Archive | février, 2020

L’enfance de l’art de Crolla

28 Fév

Photo©Jamet

C’era una volta, Rico, un ragazzino napolitano…
Once upon a time, Rico, a kid of Napoli…

Il était une fois, Riton, un titi de la zone porte de Choisy… Riton, que Prévert rebaptisa Mille Pattes pour son agilité à faire jaillir des cascades de notes de son zone_aux_portes_de_Paris-3ac27.jpgbanjo-mandoline. En ce temps-là, début des années 30, Rico est un p’tit môme qui vit porte de Choisy, c’est la zone, terrain vague où cohabitent les baraques et les verdines manouches. Ce n’est pas un bidonville de miséreux sans travail, les baraques sont souvent des petites maisons en bois -genre abri de jardin 2015- habitations sommaires construites pas des ouvriers en mal de logement. On y est au sec, l’eau courante court à la fontaine publique voisine de 50 ou 100 mètres. Les parents de Rico, Térésa et Antonio Crolla sont musiciens, ils ont connu des tournées prospères en Allemagne et en Bavière, avant 1914, et les 4 premiers nés sont nés au hasard des tournées. Rico naît à Naples, retour obligé à cause de la guerre, et déclassement social, c’est quasiment la misère, et c’est le départ pour Paris. Le père de Térésa leur a préparé une « baraque » porte de Choisy. Là Rico fait l’école buissonnière avant l’heure, il est souvent chez des voisins, des voyageurs en verdine, les Reinhardt, dont le fils aîné commence à être un banjoïste reconnu. Lui, c’est avec les petits frère et sœurs qu’il joue. Et de temps en temps, Madeleine, sa sœur aînée, lui prête la mandoline de maman Térésa, il a 3 ou 4 ans…

pilier Crolla 005 pilier AAA 06-06-2012 17-24-07 1632x3072.jpgVers 8 ans il a beaucoup plus envie de promenade que d’école, il rentre tranquille d’une journée ‘a spasso’ (en ballade.) au lieu d’aller en classe. Et vers 10/11 ans, il va jouer dans les rues, tous les airs populaires du répertoire, les chansons les plus en vogue, de préférence devant les cafés chics, comme La Coupole, où il a été immortalisé sur un pilier par un des peintres de Montparnasse.

Avec son banjo-mandoline et ses doigts ‘Mille Pattes’, il épate les passants et passez la monnaie. Un jour devant la Rhumerie Martiniquaise, il commence sa journée, deux consommateurs séduits par ce môme étonnant, lui donnent ‘une grosse pièce’ (dans les 50 €.) et la réponse fuse, « Mais m’sieur j’ai pas de monnaie »…. Lou Bonin « Tchimoukov » et Sylvain Itkine, du groupe Octobre viennent de tomber en amour pour Rico-Riton… Il a 13 ans, et ils l’emmènent chez Prévert et Grimault, lequel habite près de la porte d’Italie. Et c’est chez Paul Grimault qu’il aura une vraie chambre, Prévert son père adoptif vivant surtout à l’hôtel. Dans cette chambre, Paul Grimault l’enferme de temps en temps pour travailler sa guitare. Car on lui a chouré son banjo, et Grimault, amateur de jazz et guitariste lui donne une guitare. Riton devient Mille Pattes, il a souvent entendu Django, mais ne le connaît pas crolla harcourt 3.jpgencore personnellement… Quelques années plus tard, en 1938, Henri Crolla est devenu un des espoirs du jazz, qui joue régulièrement dans les clubs de la rue Delambre, avec Gus Viseur, et Coleman Hawkins, Bill Coleman ces jazzmen américains qui découvrent qu’en France un nègre n’est pas forcément un sous-homme.

Consécration pour Rico-Riton-Henri, on lui tire le portrait chez Harcourt, avec sa mythique Selmer-Maccaferri 453 qui ne le quittera jamais.

La guerre de 39-40 l’emmène dans quelques péripéties italo-burlesques, car il est encore italien et mobilisé à Naples. On peut résumer sa guerre en deux périodes, une de 2 mois, l’autre de 8 mois.

  • Arrivée au bureau d’incorporation avec une grande détermination: « Mon lieutenant, ne perdons pas de temps, donnez-moi un fusil, faites-moi la liste des gens à descendre et qu’on en finisse.. »
  • Le lieutenant, un napolitain très zen :  Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?
  • Je suis guitariste...
  • Eco,va bene.. Vous allez me donner des cours de guitare

Deux mois de leçons, puis lors d’un déplacement en Sicile, Rico déserte, et remonte à pied du Sud de l’Italie pour revenir à Paris… la promenade dure 8 mois.. Mais ceci est une autre histoire…

crolla savitry 4.jpgQui continue à Paris, travailleur clandestin, musicien, frère de rue de Mouloudji, qu’il accompagne dans quelques cabarets, avec une chanson qui leur ressemble « Papillon de Norvège »… pour le côté papillon, pas pour la Norvège…

 

Quelques notes de jazz populaire , pour accompagner la ballade… en attendant la suite …

Norbert Gabriel

Michel Korb chante Francis Lemarque…

27 Fév

 

Les histoires qu’on se raconte, je les connais d’autrefois,
Mais ce sont des histoires qui comptent
Pour un môme autant que pour moi

Et on a tous en soi quelque chose de Francis Lemarque, qu’on soit de Paris, de Lyon ou de La Cabusselle* …

19 Février, Michel Korb chantait et faisait revivre Francis Lemarque, pour la sortie de l’album et saluer « le pacifiste globe trotter, l’humaniste engagé qui se révolte, le copain généreux qui tend la main, l’homme amoureux, le mari, le poète, celui qui nous aime à travers ses chansons. » Voilà, Michel Korb a résumé avec ces mots l’essence même de Francis Lemarque.

Ce fils de la java et de la rue de Lappe a mis en musique avec un égal bonheur l’air de Paris ou la complainte de John Black, fable douce amère qu’aurait pu chanter Bob Dylan. C’est dans le swing musette, ce jazz champagne que les chansons de Francis Lemarque trouvent leur décor naturel, avec des guitares voltigeuses, de l’accordéon rêveur, c’est un autodidacte de génie qui propose une sorte de chanson bancale, qui monte haut et descend bas, qui est un peu hors des clous, et c’est à Paris..

