Archive | mars, 2020

Il y avait une ville…

31 Mar

Que se passe-t-il?
J’n’y comprends rien
Y avait une ville
Et y a plus rien

Je m’souviens que j’marchais
Que j’marchais dans une rue
Au milieu d’la cohue
Sous un joyeux soleil de mai
C’était plein de couleurs
De mouvements et de bruits
Une fille m’a souri
Et je m’souviens que j’la suivais

Je la suivais
Sous le joyeux soleil de mai
Chemin faisant j’imaginais
Un mot gentil pour l’aborder
Et puis voici
Que dans le ciel bleu de midi
De plus en plus fort j’entendis
Comme arrivant de l’infini
Ce drôle de bruit
Ce drôle de bruit

©Jacques Aubert

Cette chanson de Claude Nougaro nait en 1958, sur une musique proposée par Jimmy Walter, elle est créée au Lapin Agile ; chez Nougaro, c’est un des rares exemples de texte écrit en une nuit, pratiquement d’un seul jet. « C’était un auteur laborieux qui aimait peaufiner et revenir sur un texte. » (J. Walter Paris Inter 3 Janvier 1963)

Avant d’être chanteur à temps complet Nougaro a été journaliste, avec Il y avait une ville, il est un chroniqueur sous le choc de la guerre nucléaire, dont le spectre est très présent en ces années de guerre froide. Pour mémoire, la Russie et les USA sont dans un bras de fer virtuel, et la France est géographiquement entre les deux. Autant dire aux premières loges.

Nougaro écrit un texte-scénario qui fait jaillir des images, pas de refrain, une succession de scènes, comme dans un film muet dont il est conteur. On est embarqué, on devient ce personnage dans un rêve-cauchemar qui passe d’une flanerie printanière à l’apocalypse fin du monde.

Nougaro tenait beaucoup à cette chanson dont il a enregistré plusieurs versions entre 1958 et 1964 , la dernière, avec Maurice Vander et Eddy Louiss est sans doute la plus intense, avec une sobriété dans l’arrangement qui sublime la dramaturgie de l’histoire. Une autre version, de 1963 avec un orchestre dirigé par Michel Legrand restera dans les tiroirs jusqu’ en 2004… On peut préférer la version 64.

«  Je ne sais pas si c’est tout le monde… »* mais il y a des chansons dans lesquelles on entre en devenant le personnage principal, un « Je » héros malgré lui… Celle-là en fait partie, on n’est plus un témoin extérieur qui regarde l’écran, comme dans « Le cinéma », là, on est dans le film.

Dans la même famille, sur le plan regard journalistique, il y a Bidonville, et sur le plan jaillissement, Nougayork , le renouveau Nougaro- le ReNewGaro ? – texte écrit en quelques heures, né de la rencontre-choc avec New York.

Peu de reprises de cette chanson ont eu les faveurs du public et des majors, Béatrice Arnac est introuvable sur les plateformes musicales, mais Philippe Clay et Maurane sont disponibles.

 

 

Philippe Clay, dans sa version, met en scène un narrateur avec des bruitages, et un silence lourd quand il se rend compte qu’il est seul .. Nougaro, lui termine son rêve, son mauvais rève en chuchotant dans la version 1964… Maurane l’a enregistrée avec orchestre, (en 2009) il y a plus de musique, mais c’est presque un effet de colorization, là où on attend un dépouillement plus près dela tragédie en cendres noires. Question de point de vue ?

En terminant cette chronique, il vient comme un écho d’un futur peut-être proche, comme si Nougaro perché sur un nuage écrivait un de ces chants désespérés, Y avait un monde, et y a plus rien… mais le pire n’est jamais sûr, et on n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle.

*Phrase de Marguerite Duras, mise à la une par Vincent Delerm.

Et pour quelques notes de plus,

 

NOUGARO  avecMaurice Vander et son orchestre 1964


Pour mémoire Hiroshima a été la première ville à subir un bombardement nucléaire. Les deux pays étaient en guerre. Pour rappel, c’est 1er novembre 1911 lors de la guerre italo-turque qu’a eu lieu le premier bombardement par avion d’une ville. Puis au cours de la guerre civile espagnole, l’aviation allemande intervient dans un pays avec lequel elle n’est pas en guerre, notamment lors du bombardement de Madrid (1936) et du bombardement de Guernica 1937 qui a été rasée par un tapis de bombes. Préfiguration d’Hiroshima et Nagasaki.

Norbert Gabriel

Henri Crolla et le cinéma

26 Mar
PH 009 Court métrage de Paul Gimault Enrico cuisinier

Crolla et Edith Zedline

En intro Les deux plumes, et Improvisation en bande son de ce qui suit ,

Jusqu’à 11 ou 12 ans Enrico est un gamin de la zone – Porte de Choisy- il joue souvent à esquiver l’école et les devoirs pour aller a spasso … dehors … se promener … et jouer de la mandoline ou du banjo aux terrasses des cafés chics de Montparnasse … Ce qui lui vaut les applaudissements et les pièces sonnantes du public et les coups de règles sur les doigts de la part de l’instit’ peu porté sans doute sur les ritournelles à la mode.

C’est un môme qui n’a pas dû aller au ciné souvent, dans la zone on a des priorités différentes. Pourtant ses sorties musicales sont assez lucratives, c’est pas la fortune, mais une bonne contribution à l’économie familiale. Il joue aussi au chat et la souris quand les pandores l’alpaguent, et le relâchent après l’avoir soulagé de sa recette du jour, mais c’est pas grave, il reviendra demain. Et puis, en 1932/33, il joue devant la Rhumerie Martiniquaise, deux consommateurs à la terrasse sont épatés par ce gamin avec son banjo, insouciant comme un moineau de Paris, ils lui donnent « une grosse pièce » tellement disproportionnée que le gamin répond,: « mais m’sieur j’ai pas de monnaie… » et c’est ainsi qu’Enrico entre dans la « contrebande de Prévert », par Lou Bonin et Sylvain Itkine, hommes de théâtre, qui l’emmènent chez Grimault et Prévert hommes de cinéma à cette époque. Enrico-Riton fait ses humanités avec la grande famille du Groupe Octobre, comédiens, écrivains, sculpteurs, peintres photographes, cinéastes poètes, musiciens, c’est une école des arts, école pluri-disciplinaire totale, une école de combattants, de l’agit prop’ qui porte la culture dans les usines et dans la rue…

Paul Grimault l’accueille chez lui, près de la Porte d’Italie, à quelques encâblures de la porte de Choisy, il y a sa chambre, découvre le jazz et la guitare, et surtout le cinéma.

Cette période dans la galaxie Prévert va nourrir sa vie et son art.

Lorsqu’il commence à faire des musiques pour le cinéma, des courts métrages, des documentaires, c’était le temps des séances de ciné de 2h30, une première partie avec les « Actualités » un documentaire, un dessin animé, et souvent un numéro visuel juste avant l’entracte, bonbons esquimaux chocolats, et ensuite, le grand film.

avec André Hodeir

Pour les musiques de films, Crolla est associé à André Hodeir, le super intello de la musique, 3 prix de conservatoire et violoniste dans la lignée de Grappelli/Warlop. Ce que dit André Hodeir : «  On assistait à la projection, en sortant Crolla prenait sa guitare, et on avait la musique. » A partir du thème, Hodeir arrangeait, orchestrait, et c’est 50 musiques de films qu’ils ont co-signées, entre 1948 et 1960, en toute harmonie complice.

