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Financement participatif du nouvel album de Dewis Mira, l’artiste qui engage la poésie française sur les traces des pionniers de la Folk mélancolique

17 Avr

Dewis Mira

Le chanteur auteur-compositeur Dewis Mira nous avait accordé un entretien pour la sortie de son premier album « It’s Never Too Late » [Lire ici], titre en Anglais en raison d’un hommage à l’artiste folk britannique Nick Drake, mais qui dissimulait un album de chansons francophones, et révélait la poésie d’un artiste qui engage sa plume, sa langue française, sa voix et sa guitare dans les traces des pionniers de la Folk mélancolique. L’artiste autoproduit, via sa propre structure, qui s’est également construit  son studio d’enregistrement, dans un souci d’indépendance, d’authenticité, et d’intégrité de son idée à aboutir, a lancé il y a peu un financement participatif pour précommander son prochain album en cours de réalisation ici : https://www.helloasso.com/associations/sdl04-production/collectes/nouvel-album-de-dewis-mira

Et des idées, l’homme qui ne cache pas ses opinions, et assume ses réflexions et raisonnements, en a. Du propos aussi. C’est donc tout naturellement que nous avons proposé un nouvel entretien à cet artiste qui est de ceux qui savent prendre des risques, et avancent avec une conscience claire et profonde, sans se compromettre en concessions qui vident l’art de son âme.   

– Dewis, bonjour et merci pour cet entretien. Tu as lancé un financement participatif pour produire ton nouvel album. Peux-tu nous en parler ?

– Lors de l’enregistrement du dernier album, j’avais déjà l’idée ou le concept de ce que j’allais faire ensuite. Il y a plusieurs années que je suis sur l’écriture. Je suis partisan de soigner particulièrement l’écriture, et cela prend beaucoup de temps. Il faut du temps pour avoir l’inspiration, et lorsqu’elle est saisissable, cela peut arriver n’importe où, n’importe quand. Il faut saisir à la volée. L’écriture a du prendre trois ou quatre ans en tout et pour tout.

 Je pense que ça va être plus épuré que le premier album. Ce sera plus acoustique, avec la voix, la guitare et les textes mis en avant. Côté intervenants, il y aura un travail particulier sur les chœurs, avec notamment Aurore Guintoli, chanteuse soprano qui sortira de ses habitudes opératiques tout en apportant cette atmosphère lyrique… De la basse et du clavier avec mon compagnon de scène Peter Dale, des arrangements de cordes, ainsi que quelques arrangements subliminaux avec des instruments issus de musique du monde ou autres…. J’avais en tête quelques sonorités, donc je suis en train d’essayer plusieurs instruments.

– Qu’entends-tu par « subliminaux » ? Sous mixés juste pour apporter quelques  pigments à la couleur du son?

– C’est ça : juste pour apporter des couleurs, pour former l’atmosphère, mais sans que ce soit très présent, car je veux vraiment rester accès sur le texte et la guitare. Tout ce qui va venir autour sera uniquement pour embellir, comme de petites cerises sur le gâteau.

– Tu abordais déjà des thématiques engagées sur ton premier album ; on imagine que la période que nous vivons foisonne de sujets par lesquels on se sent concernés et conscientisés. Cela t’as-t-il inspiré des chansons ?

– Comme je le disais il n’y a pas longtemps, lors d’une interview radiophonique: Oui et non! On ne peut pas me mettre l’étiquette de chanteur engagé au sens où je ne fais pas que ça. Maintenant je ne peux pas dire que je ne le suis pas, puisque je ne me cache pas de mes opinions, par complaisance ou pour des raisons commerciales ou autres… Dans mes albums il y a toujours quelques titres engagés ; sur le premier album il y avait « Dans le néant » qui parlait de la pollution et de l’écologie, « Retraité » qui parlait de l’injustice sociale. Il y aura évidemment des titres engagés sur le prochain opus, mais il n’y aura pas que ça. Beaucoup de poésie, de philosophie, de sentiments. Les textes seront plus travaillés encore ; on a poussé plus loin. Les titres sont assez longs, avec beaucoup de choses au niveau harmonique aussi. Je vais encore plus profond dans le style Chanson Folk. Ça va être un album très vrai, très acoustique, axé sur les textes.

