Archive | novembre, 2019

Montand et les auteurs…

29 Nov

Une discussion animée a occupé les réseaux sociaux récemment, sur l’interprétation d’une chanson dont le texte a été plus ou moins modifié et amputé . Sans l’aval de l’auteur(e).

Le fait est assez fréquent, parfois au mépris du droit moral de l’auteur, et en déformant le sens de la chanson. Par erreur ou incompréhension… Remplacer «Ma mie » par « Maman » dans « La non demande en mariage » relève peut-être d’un lapsus freudien.

 

Photos Crolla par Emile Savitry, Montand Harcourt, Prévert DR

Un des interprètes les plus connus dans le monde, Yves Montand, a souvent apporté des modifications dans les chansons qu’on lui proposait. Mais chaque fois, il en parlait avec l’auteur, et c’est uniquement avec l’aval de celui-ci qu’il enregistrait la version modifiée selon ses suggestions.

Le premier exemple c’est « La chanson des cireurs de souliers ». Prévert avait demandé à Henri Crolla de mettre une musique sur ce poème. Quelques mois après, nous sommes en 1947, Prévert et Crolla vont chez Montand, lui montrent la chanson, Montand est emballé, et adopte les cireurs. Toutefois, malgré sa timidité envers les intellos comme Prévert, il suggère une fin différente. Prévert accepte, et c’est la version Montand qui est déposée à la Sacem: «  Les cireurs de souliers de Broadway ».

On peut souligner que Montand n’a jamais revendiqué le moindre centime sur ses participations, au contraire d’une célèbre canadienne Céline D. qui demande 20% uniquement pour chanter ce qu’un autre a écrit. De même, Montand a repéré un texte de Gébé et a demandé à en faire une chanson, ce que l’auteur n’avait jamais envisagé. (Casse-Têtes, mis en musique par Philippe-Gérard, sur la demande d’Yves Montand qui avait repéré ce texte dans Charlie Hebdo )

On peut rapprocher l’attitude des auteurs avec Montand à celle de Boris Vian, quand Mouloudji lui a demandé des modifications pour « Le déserteur » réponse de Vian: « mais Moulou, tu fais ce que tu veux, c’est toi qui chantes.. »

Et non reprocher à Mouloudji d’avoir changé quelques vers… Que Vian a repris dans un de ses enregistrements de la chanson.

Pour conclure avec Montand, il a eu des intuitions fulgurantes, mais aussi raté des occasions… Toutefois, il était à l’écoute de sa garde rapprochée, Bob Castella, Henri Crolla, Simone, par ordre d’apparition dans sa vie. Quand Jacques Verrières lui a présenté « Mon pote le gitan » il était dubitatif et c’est Crolla qui l’a convaincu. Et si on peut reprocher à Montand un côté grande gueule italo-méridionale, il a toujours été d’une honnêteté scrupuleuse avec ses auteurs. Paraboschi, autre impulsif tonitruant a toujours été constant, « Montand pouvait pousser une gueulante de mauvaise foi dans le feu de l’action, mais après il venait s’excuser et reconnaître ses torts, quand il avait tort . Ce qui arrivait parfois.

Une de ses dernières interventions concerne « La bicyclette » dont le titre initial est à « à bicyclette »… Quand Pierre Barouh lui a montré la première version, une sorte de récit en deux temps, si on peut dire, il a suggéré à Barouh d’en faire un court métrage, plutôt qu’un documentaire, et en effet, l’auditeur entre d’emblée dans le film, alors que dans le documentaire, il est témoin extérieur ..

De l’ébauche d’une chanson à sa version définitive, gravée dans le marbre de la Sacem, la vie de l’artiste peut l’amener à faire des variantes, changer un mot, modifier une phrase, mais c’est toujours avec une raison précise. L’interprète qui modifie devrait avoir le scrupule d’en discuter avec l’auteur. En justifiant son point de vue.

Un des exemples les plus étonnants est l’histoire des « (..) Plaines du Far West ».   Montand a un peu plus de 20 ans, il a débuté avec un répertoire « Trechenel »  (Trenet-Chevalier-Fernandel) et il veut une chanson à lui. Il est fou de cinéma américain.  Son imprésario du moment l’envoie chez un musicien aveugle qui n’a jamais vu un western, Montand raconte, et la chanson nait ..  Co-écrite avec Maurice Vandair. Cette chanson n’a jamais quitté son répertoire, la voici dans une version très cartoon …  Les ragazzi qui l’accompagnent c’est le gang des ritals, Castella,  Balta, Paraboshi, avec Soudieux,  le trombone de Claude Gousset et Hubert Rostaing clarinette.  Crolla, qui était un des piliers du gang des ritals, était absent sur la scène, mais présent sur l’album, en scène c’est Didi Duprat qui l’a remplacé ..  and the show must go on …

Last but not least, dans « Les feuilles mortes » il y aussi une trace de Montand…

Voir ici–>

Norbert Gabriel

Guy Béart révolutionnaire ou prophète ?

