Archive | juin, 2020

Pentimento « La commode aux tiroirs »

30 Juin

Ou comment refaire une histoire selon sa subjectivité ..

– Choisir un livre, comment ? Il y a les conseils avisés de ceux qui savent, critiques officiels de la bonne école littéraire, les recommandations d’amis, ou les injonctions publicitaires … Pourquoi pas ? Et puis il y a la méthode de l’imbécile de base, moi, qui voit une couverture plus ou moins attirante, qui ouvre à la première page du texte, et qui lit les premières lignes, et qui part en voyage avec ce livre… Trainer dans les librairies j’ai commencé à 13/14 ans, pour un achat prévu, et des découvertes sur les bases ci-dessus.

– Découvrir un roman, en connaissant l’histoire de la famille de l’auteur, peut infléchir la lecture et transformer -dans l’esprit du lecteur- ce roman en récit issu de témoignages. Et parfois, dans ce cas précis, la subjectivité du lecteur, induite par son histoire familiale personnelle, transforme ce qui est un roman né de silences, en roman-récit lu comme un témoignage des personnages réels. Des personnages qui n’ont jamais rien dit de la tragédie de l’exil.

Ma subjectivité de lecteur a été parasitée par ma propre histoire familiale d’émigration italienne et espagnole, mais sans rapport avec la guerre d’Espagne, c’était quelques années avant. Et si du côté italien , la mémoire a été bien partagée et transmise (par mon grand père né en 1896, j’ai le sentiment d’avoir connu Garibladi, le héros de sa jeunesse) du côté espagnol, avec beaucoup de non-dit sur une naissance illégitime, les silences ont généré des légendes dont l’origine est encore indéfinie aujourd’hui.

  • Et en lisant la mémoire réinventée des abuelas d’Olivia Ruiz, j’entends en filigrane ce que me racontait Giovanni l’italien, et j’essaie d’imaginer ce que n’ont pas dit mes grands parents espagnols. Avec cet entrelacs de mémoires réinventées , dans la lecture de ce roman, j’entends les voix de Rita, de Giovanni et Innocencia Lerma-Gabriel comme des tranches de vie, alors que la fiction a mis en scène ces tranches de vie.
    En écho, j’entends quelques autres voix, « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende . » ou aussi « Je suis un mensonge qui dit la réalité. » Le livre d’Olivia Ruiz est un roman qui dit la vérité. Magistralement.
  • Ce roman est né de silences, dit Olivia Ruiz, peut-on ajouter, en clin d’oeil que parfois le silence est d’or ?

 

Norbert Gabriel

Hip hip hip !

27 Juin

Hip hip hip, ils sont arrivés, le dernier spectacle, et le dernier album de Lili Cros et Thierry Chazelle.
Après l’énorme succès de Peau neuve, ce n’était sans doute pas facile , ils ont relevé le défi, avec brio.
Et l’album m’a profondément touchée. Une étape de plus dans leur carrière en duo. Plus près des gens,
plus confidentiel, plus intime, comme si on retrouvait des amis complices, qui nous ont fait rire, et
pleurer aussi, mais qui ont envie d’aller plus loin,et nous dire autre chose.
Des choses plus graves, comme ce questionnement sur l’indifférence face à la maltraitance d’enfants (
texte de Lili Cros) :

Oh oh oh nous on a rien vu
Oh oh oh Si on avait su
Qu’est-ce qu’on aurait pu faire ?
Des gens qui n’ont pas le temps ( texte de Thierry Chazelle) :
Oh non, ne me dit pas
que tu n’as pas le temps
Le temps c’est évident
on en a tous autant.

Ou cette chanson bouleversante sur « nos frères » de Lampedusa ( texte de Lili Cros, musique de Bastien
Lucas) :

Comme bien d’autres hommes aux abois
Je me demande
Si Lampedusa voudra de moi.

Bien sûr, on ne réalise pas toujours ses rêves d’enfants comme le dit Thierry Chazelle :

J’m’appelle comme toi, j’ai 50 ans
Je sais qu’on est comme les autres
En tout cas pas si différents
Mais on est pas des cosmonautes
Et on vit pas sous l’océan.