En 1952, il est aux côtés d’Yves Montand dans un film à sketches Souvenirs perdus où il joue son rôle de guitariste accompagnateur…  Première apparition sur un écran dans une fiction.

En 1954, Gilles Grangier les sollicite pour Gas Oil avec Gabin,  Jeanne Moreau et Roger Hanin. Ensuite, il y a aura plusieurs longs métrages, avec Brigitte Bardot en vedette, et des cours de guitare entre deux prises , puis un film  avec Marcel Camus, Os bandeirantes,  puis St Tropez Blues… et Le bonheur est pour demain, qu’il ne verra pas.
( Dans Orfeu Negro, Crolla joue le premier thème à la guitare.)

Voulez-vous danser avec moi ?

 

 

Parmi ces courts métrages, Léon la lune est sans doute le plus intéressant dans sa construction particulière : film sans dialogue, scénarisé par Robert Giraud, avec une jolie musique d’Henri Crolla, on suit ce personnage, le vrai Léon la lune, dans son quotidien, manger, trouver un endroit pour dormir… Il s’agit d’une ballade poético-réaliste avec la guitare sensible de Crolla pour l’accompagner.

Ce film a été primé plusieurs fois (Prix Jean Vigo) et beaucoup diffusé. Il a permis à Alain Jessua de préparer ses longs métrages avec une certaine sérénité. Léon la lune, ou La Journée ordinaire d’un clochard à Paris est sorti en 1956.

Il y aura une autre expérience du même genre, en 1958, film sans parole mais avec musique, La Faim du monde, un court métrage de Paul Grimault en commande de l’UNESCO pour l’exposition universelle . Scénario de Prévert, l’histoire de l’Humanité et la mauvaise répartition des richesses, rebaptisé « Le monde au raccourci. »

On retrouve l’esprit du cinéma des origines comme langage universel par l’image et la musique.

Dans son parcours de vie et d’artiste, Henri Crolla s’est de plus en plus rapproché du cinéma .

Avec Henry Fabiani, sur le tournage à St Nazaire

Enrico cuisinier est un moyen métrage de 1955/56, scénario de Paul Grimault et Pierre Prévert. – Montage par Pierre Prévert dans lequel il a le premier rôle, celui d’un personnage tendre et burlesque, poétique et iconoclaste qui pouvait préfigurer une série à la façon des Charlot ou Harold Lloyd, et c’est en comédien qu’il postule pour « Au bout la soupe » devenu « Le bonheur est pour demain », film tourné en 1960, dont il ne verra pas le montage final, il meurt juste après la fin du tournage. C’est le seul film où il n’a pas voulu faire la musique, uniquement comédien, dans le rôle de José, républicain espagnol et guitariste occasionnel à 4 mains avec le jeune Higelin.

Henry Fabiani, en 2003, témoignera de l’importance de sa présence sur ce tournage, avec cette magie Crolla qui créait des liens spontanés entre tous, quels qu’ils soient, artistes, techniciens, figurants…

Le film de Marcel Camus  » Os Bandeirantes »  est en partie illustré par  « Paris a le coeur tendre »  …

Quelques musiques dans des genres assez différents pour illustrer cette page cinéma,

Une parisienne

 

par Christiane Legrand 

 

 

Valse du balcon

 

Cette sacrée gamine: Jardin dans la nuit

 

St Tropez Blues

Et le thème principal du premier long métrage

 

  • En plus de   quelques apparitions dans des films dont il a fait la musique, Nino Bizzarri, cinéaste italien, lui a consacré un film en 2002, pour la Raï Uno Vie et mort d’un petit soleil tourné à Naples et Paris, avec les témoignages de Moustaki, Higelin, Colette Crolla, Patrick Saussois, Francis Lemarque, Martine Castella, Roger Boumandil… long métrage d’une heure et demie, présenté au Festival de Locarno, et récompensé par un Premio Asolo Miglior Biografia d’Artista a Piccolo Sole – Vita e morte di Henri Crolla en 2006.
  • Henri Crolla apparaît aussi dans le court métrage de Paul Paviot, tourné en 1958, en hommage à Django Reinhardt. ( Film dont Paul Paviot dit qu’il a pu être tourné grâce à l’entregent de Crolla.)

 

 

Norbert Gabriel

Filmographie musicale.

Les précédents chapitres

Henri Crolla 26 Février 1920
L’enfance de l’art de Crolla
Henri Crolla, et l’air du temps
Henri Crolla, l’enfant de Caruso et de Django

Entretien avec Olivier Daguerre, un artiste alternatif sous courant continu

23 Mar

 

En 2019, Olivier Daguerre sortait son septième album « 107 812 km/h » sous forme d’un livre-disque dans lequel ses chansons s’accompagnent d’illustrations de Sarane Mathis, réitérant par là l’expérience du précédent « La nuit traversée », paru aux éditions LimaO, qui alliait déjà à sa musique d’autres formes d’expression artistiques, picturale -du même illustrateur- et littéraire avec des textes de l’écrivaine Mély Vintilhac. Mais plutôt qu’une continuité creusant le sillon déjà exploré d’émotions parfois très sombres et douloureuses, « 107 812 km/h » s’est enfanté à sa suite comme une réponse par l’instinct de vie et l’impératif d’appétit pour l’existence, se colorant de pigments, pour chasser la noirceur des tragédies auxquelles l’humanité nous confronte. De pigments bleus notamment, en référence à la couleur de notre planète, au parcours de laquelle le titre de l’album fait allusion, ce chiffre correspondant à la vitesse à laquelle la terre avance sans dévier de sa trajectoire et sans repasser deux fois par le même point. Sans doute peut-on y percevoir une métaphore relative à la manière dont le chanteur, que nous avions eu le plaisir d’entendre au festival Musicalarue au concert des Hyènes avec Cali [Lire ici], conçoit, arpente, avale et vit son propre itinéraire artistique depuis ses débuts sur la scène Punk-rock des années 1990, dont l’esprit et le sens de l’urgence lui restent chevillés à l’âme, au sein du groupe Les Veilleurs de Nuit. Avec cet album, pour la première fois sur l’intégralité d’un disque, Daguerre porte, non pas ses propres textes, mais ceux de son complice Michel Françoise, enchâssés dans l’écrin de compositions musicales, où la chanson francophone se rythme et se nourrit de Folk sobre et de Blues-rock ventral envouté de percussions chamaniques ( « Essuie-glace », « Pigeon Vole », « Parc Opéra-Bastille ») ou de tourne entêtantes (« 1700 km h »), qui remue du fond des tripes jusqu’à un degré spirituel hypnotique aux accents (John Lee) Hookeriens (« Boulevard du monde »). « On peut tout voir à travers, de l’évidence au mystère » chante-il dans le titre « Colophane ». On y entend surtout le mystère d’une évidence : l’alchimie qui permet à Daguerre, à l’instar d’un Bashung, d’incarner et d’assumer les mots d’un autre auteur avec le même instinct que s’il les avait écrit lui-même. Les deux hommes étaient venus dernièrement à Bordeaux jouer ces titres dans l’intimisme du Théâtre l’Inox, pour une soirée bouleversante en co-plateau avec l’agenais Sylvain Reverte (qui avait participé avec Daguerre au conte « L’enfant-Porte » mis en musique par Michel Françoise et Francis Cabrel) [ Lire ici]. Si l’album parle de séparations (« Dans l’incendie », « Avalanches », « Dans l’œil du cyclone »), décline des instants de vies qui se croisent parfois plus qu’elles ne se partagent, incline la poursuite de ces mêmes vies après une étape ou une fin, et rappelle aussi la tristesse de constat pessimistes à travers la chanson « En pointillés », dont la thématique aurait pu s’inscrire parmi les autres titres de « La nuit traversée », et dans l’apaisante sérénité mélancolique de laquelle résonne un lointain et doux écho de « L’agriculteur » de Ridan, il se penche introspectivement sur ce qui émerge de ces épisodes, ces expériences, ces tranches de parcours qui nous enrichissent autant, sinon plus, qu’ils ne nous vulnérabilisent, et nous font grandir le long d’une existence qui se comprend avec d’autres perspectives.