22 Nov
En préambule ces mots de Pierre Barouh :
«  La chanson sait exprimer des sentiments complexes avec des mots simples. »

Prophète ou révolutionnaire ?  Révolutionnaire, et/ou visionnaire ?

Le livre de Michel Trihoreau est exemplaire pour démontrer à travers la chanson et un auteur-compositeur-interprète, Guy Béart, toute la dimension de cet art populaire dans la société. Remettons à sa place l’anecdote piteuse d’Apostrophes, l’exemple même des schémas simplistes pour réduire un débat de fond à une pitrerie désolante de propos de comptoir. Mais parfaite pour faire la joie des habitués des étiquettes, ceux qui ne vont jamais plus loin que le titre à effet sans s’attarder à une quelconque analyse.

Et quand un auteur a une œuvre aussi diversifiée que Béart une seule étiquette ne peut suffire . Ou peut-être, selon Aragon:

«  Le poète a toujours raison, et le futur est son royaume. »

Michel Trihoreau a exploré toutes les facettes de ce personnage assez atypique, que ses « principes » ont mis dans une sorte de terrain vague aux multiples entrées : poète populaire avec « L’eau vive » devenue chanson du folklore, surréaliste amer avec « En marchant » chroniqueur des couleurs du temps, « Qui suis-je… Fille d’aujourd’hui » fabuliste narquois «  Le chapeau », visionnaire dans son métier,  s’émancipant des tutelles du showbizz, en devenant son propre éditeur, bien avant les autres.

Vous trouverez beaucoup d’autres pistes confirmant le titre « Révolutionnaire ou prophète » avec aussi l’envie de découvrir ou redécouvrir un répertoire d’une richesse et d’une diversité rares.

Chacun a sa chanson « de mémoire » en rapport avec une tranche de vie personnelle, selon l’heure et le temps, mais pour finir cette invitation à faire une grande ballade musicale avec Guy Béart, une chanson, en particulier, me paraît symbolique, c’est à la fois la plus belle déclaration d’amour aux femmes -mais pas que- et c’est aussi ce que j’ai envie de lui dire, « ce que j’aime en vous, c’est vous… » la suite ci dessous.

Le livre de Michel Trihoreau est en librairie aujourd’hui, 22 Novembre, édité par  « Le bord de l’eau » à visiter… pour commander en librairie de proximité.

Le Bord de l’eau, c’est ici:
Clic sur la librairie et entrez: –>

Norbert Gabriel

Et pour la librairie en général, soyons des résistants aux hégémonies envahisseuses, voyez ci dessous:

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Julie Lagarrigue seule en scène : double ration de poésie au théâtre Le Levain de Bègles (33)

14 Nov

 

Vendredi 4 et Samedi 5 octobre, c’est dans l’antre merveilleux d’Attila et Marie-Laure Piroth [ici], qui depuis qu’ils ont ouvert ce lieu de spectacle, dans une ancienne boulangerie de Bègles (33), œuvrent au soutien des artistes, conviant un public curieux de découvertes et amateur de cultures alternatives à venir écouter respirer la musique, assister à des pièces de théâtre ou participer à des ateliers, que Julie Lagarrigue donnait rendez-vous au public girondin pour un récital intimiste des chansons de son album à sortir sous peu:  « Amours sorcières ». C’est toujours dans une ambiance chaleureuse que le Théâtre Le Levain se met en quatre pour faire vivre l’accès à l’art et à la culture, réanimer la vie de quartier, et régaler les amateurs, autant de nourritures émotionnelles et spirituelles que gastronomiques au bar du théâtre. Il est de ces endroits où on se sent heureux d’arriver, confiant de la garantie d’y croiser des retrouvailles, d’y nouer de belle rencontres, et d’en ressortir quelques heures après enrichis moralement, quoi que délesté de quelques larmes et sourires restés hanter les lieux.

