
Crolla et Edith Zedline
En intro Les deux plumes, et Improvisation en bande son de ce qui suit ,
Jusqu’à 11 ou 12 ans Enrico est un gamin de la zone – Porte de Choisy- il joue souvent à esquiver l’école et les devoirs pour aller a spasso … dehors … se promener … et jouer de la mandoline ou du banjo aux terrasses des cafés chics de Montparnasse … Ce qui lui vaut les applaudissements et les pièces sonnantes du public et les coups de règles sur les doigts de la part de l’instit’ peu porté sans doute sur les ritournelles à la mode.
C’est un môme qui n’a pas dû aller au ciné souvent, dans la zone on a des priorités différentes. Pourtant ses sorties musicales sont assez lucratives, c’est pas la fortune, mais une bonne contribution à l’économie familiale. Il joue aussi au chat et la souris quand les pandores l’alpaguent, et le relâchent après l’avoir soulagé de sa recette du jour, mais c’est pas grave, il reviendra demain. Et puis, en 1932/33, il joue devant la Rhumerie Martiniquaise, deux consommateurs à la terrasse sont épatés par ce gamin avec son banjo, insouciant comme un moineau de Paris, ils lui donnent « une grosse pièce » tellement disproportionnée que le gamin répond,: « mais m’sieur j’ai pas de monnaie… » et c’est ainsi qu’Enrico entre dans la « contrebande de Prévert », par Lou Bonin et Sylvain Itkine, hommes de théâtre, qui l’emmènent chez Grimault et Prévert hommes de cinéma à cette époque. Enrico-Riton fait ses humanités avec la grande famille du Groupe Octobre, comédiens, écrivains, sculpteurs, peintres photographes, cinéastes poètes, musiciens, c’est une école des arts, école pluri-disciplinaire totale, une école de combattants, de l’agit prop’ qui porte la culture dans les usines et dans la rue…
Paul Grimault l’accueille chez lui, près de la Porte d’Italie, à quelques encâblures de la porte de Choisy, il y a sa chambre, découvre le jazz et la guitare, et surtout le cinéma.
Cette période dans la galaxie Prévert va nourrir sa vie et son art.
Lorsqu’il commence à faire des musiques pour le cinéma, des courts métrages, des documentaires, c’était le temps des séances de ciné de 2h30, une première partie avec les « Actualités » un documentaire, un dessin animé, et souvent un numéro visuel juste avant l’entracte, bonbons esquimaux chocolats, et ensuite, le grand film.
Pour les musiques de films, Crolla est associé à André Hodeir, le super intello de la musique, 3 prix de conservatoire et violoniste dans la lignée de Grappelli/Warlop. Ce que dit André Hodeir : « On assistait à la projection, en sortant Crolla prenait sa guitare, et on avait la musique. » A partir du thème, Hodeir arrangeait, orchestrait, et c’est 50 musiques de films qu’ils ont co-signées, entre 1948 et 1960, en toute harmonie complice.
En 1952, il est aux côtés d’Yves Montand dans un film à sketches Souvenirs perdus où il joue son rôle de guitariste accompagnateur… Première apparition sur un écran dans une fiction.
En 1954, Gilles Grangier les sollicite pour Gas Oil avec Gabin, Jeanne Moreau et Roger Hanin. Ensuite, il y a aura plusieurs longs métrages, avec Brigitte Bardot en vedette, et des cours de guitare entre deux prises , puis un film avec Marcel Camus, Os bandeirantes, puis St Tropez Blues… et Le bonheur est pour demain, qu’il ne verra pas.
( Dans Orfeu Negro, Crolla joue le premier thème à la guitare.)
Parmi ces courts métrages, Léon la lune est sans doute le plus intéressant dans sa construction particulière : film sans dialogue, scénarisé par Robert Giraud, avec une jolie musique d’Henri Crolla, on suit ce personnage, le vrai Léon la lune, dans son quotidien, manger, trouver un endroit pour dormir… Il s’agit d’une ballade poético-réaliste avec la guitare sensible de Crolla pour l’accompagner.
Ce film a été primé plusieurs fois (Prix Jean Vigo) et beaucoup diffusé. Il a permis à Alain Jessua de préparer ses longs métrages avec une certaine sérénité. Léon la lune, ou La Journée ordinaire d’un clochard à Paris est sorti en 1956.
Il y aura une autre expérience du même genre, en 1958, film sans parole mais avec musique, La Faim du monde, un court métrage de Paul Grimault en commande de l’UNESCO pour l’exposition universelle . Scénario de Prévert, l’histoire de l’Humanité et la mauvaise répartition des richesses, rebaptisé « Le monde au raccourci. »
On retrouve l’esprit du cinéma des origines comme langage universel par l’image et la musique.
Dans son parcours de vie et d’artiste, Henri Crolla s’est de plus en plus rapproché du cinéma .