 Chaque jour ta voix,
Ma voix ou d’autres voix
C’est la voix de l’amour…

chantait Edith Piaf dans « Les mots d’amour ». Et c’est à l’image de cette conviction que se trace depuis 3 décennies la route de Daguerre : à chaque album, que ce soit la voix de la détresse ou celle de l’espoir, la voix du deuil ou celle de la survie, la voix de l’anéantissement ou celle de la résilience, la voix de la souffrance ou celle de la joie, la voix de l’horreur ou celle de la beauté, c’est la voix de la vie qui chante dans le timbre de l’artiste, la vie qui « s’accroche et renait comme les printemps reviennent », pour paraphraser le titre des Cowboys Fringants « Les étoiles filantes ». Daguerre lui aussi file et brille, mais au contraire des météores, ne fuit pas, jamais amarré trop longtemps dans le même port, mais toujours encré avec fidélité dans ses engagements et dans l’intensité et la générosité avec lesquelles il sait dégainer les fils pour laisser jaillir l’électricité. Dernièrement en résidence, l’artiste alternatif sous courant continu, qui foisonne toujours de projets, nous accordait un entretien.

 

– Olivier, bonjour et merci de nous accorder cet entretien. La résidence que tu fais actuellement concerne-t-elle la tournée du dernier album ou un autre projet ?

Ce sont des projets annexes. Je participe à beaucoup de projets de collectifs d’artistes, suite à des rencontres que je fais, ou des demandes d’écriture. Là je suis musicien dans un spectacle pour une metteure en scène, qui fait un seul en scène. J’ai donc composé des musiques sur ses textes et j’interviens dans son spectacle comme musicien. Je fais pas mal de trucs en dehors de mon projet personnel ; il y a toujours trois-quatre projets en même temps. J’écris aussi pour le jeune public actuellement.

 

– A ce propos, Sylvain Reverte, avec qui nous t’avons vu jouer dernièrement au théâtre l’Inox à Bordeaux [Lire ici] participe beaucoup à des ateliers d’écriture, en milieu scolaire, hospitalier ou carcéral, en tant qu’intervenant et formateur, tout comme toi.  Qu’est-ce que ces interventions apportent à ton appréhension du monde et éventuellement ta façon de transcrire les émotions?

C’est un état d’esprit. On a ça en commun avec Sylvain. Je l’ai fait dès que j’ai été intermittent. Ça a un rapport avec la transmission de la passion pour l’écriture de chansons. Chez moi c’est lié à mon adolescence : la musique, c’est comme si ça avait un peu sauvé ma vie. Alors c’est un acte un peu militant au départ. Maintenant depuis quatre-cinq ans dans le cahier des charges culturel des institutions, tout est axé sur la formation et la transmission, autour de l’écriture, et tant mieux. Il y a de plus en plus d’artistes qui interviennent dans ce sens. Et plus personnellement on se sent vivant différemment de quand on fait juste des tournées. C’est chargé en émotions ; c’est un partage incroyable. Tu crées des choses avec des personnes inattendues, et ça montre que tout le monde  a quelque chose à dire, et souvent artistiquement, notamment chez les cabossés ou les laissés pour compte qui sont en échec scolaire. Et ce, que ce soit dans l’activité musicale, ou théâtrale, sculpturale, dessinatrice. Ça déclenche beaucoup de choses, et ça se vérifie, que ce soit en milieu psychiatrique, hospitalier, carcéral, associatif ou éducatif. Ça rejoint la passion, mais il y a quand même un acte militant ; c’est un engagement. Et puis égoïstement, ce que ça apporte humainement n’a pas de prix. On devient presque accro à ça, à ces situations où on est en hyper sensibilité et on reçoit beaucoup d’émotions. Au grand désarroi de Sylvain, notre voyage à Dubaï pour ça a été reporté à cause du virus. Je l’avais déjà fait par deux fois. Ce sont des ateliers qu’on fait dans des lycées français, mais avec des gamins qui peuvent être d’une douzaine de nationalités différentes et parlent donc plusieurs langues, et ont chacun leur parcours. C’est très intéressant aussi, mais c’est encore autre chose. Les Émirats sont un endroit où je ne serais pas allé de moi-même, s’il n’y avait pas eu un projet artistique comme ça.

 

– Le précédent album « La nuit traversée » était un album très sombre, et le dernier, sorti à sa suite, « 107 218 km/h » se remplit au contraire de beaucoup de couleurs, de bleu notamment qui est la couleur de notre planète, et réveille des appétits de vie. Etait-ce comme une nécessité de répondre aux émotions graves et noires du précédent par un sursaut de la vie qui reprend le dessus?

« La nuit traversée » était vraiment sur ce qu’on traverse et la façon dont on sort la tête de l’eau. C’est nourri des personnes que j’ai pu croiser dans ma vie, et d’expériences personnelles aussi. Mais on avait ça en commun, cette force ou ce courage, qui fait que la vie l’emporte à chaque fois. Alors c’était un peu noir, et la transition était cette prise de conscience qu’une fois qu’on a relevé la tête, il n’y a plus de temps à perdre. C’est pour ça que « 107 218km/h » était tout bleu et qu’il comportait cette notion de vitesse avec ce chiffre particulier. Pour dire qu’il fallait bouffer la vie, mais de quelle façon ? Pourquoi ? L’album interroge là-dessus aussi.

 

– Ce chiffre précisément est celui de la vitesse à laquelle la terre se déplace sans dévier de sa trajectoire et sans repasser deux fois par le même point. Y a-t-il une dimension symbolique de ta façon de concevoir et de vivre la création musicale et ton métier?

Oui. Encore une fois c’est très personnel. C’est-à-dire que c’est mon mode de vie aussi, et que ça fait trente ans que je vis comme ça. Il y a un côté bohémien, et dans les projets, et dans les personnes que je fréquente, même si j’en croise que je ne reverrais jamais de ma vie, mais avec qui il y a toujours des choses très intenses. J’ai la chance de beaucoup voyager. Et plus tu bouges, plus tu vois que rien n’est immobile. Je suis toujours à la recherche de cette notion du vivant. Et chaque fois tu prends une sacrée leçon de personnes qui ont une force incroyable par rapport à ça. Même si nous restons immobiles et qu’on ne fait rien, il faut savoir qu’autour de nous, ça bouge. Il faut bouger, être curieux, savoir écouter, aller à la rencontre, surtout de nos jours. Ça parle de liberté à ce niveau là ; c’est la seule chose qui nous reste un peu. Alors ça parait naïf, mais je crois quand même à ça.

 

– Les textes du dernier album ont été écrits par Michel Françoise, ton complice de longue date. Toi qui es auteur, pourquoi avoir décidé de laisser la plume et les mots à un autre pour cet album?