Prévert lui aurait peut-être dit « Tu composes à l’imparfait de la mesure » mais c’est quand même la bonne mesure … Et il me semble aussi que Prévert avait répondu à la question de Francis: Comment tu fais pour faire de belles chansons ?
Il faut pas te dégonfler mon gars…  et le p’tit gars ne s’est pas dégonflé.

Les chansons de Francis Lemarque, c’est la bande son de ce Paris populi qui a nourri la littérature et le cinéma de Carné, Becker, Hunebelle. Pas des clichés à touristes en mal de folklore, mais une porte entr’ouverte sur l’humanité parigote, avec cette fraternité parfois rugueuse de la rue, une fresque bigarrée avec des aristos en casquettes à l’âme plus chaleureuse que les hauts de forme petits bourgeois. Lemarque, c’est un contrebandier du sentiment, pas de quartier pour les douaniers du désespoir, et comme le temps du muguet,

En partant il nous a laissé
Un peu de son printemps
Un peu de ses vingt ans
Pour s’aimer pour s’aimer longtemps.

 

L’album est en vente libre, →

Il y a Audrey, Enzo-Enzo, Romain Didier, Sansévérino, Thomas Dutronc, Roland Romanelli et les musiciens, François Bernat, Julien Decaux, Patrick Filleul, Romain Vuillemin, Sylvain Hamel, Didier Havet, Mathias Lévy,  merci à Michel Korb  pour ce très beau spectacle et cet album de haute tenue.

* La Cabusselle, village des Cévennes, que Nathan Korb atteint après une épopée cycliste épique, 700 kms, dans l’été 36 et les congés payés, découverte pour les gamins d’Paris de la vie verte et découverte pour les cévenols d’une espèce humaine étrange, le parigot… Dans « L’embellie » de JP Chabrol, il y a toute l’histoire adolescente de Nathan, le gavroche débrouillard de la rue de Lappe, ses 36 métiers, sa force de vie irrésistible, « son ardente vitalité, son courage de petit pauvre, ses roueries aussi.. »

Norbert Gabriel

Henri Crolla 26 Février 1920

26 Fév
crolla savitry

Photo Emile Savitry

Le personnage le plus extraordinaire … selon Moustaki, témoignage dans une revue dont il fut le rédacteur en chef exceptionnel pour le 3 ème numéro.

Né le 26 Février 1920, à Naples,  Rico, Mille pattes, Enrico, Henri Crolla, puis Crolla, au fil des années et des rencontres et de la notoriété.

Le prince des accompagnateurs selon Philippe Meyer…

Un gitan de Naples sorti d’un dessin animé de Prévert et Grimault selon Montand..

Notre petit copain du Flore en 1943-44 selon Simone Signoret

Mon père spirituel selon Higelin,

Frère de rue et de rêves de Mouloudji,

Fils adoptif virtuel de Prévert et Grimault

Un des enfants de la tribu par la mère de Django,  la belle Laurence…

Musicien subtil et unique, démonstration en 1’55 (avec Martial Solal au piano, alias Lalos Bing)

Et quelques airs pour finir cette première page.. à suivre ..

 

 

Pour infos, au cas où, sa notice wiki c’est là

PhotoNGabriel1999

sur la guitare de Crolla–>

 

 

 

Norbert Gabriel

Claire Elzière, artiste interprète…

24 Fév

Le temps des grandes interprètes n’est pas tout-à-fait révolu, Claire Elzière en fait régulièrement l’illustration, comme le 15 Février, à l’Annexe, à Ivry. Un lieu de spectacle -intermittent- dans la tradition du Cheval d’Or où on ne mélangeait pas les fourchettes et les micros … et d’ailleurs, avec la densité du public ce soir-là la question ne se posait même pas les derniers arrivés ont été placés derrière le bar. Et ce fut une superbe soirée, « les chansons meurent si on ne les chante pas. » C’est vrai, et merci à Claire Elzière de faire vivre avec tendresse, humour sensibilité, impertinence, les chansons de Pierre Louki, Anne Sylvestre, Allain Leprest, – dans des chansons peu connues à redécouvrir- Pierre Barouh, Barbara, Nougaro, SarcloRet, et le Bel Hubert, bien sûr … Plus quelques chansons sur mesure, plus une première en auteure …  à suivre …

C’est dans la lignée de Cora Vaucaire, et de Catherine Sauvage ( qui demandait à Ferré les chansons refusées par les collègues, et qui en faisait des succès…) que Claire trace son chemin buissonnier, avec des sorties régulières au Japon, où la chanson francophone est bien traitée.  Les chansons meurent si on ne les chante pas. Et en écho Ferré (ou Louki) aurait pu compléter, pour les interprètes à venir:

Mais je te laisse ça comme une chanson tendre
Avec ta fantaisie qui fera beaucoup mieux
Et puis ma voix perdue que tu pourras entendre
En laissant retomber le rideau si tu veux.

En ce qui concerne Leprest et l’album Marabout tabou, je vous renvoie volontiers à René Troin : « Les mots dansaient déjà, avant que Dominique Cravic les mette en musique. C’est un Leprest inédit, à tous les sens du terme, qu’on découvre avec cet album, un Leprest lumineux, tournant le dos à son versant sombre et (parfois) sentencieux (..)  Loin de la rive gauche, on nage en belle et bonne variété.
Et Claire Elzière ? Elle ne fait rien, comme d’habitude : elle chante. La voix comme son prénom. Sans ronds de bras ni effets de manche, sans appuyer sur les mots. Alors, les mots, ils volent. Même ceux qui sont un peu lourds ? Oui. Même

 Extrait de cette chronique, pour la lire en entier
clic sur le rossignol–>

Je ne saurais mieux dire, c’est ce qu’on entendu à l’Annexe, et qu’on pourra entendre le 11 Mai aux ACP-Manufacture Chanson, et le 15 Juin au Café Jazz Montparnasse dans « Les lundis chansons ».. et ce sera 100% Leprest*.

Le rôle des interprètes est reconnu un peu partout dans le monde, et assez peu en France, où la chanson « de qualité » ne saurait être que chantée par les ACI… Peut-on jouer Molière en 2020 comme en 1725 ? Le texte est le même mais le contexte est différent. Idem pour la musique de Bach, quand les instruments d’aujourd’hui ont beaucoup évolué voire réinventé un répertoire. Le violon est né avec des cordes en boyaux de mouton, il est le plus souvent équipé aujourd’hui de cordes en métal, plus puissantes. Faut-il se priver de ces évolutions pour rester dans le copié-collé originel ? Dont on ne sait rien, le swing de Bach n’était pas écrit sur la partition. Et pourtant Jacques Loussier l’a joué. Grappelli et Django aussi , bien avant..

