Archive | décembre, 2019

Festival Musicalarue 2019 : entretien avec Alexis HK

23 Déc

 

Le vendredi 16 aout Alexis HK venait également ravir les oreilles des festivaliers de Musicalarue avec les morceaux de son dernier album « Comme un ours », entremêlés de quelques anciennes chansons, à un horaire qui aurait pu s’avérer périlleux pour lui, puisqu’au même moment sur la plus grande scène de l’évènement, l’icône Patti Smith sur qui tous les projecteurs se focalisaient drainait une foule massive vers elle. Mais c’était sans compter sur le sens des priorités du public d’Alexis HK, que l’artiste a toujours su atteindre en plein cœur, par une écriture perspicace, fine, joueuse, et surtout respirant une humanité tendre et intelligente. Une humanité plus qu’un humanisme précisément, tant la considération portée avec récurrence aux êtres des espèces animales et aussi végétales (« César ») libère nos idéalismes du caractère anthropocentriste qui ne ternit que trop souvent le bel idéal. C’est sans doute en quoi la compréhension émotionnelle portée par la tendresse du regard que le poète pose sur l’être, et sur tous les êtres, parle au cœur animal battant en toute personne pas vraiment certaine que l’ensemble des qualités morales et des sentiments affectifs communément défini sous le terme d’ « humanité » soient vraiment l’exclusivité de l’homme, ni, du reste, que les penchants nuisibles et les instincts destructeurs qui ravagent le monde relèvent purement de la bestialité. L’album « Comme un ours », différent des précédents, puisque né du désarroi et du désenchantement, dans une solitude inhabituelle à l’artiste plutôt familier des collaborations et de l’amour de la vie -Alexis HK réalisa l’enregistrement quasiment seul, avec Sébastien Collinet en co-réalisateur-, imprime dans le parcours du chanteur l’empreinte d’un constat triste et même sombre qui laissera certainement sa trace. Mais c’est du plus profond des aversions amères («Les pieds dans la boue », « La chasse ») et des malaises nauséeux (« Sucré »), que l’album parvient néanmoins à retrouver le chemin de la lumière, quand l’humanité renoue avec elle-même, et se retrouve à nouveau humaine dans le regard de l’animal (« Je veux un chien »). Aussi, bien que chargé de dire à travers ces chansons, la détresse, la noirceur, le mal, le concert n’en plomba pas pour autant l’atmosphère, la générosité dans l’humour des échanges avec le public assurant un équilibre des émotions contraires, comme ce fut le cas il y a plusieurs années sur cette même scène du Théâtre de Verdure lors du concert de Pierre Lapointe. Ou comment assister à un tour de magie, par lequel un artiste nous fait adhérer à des sentiments douloureux tout en nous laissant repartir avec le sourire et un cœur en fête. Preuve que si les hommes et les dieux ne savent plus faire le monde heureux, à tout le moins restent-ils des artistes qui savent encore faire les hommes heureux. Quelques heures auparavant Alexis HK nous accordait un entretien.

 

– Alexis bonjour et merci de nous accorder cet entretien. « Comme un ours » est un album sous le signe de la solitude qui est né dans le repli et l’isolement. Etait-ce une solitude décidée par démarche artistique ou imposée par un état de fait ?

C’était un moment de solitude pendant lequel je me suis dit que ça devait être le moment d’écrire. On a tous traversé des années un peu difficiles depuis 2015 ; on est tous entrés dans des états d’esprit, que pour ma part je ne connaissais pas. J’avais déjà été triste, déprimé, mais je n’avais jamais été désenchanté de façon aussi horrible, à ce point là. Du coup je me suis un peu isolé volontairement. Mais je ne suis pas non plus parti au pôle nord avec mes chiens ; c’était plus une réclusion à domicile, à demeure, où on se lève très tôt, à des heures où on n’a pas l’habitude d’être debout. On se retrouve en pleine nuit tous seul et on essaye de travailler toute la nuit. Les premières chansons sont donc nées comme ça. Mais le but n’était pas de rester seul à vie et de s’enfermer dans la solitude. C’est un album qui raconte plutôt qu’on doit passer de la solitude à l’extérieur, et absolument se tourner vers l’extérieur si on veut s’en sortir. Rien n’est plus dur que la solitude. C’est assez paradoxal : c’est un disque qui s’appelle « Comme un ours » et qui m’a en fait permis de revenir dans le monde, de refaire des concerts, de rencontrer plein de gens. Mais c’est vrai que j’avais envie de parler de cette solitude impossible et de la mêler à certaines idées noires que j’avais à ce moment là sur la barbarie, la régression idéologique de l’Humanité, les angoisses de demain. J’avais envie d’en parler, mais je n’avais pas envie d’en rester là, et je voulais que la conclusion ce soit qu’il reste toujours de l’espoir, même quand on tombe très très bas dans sa tête.

 

– Peut-on parler de ce disque comme d’une thèse sur les conséquences de l’isolement sur la santé mentale ?

En fait faire des chansons, c’est directement une thérapie pour maintenir votre santé mentale à flot quand vous sentez que vous la perdez. L’art-thérapie est de plus en plus reconnue d’ailleurs, car transformer le désarroi en création est quelque chose d’extrêmement performant et prolifique. C’est vrai que j’ai eu des moments vraiment désemparés, où je me disais : «  tu n’as qu’une chose à faire, c’est écrire, faire des chansons, et le faire sincèrement, même si ce ne sera pas toujours évident à entendre ». Ce n’est pas un album qui recherche le succès commercial. Mais c’est un album qui a essayé d’utiliser la création de chansons pour regarder de plus près son état d’esprit, et sortir de la noirceur et du négatif, mais sans le renier.

