Archive | septembre, 2019

Nicolas Jules, les Falaises

29 Sep

Depuis plusieurs semaines sur FB on pose la question : « Et pour vous, c’est quoi les Falaises » . On y répond, par petites capsules vidéo fantasques.

Photo  ©Lara Herbinia

Alors c’est quoi, les Falaises?

Les Falaises, c’est le 7 ème album de Nicolas Jules. Une 7 ème marche dans l’escalier de son œuvre en cours, qu’il ne monte ni ne descend d’ailleurs. Ça pourrait sembler casse-gueule mais c’est bien là sa meilleure façon de marcher : pas droit, pas au pas, à l’instinct. Comme il l’explique à François Alquier alias Mandor dans un entretien, « Dans la vie et en tant qu’artiste, je réagis beaucoup en réaction… et beaucoup en réaction contre ». Les Falaises est ainsi le contre-pied du précédent Crève-Silence, album léché et travaillé. Les Falaises, c’est du taillé à même la roche, au cœur du roc(k) ; c’est du brut, du râpeux auquel on s’accroche et on s’écorche : « Je n’écris bien que ce qui fait mal» (Ratures). Les Falaises c’est de la sueur – moite, froide, érotique ou puante. Les Falaises, c’est du live, du vivant, de la tripe qui fume « comme après un crash d’avion » (Les Innocents) .

C’est du punk plein de chien : pas de passé, pas de futur, seul de l’infiniment présent. Car Nicolas Jules bouscule les cadres et les formats y compris ceux du temps et passe d’une chanson façon coup du lapin de 59 secondes (Magicien) à une litanie hypnotique de 11:50 mn (Ratures). Le rythme est donc donné dans la musique et l’écriture. Grâce à ces enjambements qu’il maîtrise à merveille, il semble trébucher à chaque fin de vers pour se rattraper au suivant et recommencer l’acrobatie. Ou alors de petites mécaniques répétitives se déglinguent comme sous l’effet du « putain de vent qui déviait [s]es petits missiles » (Missiles) et le manège désenchanté s’enraye : une Amélie Poulain grimaçante auréolée d’un néon approximatif règne sur une foule braillarde qui étouffe le vacarme intime. Ou bien encore pour finir l’album, la distorsion des guitares devient obsédante et nous entraîne vers ce qu’on imagine être les falaises, justement, pour contempler l’abîme ou se prendre un mur… en haut, en bas, c’est selon.

Les-falaises_couv4-1Les Falaises c’est du héros solitaire et paradoxal, un éternel « étranger » (La lumière et le bruit) : « Près de toi je me sentais seul » (Missiles). C’est un type en cavale : « je dessine sur ta peau des plans secrets d’évasion » (Gang) et qui voyage léger : Le Crayon, La Photo qu’il abandonne d’ailleurs, le Briquet Bic pour seul bagage.

Seul aux pluri-manettes, il est « un groupe de rock tout seul dans [s]a chambre d’hôtel » (Le Crayon), mais il se rend aussi à ceux qui savent le cerner : Roland Bourbon à la batterie et au marimba, Nicolas Moro à la mandoline, Pascal Thollet à la guitare et Yvan Herceg à la basse et au mixage. Quant à la pochette énigmatique, elle est signée Thibaut Derien, l’illustration rêvée de l’art de la chute. Les Falaises, ça sort ces jours-ci et c’est un point de vue à ne pas manquer.

Justine Keiss

 

Fête à Leïla, photo NG

Le site de Nicolas Jules, c’est là –>  clic sur la photo

Festival Musicalarue 2019 : entretien avec HK (Saltimbank)

29 Sep

Tant d’indicible s’exprime dans l’éclairage d’un regard! Le regard où rutile la splendeur perceptible du monde, et celui qui projette sa propre lumière sur les choses pour les animer de lueurs ; le regard du poète engagé qui chante le combat et l’espoir humaniste, et celui du troubadour qui écrit pour fuir ce monde et nous embarquer sur sa planète dans un élan de contagieuse folie évasive. Certes la parole sensée et le verbe astucieux ont rarement fait défaut à HK, dont l’écriture, toujours si prolifique, foisonne de mots qui s’enchainent et se joignent en musique pour faire danser les luttes, les ardeurs du cœur et le cœur à l’ouvrage d’une création qui redessine un autre monde. Mais le regard du rallumeur d’étoiles ce soir là racontait quelque chose de plus que sa propre voix, et semblait de ceux qui savent croire plutôt que de croire savoir, d’un instant à l’autre, tour à tour, posé avec amour sur ses semblables, avec révolte sur l’injustice du monde, puis accroché là haut, sondant la voute céleste pour y recueillir l’énergie d’une étoile, qui, elle, n’avait pas besoin d’être rallumée, et brillait de tout son sens. L’interprétation d’« Indignez-vous » est toujours un moment émouvant dans les concerts d’HK, ne serait-ce que de par la beauté de la chanson et la justesse de son propos déjà, mais en outre parce qu’elle s’imprègne d’une dimension intime, au regard du lien humain et de la transmission de valeurs existant entre Stéphane Hessel à qui elle rend hommage et le chanteur. Pourtant ce soir là, à Luxey, une magie particulière dans l’atmosphère habitait le moment d’une puissante présence. N’en croyez pas pour autant que le merveilleux du concert se résuma à cet instant consacré, le temps partagé avec l’artiste sur scène et ses musiciens ayant été dans son intégralité une succession de communications et d’interactions émotionnelles avec le public, que le groupe enjouait au rythme de ses titres phares (« On lâche rien », « Citoyen du monde », « Salam alaykoum », « Niquons la planète », « Rallumeurs d’étoiles », « Sans haine, sans armes et sans violence »), d’extraits du dernier album « L’empire de papier » (« Refugee », « Ce soir nous irons au bal » entre autres) et de reprises résonnant sous le sceau d’une filiation spirituelle (« En groupe, en ligue, en procession » de Jean Ferrat). Pas de ruissellement imaginaire de richesses ici : chaleur humaine et dynamisme déferlaient de la scène, y revenant en ressac dans un échange permanent de générosité et de tendresse réciproque, bien réel et sincère, qui fit du concert d’HK et ses Saltimbanks -dont les deux choristes envoyaient superbement de la corde vocale et nous offrirent en fin de concert un petit cadeau- un des principaux temps forts et énergisants de cette édition du festival Musicalarue.