L’exemple ci-après montre tout ce que peut apporter une vision moderne et des ré interprétations contemporaines d’un répertoire ancien.  Clic sur le violon –>

Claire Elzière,  Francesca Solleville, Annick Cisaruk,  Céline Faucher, interprètes , Christian Camerlynck, interprète, et Natasha Bezriche, Barbarie Crespin, Natacha Ezdra, Marie-Thérèse Orain, c’est autant de nuances de Leprest, Pauline Julien, Anne Sylvestre, Debronckart, Vigneault, Ferrat, Louki, Ferré, Nougaro, Fanon, et quelques autres. Parmi lesquels Bernard Dimey, qui offre aux interprètes des possibilités assez étendues dans l’expression des sentiments sur la marche du monde et des humains.

L’art de l’interprète c’est aussi de choisir des chansons qui lui vont bien et pas forcément des chansons qu’il a envie de chanter. Ce n’est pas faire injure à Tino Rossi de constater qu’il n’avait pas la tessiture pour chanter Balavoine et SOS d’un terrien en détresse. Ou à Luis Mariano qu’il n’était pas au mieux dans le blues de Robert Johnson ou Muddy Waters.

*Claire Elzière chante Allain Leprest, 1 CD + 1 livret de 20 p., Saravah, 2014. Paroles : Allain Leprest. Musiques : Dominique Cravic (Grégory Veux et Claire Elzière cosignant chacun un titre), Romain Didier, Etienne Goupil, Olivier Moret, Jean-Philippe Viret. Avec les voix de Pierre Barouh, Dominique Cravic et Sanseverino.

Last but not least : ma relectrice (oui, je me flatte d’avoir parfois une relectrice d’une exigence de bénédictin intégriste) me fait remarquer que je n’ai pas évoqué Juliette Gréco dans les interprètes, c’est vrai, mais en ce qui la concerne, je citerai Moustaki sur Reggiani « Il est l’auteur de 200 chansons qu’il n’a pas écrites. » Et en effet, quand j’entends Gréco et Reggiani, ce sont eux d’abord, le personnage domine, alors que Cora Vaucaire et les autres, j’entends la chanson qu’ils interprètent. Comme le comédien qui va vers le rôle, et non l’acteur qui, souvent, amène le rôle à lui. Ce qui montre que la chanson offre des possibilités variées en matière d’interprétation qui nous sont toutes également aimables, enfin presque ..

Le site de Claire c’est là–> 

That’s all folks !

Norbert Gabriel

Le roi des ruines, Andoni Iturrioz…

22 Fév

Il y a quelques mois,  je découvrais « Le roi des ruines »…  L’album est sorti, et c’est un des grands albums de l’année…  Rien à ajouter à cette première chronique…

Andoni AAA 3098x2610

Voici Andoni Iturrioz, un soir où il présentait de larges extraits de l’album à venir bientôt…
« La fin du monde en aquarelle » pourrait bien être le titre du spectacle  d’Andoni Iturrioz. C’est paradoxal, mais dans les tableaux menaçants d’une apocalypse dont les contours se dessinent de plus en plus précisément, les envolées  de cet imprécateur lyrique génèrent une force de vie envers et contre tout.  Peut-être que cette apocalypse est nécessaire pour remettre le monde en marche dans la bonne direction. Un autre sous-titre pourrait être, en filigrane « L’insolitude »… Cet état particulier de l’humain seul dans la foule,  cette foule bipolaire, qui protège, ou anesthésie? qui réduit à un fragment robotisé ? Dans un temps révolu -un ancien monde?-  Charlebois avait tatoué sur son bras Solidaritude, on y retrouve le solitaire embarqué dans l’humaine traversée et qui ne peut mettre des œillères pour ne voir que ce qui l’arrange…  Etre le roi des ruines, ou le gardien d’une oasis saharienne qui disparait sous le sable …  Sous le sable les oasis perdues ?  

C’est la palette de Vlaminck ou Goya qui suggère les décors des chansons d’Andoni Iturrioz. Les mots ont des couleurs de soleil couchant et d’incendie. Et on se prend à frémir  en pensant aux lointains parents qui se demandaient avec angoisse si le soleil couchant reviendrait le lendemain… On sait qu’il revient, mais si c’est pour éclairer Guernica My Laï ou Oradour, l’aquarelle de fin du monde est moins avenante. Par chez nous la couleur jaune devient dominante, comme le rire du prophète ?

C’était en 2014, prophétique n’est-ce pas?

 

Pour la sortie de l’album, « Le Roi des ruines »  le tam tam des étoiles nous informe que ça vient dans quelques jours ..  et en attendant

DIM., 15 SEPT. À 20:30  Nour et ses invités #3    BATEAU EL ALAMEIN · Paris

 

Un extrait de l’album à venir,

 

 

Le site  d’Andoni,  c’est là –>

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Norbert Gabriel

Scènes vivantes et plaisirs partagés, avec Nour et Cie ..

17 Fév

Au bon vieux temps de Trenet, on avait,

….du music-hall
On dira tout c’qu’on peut en dire
Mais ça restera toujours toujours l’école
Où l’on apprend à mieux voir,
Entendre, applaudir, à s’émouvoir
En s’fendant de larmes ou de rire.
Voilà pourquoi, la, do, mi, sol,
J’aim’rai toujours le music-hall

Pour les générations suivantes élevées à la TSF ou au transistor, il y eût les Discorama, puis les émissions de Foulquier, avec ces moments rares de rencontres inattendues, Juliette et Baloji, Thomas Dutronc et Tiken Jah Fakoly, et tant d’autres où les artistes se croisaient et réinventaient parfois leur art au gré de ces rendez-vous impromptus.