Michel a écrit tous les textes et moi les musiques. C’est la première fois que je travaille comme ça, ce qui est super, parce que ça me permet de ne jamais vivre la même chose artistiquement. Ça me casse de toute routine. Lui m’avait envoyé plein de textes ; par contre j’avais carte blanche pour retoucher les textes, comme c’est moi qui les interprète. Il a accepté cette souplesse là. J’ai pu choisir et retoucher les textes, car il fallait quand même que ça me corresponde. C’est ce qui est génial dans l’échange. Et pareil pour les musiques que j’ai composées : c’est lui qui a fait tous les arrangements. C’est comme si on avait tout co-écrit à deux, et c’est super de travailler en binôme ; c’est la première fois que je le fait de A à Z sur un album complet. C’est un travail vraiment artisanal de création à deux. Je n’aime travailler que comme ça. Le mot « artiste » est souvent ampoulé. Je pense que nous sommes des artisans.

 

– Peut-on établir un parallèle avec la façon dont Alain Bashung, qui était aussi lui-même auteur,  travaillait avec d’autres auteurs, dont les textes lui allaient pourtant comme un gant si on peut se permettre l’expression?

Carrément! J’ai eu la chance de travailler aussi avec un des auteurs de Bashung, Jean Fauque, qui avait bossé sur les albums « Osez Joséphine », « Chatterton » et puis « Fantaisie Militaire » entre autres. J’avais rencontré Bashung une fois et on avait discuté de leur façon de travailler. Et Bashung travaillait comme ça avec les auteurs, c’est-à-dire qu’il remalaxait -il y a d’ailleurs une chanson qui s’appelle « Malaxe » qui parle de ça-, et il avait carte blanche de ses auteurs qui savaient comment il fonctionnait. Et en tant qu’interprète pour s’accaparer les mots, il intervenait soit dans une façon de réorganiser le texte, ou juste de saupoudrer quelques mots. C’était toujours l’auteur qui était au service. Effectivement c’est un artiste parmi d’autres que j’adore, et on a ça en commun avec Michel Françoise.

 

-« 107 218 km/h » est le deuxième album que tu sors sous la forme de livre-disque, accompagné d’illustrations de Sarane Mathis et aussi de textes. Est-ce d’avoir gouté à ce concept qui t’a donné envie de réitérer l’expérience ?

J’ai rencontré l’éditrice Fany Souville, qui venait de créer sa maison d’éditions, après qu’elle m’ait contacté pour un tel projet. Mais dès le départ je voulais partir sur l’idée d’un triptyque de trois bouquins qui auront tous le même format, et je voulais travailler avec le même illustrateur, et avec un ou une écrivain(e) différent. Il y a eu ça dans « La nuit traversée », mais pas dans le « 107 218 km/h ». Mais Michel l’a chapitré, avec des textes très courts, hors chanson. Actuellement je prépare le troisième qui sort en 2021, qui sera du même format que « La nuit traversée » et le « 107 218 km/h ». Il est déjà écrit et enregistré, et sera complètement différent, mais toujours illustré par Sarane Mathis. Je travaille dessus avec une écrivaine qui va, elle, écrire une nouvelle inspirée des chansons. Et puis ce sera par la suite décliné en coffret des trois bouquins. Tu auras donc la rencontre des trois entités artistiques avec un peintre, une écrivaine, et des chansons.

 

– Ne craint-on pas, lorsqu’on se lance dans un projet de proposer des images, accompagnant des chansons, de les imposer à l’imagination des auditeurs et de peut-être la brider, en les empêchant de se créer leurs propres images à partir des chansons, comme lorsqu’on réalise un clip vidéo?

A la différence des clips, dans un bouquin ou face à un tableau, tu as une seule image qui correspond à un texte. L’idée que j’avais de ce système de livre-disque, c’est que tu peux le feuilleter sans écouter la musique, tu peux même ne rien lire et regarder uniquement les images. Que ça influence des personnes, ça ne m’obsède pas. Je ne me suis pas posé cette question là. C’est quelque chose sur quoi on s’interroge plus quand on fait un clip, parce qu’un clip accompagne la chanson de A à Z avec plein d’images. Là tu as une proposition artistique de l’illustrateur, qui, lui aussi, avait carte blanche pour peindre ce qu’il voulait.

 

– Le titre « Rubicon », plus de par son ambiance musicale que par le texte vraiment, fait inexorablement penser à la chanson « Le labyrinthe » de Laurent Le Larron, qui est aussi un familier des collaborations avec l’équipe d’Astaffort et l’association Voix du Sud, comme toi. Est-ce un clin d’œil intentionnel ou un hasard?

C’est un hasard. Mais ça arrive souvent. On en parle entre chanteurs quand on se croise, ou même quand on créé quelque chose et on se dit que ça ressemble à mort à un truc qu’a fait Bob Dylan ou à un morceau des Stones ou de Bernard Lavilliers. Inconsciemment il y a des univers, des productions, des mélodies ou des façons de construire une chanson qui se répètent. Il faut avoir la modestie de se dire qu’on n’invente jamais rien réellement. C’est plus une façon de livrer une émotion à un instant T. Que la chanson évoque Le Larron, je n’y avais pas pensé, mais ça ne me surprend pas. Parfois on rencontre d’autres auteurs, ou on se rencontre soi-même sur d’autres chansons. Parfois je m’en rends compte huit mois après, que ça ressemble à Dylan, à Saez ou à un autre. Il arrive même que ça créé un frein quand on se rend compte qu’on a composé un truc qui ressemble vraiment trop à ce qu’on a déjà fait ou que d’autres on fait. On se dit que là, on est sur une fausse piste, qui rappelle trop quelque chose qui existe déjà.

 

– En parlant de Saez, c’est en première partie de son concert de Seignosse en 2005 que je t’avais découvert. En as-tu gardé un souvenir marquant?

Mais je croise beaucoup de gens qui m’avait découvert ce soir là, et ça fait vraiment plaisir, parce que c’était quasiment notre premier concert.  

 

– Y a-t-il dans le refrain de la chanson « L’œil du cyclone » une référence au poème de Paul Eluard « Liberté » ?

Il y a un petit clin d’œil. On en a parlé, parce qu’à un moment Michel et moi travaillions sur des poésies, mais chacun de son côté, et quand j’ai vu passé ce texte, ça me l’a évoqué.

 

– Lors de ton concert au Théâtre l’Inox à Bordeaux, une amie, Kate Beans est venue sur scène interpréter avec toi « De l’ivresse », pour un duo improvisé très spontané. Qui est-elle ?

Elle est professeur de musique dans un collège. Je l’avais rencontrée, car on fait des formations pour les enseignants à Astaffort, où ils viennent éprouver ce que vont vivre leurs élèves lorsqu’ils font venir un artiste intervenant pour créer des chansons. Et je suis allé ensuite deux fois à son collège à Lacanau travailler avec elle, ses élèves et deux professeurs de lettres. On a sympathisé. Parfois tu as des professeurs comme ça qui chante en dehors de leur métier d’enseignant, à côté, et qui ont une certaine folie qui fait du bien par rapport à l’éducation nationale. Elle rêvait de chanter cette chanson à l’arrache, puisqu’on n’avait rien répété, et je lui ai proposé de profiter du concert pour chanter ce morceau en duo. C’était complètement improvisé ; ça s’est fait naturellement.

 

– L’interprétation scénique chez toi frappe toujours par un magnétisme animal qui se libère et l’intensité d’une énergie qui attrape immédiatement les concerts, dès la première chanson, dès le premier mot même. Est-ce que cette impression correspond à la façon dont tu vis la scène ?