Quelques heures avant le concert, HK, que nous avions dernièrement rencontré en mai lors du Festival contre le racisme et les stéréotypes au Rocher de Palmer à Cenon (33) où il était venu présenter sa pièce « Le coeur à l’outrage » [Lire ici] acceptait de nous accorder un nouvel entretien pour parler de sa participation à Musicalarue, de son dernier album, mais également d’engagement et de politique.

 

– Hk bonjour et merci de ce nouvel entretien. Ici à Luxey, viens-tu présenter les chansons de ton dernier album « L’empire de papier » ?

– Non, la tournée va consister à interpréter une sorte de « best of ». Il y a évidemment les chansons de « L’empire de papier » ; mais nous jouerons aussi les morceaux « phares » du groupe, de « Citoyen du monde » à « On lâche rien », en passant par « Sans haine, sans armes et sans violence ». Ce sont des morceaux qu’on nous demande toujours et qu’on nous a toujours demandés, qu’on aime jouer et qui ont du sens. Quand tu chantes « Citoyens du monde » dix ans après l’avoir écrit, et qu’elle a peut-être encore plus de sens aujourd’hui, et que tu mesures ces dix années à prêcher presque dans le désert où on qualifiait tes propos de paroles d’adolescent attardé, pour te retrouver aujourd’hui dans le cauchemar nationaliste xénophobe, tu sais que tu voyais juste : on disait une certaine vision du monde et on voyait venir le truc gros comme une maison. On fait de la musique aussi parce qu’on aime ça et on aime chanter ces chansons. Malheureusement les raisons d’être de ces chansons sont plus prégnantes encore. On parlait en off de l’histoire des copains de Ford, et c’est sur qu’une chanson comme « On lâche rien » a aidé les luttes pendant plus de dix ans. Mais dans mes moments pessimistes, je me dis que ça fait quand même dix ans qu’on chante ça, qu’on se mobilise ensemble de façon forte, et qu’on se fait baiser quand même. Il y a des moments comme ça où, même si on continue dans tous les cas, et qu’il y a eu plein de petites victoires, on se dit quand même que la tendance lourde est qu’on se bat contre vents et marées, qu’on est face à des phénomènes de grande ampleur, qu’on manque peut-être de main d’œuvre, de monde, de moyens. Ce n’est pas une vision pessimiste, parce qu’on a vécu ces dix ans en musique, en essayant de diffuser des bonnes ondes et de la combativité par le biais artistique, mais il faut quand même regarder les choses telles qu’elles sont et que la pente est contre nous.

 

– Mais cela entame-t-il ta détermination à continuer ?

– Il y a un truc que je pense -et c’est vrai qu’on le voit beaucoup sur la mobilisation pour le climat-, et qui est ce qui nous maintient debout et nous donne envie de continuer à nous battre : c’est qu’on a, nous, ces dernières années, fait partie de la génération qui a peut-être mangé le pain noir. Il fallait être là et rester, même si on était de moins en moins nombreux pour « entretenir la flamme ». Et aujourd’hui quand on voit par exemple dans la mobilisation pour le climat tous ces jeunes de quinze-seize ans qui sortent par milliers, par dizaines de milliers, tu te dis qu’il y a une jeunesse mobilisée et conscientisée, une génération qui arrive et qui reprend le flambeau. Il faut qu’il se passe la même chose pour les mouvements sociaux et la quête de démocratie réelle. C’est sur que l’âge faisant, et au regard du chemin qu’on a fait dans nos vies et dont je suis très heureux, depuis le gamin de 16-17 ans qui exprimait sa révolte de manière plus brute, si des choses se sont adoucies, c’est dans la forme. Mais dans le fond je n’ai pas l’impression d’avoir bougé ne serait-ce que d’un centimètre dans mes convictions, dans ce que je suis et ce en quoi je crois, et pourtant on a fait des choses. Donc ça permet d’être plus serein et plus libre dans ta tête, dans tes réflexions sur le monde qui nous entoure. Dans tous les combats qu’on mène et les défaites qu’on a pu connaitre, il y a aussi une part de responsabilité qui nous incombe, et aussi aux organisations de lutte qui ont sans doute défailli, avec ceux qui se sont mis en première ligne pour être des leaders, et ceux qui se sont mis en dernière ligne pour être des suiveurs, parce que c’est aussi très confortable. Il y a tellement de choses qui ont fait que si le combat pouvait peut-être être perdu d’avance, nous n’avons quand même pas été au bout de quelque chose, d’une lutte collective où on était armés de la même envie, de la même passion, et où on aurait pu laisser les égos de côtés. Ce sont des choses qu’on n’a pas réussies en France. C’est vrai que de la place de saltimbanque où je me trouve, je peux avoir ce constat et l’exprimer de façon crédible : on a foiré sacrément. J’aime cette idée de retrouver le goût de la lutte collective, et je crois que c’est l’enjeu pour aujourd’hui et pour demain, et d’arriver à trouver la structure qui fera qu’on pourra mettre les egos de côté. Dans le système actuel, ça n’existe pas : aujourd’hui, dès qu’il y a une lutte sociale, elle est connectée à une lutte politique, avec un grand leader, et après chaque élection, tous les cinq ans on se remet à se battre, et tous les quatre ans avant les élections on se dit qu’on doit arrêter de se battre et que maintenant le combat ne doit être que politique et électoral. Et puis c’est le concours de coqs. Et même les organisations de contre-pouvoir peuvent elles aussi nous amener dans de mauvaises directions, pour des histoires de lutte entre organisation. On ne s’en sort jamais. On a donné du temps, on a donné de la foi, on s’est battus pour la convergence, on s’est soutenus les uns les autres, mais on n’y est pas arrivés. Donc il y a aussi quelque chose à changer en nous, qui nous disons militants alternatifs, et il faut avoir cette remise en question.