Je pense qu’il y aura neuf titres, ce qui en fait est assez important, car les chansons sont longues. On n’est pas du tout dans l’optique de faire un album commercial avec des chansons à format radiophonique. Je ne cherche pas à faire de tube ; ça n’a jamais été mon but. Je veux vraiment être au service de la musique et au service des morceaux. Les morceaux seront profonds, ils auront des choses à dire. Certains passages seront inspirés de musique celtique… Aujourd’hui la mode est un peu à la multiplication des singles et autres EP, pour pouvoir proposer des titres courts à mettre dans des playlists et être diffusé un maximum sur les plateformes. Ça permet aux artistes d’être mieux référencés. Mais je suis désolé, je suis un artiste un peu à l’ancienne. Et pour moi un album est une œuvre à part entière. C’est indispensable de faire des albums, même si c’est colossal en terme de travail, de budget, et qu’il est difficile d’avoir des retours rapides à la hauteur de tout ça. Chacun fait ce qu’il veut, mais pour moi, on ne fait pas de la musique ou de l’art pour des raisons commerciales. Si on trouve son public et que le succès vient, tant mieux. Mais ce n’est pas pour cela qu’on fait ça. On aime plein d’artistes très talentueux qui n’ont que peu été reconnus de leur vivant, mais l’ont été post-mortem. Dans tous les artistes que j’adore, il y en a énormément pour qui ça a été le cas. Ils ne pratiquaient pas leur art dans cette optique là. Autrement, on en arrive à ce que l’on peut entendre aujourd’hui sur les gros médias : des choses insipides, sans profondeur et qui ne servent pas à grand-chose. Je pense que l’art a un important rôle socioculturel, et je me sens comme investit d’une mission : pour moi c’est quelque chose d’important ; je ne fais pas un peu de musique juste pour m’amuser. Parce qu’en tant qu’auditeur moi-même, c’est comme ça que je ressens le rôle des artistes que j’aime : j’ai été profondément touché par certaines musiques, certains bouquins, certains films, qui changent ma vie et ma vision. Je trouve que c’est très important de faire les choses comme il faut avec un but sain. Alors après évidemment j’ai envie que ma musique soit entendue le plus possible. Je partage beaucoup, j’essaye de porter le propos aussi avec de beaux visuels. Mais je ne changerai pas mon écriture dans un but commercial.

– Et tant mieux! Il existe suffisamment d’artistes qui se contraignent à orienter ou réorienter leurs projets et propos en fonction d’impératifs financiers ou politiquement corrects, pour obtenir des subventions ou intégrer tel ou tel label…