 

– Diriez-vous que la solitude est plutôt quelque chose de nuisible dont on se sort par la création ou au contraire un état prolifique qui permet la créativité ?

C’est exactement les deux. La retraite est indispensable, à un moment donné, à la création. Mais il faut que ce soit un isolement avec des perspectives. Si c’est un isolement sans fin comme un grand tunnel noir où on ne voit pas du tout de lumière au bout, je trouve cela vraiment dur, impossible. Je parle de solitude, mais c’est presque proverbial ; ce n’est pas la vraie solitude que doivent vivre certaines personnes. C’est aussi en pensant à elles que l’envie d’aborder ce thème est venue. Quand on marche dans certaines grandes villes, on rencontre des personnes dont on sent qu’elles sont vraiment seules, et on se demande comment elles font pour tenir, pour sortir. J’avais envie de penser à tout ça, et d’y mettre une touche d’espoir, qui est de dire que dans l’humanité, la solitude pour seule perspective, ça ne marche pas. Si vous êtes un humain, vous ne pouvez pas être seul. Ce n’est pas vrai. Je ne crois pas aux ermites heureux. On peut avoir des périodes d’ermitage pour prendre du recul, être créatif. Mais si on ne va pas retrouver quelqu’un qu’on aime après, tout ça devient beaucoup plus abstrait, dans ma vision des choses, qui n’est que la mienne, très subjective. Mais j’ai vraiment réussi autour de la création de ce disque à me mettre à la place de personnes qui devaient être vraiment seules, et ça m’a troublé. Je me suis dit : « là, tu es dans ta maison, en train d’écrire, et si on t’annonçait que tous les gens que tu aimes ne sont plus là, la solitude que tu goutais et appréciais va se transformer en cauchemar total, sous le coup de l’émotion, mais aussi pour tout le reste de ta vie». On a besoin des autres, de tous les gens qu’on aime. On est liés et quand on perd ces liens, ça doit être quelque chose de très difficile.

 

– Le spectre de la période de sidération et de tristesse consécutive aux attentats de 2015 plane sur cette création. Ces idées noires sont-elles rattachées à une pensée profonde pour les gens qui ont justement perdu des proches dans les attentats ?

Bien sûr. Tous ces drames inopinés, ces gens innocents qui ont perdu la vie un soir où ils allaient à un concert. C’est ce qui nous a montré à quel point tout était fugace, inattendu et précieux. Tout notre entourage est précieux et il faut en prendre soin et s’aimer, vraiment. Ce n’est pas anecdotique ; ce n’est pas une pensée de chanteur de charme : c’est indispensable.

 

– Vous, qui étiez plutôt coutumier des collaborations et des partages de scène jusque là, avez avec « Comme un ours » réalisé évidemment un album sur la solitude, mais également dans la solitude, quasiment seul. Est-ce une expérience qui donne envie pour le prochain album de s’ouvrir à nouveau à des collaborations ?

Bien sûr. Ce disque est un peu une sorte de parcours initiatique où commence un projet. Vous sentez que vous avez pas mal d’idées, pas mal de trucs à dire, mais aussi que ce n’est pas facile. Et puis vous avancez, et vous dites que pour être en conformité avec les pensées de cet album, il faut le faire le plus seul possible, juste avec un musicien avec moi. On ne va pas faire intervenir douze mille personnes, parce que ça ne collerait pas. J’aime bien ce disque ; pourtant je n’ai pas l’habitude de parler comme ça de mes disques. Mais celui là je l’aime bien, parce qu’il est cohérent et très sincère dans son intention et la façon dont il a été fait par rapport à l’intention de départ. Mais si j’en fais un autre, je ne refais pas celui là ! C’est un album que vous faites une fois dans votre vie. C’est un album qui permet de faire le point et le bilan sur ce que vous ne voulez plus, et ce que vous attendez de la vie.

 

– Ce n’est donc pas un sillon à creuser ?

Exactement ! Ce n’est pas un sillon à creuser. C’est un disque de passage, dans un âge où on vieillit, où on voit les choses différemment. On n’a pas le même regard à quarante cinq ans qu’à vingt deux ans ou à quinze ans. Cette partie là de ma vie est importante, parce que déjà, elle est assez jouissive ; je l’aime beaucoup. Je n’ai pas envie de la gâcher, et en même temps j’avais envie de faire un vrai point sur là où j’en étais, ce qui me faisait flipper, ce que je ne voulais plus jamais et ce vers quoi je tends. Et ce vers quoi je tends effectivement, c’est d’aller plus vers du monde, des collaborations, des amitiés. Ça, ça existe encore ; personne n’a réussi à nous l’enlever encore. Dans tout ce qu’on peut dire sur l’état du monde, il y a encore des choses très positives qui se passent entre les gens tous les jours, et on en parle rarement, parce qu’il y a un environnement médiatique qui nous pousse à avoir envie de nous suicider tous les matins. Mais il y a beaucoup d’espoir à avoir aussi dans une époque comme celle d’aujourd’hui, beaucoup de choses à construire et à repenser aussi. Et je trouve qu’on a pas mal d’outils pour le faire : on peut communiquer beaucoup ; on peut construire beaucoup de choses. Et c’est vers ça que je tends, dans un discours positif de fin du monde, puisque tout le monde dit que c’est la fin du monde. Moi je veux une belle fin du monde, positive et amoureuse.