Mais il y a toujours une lumière au bout du tunnel, un coup de pied au désespoir, un appel à la joie de
vivre, malgré tout :


Rien n’aura changé le chagrin sera là
Là, mais comme endormi, bercé entre ses bras
Tu invitera des amis à diner,
Ensemble vous fêterez…
Le retour de la joie !

C’est ainsi qu’ils sont, Lili et Thierry, ils se racontent en toute sincérité, et ils racontent le monde avec
lucidité, et toujours une énergie positive. D’ailleurs, c’est ensemble qu’ils ont écrit cette chanson :

C’était le vent, le vent des petits riens
Le vent léger qui caressait nos mains
Je veux lui donner ton nom
Pour qu’on se dise enfin
Pour qu’on se dise en somme
C’est ainsi que nous sommes…
Si Lili se fait des films, le héro est toujours Thierry !
Et quelle belle déclaration d’amour de Lili :
On a traversé les océans
Grimpé sur le dos des montagnes
Suivi les fleuves, les goélands
On est revenus en Bretagne
On a fini par les poser
Nos valises cabossées…
Ma maison c’est là
Au creux de ton épaule
Ma maison c’est là
Ma maison c’est toi…

Un album qui coule de source, avec la voix limpide de Lili Cros, parfois teintée de blues, quand  » L’ombre
de Verlaine / Plane sur les pigeons dans  » Le jardin des mélancolies ».
Et ce n’est pas par hasard que Le Havre sur le port revient dans cet album, pour nous rappeler que ni
Thierry ni Lili n’oublient d’où ils viennent.
Enfin, j’ai été agréablement surprise par la couleur musicale de l’album, outre la basse acoustique de
Lili Cros, et la guitare folk de Thierry Chazelle, divers instruments joués par Florent Marchet et François
Poggio, donnent, avec la batterie de Raphaël Chassin, un côté très pop :

Dans la famille tombés du ciel
Dans la famille tape dans tes mains
Dans la famille votez-pour moi
Je suis pop Je suis pop
Populaire oh yeah…

Il me tarde de voir Hip hip hip sur scène, sachant le sens de la mise en scène et du spectacle de ce
duo, qui sait par ailleurs s’entourer des meilleurs conseillers.
Et pour finir, oui, c’est attendu, mais je ne peux résister : Bravo à toute l’équipe qui a oeuvré à cet album.
Pour eux tous Hip hip hip hourra !

 

 

Danièle Sala

 

NB:  Le dernier spectacle chanson vu cette année,  c’est ici, c’était  dans la série des mercredis, série interrompue vous savez pourquoi, virus etc

 

Olivia Ruiz, La commode aux tiroirs de couleurs…

11 Juin


Ce récit-roman est en quelque sorte la revanche posthume d’une petite fille espagnole, Rita Monpean Carreras qui voulait devenir Joséphine Blanc, française de nom et de souche, face à l’accueil réservé à ces réfugiés espagnols de merde puants et sales … Mais quelques décennies plus tard, Olivia Blanc à l’état civil, choisit d’être Olivia Ruiz, en mémoire de ces femmes, ses grand’mères, venues d’Espagne en des temps tragiques. Mémoires réinventées, et par ces mémoires croisées familiales, Olivia Ruiz construit la «mamiethologie » qui a fait d’elle l’héritière de ces femmes debout.

Le talent d’écriture, c’est savoir exprimer des sentiments ou des situations complexes en quelques mots, comme ici « … en cent cinquante kilomètres, nous avions grandi de plusieurs années. » Est-ce Rita qui parle ou Olivia qui résume, l’important est de faire ressentir ce que vivent les déracinés, les exilés, qui doivent se reconstruire dans un pays étranger.