Il y a eu aussi les lundis de la Pépinière Opéra, dont on retrouve l’esprit avec les lundis chanson au Café Jazz Montparnasse:  un invité principal propose au public de découvrir des artistes qu’il aime. Et qu’il présente.
Récemment, en Janvier, Lise Martin avait réuni Nicolas Duclos, Nour, Valentin Vander, Alissa Wenz (ordre de passage en scène ) pour des séquences de deux chansons et un duo avec elle. Pour rappel, lire ICI

Et parcours logique après cette soirée exceptionnelle, c’était de suivre l’invitation de Nour  qui programme régulièrement des spectacles avec invités. Comme ce dimanche 16 Février, sur le bateau El Alamein, avec Automne Lajeat, Ben Herbert Larue, Katrin Wald’teufel (Cello Woman), Nicolas Duclos, Nicolas Jules, (ordre alphabétique) dans une formule où chaque invité-e a une chanson, accompagnée au piano par Nour, après une courte biographie de la meneuse de revue, dont nous dirons que la fantaisie est très réjouissante … Autant la bio que l’auteure. Puis un duo avec Nour, dans une de ses chansons. C’est du spectacle 100% vivant, avec tous les frissons inhérents à ce genre de funambulisme.

J’ai le corps et le cœur entier qui vibre encore de cette soirée d’hier soir!
À chaque fois je suis sur un fil, je ne sais jamais si mes doigts, ma tête vont réussir à se souvenir des chansons de chacun des invités, vu que j’ai souvent très peu de temps pour mettre en place et travailler les morceaux, le spectacle…

Et à chaque fois il y a quelque chose qui me dépasse, qui se passe, qui fait le funambule…
Je me sens remplie
. (Nour )

Pour faire un bref portrait de Nour, selon son école, je dirais que c’est une Shéhérazade dont la plume délurée et incisive décape sans complexe les choses de la vie, avec une voix de diva jazzy, , une sorte de Carmen aussi émancipée que celle de Mérimée, c’est la flamme et le feu, et j’en connais qui s’y brûleraient volontiers… Après cette présentation, des extraits musicaux s’imposent . Pour vérifier.

et ne nous privons pas de lumière ,

Suivez donc Nour la lumière clic  ici →

Après l’orage, ( ma préférence) vous pouvez écouter l’album..

et  voir quelques photos de plus,

 

That’s all folks et le spectacle continue !

Norbert Gabriel

Sortie du nouvel album de Julie Lagarrigue, « Amours Sorcières » : une planète de poésie

16 Fév

 

Le 21 février prochain, c’est le Rocher de Palmer à Cenon (33) qui accueillera le concert annonçant la sortie du nouvel album de Julie Lagarrigue (Julie et le Vélo qui Pleure), « Amours Sorcières ».

Le contenu n’en est plus vraiment secret, les chansons le composant ayant déjà depuis plusieurs mois promené leur âme au gré des scènes, dans l’étoffe d’arrangements sonores variant d’un concert à l’autre, et invité le public à laisser danser les émotions dans son cœur [lire ici]. On ne peut néanmoins qu’apprécier la qualité de l’enregistrement sonore, attendu impatiemment, qui fut réalisé par Patrick Lafrance et mastérisé par Alexis Bardinet au studio Globe Audio, et l’attention portée au sens du détail parsemé, qui, loin de disperser l’oreille pour la détourner de l’essentiel, verdoie avec délicatesse l’esthétique du champ musical d’où on écoute éclore les fleurs que l’imagination de Julie Lagarrigue a cultivées pour nous. Car, si, sous prétexte de thématiques variées, les chansons de l’artiste parlent avant tout de sentiments humains très intimes et d’amour (« Le vent du sud », « Doucement », « Le jardin manque d’eau »), d’introspection émotive (« Le beau de la forêt ») et de doutes psychiques entretenus par les rôles négatifs de nos propres consciences (« Qu’est-ce qui m’arrive ? »), la nature y est omniprésente et s’y exprime par des sons de la végétation et l’évocation des arbres (« Le jardin de la sorcière »). A en croire que l’amitié qui lie Julie Lagarrigue aux artistes Agnès et Joseph Doherty, et surtout leur immense passion pour le sujet, qui a enfanté leur spectacle « Au cœur de l’arbre », en tournée dans la France entière [ici], a débordé de leur œuvre pour s’immiscer dans l’univers de ce disque. Comment un spectacle qui change le regard d’inconnus ne pourrait-il pas atteindre celui des proches?

Avec le titre « Le vent du sud » qui ouvre l’album sur une couleur dépaysante aux accents cajuns, l’orientalité amenée par le jeu du oudiste Ziad ben Youssef, d’abord parcimonieusement dès le second morceau, pour revenir avec plus d’intensité sur d’autres titres (« Le jardin manque d’eau »), les références à la musique Charleston sautillant de notes en notes sur les cordes du banjo d’Anthony Martin  et s’écriant dans les chœurs aux engouements gospeliens et chamaniques (« Les bottes »), la déstabilisante percée de l’étrange angoissant, propre à terroriser s’il n’était pas empreint d’humour (« Qu’est-ce qui m’arrive ? ») et la légèreté chaloupée aux faux-airs de « Poil dans la main » de Jacques Higelin (« La vie les bonbons »), la Chanson Française de Julie Lagarrigue  s’amplifie d’horizons d’inspirations très éloignés, se décontracte, s’approfondit, puis se ravive tour à tour. Et il suffit de n’attendre que la quatrième plage pour entendre, comme ce fut souvent le cas lors des concerts de l’artiste, le spectre vocal de Barbara venir roder dans la douceur et l’élégance de son timbre et veiller d’une lumière familière sur l’interprétation de la chanson « Dis le moi ». Si des émotions profondes, parfois tristes, mais toujours belles, envahissent l’espace d’une composition, l’humour espiègle sait surgir de la chanson qu’on imagine autobiographique « Mon mec est un scientifique », et on y mesure combien un regard littéraire et artistique doit être créateur pour voir la poésie du scientifique. Et comme un rappel du gout que l’artiste nourri pour la différence, qui lui fit au cours des derniers mois habiller ses compositions sur scène avec des arrangements et des instrumentalisations changeants, on retrouve sur l’album deux versions de la chanson « Le beau de la forêt » qui lui dessinent un feuillage et en esquissent un visage différent. Mais plutôt que de penser que Julie Lagarrigue n’a pu choisir entre les deux versions, l’ouïe attentive comprendra les raisons évidentes pour lesquelles elle a choisi les deux.