 

– Il y a du vrai, et on s’en est rendu compte à Bordeaux cet été, où il y a eu comme dans d’autres villes en France une série d’expulsion avec pour conséquences des centaines de gens se retrouvant à la rue, ce qui a provoqué spontanément un gros élan de solidarité venant de toutes parts, de militants et sympathisants anarchistes, mais aussi de citoyens d’autres convictions politiques, ou même pas politisés du tout qui réagissaient simplement en humains. Constatez-vous l’existence de ce genre d’élans encourageants?

Bien sûr ! Comme dans les villages où ils font venir des migrants. Au début il y a des tracts du Front National, et puis après quand les migrants s’en vont, tout le monde pleure en les regardant partir. On sait que c’est comme ça. On a tous bon cœur. Ce n’est pas de la démagogie ; j’en suis persuadé. Je sais que quand on est vraiment viscéralement fasciste, c’est qu’on a un problème de santé, un truc à régler, un problème d’organisme qui ne va pas. Mais ce n’est pas la majorité des gens sur cette planète aujourd’hui, sinon le monde serait détruit depuis longtemps. S’il n’y avait pas une majorité de gens qui ont envie de construire des trucs et de s’aimer entre eux, ça ne fonctionnerait pas. Je crois à ça. Mais je sais aussi qu’il y a  des choses un peu flippantes, de solitudes connectées, où on peut s’enfermer derrière des appareils qu’il faut qu’on maitrise, car ça vient d’arriver. On est comme des enfants de cinq ans avec le numérique. Mais sur le fond, je n’échangerais pas notre époque actuelle contre une époque d’avant. Je ne suis pas du tout nostalgique. Je n’aurais pas voulu vivre dans les années soixante. J’aime bien cette époque : elle est compliquée, complexe, mais il y a de belles choses, des choses étonnantes. Il y a  beaucoup d’amour ; il y a des gens heureux. J’en suis persuadé : ils existent. Rien n’était mieux avant. Malgré tout ce qu’on peut dire, l’Humanité évolue et continue à évoluer. Et elle n’évolue pas vers le racisme et ce genre de choses, mais ce sont des choses qui reviennent, parce qu’il y a des crises, et que c’est utilisé. Mais ce n’est pas le noyau de l’Humanité : le rejet n’est pas le cœur de l’homme.

 

– Les animaux occupent une grande place dans vos chansons, que ce soit pour parler des rapports humains à eux ou pour évoquer métaphoriquement des traits de caractères, voire aborder carrément des thématiques politiques comme avec le titre « On peut apprendre ». Sont-ils une source nécessaire d’inspiration ?

Pour moi les animaux, c’est le vrai repère quand on ne sait plus trop comment regarder la vie et à quoi l’identifier, à quelles images. Il y a des animaux qui sont tellement bien identifiés dans leur personnalité, c’est-à-dire que les chiens font tous un peu le même truc, les chats aussi. Ils ont tous leur tempérament et ils n’ont pas de filtre. On a beaucoup à apprendre d’eux. Et pour un mec qui aime écrire, les animaux sont de vrais alliés, parce qu’ils sont tous différents, tous bien déterminés et possèdent tous leurs clichés, qu’on pourrait rapporter à un pan de notre personnalité à un moment donné. C’est une espèce de mélange de tout ce qui est animal qui a donné nous ; c’est ainsi que je le vois. Tout le monde l’a fait : c’est impossible pour un mec qui fait un peu de poésie de ne pas avoir de métaphore animale, sinon il perd un gros pan de ses repères thématiques et de son imagerie. C’est une galerie de portraits incroyable. S’il n’y avait pas d’animaux dans les dessins animés, que ferait-on comme dessin animé ? Demandes à Tex Avery de ne pas utiliser un chien, un chat, une souris, dans ses dessins, il va être emmerdé. Chez Lafontaine, c’est carrément politique : c’est de la subversion, de la résistance, grâce aux animaux. Ou La ferme des animaux de Georges Orwell. Quand on utilise des animaux, on relève d’une tradition en fait. On fait un truc que les mecs d’avant ont fait et que ceux d’après feront, sauf quand il n’y aura plus du tout d’animaux, mais on n’en est pas là encore.

 

– Une dernière question au sujet de Renan Luce et Benoit Doremus, avec qui vous êtes parti sur les routes en tournée, et que vous avez invités sur votre album « Le Dernier Présent » pour la chanson « Ignoble noble ». Comment vous êtes vous connus ?

J’ai rencontré Renan en 2006 en Charente. Il y  avait un lycée avec un CPE qui était complètement dingue, fou de chanson, et qui organisait des venues de chanteurs avec des ateliers et des concerts. Cette année là, il avait fait très fort : il y avait Abd Al Malik, Bab X, Renan, Florent Marchet, enfin vraiment du beau monde de la chanson. On a sympathisé très vite, et Renan a cartonné l’année suivante avec son album « Repenti ». Donc je suis venu jouer avec lui à La cigale ; j’ai fait ses premières parties un peu partout en France. On est devenus très amis, et on connaissait tous les deux Benoit Doremus. On a vraiment formé un trio, quand on a fait la tournée « Seuls à trois ». Ce sont deux amis très précieux avec qui je me sens bien, parce qu’on a à la fois le même humour de merde, et aussi un sens de l’écriture que j’aime beaucoup et que j’adore chez eux.    

