus encore vers la littérature.

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©Yentel Sanstitre

Voilà concentrée dans ces pages l’expression du personnage principal, un dingue…? Un dingue qui dérange…? Une expression qui dérange…? La fuite n’est plus envisageable. Personne n’est épargné, car les dingues (dingues ou non) délivrent une boue parfois incompréhensible, parfois grinçante, brutale, crûment physiologique – et disent aussi des vérités qui touchent… en plein dans le mille. L’état détruit, le pouvoir détruit, le pouvoir privé détruit, l’argent détruit, l’humain détruit, l’humain est un animal, l’humain détruit l’animal, le végétal, les liens, l’humain reste passif, la planète tousse et souffre et s’apprête à l’expulser. Houssam raconte « l’extinction », concentre ce qu’il y a à dire de « l’avant extinction », va plus loin qu’on oserait, dépasse largement les limites qu’on aurait posées (par conviction ou par lâcheté), et c’est le style qui promet la cohésion du texte, l’assemblage des différentes parties du « discours », de ce « récit fictionnel » qui remue la non-radicalité, l’hypocrisie, plonge dans le politiquement-très-incorrect.

Désolé, je lis mes mails via mon smartphone. Je suis toujours sur le qui-vive. On est connecté ou on ne l’est pas. Il faut. Je disais donc que nous sommes généralement contre la violence sauf « exceptions ». Toujours. La saveur de la paix, de la tranquillité. Chacun veut être peinard chez lui, ne pas avoir à subir ceux des quartiers pauvres qui sont tellement indisciplinés, pouilleux, méchants, mal élevés. On ne veut pas des jeunes qui font trop la fête, trop de réseaux, trop de choses sexuelles pas nettes. On ne veut pas de l’esprit acariâtre des passagers de transports en commun, des chauffeurs dans les bouchons. On ne veut pas trop des anglais, des arabes, des corses, des marseillais, des ch’tis, des parigots, des portugais ou des sénégalais (…) du merdeux à dreadlocks qui joue du djembé, du mec qui sort de prison, de l’oncle qui est de droite, du cousin socialiste, du chef de service qui aime bien faire des commentaires sur la taille des poitrines de ses salariées. On n’aime personne. On n’aime rien. (…) Je suis meilleur ? Non, j’ai dit « on », je suis dans le « on ».

DATACENTER, Léonel Houssam, extrait.

C’est juste avant l’extinction…
Le regard sans compassion porté par Houssam sur notre monde.

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DATACENTER
, Léonel Houssam, aux éditions du Pont de l’Europe.

120 pages de Léonel Houssam + 14 de photos de Yentel Sanstitre.

yentel_sanstitre


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Un site, des textes :
https://leonel-houssam.blogspot.fr/

Un profil, des statuts :
https://www.facebook.com/leonelhoussam3/

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Hum Toks / E.5131 / Eric SABA

La photo et le spectacle

2 Oct

En préambule, voici ce que dit Doisneau :

Suggérer, c’est créer. Décrire, c’est détruire.*

Et en application concrète, cette photographie de Carolyn Caro, qui donne une furieuse envie de s’intéresser à Charlie Winston,

Le spectacle vivant, en général, c’est Son&Lumière, la chanson, c’est Parole&Musique, et quand on a des vélléités de trouver l’image qui reflète ce qu’a été le spectacle, ce qu’exprime l’artiste en scène, il faut aussi la complicité créative des éclairagistes ; selon un principe qu’applique Stéphane Dutoict, un des maîtres du genre «  Eclaire bien les artistes que j’entende bien les paroles » Une évidence que personne ne remet en cause au théâtre ou à l’opéra, mais souvent moins bien comprise dans la chanson, où des choix de lumières crépusculaires handicapent parfois gravement le spectacle. Mais miracle de la technique photographique, avec les boitiers performants, on peut faire une belle image d’une scène que le spectateur en salle n’a pas vue, ou si peu… Là il y a une sorte de trahison, la vitrine montre ce qu’on ne verra pas à l’intérieur. Et dans cette même ligne, les performances du matériel, il est assez aisé de faire des images techniquement parfaites, qui vont ravir les photographes aimant davantage leurs photos que les sujets qu’ils immortalisent. Ou assassinent en toute bonne conscience. Souvenir douloureux d’une photo d’Allain Leprest – techniquement parfaite- dans laquelle un lecteur non averti verra une sorte de tueur psychopathe halluciné plus qu’un auteur chanteur humaniste. Ce n’est pas ce genre de photo qui peut inciter les amateurs à découvrir Leprest. Quand à ceux qui l’ont connu, dans l’ensemble, ils ont été horrifiés.