– C’est encore plus grave. Parce que là, on parle de subventions attribuées par des organismes qui sont financés par l’état, et donc par notre argent. Et qui devraient être là pour soutenir la culture, alors qu’en faisant ça, ils soutiennent le commerce ou font de la politique. Évidemment je ne suis pas un hurluberlu qui ne comprend pas qu’il faut aussi un certain sens du commerce ; j’ai été moi-même artisan-commerçant très longtemps. Mais la vie, ce n’est pas du business, et l’art encore moins. Je crois à l’inverse que c’est à force de travail et de créativité qu’on arrive à quelque chose. Je n’ai jamais cherché à devenir gros ou très connu. Je demande juste de pouvoir continuer à pratiquer mon métier dans de bonnes conditions, partager avec un public qui s’intéresse vraiment à ce que j’écris. Encore une chose qui est un peu bizarre, c’est que pour obtenir une des principales aides à la création d’album, il faut avoir auparavant produit son album! Et ce n’est qu’ une fois qu’il est terminé, que l’on peut candidater. Cela signifie que tous les petits artistes qui n’ont pas les moyens de produire leur album et auraient besoin d’une aide sortent du cadre! On en revient toujours à l’argent comme nerf de la guerre. Et puis des salles de spectacle participent à ça également, pas toutes heureusement, mais quand un lieu te répond: « on a beaucoup aimé votre album », mais on ne peut programmer que des artistes ayant une certaine notoriété… Ça signifie qu’ils ne vont programmer un artiste que s’ils sont sûrs de remplir la salle. A un moment donné, il faut aussi assumer son rôle, et cultiver un public fidélisé au lieu, curieux, à qui proposer des découvertes ; c’est un peu leur job quand même… Quitte à faire jouer des artistes peu connu en première partie d’artistes plus renommés. Mais ça se propose de moins en moins. Au mieux on leurs propose la salle en « off », c’est-à-dire qu’on vous prête la salle, mais il faut se débrouiller avec toute la communication, la diffusion, la publicité et les frais d’organisation, sans être accompagnés… Sans parler des coproductions….Et puis il faut absolument pouvoir se définir comme de tel style particulier, sans quoi telle salle ne vous prendra pas… On semble avoir oublié que l’art est libre… Qu’il n’a pas vocation à être mis dans des cases de façon systématique… Sans compter toutes les petites salles qui touchent des subventions d’état et ne font jouer que les copains, où on voit toujours les mêmes têtes. Le milieu n’est pas facile… Alors maintenant, avec la pandémie, il y a en plus le problème de tous les artistes déprogrammés durant deux ans, dont les dates ont été reportées. Donc certaines salles et festivals ont deux ou trois années de bouclées, et d’autres ont carrément disparu… Autant de sujets dont on entend peu parler et pour lesquels aucunes propositions ne sont faites…

Je crois au pouvoir de bouger les consciences, et je sens qu’il y a un partage philosophique avec les gens du public. D’ailleurs ils viennent en discuter à la fin des concerts. Et je vois dans leurs yeux qu’ils écoutent vraiment les textes.

– C’est pour ça qu’on aime les artistes comme toi qui persistent à faire de l’art de manière et avec un esprit artisanal, si on peut dire. Serait-ce ainsi que tu te définirais ?

– Je ne suis pas du tout pour la modernité telle qu’on l’entend, qui, pour moi, est contraire à une évolution. Si aujourd’hui on n’a toujours pas compris, avec le nombre de guerres qu’il y a eu dans le monde, de génocides, d’incidents nucléaires, de tortures des femmes -on a tout vu chez l’être humain-, après tant de millions d’années d’évolution, qu’une des règles les plus élémentaires de la vie est qu’on a chacun droit à son opinion et à vivre sa vie comme on l’entend, parce qu’après tout, de ce qu’on sait, on n’en a qu’une… On n’a rien compris à la vie! On n’a toujours pas compris les fondements de la vie. Aujourd’hui, tu vas proposer ton aide à quelqu’un, il va trouver ça bizarre, ou se demander de suite qu’est-ce que ça cache, où est le calcul. C’est pour ça que la simplicité belle de l’acoustique m’attire. Le monde fait  déjà assez de bruit, est déjà assez énervé et superficiel. On a besoin de choses simples et profondes. Avec une certaine authenticité. En tout cas c’est ce dont j’ai besoin, et j’espère que c’est ce qui va transparaitre à travers mon nouvel album. C’est aussi pour ça que j’ai construit mon propre studio d’enregistrement. Car bien qu’ayant travaillé avec des professionnels du coin pour mon premier opus, c’est très difficile ; tout le monde veut un travail du son formaté comme ci ou comme ça. Je trouve ça dommage. Tous les plus grands précurseurs qu’il y a eu en art, mais aussi dans tous les domaines, sont ceux qui à un moment on imposé leurs idées, en refusant d’arrondir les angles ou de se formater pour que ça passe. C’est important de pouvoir avoir une liberté artistique totale.

 

– Pour toi, est-ce une autonomie matérielle indispensable pour créer ?