Seul bémol, on regrettera cependant… Non, je plaisante! On ne regrettera rien, rien de rien, et surtout pas d’avoir glissé nos pas dans l’univers de cette artiste qui sait planter du cœur en quelques notes, avec des mots et de la grâce, pour offrir un nouvel album qui sera une petite planète de poésie.

 

Miren Funke

photos : Miren

 

Le vélo qui pleure  –> c’est   ici

 

Alliance, avec Liz Cherhal chez Pension Thénardier…

13 Fév

Photos©NGabriel2020

Eblouissante Liz Cherhal, dans le spectacle bi-lingue (Chant-signes) Alliance, chanteuse auteure paroles et musique, danseuse, meneuse de revue, elle nous a embarqués dans un opéra-pop-rock de mots de gestes et d’envolées musicales à faire exploser la Pension Thénardier qui l’accueillait avec ses partenaires,  Morvan Prat (guitare, violoncelle, machines), Christophe Piot (batterie, clavier), Cyrille Gérard (danse, langue des signes). Mise en scène de Néry Catineau.

Quand on a peu -ou beaucoup- suivi sa route baladine, et ses différents spectacles, on finit par se demander si elles ne sont pas plusieurs à l’intérieur, et ça ressort en éruption volcanique dans Alliance.

On l’a connue naguère en demoiselle Ronchonchon, la voici en puncheuse amoureuse de la vie, résolue à ne jamais céder aux vents contraires, quoi qu’il arrive. Cette sauvage est une battante,

Je suis un drame je suis la maison
Je suis une larme je change de prison
Je suis parole au fond du placard
Je suis symbole mais sans le vouloir
*
Je suis entière, je suis vibrante
Je respire je vis
Je vais toutes sirènes hurlantes
et je crie à l’envie.
*
Je suis entière, je suis vibrante..

On évoque parfois « la petite musique intime » des artistes qui dupliquent ad libitum les mêmes thèmes comme un copié-collé d’une même création originale.
D’autres remettent sans cesse sur le métier leur ouvrage, avec l’ambition d’explorer d’autres horizons… Ou de casser leur image ? Pourquoi pas ? Ou d’en faire une lumière diffractée par un prisme qui réinvente leur art. C’est l’aventure du funambule qui avance sur le fil en ayant abandonné le balancier et les sécurités rassurantes. C’est le choix de Cyrano dans son éloge de ce chevalier illuminé qui s’attaque aux moulins à vent dont les grandes ailes peuvent l’envoyer dans la boue … ou dans les étoiles. Et Liz fait un grand saut dans les étoiles .

C’est un spectacle multiple, la traduction en « chant-signe » donne des chorégraphies d’un modernisme fascinant, avec des musiques qui sonnent parfois comme des tocsins, à l’amour, à la vie. Merci Liz Cherhal donner envie.

A tous ceux qui ne refont pas leur vie,
mais qui par une nouvelle alliance la continuent.

NB: Une autre bonne raison d’avoir l’album Alliance, c’est la dernière page du livret, mais je ne dirai rien de plus, à vous de voir ce qu’il en est . Il n’aura échappé  à personne que Morvan Prat est un partenaire privilégié dans cette Alliance …

 

Suivez Liz et son Alliance clic ici–>

Vous y trouverez entre autres un blog sur la vie d’artiste absolument jubilatoire… Et on se dit que Liz Cherhal est la super bonne copine dont on rêve… Au risque d’en tomber amoureux … Et quand vous aurez lu la relation du concert à Etampes avec des panneaux roulants sur une scène en pente, vous verrez que Raymond Devos aurait pu avoir une fille nommée Liz Cherhal.

*L’opéra occidental est né en Italie à Florence au XVIIe siècle. Parmi les ancêtres de l’opéra figurent les madrigaux italiens, qui mirent en musique des situations avec des dialogues mais sans jeu de scène.
Les mascarades, les ballets de cour, les intermezzi, ainsi que d’autres spectacles de cour de la Renaissance, faisant intervenir des figurants, de la musique et de la danse…   Opéra pop rock correspond bien à cette Alliance.

Norbert Gabriel

Concert de sortie de « L’intégrale » de Strychnine, réédition des deux premiers albums : entretien avec les membres du groupe

10 Fév

 

Vendredi 31 janvier, le Théâtre Barbey à Bordeaux se remplissait complètement pour un concert, aux parfums de festival, qui devait marquer la sortie plus qu’attendue de « L’intégrale », la réédition des deux premiers album du groupe Strychnine, « Jeux cruels » et « Je veux », plus de quatre décennies après leur sortie originale. Le temps consacré à l’aboutissement de ce projet ancien, la qualité du travail accompli, l’investissement personnel de plusieurs proches et la mobilisation enthousiaste du public bordelais massivement présent ce soir là, témoignent incontestablement de l’importance de l’évènement et de l’affection fidèle que Strychnine a su fédérer autour de sa musique et de ses premiers pas, pionniers à leur façon, qui amorçaient, à la fin des années 70, l’éclosion de la scène Punk en France, et à sa suite l’aventure du Rock alternatif français. Rien d’étonnant donc à ce que le groupe ait aussi choisit de manifester son attachement à la défense du Rock en Français, en demandant aux groupes King Kong Blues et Johnny Montreuil (dont l’harmoniciste Kik joue souvent avec Kick, chanteur de Strychnine) d’assurer les premières parties du concert. Si Strychnine, qui se sépara en 1982, est toujours resté une référence pour nombre d’artistes, le groupe s’est donné une seconde vie à partir de 2008, où le chanteur et guitariste Kick (Christian Lissarague) et le batteur Boubou (Jean Claude Bourchenin) l’ont reformé, avec le guitariste Luc Robène (Noir Désir, Kick and Ze6), qui par ailleurs a initié et pilote avec Solveig Serre le projet de recherche et d’archivage de l’histoire du Punk en France, PIND [lire ici]. La reformation avait alors donné naissance à un album de nouvelles compositions, « Tous les cris », dont certains morceaux ont aussi été joués vendredi soir, à travers les anciens titres du groupe. Des sourires irrésistibles, des mémoires qui se ravivent, le bonheur de retrouver le sentiment d’urgence à vivre l’instant présent, la sincérité des interprétations, et un concert aux allures de retrouvailles entre copains, nombre d’autres artistes ayant répondu aux invitations du groupe à venir jouer ou chanter avec lui, donnèrent à la soirée une énergie authentique, tant sur le plan musical qu’humain. On retrouva sur scène aux côtés de Strychnine, Bebert (bassiste des groupes Stalag et Standards), qui avait mis en œuvre et conduit le projet de l’album collectif de reprises des chansons de Philippe Jolly auquel Strychnine avait participé, et dont la sortie fut célébrée dans ce même Théâtre Barbey [Lire ici], François (chanteur des Bérurier Noir), Stéphane Zena (bassiste de Parabellum), Arno Futur (chanteur des Sales Majestés), Philippe Messina (du groupe OTH), Thierry Tuborg (chanteur de Stalag), et Denis Barthe (batteur de Noir Désir, The Hyènes, Moutain Men et The Very Big Small Orchestra), accompagné de son complice Olivier Mathios, bassiste des même groupes [ici]. Certains retrouvèrent leur quinze ans, et parfois des amis de leurs quinze ans ou presque perdus de vue depuis (spéciale dédicace pour toi Karine), d’autres le souvenir vivace de proches disparus -et nul doute que les artistes eux-mêmes en avaient présents dans leurs pensées, parmi lesquels Schultz et Sven, ami proche de Kick, du groupe Parabellum, ou Philippe Jolly des Standards, et d’autres compagnons de route-, les plus jeunes enfin, l’extraordinaire chance d’entendre sur scène des artistes et des chansons qu’ils n’avaient peut-être jusque là connus qu’en les écoutant sur des disques et sans avoir pu les applaudir à l’époque où leurs  formations respectives existaient. Mais quelles que fut la condition privée de chacun, une évidence s’impose : le concert fut un de ces moments vrais, où des sentiments très honnêtes et profonds envahissent le cœur. Authentique.