C’est surtout comme ça que je conçois la scène. C’est entier dès que je monte sur scène. On vit beaucoup avec le corps, qu’on bouge ou pas. Et ensuite ça monte au cerveau. Le côté animal dont tu parles, c’est ma façon d’appréhender la scène et de le vivre et de ressentir le plaisir, et de tout livrer comme ça. Après les gens se servent ou pas. On ressent vraiment le public, alors que souvent on ne le voit pas, mais on ressent cette présence. C’est ça qui est fou. Alors ça peut déranger aussi certaines personnes dans le public, ce côté physique. Ce n’est pas réfléchi. En fait j’étais comme ça dès le début, quand j’ai démarré, sur la scène Punk-Rock. Il y avait déjà cette violence. On jouait chaque morceau comme si on allait mourir au prochain titre. Il y avait cette urgence physique où tu te donnais entièrement. Alors c’est vrai que je conçois la scène ainsi, mais ça vient du parcours que j’ai eu, et tient à la façon dont je me suis construit. Je pense que je ne pourrais pas le vivre autrement. Je ne sais pas si ça correspond à la scène de fin des années 80, parce que j’ai démarré à cette période avec cet esprit là. Peut-être si j’avais démarré plus tard ou dans d’autres conditions, je n’appréhenderais pas la scène de cette façon. C’est comme une recherche de l’absolu, d’être le plus généreux possible. Un concert c’est comme un échange. On a la prétention de monter sur scène, de livrer une émotion, par l’écriture, la musique, la mélodie, mais je trouve que le corps est très important.

 

– Revenons à l’album « La nuit traversée ». La chanson dont le titre lui donne son nom évoque évidemment le sort des réfugiés lancés à la traversée de la Méditerranée pour rejoindre nos côtés européennes, mais l’album se construit autour d’autres chansons qui abordent des traversés intimes d’épreuves personnelles. Pourquoi cette métaphore qui établi des parallèles entre ces combats de natures différentes ?

Le titre « La nuit traversée » est effectivement une chanson sur les migrants. C’était l’axe. Pour moi ce qui se passe est le pire truc du XXI ème siècle. C’est insupportable ; on se sent vraiment impuissants. J’ai rencontré plusieurs migrants, et suite à leurs témoignages, voyant la force qu’ils avaient d’avoir traversé ce qu’ils avaient vécu, cette chanson a été le démarrage de tout. Et après le thème de cette première chanson est ce qui a déclenché le reste. Je n’allais pas faire un album entier sur les migrants. Mais leur exemple était le cas le plus extrême de la façon dont on relève la tête quand même, et à quel prix. D’eux-mêmes, eux regardent devant ensuite. Alors les autres chansons parlaient d’autres personnes, d’autres histoires, mais il y avait en commun cette question de traverser des épreuves et de relever la tête, que ce soit suite au deuil, à la maladie, à la mort, à toutes les écorchures qu’on peut tous avoir en nous.

 

– N’était-ce pas une thématique déjà présente dans une de tes premières chansons, « Les plaies ouvertes », enregistrée sur l’EP « Ici je » et par la suite sur l’album « Le cœur entre les dents », qui raconte les douleurs et les traumatismes d’une vie de femme confrontée à des abus ?

– « Les plaies ouvertes », c’est pareil. C’est hélas toujours d’actualité. J’ai tellement eu d’amies qui avaient vécu des viols, des attouchements, des violences. Ça rejoint le thème de « La nuit traversée » : il s’agit de personnes qui ont un courage incroyable. Ce sont tout le temps des femmes. Alors je n’aime pas trop le mot, mais j’ai toujours été féministe à mort, à cause de ça. Depuis tout petit je ne comprenais pas le sort qu’on peut te réserver, parce que tu es une fille. Et je ne comprends toujours pas la négation de ce droit d’être, de disposer de son corps la tête haute. C’est quelque chose qui me poursuit toujours et qui a toujours accompagné mon écriture. Cette chanson « Les plaies ouvertes » en fait partie, et elle concerne des gens très proches, que je côtoie toujours ou qui ont disparu. Mais c’est une chanson que je ne chante plus aujourd’hui. Il y en d’autres qui ont pris le relai.

 

 

Miren Funke

Photos : Miren à l’Inox de Bordeaux, sauf (2) Carolyn C à Musicalarue, Luxey

 

Liens : Daguerre : http://www.daguerre.mu/

LamaO editions c’est là –>

 

 

Lili&Thierry et moi et moi …

7 Mar

Novembre 2008 Olympic Café Paris 18

Qui ai-je poursuivi de mes assiduïtés photographiques pendant 12 ans dans plus de 15 salles parisiennes, et parfois plusieurs fois dans le même Ciné13/Théâtre Lepic.. De l’Olympic Café, au Lavoir Moderne Parisien à l’Olympia en passant par le Limonaire et le Café de la Danse, l’Espace Jemmapes, la Boule Noire et les Trois Baudets, le bateau El Alamein et le Zèbre de Belleville, l’Européen, le Musée des Arts forains…

La réponse est dans la photo … Je suis amoureux de ces deux-là, de leur talent qui rend heureux les spectateurs qui les suivent ou les découvrent. Et ça a commencé en 2008 …

Nov 2008 Revue web Le Doigt dans l’Oeil.

Il en est des spectacles comme ces arrêts de train, dans un gare inconnue, où on passera un moment agréable, mais assez vite oublié. Et puis, il y a les étapes qui marquent le souvenir d’un cachet particulier, d’une tendresse ou d’un bonheur qui restent vivants, brillants. Qui continuent à scintiller sans éclipse. Comme cette soirée à l’Olympic Café, avec Lili Cros et Thierry Chazelle. Ils me rappellent un proverbe italien «un plaisir partagé est-il un demi-plaisir ou un plaisir double ?» ici le plaisir double est multiplié par celui de chaque spectateur, et ça donne un résultat impressionnant. Pas besoin d’un maelstrom d’instruments sur-amplifiés pour envoyer une énergie revitalisante, de beaux textes, des musiques de qualité, et deux artistes qui jouent, à tous les sens du terme, leur double plateau mélangé. A tel point qu’on a du mal après cette soi-rée, à les imaginer séparés, je veux dire en spectacle solo. Mais c’est possible, ils le démontrent avec leurs deux albums qui sont disponibles depuis quelques jours, avec une vidéo très drôle, qui a emballé les internautes, la preuve : Ce petit film a été classé dans le Top You Tube des vidéos musicales. La semaine de sa mise-en-ligne, elle a atteint le 23e rang mondial, pas mal pour une première vidéo faite en WebCam !Leur parcours a été exploré (en partie) dans un entretien (voir LDDLO N°20 Avril 2008 pages 27/28/29 ) où l’on peut vérifier que tout est atypique dans leur démarche, mais avec une belle série de bonnes idées, innovantes, on trouve un public, on réinvente son métier de saltimbanque en oubliant les sentiers rebattus, en explorant et proposant de nouvelles voies, avec un zeste d’audace, et en faisant confi ance au public ( par exemple, envoyer un album que le destinataire payera si ça lui plait, étonnant, non ? si vous pensez que le music-hall est sclérosé, et englué dans des vieilles habitudes usées, je vous invite à aller voir cet entretien, c’est passionnant.) Et bis repetita placent, comme disait Jules Cesar à Cléopatre (un autre duo célèbre), on les retrouve, Lili et Thierry, pas Jules et Cléo, début décembre au Lavoir Moderne Parisien, rue Léon, à deux pas et demi de Château Rouge pour les habitués du Métropolitain.