 

– Cette responsabilité des organisations de lutte qui ont défailli dont tu parles explique-t-elle pour toi l’ampleur populaire massive du mouvement qui se construisent et s’expriment hors structure, et même parfois dans le refus des structures syndicales ou politiques traditionnelles ?

– Alors c’est déstabilisant. J’ai toujours été pour la convergence des organisations et des initiatives citoyennes. Je ne suis absolument pas contre les organisations qui ont fait beaucoup de choses. Mais c’est sûr que si les gens commencent à fonctionner comme ça à un moment donné, c’est qu’ils n’y ont pas trouvé leur compte et que quelque chose a merdé. Pour être honnête, dans la séquence Gilets Jaunes, je n’ai pas aimé la façon dont pas mal de gens ont craché sur les syndicats. Parce que les syndicats sont une histoire de luttes, de combats et de victoires pour des gens qui étaient les opprimés, les damnés de la terre, les gueules noires, les exploités au sens propre du terme. Ces syndicats ont pu merder, mais ça fait cent ans qu’ils existent et ont fait l’histoire des luttes. On pouvait dire que bien sûr nous sommes citoyens et nous voulons avancer en tant que tels, mais nous n’avons rien contre les syndicats et vous pouvez nous rejoindre, du moment que vous ne cherchez pas à nous mettre sous votre bannière. Ce qui s’est passé laissait déjà augurer d’une jonction qui ne se ferait pas, et qui a beaucoup de mal à se faire. Ce n’est pas de la méfiance de ma part ; je dirais que ça s’est éclairci au fil du temps et que je suis devenu une sorte de camarade exigeant. Pour moi il y avait un cadre dans lequel le soutien pouvait s’exprimer, qui était celui d’être suffisamment clair sur un certain nombre de valeurs fondamentales, et pour lesquelles on ne peut pas dire « soyons tous ensemble et on verra après » : la fraternité humaine, la tolérance, le refus de la xénophobie, de la haine, de la violence. On peut comprendre que le système dans lequel on vit et qui nous opprime peut générer de la frustration et de la rage, et même de la haine. Mais cette haine là, on la combat pour en faire quelque chose de créatif et d’alternatif. Et d’ailleurs quand j’ai affirmé mon soutien au mouvement, je l’ai fait en mettant en avant la chanson « Sans haine, sans armes et sans violence », et aussi « Refugee », ce qui était pour l’une, une manière de dire que c’est dans ce cadre là et si ça part dans ce chemin là que je soutiens, et pour l’autre de dire que c’est ce que je suis. Il y a eu plein de belles choses dans ce mouvement, d’autres moins, et la question maintenant est de savoir comment ça va se transformer ou quelle va être l’étape suivante d’un mouvement contestataire, citoyen et alternatif. Alors quand je dis ça, on peut penser qu’à court terme, poser des conditions sur les valeurs communes va nous empêcher d’avancer ensemble. Mais à long terme c’est ce qui fait qu’on peut construire quelque chose de solide. On ne peut pas se construire sur une illusion, juste parce qu’on est ensemble contre Macron, alors qu’en fait on ne croit pas du tout à la même chose. En partant sur tes valeurs de base, tu pars déjà sur ce que tu peux construire, et tu peux aller beaucoup plus loin.

 

– Existe-t-il un paradoxe entre le HK militant, ancré dans la réalité des luttes quotidiennes, et celui d’un titre comme « Je m’envole » présent sur le dernier album qui sonne comme une ode à l’évasion, à l’abandon presque ?

– Je n’ai pas réfléchi en fait. Je n’ai pas vraiment conscientisé cette écriture. Je crois qu’on donne, parce que c’est ce qu’on est, et ce à quoi on sert en tant que saltimbanque : donner ces choses positives et enthousiastes. Et par moment on a aussi cet élan de prendre de la distance par rapport à ce monde, ce quotidien, cette folie. Quand on prend le temps d’y réfléchir, c’est un monde fait de haine, de corruption, de tellement de choses contre lesquelles on se bat, et même parfois qu’on combat en nous, parce qu’elles sont en nous aussi. Donc cette chanson est un plaidoyer pour s’évader et prendre le large. J’ai toujours ces deux petits bonhommes en moi : celui qui combat et celui qui veut se casser de ce monde de tarés. C’est presque une schizophrénie, et je crois qu’avec l’âge, elle s’exprime de manière plus forte.