Quelques heures avant le concert, nous retrouvions les trois membres du groupe pour parler de l’élaboration de cette double réédition, de l’histoire de Strychnine et de l’implication et du dévouement des personnes qui l’ont accompagnée.

 

– Bonjour et merci de nous accorder un peu de temps. Vous avez tous les trois reformé Strychnine, il y a plus de dix ans maintenant, avec la sortie d’un album de nouvelles compositions, et le groupe s’était remis à la création. Aujourd’hui l’évènement est la sortie de cette double réédition des deux premiers albums du groupe, qui restent pour beaucoup des disques cultes. Pouvez-vous raconter comment le projet a été mené à bien?

– Kick : Il fallait la faire ; ça faisait très longtemps qu’on devait faire ce disque. C’est un très vieux projet. Et on voulait que le jour où on allait le faire, on fasse vraiment quelque chose de bien : remasteriser, retrouver le son du studio, faire une belle pochette. Et puis je tenais à ce que les deux albums soient réédités ensemble, car c’est l’histoire du groupe. Ces deux disques avaient été faits en un an à l’époque, puisque le premier est sorti en hiver 1979 et le deuxième en hiver 1980. Donc tous ces titres qu’on joue ce soir ont été pondus en un an. Et on n’avait même pas vingt ans de moyenne d’âge, pour te remettre dans le contexte. Ils étaient vraiment dans un jet ; ça a été un flux à un moment donné, où on a jeté un truc en l’espace de deux ans alors qu’on était très jeunes. Pour moi c’est vraiment la même histoire, et presque le même album, même s’il y a des différences. Un double album me semblait donc nécessaire. 

– Luc : En tous cas, c’est sûr que c’était un disque attendu. Je me souviens en avoir parlé avec Phiphi à Montpellier, et sa réaction, lorsque je lui ai dit qu’on rééditait les disques a été : « Ah! Enfin! ». C’était le cri du cœur et j’ai vraiment senti qu’il résumait à lui tout seul sans doute l’horizon d’attente des gens par rapport à ce disque. C’est un bel objet. Il y a plein de photos de grande qualité ; les tirages sont superbes. Le son est bien. On en est contents. Le tirage est de mille vinyles et mille Cd pour le moment. C’est quand même un investissement personnel. On a eu aussi une aide de Jean-Pierre Penaguin, qui a joué quasiment le rôle d’un producteur au sens économique du terme. Il a mis la main à la poche, et c’est quand même une chose importante dans l’histoire de Strychnine de souligner qu’il y a toujours eu des gens comme Jean-Pierre, qui ont été là pour apporter une aide. C’est lui qui avait les bandes du fameux Live à Brest qui a ressurgit et dont ils ont fait un disque, car c’est un fan de bandes pirates et qui a toujours aimé Strychnine. C’est donc une aide de longue durée. Et là, il a carrément participé financièrement à la production du disque, ce qui est quand même une preuve de gout et d’amitié, et de fidélité. Ici à Barbey, la jauge contient six cent cinquante places, et devrait être complète. Bien sur on ne peut pas prévoir ce que les gens vont faire, mais on suppose qu’ils sont aussi là pour acheter un disque, au titre de souvenir, ou pour plein de raisons autres, pour participer à la vie du groupe, par plaisir personnel.

– Kick : L’objet est réédité en vinyle avec les deux albums qui datent de 1979 et 1980, et puis il y a un petit Cd de complément, mais sans pochette, pour les gens qui n’ont pas de platine. Il a été masterisé à Bordeaux, chez Globe Audio, pas la peine d’aller chercher plus loin. Et effectivement ça a pris du temps, car on voulait le faire bien, et aussi, parce qu’il nous fallait les masters d’origine pour ce faire.

 

– Boubou nous avait évoqué lors d’un entretien qu’il nous avait accordé [lire ici] les difficultés rencontrées dans les démarches pour récupérer les masters d’origine. Cela a-t-il beaucoup compliqué la tâche ?

– Boubou : Ça, ça a été un peu compliqué! Ça a été une longue galère pour récupérer le master original. Parce qu’Universal qui a racheté le label AZ, qui était le notre à l’époque, s’en foutait complètement de nous refiler les bandes. Ils s’occupaient de Johnny Hallyday et de conneries ; Strychnine, ils s’en foutaient. D’ailleurs ils ne savaient même pas qu’ils avaient ça dans leur catalogue.

– Luc : Ils sont vraiment très fixés sur le très contemporain. C’est un truc qui m’a frappé : ils n’ont même pas la mémoire de leur propre catalogue. Ils ne savent pas ce qu’ils ont, et d’autant moins maintenant que leurs archives sont délocalisées en Allemagne. Quand Strychnine a récupéré les bandes, c’était encore localisé en France, mais depuis peu ça a changé.