Norbert Gabriel

 

Lettre de madame de Sévigné,

De Marie Rabutin-Chantal de Sévigné, à ses aimables amis de France et de Navarre, le 14 Janvier 2016

Mes biens chers et tendres amis,

Je m’en vais vous conter la plus délicieuse des soirées qu’il m’a été donné de vivre en notre bonne ville de Paris. La plus charmante, la plus musicale, la plus spirituelle, la plus réjouissante, la plus enthousiasmante, la plus amimusicale, la plus aimable, j’en suis toute ébaubie d’émerveillements, et je veux vous en entretenir séance tenante afin que vous puissiez, vous aussi, vous en régaler.

Suite ci-après clic sur la scène –>

 

Avec quelques pages retrouvées ici ou là, il me semble voir une certaine constance dans mes verbiages, ils sont comme qui dirait « hip hip hip hourra » dans toutes leurs aventures musicales, et pour clore, provisoirement les chroniques de louanges, une photo, un peu coup de bol, à l’Olympia,

Et pour quelques pages de plus retrouvées dans les tiroirs, fautes de frappe vintage ..

 

Et c’est en photos, au fil du temps qu’on les retrouve…  Peau neuve ou pas, ils restent toujours aussi lumineux.

 

Les mercredis au Théâtre Lepic et un peu partout en France, demandez la feuille de route

Clic sur la roulotte–>

 

 

 

 

Lis, persiste et signe, Norbert Gabriel

Henri Crolla et la chanson…

6 Mar

 

Dans les années d’après guerre Henri Crolla est un des jeunes musiciens qui apportent  un souffle neuf ( voir ICI ) dans le jazz français. Et pourtant, une rencontre l’embarque dans une épopée chanson qui durera plus de 10 ans. Jacques Prévert a dans ses carnets « La chanson des cireurs de souliers » et il a envie de la proposer à Yves Montand…  Montand qui se reconstruit après sa séparation d’avec Edith Piaf. C’est à la fois un entourage et un répertoire qu’il doit revoir. Bob Castella, une pointure du piano jazz est son premier compagnon de route, il le sera toute sa vie, d’une fidélité sans faille. Mais à ce moment, il est simplement le chef d’orchestre pressenti. Prévert demande à Crolla de faire la musique pour «  La chanson des cireurs de souliers » un de ses textes particulièrement difficile, c’est un petit film, avec plusieurs scènes et Crolla mettra 8 mois à finaliser la musique. Les voici chez Montand, Castella au piano, Montand essaie et est enthousiasmé par le résultat, la chanson est adoptée. Mais … mais quand il demande leur avis à Prévert et Crolla, Crolla dit: « c’est bien, mais vous n’êtes pas toujours en mesure, et parfois pas très juste… » Quand on découvre cette chanson la première fois, la plupart des chanteurs risquent bien d’avoir les mêmes problèmes, c’est acrobatique ! La réflexion jette un froid, on se quitte là-dessus, mais Montand est intrigué par ce petit italien qui n’a pas la langue courtisane et il le rappelle le lendemain. C’est le début d’une amitié presqu’amoureuse entre ces deux ritals nés dans des familles pauvres, qui ne sont pas allés à l’école très longtemps, et Montand avec son complexe de prolo sans grande culture, trouve en Crolla le passeur qui l’emmène chez les « intellos » comme Prévert et sa bande, car pour Rico/Riton, ces gens sont une autre famille, il n’a pas de complexe particulier, il sait d’où il vient, il sait qui ils sont, mais ils se sont adoptés. Et ils s’aiment. Sans réserve et pour la vie.

 

Montand venait de passer ses deux premières années de jeune vedette avec  des orchestres  importants.  Changement de style, on peut noter la sobriété et la délicatesse du duo piano guitare dans plus de la moitié de la chanson, ce qui marque un total changement avec les précédents accompagnements des big-bands , là c’est de la dentelle finement travaillée, et c’est avec ce groupe resserré de 5 musiciens que Montand réinvente le music-hall, la formule quintette piano-guitare-accordéon-batterie-contrebasse va devenir un standard dans les tournées. Il faut noter aussi que Montand a proposé à Prévert de modifier la fin, en éludant les 8 derniers vers* qui terminaient sur une note triste. C’est la version Montand qui est devenue la chanson déposée à la Sacem, et de ce fait, on ne sait pas comment Crolla avait terminé la musique … Comme dans « Les feuilles mortes » Montand a souvent proposé aux auteurs des modifications, pas du texte, mais l’ordre des strophes, ou mettre en intro des vers situés plus loin dans le texte. Et il avait le plus souvent raison.

Photo DR.

Henri Crolla a composé 15 chansons du répertoire Montand, en 10 ans de compagnonnage musical, dont Sanguine, autre exercice de style délicat, que Montand a toujours gardé dans ses tours de chant.

Ensuite, au gré des rencontres avec d’autres auteurs une vingtaine de chansons, pour Mouloudji, Marcel Amont, Isabelle Aubret, et Edith Piaf, avec Cri du cœur, enregistré dans des conditions difficiles. En 1960, Piaf est malade, à l’hôpital, quelques jours avant Simone Signoret l’a appelée et elle lui signale Cri du cœur dont Crolla a fait la musique. Piaf ne voulait plus chanter Prévert, car « ses chansons sont plus fortes que la chanteuse. » Néanmoins, Simone est de bon conseil, Crolla est un copain, un vrai copain, elle a souvent passé des soirées au restaurant ou chez elle, avec Colette et Henri, uniquement eux, et on convient d’une date pour enregistrer. Chacun sait que la vie est courte et dans leur cas, l’échéance est proche, 6 mois pour Crolla. Le 20 Mai 1960 Edith arrive au studio place de Clichy en ambulance, elle commence avec ses musiciens, ça ne va pas, et c’est en voix-guitare, celle de Crolla qu’elle enregistre, un cas unique dans son histoire musicale ..

 

Dans son rapport à la chanson, Henri Crolla avait tenté  un essai avec Mouloudji pendant la guerre,  dans les cabarets en duo, mais le temps ne se prêtait pas à la délicatesse de « Papillon de Norvège »,  il y a eu aussi le duo improvisé avec Yves Robert, la première interprétation radio des « Enfants qui s’aiment »; le film vient de sortir, et pour une émission de radio en direct on attend Fabien Loris (qui chante dans le film) mais il est introuvable, et Yves Robert embarque Crolla et  sa guitare, pour cette interprétation en direct… C’était en 1946.

1954, Montand fait une pause cinéma, Crolla retourne au jazz, enregistre, et dans le couloir du studio voisin, il entend une jeune chanteuse qui grave son premier album, il s’arrête, écoute, et propose de faire la deuxième guitare… Nicole Louvier aura donc sur ses premières chansons la guitare du « prince des accompagnateurs » (selon Philippe Meyer).  Comme un ange qui passe dira-t-elle …

Il y a d’autres histoires, terminons sur une note tendre, en 1958, Crolla a mis en musique un texte de Simonin Monsieur P’tit Louis, pour Edith Piaf, et comme chaque fois qu’il compose, il fait écouter à tout son entourage pour vérifier que ce n’est une sorte de plagiat involontaire… Et Colette Chevrot** lui fait remarquer: « votre musique ressemble à celle de Georges Moustaki » lequel n’est pas très connu à l’époque, il vit dans un modeste hôtel et en rentrant d’une petite tournée, l’hôtelier qui fait office de secrétaire téléphonique lui signale qu’un certain Crolla a appelé plusieurs fois, et justement, le téléphone sonne, c’est Crolla, « je viens vous voir c’est important » Il arrive, explique, on compare les musiques, il y a bien quelques notes mais pas de quoi crier au plagiat, dit Moustaki. Crolla insiste pour partager les droits. Moustaki était un admirateur de Crolla et sa guitare depuis les années 51/52, depuis Actualités, l’après midi tire à sa fin, ils sont bien, et pour prolonger, Crolla invite Moustaki à le suivre chez une amie chanteuse, Edith Piaf, pour remettre la fameuse chanson… La suite, vous devez savoir.