 

– Tu racontes souvent ton envie d’embarquer les gens sur ta « planète », et on trouve dans des chansons, dont « Rallumeurs d’étoiles » est un bon exemple, le recours à un champ lexical céleste et des métaphores galactiques. En quoi cela a-t-il une valeur symbolique pour toi ?

– J’aime bien! C’est aussi une manière de se rappeler qui on est en tant qu’êtres humains : on vit sur une des neuf planètes du système solaire ; on est rien. C’est ce qui peut nous permettre de relativiser plein de choses, et aussi de nous redonner goût à la vie et à l’instant, à se sentir vivant et cultiver ses passions, s’accomplir, et ne pas se poser mille questions, que ce soit dans le combat ou dans une quête de bonheur partagé, et de tracer son sillon. J’aime bien cette idée de zoom et de dézoom cosmique. Là on ne travaille pas encore sur le prochain album, car « L’empire de papier » est sorti il y a un an et demi, mais on va très bientôt s’y coller, et il y a l’idée de continuer, au moins à travers une chanson, cette parabole, ce parallèle entre nous pris dans ce foisonnement du monde et le grand écart quand tu dézoome.

 

– Que voulais-tu mettre en avant avec la chanson « Give me » ?

– C’est un hommage au Blues de la rue, et à la manière dont quelqu’un qui vit et ressent cette musique, quelqu’un que certains vont peut-être traiter de clochard, ou qui peut ne pas avoir les apparats d’un artiste connu qui se produirait sur la grande scène de Luxey, celui qui est dans nos gares, celui qui n’est rien, comme disait notre futur ex-président de la république, pour peu qu’il ait quelque chose à nous raconter et porte en lui une cicatrice, une folie, une originalité qu’il arrive à retranscrire en jouant, peut te dresser les poils et te toucher. C’est tellement rare ! Et je mets cela en lien avec le chant de bataille qui a pu puiser une de ses origines dans les champs de coton.

 

– Qui est le personnage de la chanson « Rosa » ?

– Rosa, c’est peut-être un peu moi d’une certaine manière : il y a une part de moi, qui nait à Roubaix et qui à un moment donné prend mes cliques et mes claques et finit par atterrir à Bergerac. On parlait tout à l’heure de la chanson « Je m’envole » : c’est un peu les mêmes idées, que j’ai toujours eues, dès le premier album d’ailleurs. Dans cet album « Citoyen du monde », il y a bien sûr la chanson qui l’a fait connaitre « On lâche rien » ; et il y a une chanson qui s’appelle « Le troubadour », qu’on aurait même pu appeler « Le blues du troubadour », qui est l’histoire d’un troubadour presque blasé qui dit qu’il ne fait finalement que chanter des chansons en attendant demain, pour un autre demain :

« Le monde va mal, je m’en amuse
Insolent impertinent
Quand nos dictateurs abusent
J’écris une chanson ça fait rire les gens

Le monde va mal mais que puis-je y faire
Avec mes coups de gueule mes calembours
Ni politicien ni militaire
Je n’suis qu’un troubadour. »

 Il y a ce côté-là : on est tous pareil, dans nos montagnes russes, où parfois on est dans la désillusion, parfois on a besoin de luttes et de combats, avec cette envie qui nous démange d’y être, et parfois on a juste besoin de repos et d’évasion, de se ressourcer et de recharger les batteries. Des fois on y croit comme jamais, et d’autres fois plus. Et on met tout ça dans notre musique sans tricher. J’aime ne pas chercher à maquiller les choses ou entrer dans un personnage super militant révolutionnaire. C’est ce que je suis au fond de moi, mais ce n’est pas toujours aussi simple que ça.

 

– Tu donnes pourtant toujours l’impression d’être un être tellement lumineux qui transmet en permanence de l’énergie et des ondes positives, qu’on peine à t’imaginer en prise aux doutes… Alors qui est HK ?

– Mais pour être comme ça, il faut avoir ces moments où tu te poses et tu te poses toutes ces questions là, et tu te remets en cause. Très honnêtement ce qui nous donne envie de continuer et de refaire des concerts, c’est qu’à chaque fois où tu vas avoir des doutes, tu vas recevoir un témoignage de quelqu’un, de quelqu’une qui vient te dire que ce que tu fais, ce que tu dis, tes histoires, tes chansons, tes actes, ça l’a aidée, ça lui a servi, ou que telle chanson a été très importante à un moment de sa vie. Et tout cela, c’est de l’amour que tu reçois. Quand tu parles des moments où on peut paraitre lumineux, on est rechargés à bloc par tout ce que les gens nous ont renvoyé et qui nous dit que ce n’est pas vain, que ça sert à quelque chose. Ce qui n’est pas simple, c’est de garder aussi la modestie de savoir que ce sont de petites choses, des petites lumières qui se sont rallumées ici et là. Et puis être sur scène, tu ne peux qu’en être heureux. Je suis né à Roubaix, la ville la plus pauvre de France, dans un quartier où tu sais ce que c’est que la misère avec un grand « M » ; donc quand tu as la chance faire ça, de voyager, ne serait-ce que d’un point de vue matériel, mais pas que, tu sais que tu es privilégié. Alors quand on est face à des gens qui sont dans la galère, comme ça a pu être mon cas à un moment donné, même si ça l’est moins aujourd’hui, il faut donner quelque chose de positif.

