Le 21 février prochain, c’est le Rocher de Palmer à Cenon (33) qui accueillera le concert annonçant la sortie du nouvel album de Julie Lagarrigue (Julie et le Vélo qui Pleure), « Amours Sorcières ».
Le contenu n’en est plus vraiment secret, les chansons le composant ayant déjà depuis plusieurs mois promené leur âme au gré des scènes, dans l’étoffe d’arrangements sonores variant d’un concert à l’autre, et invité le public à laisser danser les émotions dans son cœur [lire ici]. On ne peut néanmoins qu’apprécier la qualité de l’enregistrement sonore, attendu impatiemment, qui fut réalisé par Patrick Lafrance et mastérisé par Alexis Bardinet au studio Globe Audio, et l’attention portée au sens du détail parsemé, qui, loin de disperser l’oreille pour la détourner de l’essentiel, verdoie avec délicatesse l’esthétique du champ musical d’où on écoute éclore les fleurs que l’imagination de Julie Lagarrigue a cultivées pour nous. Car, si, sous prétexte de thématiques variées, les chansons de l’artiste parlent avant tout de sentiments humains très intimes et d’amour (« Le vent du sud », « Doucement », « Le jardin manque d’eau »), d’introspection émotive (« Le beau de la forêt ») et de doutes psychiques entretenus par les rôles négatifs de nos propres consciences (« Qu’est-ce qui m’arrive ? »), la nature y est omniprésente et s’y exprime par des sons de la végétation et l’évocation des arbres (« Le jardin de la sorcière »). A en croire que l’amitié qui lie Julie Lagarrigue aux artistes Agnès et Joseph Doherty, et surtout leur immense passion pour le sujet, qui a enfanté leur spectacle « Au cœur de l’arbre », en tournée dans la France entière [ici], a débordé de leur œuvre pour s’immiscer dans l’univers de ce disque. Comment un spectacle qui change le regard d’inconnus ne pourrait-il pas atteindre celui des proches?
Avec le titre « Le vent du sud » qui ouvre l’album sur une couleur dépaysante aux accents cajuns, l’orientalité amenée par le jeu du oudiste Ziad ben Youssef, d’abord parcimonieusement dès le second morceau, pour revenir avec plus d’intensité sur d’autres titres (« Le jardin manque d’eau »), les références à la musique Charleston sautillant de notes en notes sur les cordes du banjo d’Anthony Martin et s’écriant dans les chœurs aux engouements gospeliens et chamaniques (« Les bottes »), la déstabilisante percée de l’étrange angoissant, propre à terroriser s’il n’était pas empreint d’humour (« Qu’est-ce qui m’arrive ? ») et la légèreté chaloupée aux faux-airs de « Poil dans la main » de Jacques Higelin (« La vie les bonbons »), la Chanson Française de Julie Lagarrigue
s’amplifie d’horizons d’inspirations très éloignés, se décontracte, s’approfondit, puis se ravive tour à tour. Et il suffit de n’attendre que la quatrième plage pour entendre, comme ce fut souvent le cas lors des concerts de l’artiste, le spectre vocal de Barbara venir roder dans la douceur et l’élégance de son timbre et veiller d’une lumière familière sur l’interprétation de la chanson « Dis le moi ». Si des émotions profondes, parfois tristes, mais toujours belles, envahissent l’espace d’une composition, l’humour espiègle sait surgir de la chanson qu’on imagine autobiographique « Mon mec est un scientifique », et on y mesure combien un regard littéraire et artistique doit être créateur pour voir la poésie du scientifique.
Et comme un rappel du gout que l’artiste nourri pour la différence, qui lui fit au cours des derniers mois habiller ses compositions sur scène avec des arrangements et des instrumentalisations changeants, on retrouve sur l’album deux versions de la chanson « Le beau de la forêt » qui lui dessinent un feuillage et en esquissent un visage différent. Mais plutôt que de penser que Julie Lagarrigue n’a pu choisir entre les deux versions, l’ouïe attentive comprendra les raisons évidentes pour lesquelles elle a choisi les deux.
Seul bémol, on regrettera cependant… Non, je plaisante! On ne regrettera rien, rien de rien, et surtout pas d’avoir glissé nos pas dans l’univers de cette artiste qui sait planter du cœur en quelques notes, avec des mots et de la grâce, pour offrir un nouvel album qui sera une petite planète de poésie.
Miren Funke
photos : Miren
Le vélo qui pleure –> c’est ici