Autre image de Carolyn Caro qui fait revivre un moment de spectacle, peut-être plus suggestif avec le N&B, qui laisse au lecteur une part d’imagination personnelle, en y mettant ses couleurs, j’entends déjà le son de Léopold Tellier et ses cuivres lumineux.

 

 

 

Et pour rester avec la famille Tellier un portrait qui renvoie bien ce  qu’exprime le chanteur, Helmut Tellier, ou qui donne envie d’aller les voir en scène, en ayant la quasi certitude qu’on retrouvera ce que dit la photo, « si la photo est bonne, qu’on m’amène ce jeune homme » chantait Barbara… Quoique dans ce cas.. mais c’est une autre histoire.

 

 

 

Autre image, Asaf Avidan, entendez-vous sa voix ?

Et Didier Wampas, dans ses œuvres…

Pour terminer, ou ouvrir d’autres pages sur le sujet quelques points de vue de photographes en complément de celui de Robert Doisneau, chacun étant une des règles de vie qui me semblent essentielles, j’ai bien dit « qui ME semblent.… »

John Stuart Mill :« La photographie est une brève complicité entre la prévoyance et le hasard. »

Richard Avedon :« Un portrait n’est pas une ressemblance. Dès lors qu’une émotion ou qu’un fait est traduit en photo, il cesse d’être un fait pour devenir une opinion. L’inexactitude n’existe pas en photographie. Toutes les photos sont exactes. Aucune d’elles n’est la vérité. »

Roland Topor : « On reconnaît facilement le photographe professionnel au milieu d’un troupeau de touristes : c’est celui qui cache son appareil. »

Et pour quelques images de plus de Carolyn, c’est dans l’oeil ——>

 

 

*Suggérer, c’est créer. Décrire, c’est détruire… Proposition particulièrement pertinente quand l’extrême définition de certains portraits donne plus à voir de la photo médicolégale  qu’artistique. Il y eût un temps où les portraits faits à la chambre 30×40 étaient adoucis par un tulle posé devant l’objectif…

Norbert Gabriel

Impostures et photos…

10 Mar

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Amis artistes, ou pas amis, ça vous concerne aussi, il arrive de plus en plus souvent que vos chéris spectateurs passent une partie du spectacle à brandir ces machins modernes, superphones ou tablettes au lieu de se consacrer à ce qui se passe sur scène… Jusqu’à hier soir 20 h 30, je gronchonnais volontiers contre ces mal poli(e)s qui … mais depuis hier, je révise mon point de vue, voilà pourquoi: j’étais joyeusement parti au Divan du Monde pour le spectacle de Nilda Fernandez et Ze Gang, et arrivé assez tôt pour être assez bien placé, si possible au balcon. Pari gagné sur ce point. Dès la première partie, l’inquiétude pointe, cette pénombre qui ne montre que l’ombre de la personne en scène, ça présage du souci pour la suite… Le genre d’avanie qui est la marque de fabrique de quelques salles, dont l’éclairagiste éclaire presque tout, à part celle ou celui qui est devant le micro. Ce fut le cas… Autant dire que j’aurais pu passer une assez mauvaise soirée, mais…

Mais la bonne nouvelle, c’est que ma voisine de hasard était équipée d’une tablette, dont l’écran lumineux m’a d’abord agacé, pas longtemps, parce que sur sa tablette je voyais très bien les expressions du chanteur, que je ne pouvais voir « en vision directe » en raison de l’indigence de l’éclairage.