 

– Le dernier album « L’empire de papier » est sorti sous le nom d’HK, et on retrouve dessus une partie des Saltimbanks, mais pas l’intégralité de tes musiciens. Qui sera présent sur scène ce soir avec toi?

– Aujourd’hui la formule a changé. Alors je mets HK, car le groupe est à géométrie variable, mais il y a une partie des copains de la bande du début qui est là, mais aussi d’autres copines et copains en plus. C’est la famille : c’est peu cette idée, une grande famille de Saltimbanks. Ce soir il y aura Seb à la batterie, Mehdi à l’accordéon et aux claviers, Eric à la basse, Emmanuel à la guitare, donc une grande partie des copains des Saltimbanks du début, qui ont fait les tous premiers concerts, et puis à côté de la trompette, les copines aux chœurs, et bien sûr Saïd, le Saltimbank ambianceur qui faisait partie de la bande du tout début aussi.     

 

– Vous êtes venus souvent ici, et on a le sentiment que les valeurs véhiculées par Musicalarue concordent parfaitement avec vos aspirations. Est-ce ainsi que tu le vis ?

– Ici, c’est beaucoup de souvenirs assez dingues. La première fois ce devait être en 2007 avec le Ministère des Affaires Populaires, et depuis on est venus au moins cinq fois. Je crois qu’on a joué à peu près dans tous les lieux et sur toutes les scènes, du cirque à la grande scène Sarmouney, en passant par l’Espace Pin et la scène St Roch que j’adore, à toute heure, de 19 heures à 5 heures du matin, avec toutes sortes d’ambiances possibles et imaginables. Pour nous ça reste toujours un festival à part. Et même les gens nous demandent si on fait Luxey chaque fois. Il y a deux endroits pour nous comme ça en France : Luxey et la Fête de l’Huma. On sait toujours qu’on va retrouver des potes et que la machine à souvenirs va marcher.

 

Miren Funke

Photos : Carolyn Caro, Ray Flex, Océane Augoutborde, Miren

 

Lien : http://www.saltimbanks.fr/

https://www.facebook.com/hksaltimbanks/

Jean Guidoni Novembre 2019

26 Sep

 

 

Jean Guidoni sera bientôt de retour à l’Européen, l’ex-Théâtre en rond qui l’a vu triompher à ses débuts. Ses débuts, pour moi, ce fut l’irruption au sens propre dans l’écran d’un personnage hors normes dans ces années 80, et en 1982 ou 83, à Firminy, une soirée éblouissante, fascinante, au point d’être chaque fois à contre temps pour essayer d’avoir une photo significative… Le temps a passé, mais, c’est toujours une redécouverte. En attendant le 26 Novembre, à l’Européen, (réservez, c’est prudent) spectacle autour de son album  sorti en 2017 «Légendes urbaines» avec, également, d’anciennes et nouvelles créations, voici un petit album « ombres et lumières ».

 

A l’Européen, la Cigale, l’Alhambra ou Ivry..

 

 

 

 

 

Pour  réserver, clic sur le rideau c’est là –>

 

 

 

 

 

 Norbert Gabriel

 

 

 

 

Retour du groupe bordelais Leitmotiv sur les scènes

23 Sep

Samedi 7 septembre le forum des associations de Mérignac, près de Bordeaux, se clôturait en musique par un concert du groupe Leitmotiv [ voir ICI ] qui remontait enfin sur scène après une longue période d’absence, parsemée d’épreuves autant humaines que logistiques, et tourmentée de remises en causes. Après plusieurs remaniements et départs de musiciens, le chanteur et parolier Pierre Estenaga a pu stabiliser une nouvelle formation réduite, avec Roman Roumovsky à la guitare, Clément Leclercq à la basse et Yohan Leyney à la batterie, apte à perpétuer intacte l’identité du groupe, et en développer et acérer la griffe qui harponna mes oreilles il y a plusieurs années déjà avec son premier album « Les temps dansent ». Truffé de chansons qui insufflaient un vent de singularité, de par l’accord d’une proposition musicale recherchée en même temps que référencée et d’une écriture poétique ciselée alliant savamment l’esthétisme sonore des mots à l’exactitude d’une pensée pleine de sens, l’album ouvrait une brèche promettant au groupe une route lumineuse.

Mais toute route étant éclairée de lumière et obscurcie d’ombres aussi, Leitmotiv, bien que s’accrochant au cap fixé, eut à connaitre les tempêtes qui secouent, renversent et parfois même achèvent l’histoire de tant d’autres formations, et à donner l’impression de devoir repartir, à plusieurs reprises, de zéro ou presque. Pour autant l’obstination jette souvent les semences de fruits délicats, et Pierre Estenaga n’en étant pas dépourvu, c’est après quatre mois de répétitions à peine avec ses compagnons, que j’ai retrouvé l’immense plaisir d’entendre à nouveau rugir ces chansons qui m’avaient interpelée, embarquée, et accompagnée aussi avec la saveur propre à ces morceaux, qui sont de ceux dont on réalise avec le recul qu’ils font partie de la bande musicale de notre vie et trainent à leurs notes et leurs paroles les souvenirs et les bouts de nous-mêmes qui s’y sont accrochés.