Enrico cuisinier est un moyen métrage de 1955/56, scénario de Paul Grimault et Pierre Prévert. – Montage par Pierre Prévert dans lequel il a le premier rôle, celui d’un personnage tendre et burlesque, poétique et iconoclaste qui pouvait préfigurer une série à la façon des Charlot ou Harold Lloyd, et c’est en comédien qu’il postule pour « Au bout la soupe » devenu « Le bonheur est pour demain », film tourné en 1960, dont il ne verra pas le montage final, il meurt juste après la fin du tournage. C’est le seul film où il n’a pas voulu faire la musique, uniquement comédien, dans le rôle de José, républicain espagnol et guitariste occasionnel à 4 mains avec le jeune Higelin.
Henry Fabiani, en 2003, témoignera de l’importance de sa présence sur ce tournage, avec cette magie Crolla qui créait des liens spontanés entre tous, quels qu’ils soient, artistes, techniciens, figurants…
Le film de Marcel Camus » Os Bandeirantes » est en partie illustré par « Paris a le coeur tendre » …
Quelques musiques dans des genres assez différents pour illustrer cette page cinéma,
Une parisienne
par Christiane Legrand
Valse du balcon
Cette sacrée gamine: Jardin dans la nuit
St Tropez Blues
Et le thème principal du premier long métrage
- En plus de quelques apparitions dans des films dont il a fait la musique, Nino Bizzarri, cinéaste italien, lui a consacré un film en 2002, pour la Raï Uno Vie et mort d’un petit soleil tourné à Naples et Paris, avec les témoignages de Moustaki, Higelin, Colette Crolla, Patrick Saussois, Francis Lemarque, Martine Castella, Roger Boumandil… long métrage d’une heure et demie, présenté au Festival de Locarno, et récompensé par un Premio Asolo Miglior Biografia d’Artista a Piccolo Sole – Vita e morte di Henri Crolla en 2006.
- Henri Crolla apparaît aussi dans le court métrage de Paul Paviot, tourné en 1958, en hommage à Django Reinhardt. ( Film dont Paul Paviot dit qu’il a pu être tourné grâce à l’entregent de Crolla.)
Norbert Gabriel
Filmographie musicale.
- 1946 : Cocktail magazine Eddie Petrossian
- 1949 : Autour d’un récif J.Y. Cousteau
- 1949 : St Paul de Vence Robert Mariaud
- 1951 : Terre et flammes, Vallauris Robert Mariaud
- 1951 : La Légende de la soie dessin animé de Paul Grimault
- 1953 : Champs Élysées
- 1954 : Enrico cuisinier de Paul Grimault et Pierre Prévert
- 1955 : Neiges. Jean-Jacques Languepin
- 1955 : Les Mauvaises Rencontres Alexandre Astruc
- 1955 : Mon chien
- 1955 : Les Bras de la Seine
- 1955 : À propos d’une rivière
- 1955 : Gas-oil
- 1955 : Le saumon Atlantique Georges Franju
- 1956 : Léon la lune
- 1956 : Terre fleurie Robert Mariaud
- 1956 : Mort en fraude par Marcel Camus
- 1956 : Du sel du calcaire et du coke Jean Vénard
- 1956 : Les saumons Georges Franju
- 1956 : Le Ciel par-dessus le toit
- 1956 : Cette sacrée gamine (Mlle Pigalle)
- 1957 : La faim du monde, court-métrage De Paul Grimault
- 1957 : Une Parisienne
- 1957 : La Peau du milieu de Gabriel Pomerand
- 1958 : Paris mange son pain
- 1958 : Et ta sœur
- 1958 : Le Passager clandestin
- 1958 : Les deux plumes Henri Lacam
- 1958 : La grande croisière Jean Raynaud
- 1958 : Péché de jeunesse de Louis Duchesne et René Thévenet
- 1958 : Le vent se lève
- 1958 : Les régates de San Francisco Autant-Lara
- 1959 : Les Motards
- 1959 : Ce corps tant désiré
- 1959 : Histoire d’un poisson rouge
- 1959 : Voulez-vous danser avec moi ?
- 1959 : Les Pionniers (Os Bandeirantes )
- 1959 : L’Ambitieuse film franco-italo-australien réalisé par Yves Allégret,
- 1960 : Vitrine sous la mer Georges Alépée
- 1960 : Les primitifs du 13 ème .. Pierre Guilbaud
- 1960 : Candide Norbert Carbonnaux
- 1960 : Du côté de l’enfer (téléfilm diffusé avec le titre « La grande bretèche« )
- 1960 : Photo souvenir
- 1960 : La Française et l’Amour
- 1961 : Le bonheur est pour demain
- 1961 : Saint-Tropez Blues
- 1961 : Mon frère Jacques (documentaire de Pierre Prévert pour la télévision belge)
- 1962 : Les saintes nitouches, Pierre Montazel .
- 1963 : Le Tout pour le tout
- 1964 : Le Monde sans soleil ( Cousteau)
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