 

Miren Funke

Photos : Océane Agouteborde, Miren Funke

Pour le site d’Alexis HK, faites un câlin à Baloo –>

 

Vincent Delerm un funambule de la scène

15 Déc

©NGabriel2019

Samedi 7 Décembre 2019

Dans son dernier spectacle, Vincent Delerm offre un patchwork des arts de la scène, qu’il conduit comme un funambule nonchalant sur son fil, et qui  organise un déséquilibre maitrisé pour mieux nous embarquer dans son histoire à ricochets . On pourrait dire aussi un funambule en improvisation dans les tiroirs entrouverts de nos mémoires partagées. Il y a une parfaite cohérence avec le film qu’il a réalisé, « Je ne sais pas si c’est tout le monde … » avec une bande son qui chuchote,

 C’est un air détaché
Pour chanter le fil enchanté.

Le joli fil entre nos cœurs passé…

Cette série de semaines prolongées à La Cigale s’est terminée en farandole guidée par l’humour malicieux et chaleureux de l’artiste, en attendant 2020 et d’autres dates à venir , voici quelques images pour vous donner un aperçu, et aiguiser l’appétit d’aller le découvrir  pour de vrai …

Pour voir les images en plein écran, clic sur  l’image et l’écran s’ouvrira.

La tournée 2020 c’est là –> Toquez sur la roulotte

 

 

Le site pour tout savoir et plus encore,

Demandez au monsieur  –>

 

 

 

 

 

 

 

Norbert Gabriel

LES MILLE ET UNE NUITS, UNE INVITATION AU REVE DE GUILLAUME VINCENT

7 Déc

39552649-33997383

« SI TU VEUX QUE TON CHIEN TE SUIVE, AFFAME LE » Shéhérazade

 Introduits au sein de la société du XVIIIeme siècle,  le conte des Milles et Une Nuits est une œuvre rassemblant des récits épars, traduits de l’arabe par Antoine Galland, théoricien envoyé en Orient pour ramener des objets étrangers en France. Il est question de voyage, de découvertes mais surtout d’exotisme : les écrivains du XVIII eme siècle se sont inspirés de ces contes merveilleux en utilisant la fiction pour contourner les censures du pouvoir. Dans ces récits fictifs extraordinaires, la narration réfléchit sur l’effet de l’histoire sur le lecteur. Mais dans cette création, la morale n’est pas ce que Guillaume Vincent a voulu utiliser directement. Il se sert des contes pour emmener le spectateur dans plusieurs histoires, des rêves éveillés.

            « Shéhérazade arrête la barbarie par la fiction » (Vincent)

 

 Guillaume Vincent utilise le matériau des Mille et Une Nuits, des histoires fantastiques et fantasmées, pour plonger le public dans la fiction, lieu du voyage et de l’infini possible.

Des mondes imaginaires se succèdent devant nos yeux, le rêve prend forme avec une violence en fond. Car tout se passe dans le palais du sultan qui, chaque nuit, tue une femme pour assouvir ses désirs de despote tyranique. Sur scène, des prétendantes vivent leurs derniers instants, dans une sorte de salle d’attente avec musique d’ambiance. La scène de l’Odéon se transforme en une fresque de petits rêves très amusants à regarder. Mais l’histoire peut être racontée grâce à Shéhérazade qui, tous les jours, doit tenir le sultan en haleine par la fiction. La fiction sauve les personnages et nous sauve par la même occasion. 

      « Il faut qu’on se perde là- dedans. Qu’on ne sache plus trop où on est »

Compagnie Midi Minuit
Les Milles et une Nuits  création de Guillaume Vincent très librement inspirée des 1001 Nuits
Mise en scène Guillaume Vincent
Dramaturgie Marion Stoufflet
Scénographie François Gauthier-Lafaye
collaboration à la scénographie Pierre-Guilhem Coste
Lumière César Godefroy
collaboration à la lumière Hugo Hamman
Composition musicale Olivier Pasquet
Son Sarah Meunier-Schoenacker
Costumes Lucie Ben Dû
assistant à la mise en scène Simon Gelin

Voir ci-dessous,

Mathias Youb

Les comptines de Kikobert…

5 Déc

A quoi rêve un serpent qui n’a pas de pieds pour marcher (ou faire des vers) , pour danser, pas d’ailes pour voler, pas de voix pour faire rock star dans the voice, et pas de cheveux pour faire le néo punk à crête de coq ? A quoi rêve-t-il ?? Rien de tout ça, vous le saurez en écoutant les comptines de Kikobert, dans un panorama élargi et musical de saynettes courtes et rigolotes, malicieuses et zoologiquement pertinentes, on ne saurait contester l’évidence de l’hippopotam-tam ou le désarroi de la coccinelle qui a perdu ses points, et son permis de vol ? Peut-être … L’avis des animaux est une source permanente de petites historiettes où l’on voit en filigrane des tableaux façon Prévert sur une bande musicale inspirée de Gershwin… ou d’un petit rag time guilleret qui dope l’escargot marathonien, tout est possible. Et c’est éducatif, la vie du ver de terre est une initiation maligne à l’arithmétique et la zoologie.

Cet album a été testé et écouté et ré écouté par mademoiselle Nina, 2 ans et demi, qui le conseille sans réserve à tous les parents… C’est un joli cadeau à accrocher dans le sapin .. et c’est un livre disque à lire et écouter , et réciproquement.  Et à colorier, si la boite de crayons de couleurs est aussi dans le sapin..