Oui. C’est pour cela que j’ai monté mon studio, pour pouvoir tout y faire, de A à Z. Je suis carrément en haut de la colline dans un presque hameau, avec pour voisins des poules et des chèvres, et comme environnement d’écriture, c’est fabuleux. Je me suis formé pour pouvoir devenir ingénieur du son ; j’ai travaillé un an et demi pour construire le studio, et ça a été difficile. Mais j’ai mon environnement de travail qui est vraiment exactement comme je veux. Le travail qu’on nous demande en termes de publicité, de démarchage, de présence sur les réseaux est déjà énorme. Si en plus quand on fait sa musique, il faut passer son temps à tout retoucher, formater…Ce n’est pas ça la musique. La musique, c’est des sentiments ; c’est des intentions. Aujourd’hui, la plus grande partie de ce qu’on écoute est parfait, froid, insipide, et c’est trop parfait. Et en plus ça nous bloque en tant qu’artiste, on arrive pour jouer dans un endroit, on a l’impression qu’on ne va jamais y arriver, qu’il faut être une machine…On se bloque tout seul. Alors qu’il vaudrait mieux se laisser porter par les sentiments, par l’humeur du jour, et laisser les choses sortir. Même si le rythme bouge un peu à un moment, parce qu’on l’a senti comme ça, ou qu’il y a quelques petites imperfections…Et alors! Les trois quart des artistes que j’aime et écoute, sont, sur les enregistrements, totalement imparfaits, magnifiquement imparfaits. Si on écoute le fameux « Harvest » de Neil Young, légendaire, un des albums les plus vendus et écoutés au monde, c’est totalement imparfait, mais cette imperfection là, j’aimerais bien savoir la faire. C’est magnifique, honnête, les sentiments sont vrais, la voix est avec ses qualités et ses défauts. Le jeu des musiciens est vrai… Ce n’est pas retouché de partout. Et d’ailleurs on a souvent des surprises, avec ces albums retouchés, y compris chez de « gros » artistes, entre l’album et le live… Il y a beaucoup recours à la retouche aujourd’hui sur les grosses productions, y compris en live. C’est une catastrophe d’utiliser un « vocal tune » en live. On ne peut pas faire plus faux.

– Ce que tu évoques est vrai : on constate souvent, après concert, que des artistes ne sont pas satisfaits d’eux-mêmes ou se mettent sous pression, parce qu’il y a dans l’auditoire certains professionnels ou programmateurs présents et que quelques imperfections ou accidents se sont produits dans leur spectacle, alors qu’en fait, tout le reste du public, même s’il entend les incidents et les imperfections, n’y accorde pas tant d’importance, parce que l’important pour des auditeurs, c’est de vivre et partager des émotions et un moment où il s’est passé quelque chose. Pour nous, c’est bien plus important que d’écouter un artiste parfaitement propre, techniquement impeccable, mais qui n’atteint pas le cœur des gens. Est-ce un retour que tu as de temps en temps du public ?

– Exactement. C’est vraiment quelque chose dont on devrait arriver à se défaire. Et tout mis bout à bout, non seulement on ne peut pas passer le temps qu’il faut à travailler nos instruments, parce qu’on doit être multitâches, mais en plus on se met une pression qui nous bloque. Les plus beaux albums, les plus beaux artistes, parfois parce qu’ils se sont mis à l’écart comme moi, au vert comme on dit… Sont ceux qui sont capables de s’éloigner de tout ça, d’oublier toutes ces pressions. C’est dans ces moments là qu’on peut trouver un peu de grâce. Dans la vie qu’on vit actuellement, il n’y a plus de place pour la philosophie, pour la poésie, pour les émotions tout simplement. C’est plus facile à dire qu’à changer ; j’en ai conscience. Mais il ne faut pas oublier que, contrairement à ce qu’on croit, chacun chez soi peut changer le monde petit à petit. C’est là que vient le rôle de l’art et de l’artiste. Lorsque j’arrive à prendre le temps de discuter avec une personne en concert, et qu’elle a pu, le temps d’une soirée, avoir autre chose, un autre point de vue sur un sujet dont son quotidien ne parle pas. Le sens de la vie et de la mort, de ce qui se passe entre les deux, toutes ces questions qu’on ne se pose plus trop. Ça fait du bien et ça participe a changer le monde…

Miren Funke

Capture d’écran 2022-04-27 150719 dewis

Liens :

Financements participatif de l’album : https://www.helloasso.com/associations/sdl04-production/collectes/nouvel-album-de-dewis-mira

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