Dans ce roman-récit, l’auteure nous emmène dans une fresque kaléïdoscope  maitrisant la réalité des histoires familiales, et les récits imagés, en vraie conteuse-chroniqueuse d’un siècle d’histoire, chaque tiroir de la commode a nourri le récit, dit « roman » l’argument étant l’héritage d’une commode à tiroirs qui sont autant de chapitres de «choses vues» selon Hugo, mais vécues dans la famille. Ouvrir ces tiroirs, c’est maintenir les souvenirs en vie, dit Rita… Et Olivia ajoute, avec une tendresse malicieuse, « … une commode bien rangée et bien remplie, ça rend l’imagination des enfants incroyablement fertile. »

Epilogue : quand vous aurez terminé ce livre, vous ne pourrez plus jamais rester indifférents face aux déracinés-migrants-réfugiés, quels qu’il soient, où qu’ils soient, d’où qu’ils viennent … Enfin, j’espère …

Bande son possible:

et peut-être que vous y croiserez Rita …

 

Norbert Gabriel

Chope des Puces (2)

1 Juin

Photos©NGabriel 2020

C’est un de ces moments dont un acadien aurait pu dire:   » C’est un jour où la vie a mis sa robe blanche… »  Celle des bals joyeux dans un printemps éternel.  Ce deuxième dimanche à La Chope des Puces, avec la belle équipe qui a inauguré le retour de la musique vivante ( Voir ICI)  aurait plu Sarane Ferret, qui disait, au sujet du swing mitraillette,  il y a  bien des années:   » C’est bien toutes ces notes mais on n’a pas le temps de voir le paysage. »  Il aurait été ravi, parce qu’ici, les paysages, on les voit, c’est sensible, coloré, riche et généreux, et jamais dans la démonstration de virtuosité extrême mais gratuite … Dans ce petit espace en plein air, la sonorisation est impeccable, et  dans leurs envolées on part …
Là-bas …

Là-bas c’est le pays de l’étrange et du rêve
C’est l’horizon perdu par delà les sommets
C’est le bleu paradis c’est la lointaine grève
Où votre espoir banal n’abordera jamais. *

Il y a cette fraternité spontanée, naturelle, ici la musique abolit les différences, quelles qu’elles soient, c’est comme si on était tous des amis d’une enfance commune, bien que l’état civil constate quelques décennies d’écart, on ne peut pas expliquer, c’est comme ça … 

Peut-être faut-il approcher les fils du vent, les oiseaux de passage, et esquisser quelques pas dans leurs traces…

Peut-être …
Sur un air de chanson métèque ?

Je suis un  souvenir qui marche
Voyageur qui cherche  les pays imaginaires par delà l’horizon
J’ai l’âme tatouée d’un chemin destiné à n’arriver jamais
Je suis de ces oiseaux migrateurs
Jongleurs musiciens saltimbanques
Qui effacent les frontières au gré du vent
Guetteurs d’arc-en-ciel et de chemins d’étoiles
Ils inventent des musiques métissées de toutes les douleurs
Des chants de cœur battant
De cicatrices ouvertes
Et de ritournelles dansantes  bulles légères de champagne
Eclats de rêves et de vie   étincelles de bonheur
d’instants éparpillés gaiement le long du parcours

L’important,  manouche gitan ou bohémien
Touareg ou bédouin, zingaro, romani
Ce n’est pas le bout de la route,
C’est la route
Je suis un souvenir qui marche
porté par l’écho des notes d’une guitare

Ce chemin de nuage que le vent effiloche
Ce violon qui raconte dix mille ans de voyage
Cette guitare blues fragile au bord du grand fleuve
Ou rouge flamenco dans les rues de Séville

Ce chant éternel venu du fond des âges
Des baladins nomades  des tziganes
Des métèques flamboyants de soleils égyptiens
Des oiseaux de passage au regard étoilé

C’est la vie qui danse et renaît chaque matin

 Et pour quelques photos de plus,

Photos©NGabriel 2020

Photos©NGabriel 2020

Norbert Gabriel

  • * Extrait des « Oiseaux de passage »  de Jean Richepin

Et patchwork de traces  multiples, Garcia-Lorca, Elan Noir, Django Reinhardt, Nina Simone, Nazim Hikmet, Jean Ferrat, Aragon et Ferré.
Cette chanson métèque était inspirée, et dédicacée à Jo …  Le chat d’Alexandrie est parti en voyage, il paraît que les chats ont 7 vies, et en Egypte, le chat est un dieu… En un sens Moustaki est éternel. Au moins dans nos coeurs.

Pour le premier jour, c’est là !

ou là en cliquant sur l’image,

%d blogueurs aiment cette page :