– Kick : En fait c’est Boubou et moi qui avions voulu récupérer les bandes, et Bernard qui était le pote plus ou moins manager du groupe a longtemps essayé, sans y arriver. Il tombait toujours sur des sous-fifres qui le faisaient chier, pendant plus d’un an et demi. Et puis un jour on en a parlé à Denis [Denis Barthe], et il a dit qu’il s’en occupait : il a appelé directement le PDG d’Universal et trois jours après, on avait les bandes, avec les excuses du sous-fifre qui était même prêt à nous les amener bandes à Bordeaux. Comme quoi il faut toujours passer par d’autres voies. C’est vrai que c’est Denis qui nous a arrangé le coup. Sinon, on serait peut-être encore à les attendre.

– Luc : C’était quand même la condition sine qua non pour qu’une réédition soit possible. Sans les masters, ça ne l’était pas.

– Kick : Les gravures de l’époque n’étaient pas du tout bonnes. Le son était vraiment défiguré à la gravure. On ne pouvait pas rééditer en recopiant les disques d’époque, ce qui se fait souvent. Mais moi, je ne voulais pas ça. Je voulais qu’on retourne à retrouver le vrai son du groupe, de la façon dont on jouait, les vrai son du studio, avec la vraie énergie. Et c’est très bien réussit ; Alexis de Globe Audio a fait un super boulot. On a récupéré les basses, la grosse caisse, le charleston : tout s’est vachement bien rééquilibré. On retrouve vraiment Strychnine.

 

– Luc, tu mentionnais à l’instant la jauge du Théâtre Barbey qui accueille le concert de sortie de l’album ce soir, avec beaucoup d’invités venus participer. L’idée d’un tel concert pour marquer le coup de la sortie s’est-elle imposée tout de suite comme une évidence ?

– Luc : On s’est posé la question de savoir si on ferait un évènement, et ça s’est assez rapidement décidé. La réédition de ce disque était quelque chose d’important et on avait envie de faire quelque chose ; on s’est demandé quoi et comment on avait envie de le faire. Moi j’avais l’idée qu’on pouvait le faire ici, car Eric Roux [directeur du Théâtre Barbey] est un grand fan de Strychnine, et qu’on avait déjà bossé avec lui sur plein d’autres projets, dont PIND. On lui a donc demandé s’il était d’accord pour organiser un concert ici pour la sortie du disque et il a dit « oui » tout de suite, et un « oui » super enthousiaste. On a décidé d’inviter des potes, et la liste des invités s’est enrichie au fil du temps de tous les gens que tu as vus aux balances.

 

– On imagine facilement que l’évènement est aussi un prétexte pour se retrouver entre copains et partager un beau moment, et que chacun aura une pensée aussi pour les copains absents, Schultz et Sven du groupe Parabellum, qui jouait souvent avec toi, Kick, Philippe Jolly également en hommage de qui s’est tenu ici même un concert auquel vous aviez participé, à l’initiative de Berbert, bassiste de Stalag et Standards, qui jouera d’ailleurs avec vous ce soir. Qui sera présent exactement ?

– Kick : C’est sûr que si Sven avait été là, ça aurait été génial. Et Schultz aussi. Philippe Jolly aussi serait bien venu en chanter une. Malheureusement on ne va pas refaire l’histoire.

– Luc : Ce soir seront là : Philippe Messina d’OTH, Arno Futur, le chanteur des Sales Majestés, comme Olivier Mathios et Nini [Denis Barthe de Noir Désir] des Hyènes, Bebert et Thierry Tuborg de Stalag, François des Bérurier Noir, Steph de Parabellum. Belle brochette. Et puis on se rend compte que les gens sont hyper contents de venir jouer, mais aussi déjà de se retrouver entre copains et d’échanger. C’est aussi un moment de vie. Tout le monde se retrouve avec l’envie d’échanger, de faire du mieux et de porter le projet et participer. Et quand même les gens ont la banane, et pour moi c’est une belle réussite. Je suis très content de ce côté humain.

 

– Luc, ce sont aussi des artistes qui ont pas mal participé aux colloques qui se tiennent dans le cadre du projet de recherche sur l’histoire du Punk en France, PIND, que tu diriges avec Solveig Serre. N’est-ce pas ?

– Luc : Ce sont effectivement des gens qui se sont inscrit dans le réseau du projet PIND, et tout se rejoint. Parce qu’on parle du Punk, mais le Punk c’est aussi la vie des gens. On parle de quelque chose qui est juste la vie des gens : quarante ans de musique, de scènes, de rencontres, de répétitions, de concerts. Ce sont effectivement des gens qui sont venus en témoigner et s’impliquer. Et ta question est bonne dans le sens où nous, le projet PIND, avons eu envie de nous investir dans le financement de l’évènement, parce que ça avait du sens pour nous de le faire, comme notre projet est un projet de recherche, participatif, et aussi un projet dans lequel on considère qu’il doit y avoir des évènements. 

 

– Ce soir les artistes Johnny Montreuil et King Kong Blues, qui comme vous font du Rock en Français, et sont des copains vont assurer les premières partie. Le choix n’est surement pas anodin, Strychnine ayant été le premier groupe à initier cela. Quel regard portez-vous dans le rétroviseur à ce sujet ?

– Kick : C’est-à-dire que quand on a commencé à la fin des années soixante dix en France, il y avait pas mal de groupes. Et je pense que la direction qu’a donné Strychnine avec cette énergie et puis des textes, on ne va pas  dire « à message », car ce serait prétentieux, mais qui se permettaient de dire un petit peu quelque chose aux gens, a fait qu’on a été un des premiers groupes là dedans. Après quand tous les autres sont arrivés, les Bérurier Noir, Parabellum, les Wampas, OTH, Les Sales Majestés, et d’autres. Et même si chacun a son style, il y avait quelque chose en commun, c’est-à-dire que c’était des groupes qui font du Rock avec l’énergie, mais aussi l’envie d’écrire des textes pour les gens, et pas de chanter en pseudo-anglais. Tous les gens qu’on a réunis ce soir on tous été dans cette direction. C’est pour cela aussi qu’on a voulu pour les premières parties des gens qui chantent aussi en Français, les King Kong Blues et Johnny Montreuil. Ce soir ça va chanter en Français, avec de l’énergie. C’est bien aussi les groupes qui chantent en Anglais ; moi-même je chante en Anglais quand je fais du Blues. Ce n’est pas gênant. Mais ce soir, on voulait ça.