Ce concert de retour sonnait donc comme une sortie de tunnel pour Leitmotiv qui profita du moment pour interpréter certains titres de son album (« Los Desesperados », « Des tracés, des contours », « Les temps dansent », « L’échappée belle ») et aussi de l’Ep « Faites vos jeux » sorti à sa suite (« Entre ciel et terre », « Faites vos jeux », « Dolorosa »), mais également pour s’avancer d’un pas dans l’avenir immédiat des prochaines créations. Des références musicales évoquées, et d’ailleurs assumées sans quiproquo de longue par le chanteur, une se fit plus que perceptible, même particulièrement -et volontairement sans doute- flagrante, au cours de l’interprétation du titre « Dolorosa » : celle du groupe Eiffel, tant en fermant à peine les yeux, on imaginait sans peine Romain Humeau derrière le micro. Ce télescopage inévitable des figures des deux artistes agita un petit instant extatique en signe de clin d’œil. Et à en juger par les réactions du public, peu nombreux furent ceux –d’ailleurs y en a-t-il eu ?- à s’encombrer de considération pour la modestie des conditions sonores du moment, bien compréhensible dans le cadre d’un concert pour un forum associatif gratuit, et qui finalement importe si peu, lorsque les émotions naissent, se rencontrent, se partagent et résonnent au cœur, y laissant un enthousiasme persistant et y gravant un souvenir heureux : celui du bonheur du public à renouer avec l’aventure d’un groupe, et réciproquement du bonheur des artistes à renouer avec la scène et le public. Les échanges de sourires en abondance jusqu’au rappel en disaient long sur la sincérité des sentiments de tous, comblés de ce retour et impatients de retrouver Leitmotiv sur les scènes girondines très bientôt à nouveau.

Prochaine date : vendredi 8 novembre à La Voute (Bordeaux) avec le groupe Cent Détresse

 

Miren Funke

photos : Carolyn C (2, 3, 6, 7), Miren (1, 4, 5)

liens : site : https://www.leitmotivofficiel.fr/

Facebook : https://www.facebook.com/leitmotivofficiel/

Bandcamp : https://leitmotivofficiel.bandcamp.com/album/faites-vos-jeux

Des grands chocs musicaux …

20 Sep

Moi quand j’entends certains trucs à la radio …

Dans un moment de consternation musicale provoqué par une chose diffusée dans la plaie-liste d’une grande radio nationale, je me suis transporté toutes affaires cessantes vers mon rayon «Grande réserve», là, je peux piocher au hasard n’importe quoi dans les CD, il y en a un bon mètre, et ce que je vais extraire, c’est une écoute en boucle au moins 3 fois, dans l’ordre de la publication in extenso. Ce que je venais d’entendre dans la liste déplaisante, c’est un gloubiboulga informe de bruits divers que d’aucuns nomment « musique urbaine » parfait oxymore, il n’y a pas de musique et c’est pas urbain pour un demi sou. Donc en antidote et antidépresseur, je pioche, bingo, L’homme de la Mancha, et pour la X ème fois je m’émerveille de la grandiose Joan Diener dans Aldonza … C’est pour elle qu’un poète* a écrit: « Les chants désespérés sont les chants les plus beaux et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. » Ici, c’est aussi un cri, une rage, un jaillissement fulminant d’une sorcière comme les autres, en pire, si j’ose dire. Après ça, m’est venue l’idée d’une introspection dans mes références de quelques grandes divas du spectacle chanson, en voici quelques unes qui à différents degrés, m’ont éclaté le cœur .. et comme Diane je me dis parfois que j’ai choisi d’habiter le monde de mon imagination… Ou plutôt, essayer … Avec ,

Joan Diener
Julia Migenes
Billie Holiday
Diane Dufresne
Elisabeth Wiener

et la vraie chanteuse de jazz, Elisabeth Caumont

Honneur à Aldonza

 

Puis Julia Migenes dans la « seguedilla » de Carmen

 

et pour la perfection vocale Maria Callas

 

Diane Dufresne dans 3 versions du Parc Belmont

Parc Belmont ( cirque)

Le parc belmont classique

Billie Holiday

 

Elisabeth Wiener, l’incestueuse frangine d’Higelin, d’abord dans « Vies à vies » puis  pour l’image, et le reste, « Attentat à la pudeur ».

 

 

Et la vraie chanteuse de jazz, bien sûr …

 

That’s all folks !

* Alfred de Musset « Nuit de Mai »

Norbert Gabriel

Festival Musicalarue 2019 : entretien avec The Hyènes qui participeront au concert de soutien aux salariés de l’usine Ford de Blanquefort le 21 septembre prochain au Krakatoa de Mérignac (33)

13 Sep

Le 15 aout dernier s’ouvrait la nouvelle édition du festival Musicalarue à Luxey, avec comme d’habitude une riche diversité d’artistes, des spectacles de rues, des gros concerts d’artistes confirmés à large public, des scènes plus modestes proposées aux artistes émergents, à découvrir ou à redécouvrir. Luxey ouvrait encore les portes du village à la polymorphie artistique, et trouvait ses organisateurs heureux d’accueillir au sein de l’évènement des artistes pour tous les gouts et de toutes les dimensions, dont la légende Patti Smith, qui de leur propre aveu fut parmi les artistes à avoir éveillé cinquante ans auparavant leur passion pour la musique. Joli pied de nez aux lois de l’économie pour un évènement qui depuis sa création et malgré une fréquentation et une popularité expansives qui l’ont amené à être de taille à concurrencer les gros festivals industriels -au risque d’en devenir un- n’a cessé de cultiver et de conserver intact l’esprit alternatif, artisanal et convivial dans lequel il émergea. Musicalarue garde le cap, ancré dans des valeurs de partage, de proximité, de défense de l’éclectisme culturel et de soutien aux artistes, les bénéfices amenés par les concerts de célébrités étant réinvestis dans la promotion d’artistes en quête d’un public attentif et curieux. Le festival persiste dans la volonté d’offrir de beaux moments à tous les publics et toutes les générations, preuve en est la présence cette année de Marcel Amont venu assurer une représentation pour le plaisir de tous et faire naitre beaucoup de sourires et quelques larmes sur les visages des anciens, heureux de partager un spectacle en famille. 