Auteur, compositeur, interprète : Nicolas Berton dit KIKOBERT  avec aussi la pétillante Liz Cherhal, c’est une offre qu’on ne peut refuser …

Le site de Kikobert c’est là
clic sur le moineau  —–>

 

 

 

Norbert Gabriel

Festival Musicalarue 2019 : entretien avec Debout sur le Zinc

2 Déc

 

Un quart de siècle que Debout Sur Le Zinc prend part active dans la créativité de la Chanson alternative française. Voilà un anniversaire qui se devait d’être fêté au festival Musicalarue, dont l’esprit est pleinement en cohésion avec celui du groupe, qui se fit connaitre à ses débuts et s’exprima essentiellement dans les rues et les festivals d’arts urbains. Un esprit rock, un amour de la Chanson, des instrumentalisations traditionnelles, un brin de musique classique, des influences folk, jazz Manouche, Blues, Klezmer, de Musiques du Monde : s’il fallait catégoriser la proposition musicale de la formation, grandie sur le terreau de la scène rock alternative pour se créer un univers bien personnel d’où émerge une « nouvelle » Chanson française, les énumérations ne manqueraient pas, même si les membres qualifient volontiers humblement leur musique de « variété ».

Le groupe aborde avec un peu d’avance l’année 2020, pour porter à l’occasion d’un autre anniversaire, celui du centenaire de la naissance Boris Vian, au devant du public son album et un spectacle en hommage au poète pataphysicien « Vian par Debout Sur Le Zinc » (quinze titres arrangés dont cinq inédits mis en musiques par le groupe), avec une tournée de cinquante dates. Néanmoins c’était avec les titres de son précédent album « El Dorado » (sorti en 2015) et des chansons de son répertoire propre que Debout Sur Le Zinc avait en aout dernier investi la scène de Sarmouneys à Luxey pour un concert qui allait faire danser le public au rythme et à l’énergie de ses compositions et de leur interprétation trépidante et envoutante. Quelques heures auparavant Simon Mimoun, chanteur du groupe acceptait de nous accorder un entretien, qui fut réalisé en collaboration amicale avec Anthony Hillcock de Radio Mont de Marsan.

 

– Simon bonjour et merci d’accepter cet entretien. C’est la quatrième participation de Debout Sur Le Zinc à Musicalarue depuis vos débuts il y a vingt cinq ans. Que représente ce festival pour vous ?

Il y a beaucoup d’atomes crochus. Musicalarue est un festival assez Chanson, seule preuve en est encore cette année la présence de beaucoup de groupes de notre génération de musiciens, tous nos potes. J’aime bien les festivals qui se passent dans un village, parce que ça garde un esprit de village justement.

 

– Votre dernier album « El Dorado » date de 2015, et votre présence à Musicalarue ne s’inscrit évidemment pas tout à fait dans le cadre d’une tournée de présentation, mais plus, on imagine comme un concert en festival populaire où on s’adresse aussi fatalement à d’autres publics que le sien. Comment s’opère le choix pour établir une setlist dans ce cas ?

C’est la foire d’empoigne! Là, on tourne sur la fin de « El dorado » ; on a quelques dates comme ici. Donc on se réfère un peu à ce qu’on a fait avant ; on essaye de faire des choses, parce qu’on joue à 22h et qu’on sait qu’à Luxey, à cette heure, les gens sont déjà bien chauds. On ne peut pas ici jouer des chansons trop intimes. La setlist s’établit donc en fonction de ça et du temps, puisque le concert va durer une heure et quart environ, avec Orelsan qui joue après. Donc c’est un challenge. Moi, je ne me lasse jamais, parce que l’intérêt n’est pas de répéter des chansons, mais de les jouer devant des gens différents. Ce que j’aime, ce sont les gens qui sourient et sont heureux à la fin : c’est la paye, ça! Etablir une setlist est délicat : il faut frustrer un peu les gens et aussi leur donner ce qu’ils veulent ; il faut des classiques, mais que les gens sortent un peu frustrés pour avoir envie de réécouter. C’est comme en sortie d’un repas : on n’est pas forcément bien, si on est rassasiés. C’est un équilibre à tenir entre les nouveautés et les classiques.

 

– « El Dorado », dernier album en date, est marqué par une ouverture de l’écriture, à des collaborations notamment. Est-ce par nécessité de renouveler l’inspiration du groupe à d’autres sources ou du aux influences de nouveaux membres récemment intégrés dans le groupe?

– Non. Pour la chanson « Lampedusa », je n’arrivais pas à l’écrire seul, et j’ai donc demandé l’aide d’un auteur qui s’appelle Vincent Tirilly. La crevette d’Acier est un groupe dont il était membre avec Chloé Lacan. C’est un auteur incroyable qui avait arrêté de faire de la musique, et je lui ai donc demandé un coup de main pour écrire cette chanson, parce que ça fait partie des sujets délicats ; il ne faut pas se gourer. Je préfère toujours avoir un autre regard, une autre écriture. Et puis au bout de dix albums, il est facile de tourner en rond et de se scléroser ; je trouve donc bien de se confronter à des collaborations. Je n’ai pas de recette pour écrire des chansons ; ça m’angoisse beaucoup.

 

– A ce sujet les voyages de tournée par exemple représentent-ils un moment propice à la projection dans l’album suivant et à son écriture ?