Et là, on revient au titre sur l’imposture des photos -parfois- pourquoi ?

  • les performances du matériel actuel permettent de réaliser des prises de vue dans des conditions qu’on n’aurait jamais imaginées au temps de l’argentique. L’oeil artificiel est comme un chat, il « voit » clairement ce que l’oeil humain distingue à peine en faible lumière. Exemple vécu hier avec la tablette.
  • Le photographe professionnel équipé d’un matériel adapté, performant, peut donc publier des photos impeccables des artistes en scène, même si les spectateurs présents n’ont pas vu grand chose des expressions des chanteuses et chanteurs… Et dans ce cas de figure, si l’on se fie aux images, on risque la désillusion le soir où on ira essayer de voir en salle…
  • Au final, que devrait montrer une photo de spectacle? Ce que le spectateur va voir si possible, et pas une image « artificielle ».. Enfin il me semble.

Pour ce qui est de cette soirée au Divan du Monde, il n’y avait pas que la tablette 18×24 qui montrait bien le visage de Nilda Fernandez, quelques superphones voisins, même sur leurs petits écrans étaient plus lumineux que ce que je voyais de mes yeux normaux, si je puis dire.. Mes yeux normaux ont vu très confortablement Al Jarreau à l’Olympia,  j’étais au fond de la salle, environ 40 m de la scène, alors qu’à 10/12 mètres hier je ne voyais presque rien. Avec le même boitier quasi antique qui ferait sourire tout photographe sérieux, j’ai de bonnes images d’Al Jarreau, mais pas grand chose de Nilda Fernandez hier… C’est dommage, parce qu’il est photogénique, témoin cette photo de 2010 à TaParole Montreuil, faite avec un machin dont je n’avouerai jamais la marque, et pas non plus les quelques billets (de 20) qu’il m’avait coûté.

Et Al Jarreau , vu de loin…mais très bien vu… (avec un boitier bridge assez bien noté … en 2006)

La morale de cette histoire, larirette larirette, c’est que, au bilan, autant rester chez soi pour voir les spectacles en vidéo, en général la lumière est bonne, on n’est pas dérangé par les agitations smartphonniennes des voisins, et il n’y a pas les tournicotis vers le bar, car en plus, dans ces salles sans lumière il y a souvent un bar… pour se consoler sans doute…

Mais tout n’est pas si noir, il y a pas mal de salles qui ont le respect du public et des artistes, L’Européen, le Forum Léo Ferré, l’ex-Vingtième Théâtre , l’Alhambra, les salles où se produit  Chanson Plus BiFluorée (toujours bien éclairés) pour la région parisienne, liste non exhaustive*, et s’il faut un palmarès inversé, je crains que parmi les champions de la dernière place, il n’y ait les 3B, dont l’art en matière de non-éclairage est un sommet. Ou plutôt un abysse…

Et un salut particulier à Stéphane Dutoict, capable d’improviser des éclairages complexes « à la volée » selon le principe « Bien éclairer les chanteurs pour qu’on entende bien les paroles. »

Ce que tout éclairagiste de théâtre pratique au quotidien pour que la parole passe bien.

Last but not least, si j’apprécie les voix, quand je vais en salle, j’aime bien voir aussi les yeux des artistes, imaginer qu’ils chantent pour quelqu’un, ici et maintenant, apercevoir ce qu’ils regardent, moi, peut-être ? Alors voilà…

Photo NGabriel au Divan du Monde le 9 Mars 2017

Norbert Gabriel

*Pour ce palmarès, les bons points, les moins bons, les calamiteux, chacun peut donner son avis, et ses recommandations sur ce qui se passe dans les départements, ça peut pas faire de mal. On a déjà un message d’Auvergne.

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