Le Levain était donc un lieu tout consacré pour entendre s’emporter, s’enflammer et se transmettre autrement les chansons d’une artiste mue par un gout de la différence, venue interpréter seule sans ses musiciens, mais accompagnée tout de même de quelques instruments, les titres de son album. Julie Lagarrigue nous délecta d’une interprétation dans la sobriété d’un accompagnement mono-instrumental au piano, à l’accordéon où à la guitare -dont une crée par l’artisan luthier Hervé Berardet-, des chansons que nous avions eu le plaisir de découvrir tintantes d’autres chromatismes sonores lors de son concert au Théâtre Artisse à Bordeaux avec Ziad Ben Youssef au oud et Anthony Martin à la guitare [ici]. Le contraste savoure deux accroches de l’oreille différentes, où pourtant s’exprime un même sens de la beauté qui semble instinctif à l’artiste. De la délicatesse en douceur (« Le beau de la forêt »), de l’humour (« Mon mec est un scientifique »), de la gravité aussi pour évoquer le sort dramatique des exilés (« Sombre » extrait du précédent album « Fragile, debout »), et un brin de démence furtivement inquiétante (« Schizofrène ») allaient transpercer et transporter le public du Levain, deux soirées de suite, pour un voyage émouvant à travers les titres d’«Amours Sorcières », mais aussi de quelques extraits des précédents albums (« Léon qui gronde »), et nous dire comme la poésie d’un regard peut se changer sans s’altérer, à épier plusieurs dimensions d’une même réalité en variant les prismes au travers desquels elle nous les dessine, et n’en rester pas moins éloquente et résolue à éveiller nos imaginations, férocement ou tendrement. « La tendresse » allait d’ailleurs résonner d’une reprise bienvenue de la chanson de Noel Roux interprétée par Bourvil qui trouva intuitivement et légitimement sa place au creux du récital pour se laisser fredonner par le public, tant que son écho persistait en tête après le concert.

Julie Lagarrigue qui parallèlement s’attelle à se produire avec le projet « Chanson à 2 accords » porté par son guitariste Anthony Martin et l’artiste Cécile Delacherie [ici] dans le cadre de son association Le Dire Autrement [explication du projet et lien de financement participatif : ici] de chants écrits à l’Hôpital Charles Perrens et chantées par des enfants, des jeunes en situation de handicap, en post cure psychiatrique, des personnes en détention, en insertion, des amateurs, des patients, des soignants, des travailleurs sociaux, et des personnes âgées fragilisées, promènera encore ses chansons au grès de plusieurs dates et annoncera la sortie officielle de l’album « Amours Sorcières » lors d’un concert le 21 février 2020 au Rocher de Palmer à Cenon (Bordeaux).

 

Miren Funke

Photos : Miren

 

Site : http://leveloquipleure.fr/

Nougaro, Brassens se livrent ..

11 Nov

 

Pour bien comprendre les gens, le mieux est d’écouter ce qu’ils disent. ( Pierre Dac ).

Et aussi ce qu’ils chantent, ou écrivent. Voici donc deux livres de notes de Claude et Georges, parus récemment, et qui peuvent faire un cadeau possible quand il est temps de (se) faire un cadeau. Et c’est original, un objet autonome, sans pile, sans wifi, sans connection, ça peut surprendre…

Nougaro :

« Mes chansons sont construites comme un petit film ; j’essaie que, dans mes chansons, il y ait une qualité visuelle, que l’oreille devienne un œil. »

« Ce qui swingue, c’est ce qui fait balancer l’âme, et non pas le cul. »

« Je ne fais pas du divertissement, je fais de la récréation ou de la re-création. Je n’ai pas l’intention de faire passer une heure agréable à madame la sous préfète pour qu’elle aille croquer un petit four sonore. »

« Je veux avoir à faire à des artistes, c’est-à-dire à des hommes qui ne songent point à vous endormir mais à vous réveiller. »

« Quand on parle d’arbre, immédiatement le chêne Brassens pousse. »

Brassens

« J’aime la musique ? J’ai appris à l’aimer par la chanson, parce que la chanson c’est la forme de musique qu’on avait dans les milieux ouvriers. »

« Dans la chanson je m’octroie tous les droits. Dans la vie c’est pas pareil. »

« Mon univers se modifie à chaque instant, autour d’une femme, une fleur, un arbre .. »

«  Ma guitare est une sorte de tam-tam nègre. »

« Solitaire comme dit l’autre mais solidaire. » »

«  Si tous les êtres avaient un esprit de tolérance, la liberté irait de soi. »

« Je parle de Dieu parce que j’ai été élevé par une mère catholique, mais je ne crois pas en Dieu. »

«  Il suffit que j’aie aimé quelqu’un pour qu’il soit vivant jusqu’à ma propre mort. »

«  La musique a une importance capitale, une chanson plait surtout en fonction de sa musique. »

« La musique quand elle est belle donne aux paroles une dimension qu’elles n’ont pas. »

« La chanson en art mineur ? Il y a des chansons mineures, voilà tout.