Personnellement ce ne sont pas les voyages qui m’inspirent, mais les rencontres, un livre, une information, l’air du temps, quelque chose de très intérieur que je travaille. A partir de la rentrée, on va jouer la tournée de Vian, et on sera déjà entrain de bosser sur l’album d’après, et je pense qu’il y aura des influences de Vian dessus. C’est une sorte de pelote qu’on tire. En fait il ne faut pas oublier qu’on écrit sur nous quand même ; et si ça résonne chez les gens, tant mieux. Mais c’est nous le médium : on ressent les choses, et on a beau dire, on écrit sur notre ressenti qu’on essaye d’ouvrir ensuite. En tournée, on emmagasine, mais pas tant que ça, parce qu’on est vite enfermés ; c’est une sorte de routine qui nous protège pour que le concert se passe bien. Et si on veut, on peut ne voir personne pendant les tournées. Par contre quand on va à l’étranger, on en prend un coup : quand tu pars tourner à Madagascar, tu n’en sors pas indemne, tant musicalement que du point de vue de la misère, de la vision de la France vue de là bas. Quand on va loin, c’est sur, on emmagasine des choses et ça ressort dans les chansons.

 

– La chanson  Lampedusa  évoque un thème qui résonne encore atrocement dans l’actualité, celui des réfugiés d’Afrique prêts à risquer leur vie pour trouver un meilleur sort ailleurs. C’est une cause qui mobilise beaucoup de monde en réaction au cynisme des politiques migratoires de l’Europe. Quel éclairage voudriez vous porter sur ce sujet qui, on imagine, vous sensibilise personnellement ?

J’ai écrit « Lampedusa » il y a très longtemps. Ce n’était même pas sur les migrants en fait ; c’était suite à la lecture d’un bouquin Laurent Gaudé qui s’appelle El Dorado, comme notre album. Ce qui me choquait, ce n’était pas tellement que ça nous arrive dessus -enfin que ça leur arrive dessus-, parce que c’est inévitable : il serait étrange de penser que les capitaux et les marchandises puissent passer et pas les gens. Il n’y a rien de plus volontaire que quelqu’un qui veut passer les frontières. Mais ce qui était étonnant c’est qu’à l’époque, ce n’était que des flashs d’information qui de temps en temps mentionnaient deux cent morts en méditerranée. C’était une nouvelle qui durait cinq secondes et passait à la trappe aussi tôt. Aujourd’hui la prise de conscience est là, donc de ce point de vue, il y a du mieux, même si c’est angoissant. Les gens sont acculturés : ils ont oublié que leur famille, eux-mêmes, viennent d’ailleurs. Moi, je suis moitié breton, et mon père est juif Pieds Noirs, donc a priori quelles étaient les chances pour mes parents de se rencontrer? On vit dans un monde d’assurance : on pense que tout doit être normé, prévu. Je crois justement que c’est ça qui fait l’enjeu de la vie : que les choses soient imprévues. Le fond de ma pensée est que nous sommes des enfants gâtés, qui vivons un âge d’or, et qu’on ne s’en rend pas compte, et qu’à ce titre là, on a quelques responsabilités qu’il faut assumer. Je n’ai jamais vu une personne s’étant un tout petit peu intéressée à l’Histoire et ayant lu quelques bouquins qui soit dans cet état de phobie. A la base, on est prêt à gober tout et n’importe quoi. Il y a un côté de l’information sur internet, avec l’absence de filtres, qui m’effraye un peu et que je ne maitrise pas du tout. Mais je pense que le fond du problème de la xénophobie est du à un manque d’éducation. Dans mon groupe il y a Chadi Chouman [musicien additionnel pour le spectacle sur Vian] qui est libanais chiite ; moi j’ai de la famille en Israël. Et on est potes, parce qu’on sait de quoi on parle. Ce n’est pas le sujet ; le sujet est ailleurs. A partir du moment où les gens savent de quoi ils parlent, où ils ont confronté les points de vue, tourné le prisme et réfléchi deux minutes, ils ne sont normalement pas en état de voter raciste. Ce qui rend les gens agressifs, c’est l’enfermement mental, le fait de ne pas sortir de leur bulle, qu’on ne leur serve toujours que le même discours ou qu’eux n’aillent pas chercher un autre discours. Je ne suis pas politicien ; j’essaye de ne pas donner de leçon. Mais c’est mon point de vue.

 

– Vous allez entamer une tournée de cinquante dates avec cet album hommage à Boris Vian. Comment est née en vous l’envie de célébrer ce poète avec un disque et surtout le spectacle que vous créez autour ?

On avait fait un spectacle jeune public sur Vian, et on a rencontré Françoise Canetti, qui est la fille de Jacques Canetti, l’éditeur de Brel, Brassens, Vian, en gros, de toute la Chanson Française d’un gros pan de l’Histoire de France. On a tous été éduqués avec eux. C’est comme ça qu’on a pu demander à Françoise Canetti de refaire des chansons de Vian et qu’on a eu accès à des textes quasiment inédits, pour lesquels on a fait des musiques originales. Et ce qui est dingue dans Vian, c’est que par exemple il était dans une époque où il était normal d’être misogyne, et que chez lui, il n’y a pas une once de misogynie. Il savait qu’il allait mourir, donc n’était pas dans le déni de la mort, mais pas non plus dans le côté obscur de la force qui consiste à dire « je vais mourir, j’en ai plus rien à foutre » ; il était à fond dans la vie. C’est une vraie leçon. Alors il y a une mise en scène de Nikola Carton, qui est un metteur en scène super classe et très gentil et doué, avec une voix off d’Oldelaf : c’est une déambulation dans la vie de Vian à travers des chansons. C’est très beau et intense. Tout Vian. Alors il y a des vieilleries, des mots pas très contemporains, mais on a pu faire un choix et je suis très fier de ce spectacle, qui comporte des chansons très connues comme « Le déserteur » et aussi d’autre peu connues, des chansons paillardes, interprétées avec notre vision, et pas mal de chansons qui étaient issues du premier album d’Higelin, « Jacques Higelin chante Boris Vian et Higelin », qui était un de mes albums de chevet. Mon entrée musicale dans l’univers de Boris Vian a été Higelin. Personnellement je sors du spectacle bouleversé : chanter tous les soirs « Je voudrais pas crever » ou même « Le déserteur » est très difficile, non pas techniquement, mais parce que ce sont des chansons très intenses. D’un point de vue musical, ce qui été le plus dur est que Vian composait beaucoup, mais en était complexé, car il travaillait avec des jazzmen, et à mon sens, il complexifiait un peu la chose, alors que ses chansons aujourd’hui auraient eu beaucoup de succès. On a donc fait un effort de simplification pour certaines chansons, et gardé d’autres choses telles qu’elles.