 

– Avez-vous le sentiment d’avoir été un groupe  précurseur e ce sens ?

– kick : Il faut être un peu modeste : dans le Rock, tu n’es jamais précurseur de rien. Avant toi, il y en a eu d’autres, avant eux encore d’autres, et après il y en aura. C’est une chaine. Mais je pense effectivement que lorsqu’il y a eu cette explosion du Punk en France à la fin des années soixante dix, Strychnine avait une couleur, Metal Urbain aussi, dont d’autres peuvent se revendiquer. C’est pour ça que ces gens là sont venus de suite pour participer à la soirée : ils y reconnaissent quelque chose à eux aussi.

– Luc : Je complèterais en disant que je m’en suis rendu compte par ailleurs en discutant avec plein de musiciens et de gens qui ont de la bouteille : le discours qui revient toujours au sujet de Strychnine et celui de gens qui ont écouté ce groupe lorsqu’ils avaient quinze ou seize ans et disent que ça a vachement compté pour eux. Et ce sont des gens comme Daniel Jamet de la Mano Negra ou Alice Botté [ici], Dominic Sonic. Tous m’ont tenu le même discours, en évoquant à un moment donné, un morceau, un souvenir, qui les a marqués. Et ça, c’est quelque chose d’assez incroyable lié à l’histoire de ce groupe, et je le dis d’autant plus facilement que je n’étais pas personnellement à la racine du groupe. Je suis arrivé après. Mais c’est quelque chose qui me frappe, cette espèce d’aura et de respect qu’il y a en France vis-à-vis de Strychnine, l’émotion avec laquelle ça a été reçu à l’époque. Je me souviens les avoir vus, les deux là, quand j’avais quinze ans en mai 1979 au Grand Parc, et c’est un des concerts qui m’ont le plus marqué.

– Kick : Si tu veux, quand on a commencé avec Strychnine, en France on n’avait pas de référence. Avant nous il y avait eu des groupes comme Magma, Ange, ou du pseudo-rock comme les Chaussettes Noires, ou des chanteurs français à texte. Mais on  n’avait aucune influence en France. C’est pour ça que ma principale influence dans l’écriture, c’est Chuck Berry. C’est pour ça que je chante ainsi, très en rythme. On est allés chercher nos influences aux Etats Unis, les Stooges, les New York Dolls. Alors que pour les gens qui sont arrivés après nous, il y avait Strychnine, Metal Urbain, des trucs qui commençaient déjà. Il y avait plein de trucs bien en France ; j’adore la Chanson Française, Edith Piaf. Mais dans ce qu’on a fait avec Strychnine il n’y avait aucune référence dont on pouvait se réclamer. Aujourd’hui, des tas de groupes peuvent se réclamer d’OTH, de Parabellum ou d’autres. Mais quand on a commencé, en France, il n’y avait rien dans le vrai Rock, à part Little Bob, qu’on allait voir d’ailleurs, mais qui chantait en Anglais. C’était super bien ; le seul vrai groupe de Rock, c’était Little Bob Story. Mais il n’avait pas cette démarche d’écrire en Français. Nous avons amorcé un tournant.

– Luc : On s’en rend compte avec Solveig, quand on travaille sur PIND (le projet de recherche sur l’histoire du Punk en France): 77, 78, 79 ont été les années du tournant où les mecs se sont rendu compte qu’ils pouvaient monter sur scène et chanter, sans avoir besoin d’avoir nécessairement fait le conservatoire. Comme disait Kick, les références d’alors c’était Magma, Ange, des gens qui avaient quand même un rapport à la musique particulier. Et d’un coup on a vu débouler Strychnine, puis Stalag et tous les autres sur Bordeaux ; et Strychnine est quand même le groupe qui a joué avant The Clash au festival de Mont de Marsan, dans cette espèce de dynamique. T’as l’impression que c’est presque de la fiction. Mais ce moment là a beaucoup compté.

 

Miren Funke

Photos : Miren

Liens : https://www.facebook.com/pages/Strychnine/172824216155316

https://myspace.com/strychnine33officiel

 

Johnny Montreuil : https://johnnymontreuil.com/ 

 

 

King Kong Blues : https://king-kong-blues.le-label-pas-sage.fr/

 

 

Alissa Wenz, au Forum Léo Ferré

9 Fév

Photos©NGabriel2020, clic pour  agrandir si vous voulez  Alissa en grand format.  .

Imaginez Betty Boop qui serait la fille de Boris Vian et de Barbara, un cocktail d’humour délicatement vitriolé, un regard affuté et caustique sans concession sur la vie et ses aléas, une poésie bariolée de burlesque, des mots qui cognent et qui caressent, avec élégance et grâce, c’est Alissa Wenz.

On peut ajouter au panorama familial virtuel quelques cinéastes du néoréalisme italien, on peut aussi penser à Jean Yanne et ses pamphlets urticants… Le portrait ci-joint précise quelques étapes de sa vie, et on comprend mieux l’extraordinaire richesse de son répertoire. Et la maîtrise de la scène, le spectacle se déroule comme si le temps était suspendu, et pour ajouter un bonus extra, mademoiselle Wenz nous offre un numéro de claquettes, en chantant, c’est Broadway à Ivry, avec ses deux partenaires multi instrumentistes, Léo Varnet et Agnès Le Batteux … Alissa Wenz est souvent au piano, mais on l’a vue aussi avec un accordéon dans d’autres soirées. Quand la photo reflète ce qui reste dans l’esprit du public après le spectacle, c’est gagné et en voici quelques unes, plus bas, and the show must go on…

Ci-contre  le portrait bio  de l’artiste par Flavie Girbal. Et le mieux c’est de l’écouter,  en deux tableaux, très contrastés …

 

Le site d’Alissa Wenz 

Clic ici  —>

Et pour quelques photos de plus, le 8 Février au FLF, sous les lumières de Stébane Lam.

Montage alissa wenz 09-02-2020 13-13-26 2560x5120

 

Last but not last, dans une salle ultra remplie, avec une très grande majorité de dineurs, le spectacle a commencé avec seulement un petit quart d’heure de retard grâce à une organisation remarquable d’efficacité, bravo …

Norbert Gabriel

%d blogueurs aiment cette page :