A travers ces quelques mots choisis dans les 310 pages de ces deux livres c’est une sorte de radioscopie personnelle qu’on peut faire,en trouvant dans les mots et pensées de Nougaro et Brassens ce qui nous ressemble, ou ce qui ressemble à l’image que l’on se fait de ces deux troubadours, le troubadour étant à la fois un chroniqueur et un poète.

– Pour Nougaro, c’est au Castor Astral, par Laurent Balandras et Jean-Paul Liégeois

– Brassens au Cherche Midi par Jean-Paul Liégeois.

Pour rappel, l’excellent Kaléidoscope de Gilbert Laffaille, voir ici : clic sur le livre –>

 

et le dernier numéro de Je Chante, avec un dossier Michel Legrand exhaustif.

Le site c’est là dessous,

 

 

 

 

 

 

Norbert Gabriel

Francesca au Zèbre ….

10 Nov

Il y a des soirs où l’émotion partagée est indicible avec les mots … Grazie mille, Francesca Solleville … au Zèbre  de Belleville …  le 9 Novembre 2019.

 

 

Photo NGabriel2019

 

Et pour quelques images de plus ,

Clic dessus,  et elle grandit !

 

 

Norbert Gabriel

Et pour une dernière chanson ?

Louis Ville Eponyme…

8 Nov

©NGabriel Forum Léo Ferré 2015

C’est la ballade d’un troubadour qui peint le monde vu à travers le prisme d’un regard lucide, tendre, souvent inquiet, mélange de solidaritude et d’espérances floues, ou flouées, mais … Troubadour ça se dit aussi songwriter, un porteur de nouvelles, un chroniqueur musical du temps présent dans tout ce qu’il a de nuances bariolées, contrastées, ecchymoses et cicatrices comprises.

 

Dans cet album Eponyme, qu’on pourrait dire rhapsodie de l’humain fraternel, Louis Ville raconte et se raconte. « Et si nous fûmes victimes de nos vies… regarde moi l’ami … Moi j’ai des couleurs dans le cœur qui changent du noir en douceur.»

La voix est toujours magnétique, mais les heures de la rage laissent place à des variations de violoncelle sensuel, en écho à ceux qui accompagnent les guitares multiples (et claviers) de Louis Ville. Pas d’esbrouffe, d’effets clinquants, mais si le fauve est apaisé, apparemment, on perçoit bien cette puissance sous jacente, celle majestueuse du Mississippi, le grand fleuve profond aux rives black and blues.

Un album de Louis Ville n’est jamais un empilement plus ou moins aléatoire de chansons, c’est un long métrage de plans séquences où on embarque au fil des confidences, ou des témoignages, ceux de l’artiste embarqué dans un monde qu’il aimerait colorier autrement.

« Things can change, las cosas pueden cambiar, If you turn on the right blue bottom. »

Allez savoir pourquoi, quoi que moi, je le sais, j’ai eu la sensation à l’écoute et la réécoute d’avoir Leonard Cohen qui murmurait : «  Il est bien, ce Louis Ville.. » Certes, et c’est pas moi qui vais contrarier Leonard Cohen. Si vous connaissez Louis Ville, vous savez tout ça, si vous ne le connaissez pas encore, offrez vous Eponyme, et Cinémas-, extrait

 

Le site de Louis Ville c’est là, clic sur la guitare–>

 

 

 

 

Norbert Gabriel

 

PS: Voici ce que dit Louis Ville sur l’instrumental « Raphaël »

Il y a dans cet EP un instrumental jazzy, « Raphaël ».

C’est un hommage à un ami pianiste qui a une fin de vie pas cool. Comme je l’aime terriblement, ça m’attriste. Un jour, j’ai vu un film qui se déroulait en Amérique du sud dans lequel le final montrait un pianiste complètement habité qui jouait en live. J’ai été subjugué par ce qu’il dégageait. Il rayonnait de joie. J’ai donc voulu jouer un morceau similaire. Je suis parti dans une fulgurance pianistique qui m’a presque dépassé. Il n’y a rien de plus excitant que d’aller dans des terrains musicaux que je n’ai jamais emprunté.

 

Extrait de l’entretien avec François Alquier, donc voici le lien pour le lire in extenso, clic sur François–>FRançois Alquier

Et pour quelques lignes de plus,  clic sur les photos ci dessous,

montage-louis-ville1.jpg

 

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