 

– Tu parles des artistes à travers lesquels Vian est arrivé à vous, comme Higelin. Comment arrive-t-on (ou pas d’ailleurs) à se détacher de ce qui avait été fait avant pour accéder à une lecture personnelle de Vian ?

On n’a pas pu se détacher de choses qui nous étaient vraiment familières, car elles étaient ingérées. Par exemple pour « L’âme slave », il était impossible de faire totalement différent de ce qu’en a fait Higelin. En revanche il y a plein d’autres choses dont on s’est affranchis ; on s’est amusés, surtout avec les textes dont on avait la musique à faire. On aura une date symbolique aux Trois Baudets fin septembre, parce qu’ils ont tous commencé là, y compris Vian. Françoise Canetti dit qu’elle l’a vu là bas, et qu’il était glaçant. C’était une catastrophe, mais pour tout le monde, car ils débutaient tous leurs tours de chant là. Vian n’était pas qu’un artiste ; c’était aussi un ingénieur. C’est l’inventeur du velib en quelque sorte, car il avait eu l’idée du vol organisé des voitures, c’est à dire qu’on prend sa voiture, puis on la laisse avec les clés dessus pour que les gens puissent s’en servir. Il était plein d’idées ! Enfin c’est difficile de dire ce que serait les gens aujourd’hui, car l’époque influe beaucoup sur les gens, et surtout sur les artistes.    

 

– Comme bien des groupes alternatifs ayant connu des débuts à la débrouille, vous avez vécu une période où les enregistrements studios s’effectuaient après avoir promené un moment les chansons devant les publics, de scènes en scènes. Aujourd’hui, le métier se fait essentiellement à l’envers, avec des sorties d’albums qui précèdent les tournées. Quels avantages ou inconvénients distinguent les deux façons de faire ?

Dès qu’on a fait l’album, on se dit « merde ! ». A part pour les premiers albums, ce qui est terrifiant avec les suivants c’est que tu ne tournes pas les chansons avant de les enregistrer ; c’est assez rare. Du coup elles sont moins maitrisées, et prennent forme sur scène, où on comprend ce qu’on a voulu dire, parce qu’on trouve les bons appuis. Il faudrait les enregistrer un an après les avoir jouées, comme on fait pour un premier album en fait. Le problème, c’est que les tourneurs veulent un album pour proposer des dates. Mais il est vrai que c’est dommage, car parfois on comprend les chansons longtemps après les avoir beaucoup jouées.

 

– Votre musique dessine un univers hétérogène qui se colore de beaucoup d’influences de genres musicaux divers, mais nait tout de même d’une génération qui porte, au moins dans l’esprit, l’héritage de la scène rock alternative française des années 80 florissante de labels indépendants. Vous sentez-vous investi aussi d’une conscience de poursuivre, à votre façon, la démarche des groupes qui ont amorcé cette épopée ?

Dans Debout sur le Zinc, on a été pas mal nourris aux Têtes Raides, Los Carayos, qui était quand même un groupe où il y avait tout le monde, les VRP, Néry, qui ne sont pas assez connus. Quand je pense que beaucoup de gens ont oublié qui était Néry, c’est insupportable. Donc on a effectivement hérité de ça. Après il a fallu s’en échapper. On est en filiation avec ça, mais on a un côté un peu plus variété, car notre musique est plus douce et plus facile d’accès, me semble-t-il ; il y a moins de parti-pris. On est peu plus mainstream. Mais on vient de là sans aucun doute. Tu vois, Les Ogres de Barback, Les Hurlements d’Léo et nous, on ne fait pas la même musique, mais les gens nous assimilent, car on fait les choses de la même manière, c’est-à-dire de manière sincère et frontale. On va voir les gens ; il n’y a pas de distance avec le public. Pour Debout Sur Le Zinc, le public est vraiment un autre membre : s’il n’est pas péchu, on ne peut rien faire. J’ai du mal à faire un concert sans dire aux gens de se lever, de bouger, de taper dans les mains. Même si je raconte des choses tristes, j’ai envie de le faire gaiement.

 

– Le nom de Debout sur le Zinc provient d’une référence à un vers d’un poème de Jacques Prévert (« Et la fête continue », Paroles), et c’est désormais Vian que vous allez célébrer. Les littéraires sont-ils des influences dont vous porter le souci dans votre écriture ?