Dernier détail assez drôle, Moustaki m’avait demandé d’où venait ma passion Crolla, c’était par Actualités et le son de cette guitare, qui pendant des années m’a fasciné, au point d’effacer mentalement la voix de Montand pour n’écouter que la guitare.. Et là, Jo me dit: « Je faisais la même chose à Alexandrie.. » Un petit truc qui crée un lien particulier, presque secret ..

 

En 1959, il croise un jeune comédien, l’incite à s’orienter vers la chanson, et lui donne quelques cours de guitare. Grâce auxquels quelques années plus tard, Moustaki l’entend et  » mais tu joues comme Crolla »  et Higelin devint le guitariste de Moustaki en 62/63.

Henri Crolla a toujours été un passeur, un homme de rencontres, de partages, et 60 ans après sa mort la magie Crolla agit encore.

 

* La fin de la chanson des cireurs de souliers,
Mais la chanson du Noir

L’homme blanc n’y entend rien
Et tout ce qu’il entend
C’est le bruit dans sa main
La misérable bruit d’une pièce de monnaie
Qui saute sans rien dire
Qui saute sans briller
Tristement sur un pied

 

** Colette Chevrot, une chanteuse de caractère de la famille Canetti, le caractère , c’est pour les chansons, et aussi pour la guitare qu’elle a fracassée sur la tête d’un lourdaud qui avait dépassé les limites de l’acceptable dans ses réflexions dipsomanes…

 

 

 

Norbert Gabriel

 

Les précédents chapitres :

Henri Crolla 26 Février 1920
L’enfance de l’art de Crolla
Henri Crolla, et l’air du temps
Henri Crolla, l’enfant de Caruso et de Django

Michel Korb Lemarque à l’Essaïon..

3 Mar

 

Dans les chansons de Francis Lemarque, on trouve toujours en filigrane le regard malicieux et tendre d’un gavroche de la rue de Lappe, jamais résigné, il ne capitule jamais devant les arias du quotidien, et les escamote d’un revers de casquette parce que demain est un autre jour, et le début de quelque chose qui pourrait être bien. Quand il voyage c’est pour rendre visite à son copain d’Pékin, et moi, du haut de mes 10/11 ans, j’ai visité Pékin avec lui. Pas mal d’années plus tard j’ai refait ce voyage, sans nostalgie doucereuse, avec Michel Roland et Romain,  comme avec des copains de cour d’école, ou de parties de billes, qui ont chanté et joué avec cette grâce dépouillée de tout artifice, pour mieux entendre les mots et la musique… L’accordéon et l’accordina de Romanelli, la guitare de Vuillemin se sont fiancés pour mettre le juste décor musical, pour illustrer avec tendresse et sourire ces paysages du Paris de légende, de Prévert et Doisneau… ou de Paul Grimault (Le Roi et l’oiseau) ou de Trauner tant les belles lumières composaient des tableaux colorés d’une qualité rare, en parfaite harmonie avec le lieu..

Dans cette série de spectacles qui vous attendent les lundis et mardis jusqu’au 24 mars, un inédit, une chanson de Francis Lemarque pour le film Alexandre le bienheureux, et rappel gourmand, si j’ose dire, la chanson de Romain Didier , «Chante moi Mathilda.. » Salut monsieur Romain,

Michel Korb raconte Francis Lemarque en quelques anecdotes qui esquissent bien l’homme profondément humain, et il le chante avec ce talent des bons interprètes qui mettent en avant les chansons, sans effets inutiles, la voix est impeccablement posée sur ces chansons-cinéma qui font surgir une farandole d’images de Paname d’hier dont il reste des traces, au moins dans la mémoire du vent …

Pour le beau duo guitare accordéon vous en avez un aperçu ici

et quelques anciens y trouvent un écho de Crolla et Balta accompagnant Montand..

Et valsez avec Mathilda … pour remercier Francis Nathan Korb Lemarque …

Avec toi Paris a d’la voix
Y’a pas un bal Musett’ où elle ne chante pas
Avec toi les accordéons
Ont tous une fossette au milieu du menton
Si t’as chanté plus les faubourgs
Que les rues de Passy ou celles de l’Opéra
C’est qu’on y parle mieux d’amour
Et qu’le coeur de Paris n’est pas là ou l’on croit

C’est à l’Essaïon, à 19H 15 précises, on réserve ici–>  clic sur le rideau

Norbert  Gabriel

Henri Crolla, et l’air du temps…

3 Mar

 

C’était un temps peu raisonnable, années folles d’après guerre qui ne savaient pas que le pire pouvait arriver…

C’était un temps de musiques neuves, l’enfant jazz avait grandi, l’adolescent avait explosé en rag-time, en Dixieland, et son prophète s’appelait Louis de la Nouvelle Orléans.

Louis Armstrong, archange nègre dont la trompette bouleversa le monde.

Cette musique inventée par les esclaves pour ne pas mourir de désespoir charriait dix mille ans de la vie des humains .

Au commencement du tempo était le work-song, chant de travail dans les champs de coton ou de canne à sucre, puis vint le cantique religieux.

Du cantique biblique revu et arrangé par les polyphonies et les rythmes africains, naquit le negro spiritual au 19 ème siècle, puis les Evangiles du Nouveau Testament générèrent le Gospel au début du 20 ème.

Du mélange de la gamme pentatonique africaine et de la gamme heptatonique européenne, naquit le blues.

Puis vinrent le rag-time, et le swing, puis le be-bop, enfin le rock, énergumène turbulent à la musique sommaire mais remuante, rejeton ingrat ignorant parfois ses grands parents spirituels.

Cet enfant métis, le jazz, a marqué le siècle de son big bang harmonique, formidable bouillonnement créatif, musique faite par le peuple pour le peuple et flamboiement populaire face aux musiques savantes et écrites.

Il y eut un soir, il y eut un matin, il y eut de la musique et Satchmo vit que celà était bon.

Il chanta « What a wonderfull wordl » ce mirage américain qui a fasciné les générations de 1920 à 1960. Chaque adolescent se voyait pionnier dans ce Nouveau Monde où Mac Disney, John Wayne,  Johnny Walker , Coca Cola et Hollywood nous montraient l’Eden USA technicolor, but White only for Uncle Tom in American Way of life.

  • – Oncle Sam, c’est loin l’Amérique ?
    – Tais-toi et rame et chante, It’s a long way to Kansas City, it’s a long way to go

 

Il y eut Mamie Smith, la première voix enregistrée du blues en 1920, il y eut Ella scat* et swing, et sa voix comme un instrument naturel fait pour le jazz, et Mahalia Jackson, la mystique qui chantait « The Good Book » uniquement dans les verts pâturages du Seigneur.

Il y eut Billie Holiday, Bessie Smith, sublimes et pathétiques déesses brunes de la rue et des ghettos de Harlem . Et il y eut de « Strange fruit » dans les arbres du Vieux Sud.

A l’Ouest d’Eden, les bons indiens étaient des indiens morts. Notre Far West d’Hollywood avait les couleurs de larmes et de sang, sous les images en noir et blanc.