 

Résolument devenu inévitable sur les lieux, Denis Barthe, que nous retrouvons avec plaisir chaque année -et pas toujours avec la même formation- était aussi de la fête avec The Hyènes, dont le nouvel album produit via un financement participatif sortira en avril 2020, pour un concert mémorable, où le groupe s’amplifie de la participation des chanteurs Cali et Olivier Daguerre, ainsi que de l’harmoniciste Kiki Graciet (The Very Big Small Orchestra) et du violoniste Rivaldo Becarre (idem). Ce fut un moment chaleureux et complice avec des artistes présents avant tout pour partager et communiquer du plaisir, en interprétant ensemble des chansons du groupe, mais aussi des titres de Cali (notamment un « Mille cœurs debout » vibrant avec Philippe Poutou), de Daguerre (« De l’ivresse »), et des reprises de standards du Rock (« I wanna be your dog » des Stooges, « L’opportuniste » de Jacques Dutronc ou encore « Heroes » de David Bowie) :  musicalement énergique, humainement émouvant et politiquement militant, le concert accueilli donc sur scène Philippe Poutou, invité à parler de la cause des salariés de l’usine Ford de Blanquefort et annoncer le concert de soutien qui aura lieu du 21 septembre au Krakatoa ( Voir ICI.) avant de finir le spectacle par un hommage à Nathalie Bidou, personnalité des nuits rock bordelaises, appréciée de tous et décédée récemment, et pour qui nombreux dans le public aussi eurent une pensée émue. Les indications de Cali promettant quelques heures auparavant qu’il « se passerait quelque chose » ne furent pas démenties durant ce temps fort de Musicalarue qui au gré des chansons s’abandonnait « de surprise en surprise », pour reprendre les mots de la chanson d’Olivier Daguerre « A notre guise ».
Le groupe, ayant intégré récemment Luc Robène (Strychnine, Noir Désir) -qui nous avait parlé de son projet de recherche sur l’Histoire du Punk en France PIND ( Lire ICI )– en remplacement de Jean-Paul Roy à la guitare, nous accordait un entretien qui fut l’occasion de parler de l’album à venir, mais aussi de l’engagement des Hyènes auprès de la cause des salariés en cours de licenciement de l’usine Ford de Blanquefort, pour lesquels un concert de soutien aura donc lieu le 21 septembre prochain au Krakatoa de Mérignac (33) avec entre autres The Hyènes et Cali, Radio Elvis et Bertrand Belin.

L’entretien fut réalisé en deux séquences, lors d’une conférence de presse précédant le concert avec les membres de la formation Denis Barthe (batterie), Vincent Bosler (chant, guitare), Olivier Mathios (basse), Luc Robène (guitare), et Cali, suivie d’un entretien privé après le concert avec Denis Barthe et Vincent Bosler.

– Bonjour The Hyènes, et merci de nous accorder cet entretien. Le 21 septembre prochain, vous occuperez la scène du Krakatoa de Mérignac avec d’autres artistes pour un concert de soutien aux salariés de l’usine Ford de Blanquefort, condamnée à la fermeture au terme d’une lutte de plus de dix ans pour sauver ces emplois. Pouvez-vous tout d’abord nous parler de votre engagement auprès d’eux ?

– Denis : Le 21 septembre, on refait un concert de soutien aux ouvriers de Ford Blanquefort qui se font salement éjecter par cette belle marque de voiture prestigieuse. Ce sont des gens qu’on laisse sur le carreau. Les ouvriers de Ford, nous les imaginons toujours comme des gens super costauds ; or nous les avons vu pleurer, parce qu’ils perdent leur boulot, parce qu’on les écarte comme ça. On a vu la ministre qui s’est battue, mais qui nous dit qu’on doit comprendre qu’on ne peut pas non plus y aller trop fort contre les entreprises, car ça envoie un mauvais signal et qu’après celles-ci n’investiront plus en France. On comprend bien. Mais si elles investissent en France pour prendre des aides et des subventions et après larguer les gens comme ça et rentrer aux États Unis ou ailleurs en disant que c’est comme ça que ça se passe… Il parait que ça va nécessiter vingt million d’euros pour décontaminer le site et le remettre en état pour une autre activité. Je peux vous annoncer que ces vingt millions d’euros ne seront pas payés par Ford, mais par toi, moi, nous.

– Vincent : Je ne paye pas, moi.