Vian est une influence. Brassens, Brel. Le rôle de groupes comme les Têtes Raides, pour te dire l’importance de certains groupes pour d’autres groupes, a été de nous dire qu’il était encore possible d’écrire de la Chanson française sans être écrasés par le poids des anciens. A ce titre là, ils ont ouvert une porte, et plein de gens s’y sont engouffrés et ça a créé un mouvement musical. C’est surtout la Chanson qui m’inspire. Après j’essaye de ne pas trop réfléchir à cela, musicalement aussi. J’essaye de faire les choses de manière primaire ; le travail vient après. Mais si on réfléchit à la base à la manière dont on va faire les choses, le système se voit beaucoup. Un tout petit exemple : je devais faire des ateliers d’écriture avec le Château de Versailles, et on me demandait de faire écrire à une classe une chanson sur la Galerie des Batailles, qui est une galerie comportant des tableaux de bataille. Quand tu demandes dans la classe ce que les gamins ont vu, ils te répondent « des tableaux » ; puis tu leur demandes qu’est-ce que c’est des tableaux, et eux te répondent « de la peinture et de l’eau ». Et voilà : tu as une chanson. Tu ne réfléchis pas. Tu peux décortiquer, aller en profondeur et chercher des choses, mais si tu commences par tirer ce fil de la peinture et de l’eau, tout de suite, tu es dans quelque chose de poétique et tu peux ajouter des choses par-dessus, patrimoniales, de la mise en scène. Et après tu leur demandes ce qu’ils ont vu et ce qu’ils n’ont pas vu. Mais le premier jet, c’est vraiment la simplicité enfantine.

 

– Dernière question : en remontant dans tes souvenirs, te rappelles-tu quel disque ou artiste t’a le premier attiré à la musique ?

J’ai écouté beaucoup de musique classique quand j’étais petit ; j’étais violoniste. Mais, si je te dis Robert Smith, ça craint ? En fait j’adorais The Cure ; c’était la musique qu’écoutait mon grand frère. Et puis j’aimais bien aussi Depeche Mode ; il y avait plein de trucs très mélodiques et harmoniques. Et les deux premiers disques que je me suis achetés était La Mano Negra et « Les quatre saisons » de Vivaldi.

 

Miren Funke

Photo : Océane Agouteborde, Benjamin Pavone

liens : https://www.dslz.org/

Le dernier concert d’Anna Prucnal …

1 Déc
Lors de la première publication de cette chronique, on pouvait penser que c’était le presque dernier concert d’Anna Prucnal.
Ce fut sa dernière scène en région parisienne.

 

Anna Prucnal au Forum Léo Ferré décembre 2010

Martial Paoli, Anna Prucnal, Jean Mailland, Photos©NGabriel

C’était peut-être sa dernière représentation… Anna Prucnal comédienne et chanteuse hors du commun est venue faire ses adieux à la scène chanson au Forum Léo Ferré, enfin peut-être… Ce sont peut-être les derniers adieux, ou les avant derniers.. Allez savoir avec cette diva exigeante et fantasque qui a toujours mis son art au coeur de sa vie. Exigeante et fidèle, depuis pas mal d’années tous ses spectacles sont élaborés en collaboration fusionnelle avec Jean Mailland.

Pourquoi les adieux ? Peut-être parce qu’elle a tout fait, peut-être parce que sa voix n’a plus les éclats d’hier, mais grâce à une technique parfaite, une hyper sensibilité et un sens du texte très affiné, elle porte les mots avec une intensité émotionnelle exemplaire. C’est un moment de spectacle rare, et une leçon de spectacle exceptionnelle. On redécouvre avec la voix retenue les textes de révolte et de rage qui prennent une dimension nouvelle avec ces nouvelles interprétations.

Dans les 2 ou 3 premières chansons, on sentait qu’elle souffrait de cette retenue, mais très vite la comédienne prend ses marques, s’affranchit de la contrainte, c’est bouleversant, intense, ça touche en plein coeur, et dans cette petite salle chaleureuse, il y a une intimité , une proximité qui nous a laissés en totale communion avec Anna Prucnal, Jean Mailland, et l’excellent pianiste Martial Paoli

En quelques chiffres, Anna Prucnal, c’est 22 albums de chansons, 26 films , 15 téléfilms, 38 pièces de théâtre et 40 ans d’amour avec Jean Mailland …

Et si ces adieux étaient vraiment les derniers, mais sait-on jamais ? il y a un livre « Moi qui suis née à Varsovie » et quelques albums d’anthologie, où on croise Brecht, Vissotski, ces poètes flamboyants qui ont trouvé avec Anna Prucnal leur meilleure interprète , celle qui ne joue pas, mais qui incarne dans toutes les fibres de son être les sentiments exacerbés de ces oiseaux insoumis… Pourquoi elle vient trop tôt la fin du bal Pourquoi c’est les oiseaux jamais les balles qu’on arrête en plein vol.. A qui la faute ?

 

Il écrivait comme on se sauve d’un piège
faute au soleil faute aux tourments
mais comme il prenait pour papier la neige
ses idées fondaient au printemps
et quand la neige recouvrait sa page
faute aux frimas faute à l’hiver
au lieu d’écrire il essayait courage
d’attraper les flocons en l’air
mais aujourd’hui il est trop tard
il n’aura pas pris le départ
et son souvenir ne sera
que la chanson d’avant la lutte
et l’évadé qui n’aura pas atteint son but

(Vladimir Vissotski: « Le vol arrêté »)

C’était le 18 décembre 2010 , au Forum Léo Ferré à Ivry

 

Quelques chansons qui lui ressemblent ? Voilà…

 

 

 

Et pour  quelques photos de plus 

(Clic pour agrandir)

Photos©NGabriel

Norbert Gabriel

 

%d blogueurs aiment cette page :