Il y eut d’autres jours et d’autres lunes et le roi Django voyagea sur les nuages d’un manoir de rêve en forme de verdine manouche.

Et un petit italien Enrico Crolla vit le soleil de Naples.

C’était un temps pas raisonnable… Années folles de rage de vivre encore et encore … On dansait de dépression 29 en embellie 36, les pieds dans la boue et les yeux pleins d’étoiles, la tête dans un ciel où chaque clou d’or ponctue un cri, comme une cicatrice, un espoir, un chemin..

C’était un temps à peine croyable, Guernica et la java, comme naguère le Rwanda et la Lambada, on dansait sous le volcan… Comme aujourd’hui, on dansait …

Honte à celui qui chante quand Rome brûle ?
Elle brûle tout le temps …**

* Scat: au cours d’un enregistrement, Louis Armstrong oublie les paroles et improvise en scat, qu’il vient d’inventer impromptu. Pour mémoire quand on grave une cire dans ces années 78 t, tout le monde est autour du seul « micro », c’est une seule prise de 3 mn, temps imposé par la galette , d’où le standard de 3 mn pour la chanson par exemple.

** Georges Brassens

Mais quand même…

 

Norbert Gabriel
Les ballades de Crolla

Henri Crolla, l’enfant de Caruso et de Django …

2 Mar

Mandoline napolitaine

Hasard ou presque, Enrico Crolla nait à Naples, le 26 Février, quelques années avant naissait Enrico Caruso*, le 25 Février… Naples,  patrie de la ritournelle emblématique O sole mio **, dans une famille de musiciens qui faisaient les belles soirées des grandes brasseries de Bavière et d’Allemagne. Et dès sa petite enfance, avec la mandoline ou le banjo-mandoline, ce sont ces airs populaires qui le nourrissent et le poussent à ensoleiller les rues de Paris. Dès 8 ans il fait l’école buissonnière pour faire la manche, et ça lui plait. Un air guilleret, trois passants qui s’attardent, et le spectacle est là. Et les pièces tombent dans la casquette ou le béret.

Bien qu’ayant été un proche de la famille Reinhardt, par la proximité dans la zone de la porte de Choisy, et par amitié – la mère de Django le considère comme un de ses enfants – c’est en 1936 qu’il découvre la musique de Django … Quelques années avant Rico a été adopté par la contre-bande de Prévert, et il a une chambre chez Paul Grimault, près de la Porte d’Italie. Là, il devient Riton, il devient aussi guitariste, car on lui a fauché son banjo, et Paul Grimault lui donne une guitare. Chez Grimault, grâce à Emile Savitry, on écoute souvent le QHCF, ce quintette qui invente un nouveau jazz typiquement européen, cette musique riche et tonique qui fait swinguer les âmes …

 

En deux ans le jeune Riton va devenir Henri Crolla, guitariste très en vue dans les clubs de jazz,  rue Delambre, au Schubert, où passent les grands jazzmen, Coleman Hawkins, Benny Carter, Bill Coleman, et Gus Viseur avec qui il fait une tournée. Et en 1939, il rencontre SA guitare, la Maccaferri Selmer N° 453, la Ferrari des guitares dans le jazz français.***

Jeune vedette , il  a 18 ans, le studio Harcourt  lui tire le portrait.

Crolla était admiratif de Django jusqu’à la dévotion devant un dieu qui le paralysait (quand il « devinait » que Django descendait l’escalier de la salle où il jouait, il posait la guitare, et c’est en 1947 que Django l’entend  sur le 78T Grand Prix de l’Académie du Jazz) mais il n’a jamais copié le style Django. Selon André Hodeir sa musique est une fusion entre le classique et le jazz. Avec cette touche particulière « la sixte napolitaine » **** José Artur a trouvé les mots justes qui définissent bien Crolla «  une désespérance élégante » ajoutée à un humour entre autodérision et narquoiserie à la Prévert. La sixte napolitaine étant la bande son ..

La guerre interrompt en partie son parcours de jazzman, mais en 1947, le Trio Chauliac, Crolla, Soudieux est récompensé par le Grand Prix évoqué précédemment. Et Django entend enfin comment joue le petit frère guitariste.  En 1946 pour les jam-sessions in Paris, Crolla est dans l’orchestre réuni autour d’Alex Renard, avec Hubert Rostaing, Léo Chauliac, Roger « Toto » Grasset, Lucien Philip, Harry Perret,  Arthur Motta, dans la jam sessions n° 4. Cette session fait partie d’une série de 25 réalisée par Charles Delaunay, à destination des USA pour y promouvoir le jeune jazz français d’après guerre.  « …  la séance permet en outre d’écouter la belle guitare d’Henri Crolla dont la discrétion n’a d’égale que la musicalité.. » dit Pierre Carlu, très grand amateur de jazz, connaisseur incomparable de la musique « swing » et consultant émérite chez Frémeaux.

La période suivante, de 1947 à 56/57, ce sont les années music-hall, on y reviendra, mais le jazz est toujours là, pour la réouverture du Club St Germain, en 1954, c’est Crolla qui constitue le quartet idéal selon Soudieux, violon-guitare-contrebasse-drums. Avec Grappelli et Jacques David, et puis les « jeunes » René Urtreger, Roger Paraboschi, Maurice Meunier, Michel Hausser, Georges Arvanitas, Maurice Vander, la jeune garde du jazz français d’après guerre, quand certains considéraient Django et Grappelli comme des has been. Néanmoins, dans ce contexte Crolla sera un des maîtres d’oeuvre de la série d’enregistrements « Notre ami Django » avec la fine fleur des musiciens du moment . Et Stéphane Grappelli revient à la une.

 

Dans ces mêmes années 52/53 on trouve aux côtés de Crolla Martial Solal (Lalos Bing) dans des enregistrements d’airs populaires jazzy (Mon homme …) et aussi Lalos Schiffrin qui dans ses années parisiennes fréquentait les clubs de jazz, la Fontaine des 4 saisons, où Crolla avait ses habitudes et ses amis. Il n’y a pas de trace enregistrée avec Schiffrin, juste des témoignages.

 

 

Les musiques populaires, la sixte napolitaine, le jazz (et une curiosité permanente)  sont trois des composantes de l’art du musicien, qui décide dans les années 58/59 de quitter son métier de musicien professionnel, le métier, pour ne faire que de la musique par pur plaisir …  et retrouver le goût de l’école buissonnière, le long des rues …

 

* Enrico Caruso est un ténor italien né à Naples le 25 février 1873 et mort le 2 août 1921

** O sole mio (en français « Mon Soleil ») est une célèbre chanson napolitaine, publiée en 1898 et mondialement connue. Les paroles sont du poète napolitain Giovanni Capurro et la musique de Eduardo Di Capua

*** Sur  les guitares dans le jazz français, clic sur la guitare de Crolla,

Maccaferri-Selmer 453   Photo NGabriel 1999

****  la sixte napolitaine: accord de sixte napolitaine qui semble avoir été popularisé par les compositeurs d’opéra napolitain au temps d’Alessandro Scarlatti. Le dessin ci-dessous explique assez bien, j’ajoute après tu te mets à pleurer :  mais t’es pas triste..

Sinon on peut dire aussi,  c’est un accord parfait majeur construit sur le 2e degré abaissé d’un demi-ton chromatique, apparaissant le plus souvent dans une tonalité mineure, mais on l’observe, à l’occasion, dans une tonalité majeure.
C’est quand même plus clair …

 

Norbert Gabriel

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