– Denis : Toi, tu vas payer comme nous, et tu vas même payer plus!  Alors on a changé le line-up du concert, parce qu’il y a des gens qui se sont proposés. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. On habite un pays où est marqué « liberté, égalité, fraternité » sur le fronton des mairies. D’abord ça commence par « liberté », et ça, on l’oublie toujours : tous les jours on nous en éteint une petite. Cette liberté, cette égalité, cette fraternité, il faut les défendre. Aujourd’hui c’est l’individualisme à temps plein qui prédomine. C’est chacun pour sa gueule, jusqu’au moment où ça tombe sur ta gueule. Et la précarité peut arriver très vite : il suffit de perdre son travail. Alors on fait des concerts, on continue d’avoir la patate, et on ne laisse pas les choses se faire. Lorsque Philippe Poutou est venu nous demander un soutien, on a répondu, même si bien sûr on ne va pas changer le monde ni le pouvoir. Mais on aurait pu répondre par la négative, que ce n’était pas bon pour notre carrière, qu’on allait se compromettre. On n’a aucune carte de parti, tous autant que nous sommes. Mais quand quelqu’un vient te demander de l’aide parce qu’il est aux abois, tu y vas.

– Vincent : Que ce soit sur les sujets sociaux ou climatologiques, puisque le G7 va se tenir à Biarritz, le seul ressort qu’il nous reste est la désobéissance. Quand on voit les centaines de millions d’euros que va coûter de sécuriser la zone pour le G7 au mépris de la population qui se retrouve bloquée pour que les mecs puissent faire un sommet devant un cadre balnéaire, on comprend bien que leur préoccupation n’est pas de faire le bonheur des gens. Sinon ils auraient pu se réunir à l’Elysée par exemple, où en plus la vaisselle est neuve, ou faire un skype. La seule façon qu’on a de mettre les dirigeants en difficulté, c’est de leur désobéir. Ils ont besoin de nous pour s’enrichir, mais nous n’avons pas besoin d’eux ; et ça, il faut que tout le monde en prenne bien conscience. Les élections ne servent à rien. Il n’y a jamais eu de changement ; la politique est un fond de commerce.

 

– Vous revenez ici chaque année, pas forcément avec la même formation, mais toujours pour témoigner votre soutien à Musicalarue. Qu’y a-t-il de si particulier pour vous ici ?

– Cali : La première fois que je suis venu ici, je me suis « whaw ! C’est un vrai bordel ici ! ». Le village est impliqué, on dort chez l’habitant, on croise des gens, il y a des spectacles de rue. Pour venir de la loge jusqu’ici, on traverse parmi les gens, on se parle, on s’embrasse. Il y a aussi ce festival Pause Guitare [http://www.pauseguitare.net/]d’Albi avec Alain Navarro qui résiste de la même façon et arrive à être complet aussi. C’est beau ; ça me touche de voir tous ces bénévoles heureux. Et je suis heureux d’être ici avec mes potes, parce qu’ils défendent des valeurs. C’est bien, parce qu’on n’est pas d’accord sur tout, mais on est d’accord surtout! On est heureux de se retrouver, tous réunis. Olivier Daguerre est là aussi et chantera avec nous. Pour moi, c’est le poète. Ça me touche parce que je les aime tous profondément. Les gens m’ont dit que c’était super que les Hyènes jouent avec Cali et Daguerre, et il va se passer quelque chose à ce concert ; c’est sûr! Je ne peux pas vous dire quoi, mais il va se passer quelque chose.

 

– Pour revenir à la musique et au groupe, qu’en est-il de l’album en création pour lequel vous avez lancé un financement participatif via ulule ?

– Vincent : L’album va sortir en deux fois, avec un premier Ep cinq titres en octobre, qu’on a fini d’enregistrer et mixer, et après l’album qui sortira en avril 2020. On a commencé à enregistrer des choses, mais tout n’est pas traité. C’est en cours.

– Denis : Entre temps on va commencer une petite tournée qui va s’appeler « tour de chauffe » pour roder ces nouveaux morceaux dans de petits clubs. Le but est d’être au plus près possible des gens. Ça nous permet de tester ces morceaux sans dire qu’on est déjà sur la tournée ; c’est un peu un round d’approche.

– Vincent : On ne s’interdit pas d’essayer des versions différentes. On a parlé aussi de faire des sessions acoustiques, pour revisiter nos propres morceaux et jouer un peu avec.

 

– De quoi cet album va-t-il donc parler ?

– Vincent : Question paroles, je dirais que ce sera un peu moins brulot politique que le précédent album qui était ultra engagé. Notre aventure du BD Concert nous a ouvert pas mal de pistes, tout comme le fait de faire partie tous les deux du Very Big Small Orchestra ouvre d’autres horizons, un peu plus cinématographiques dans la façon d’aborder la musique. On est toujours un peu punkisants, forcément ; on vient tous de là. Mais on n’a pas nécessairement besoin d’être bourrins ; on ne s’interdit pas des arrangements. C’est marrant parce qu’en même temps on a enregistré tout en live et rajouté des arrangements après, ce qui va un peu à l’encontre de ce que je dis. Mais c’est dans la façon de concevoir les arrangements et les thèmes musicaux qu’on a quand même abordé pas mal de pistes.

– Denis : Ce qu’on retient du punkoïde dans le sens large du terme, c’est le côté faisabilité : on va le faire, même si on ne sait pas, on va y aller. A l’époque ce qui était intéressant avec le mouvement punk, c’est que les gars montaient sur scène en sachant tout juste plaquer trois accords. Et le jour où ils en faisaient un quatrième, c’était un évènement, et ils étaient chassés du groupe parce qu’ils avaient fait un accord de trop.

 

– Vous jouez ici avec Cali et Daguerre. Y aura-t-il des invités également sur le disque et la tournée ?

– Olivier : Olivier Daguerre, il vient foutre la merde, mais on en est très heureux! On se connait bien, on ne fait pas la même musique, mais on a la même manière de la pratiquer. Chaque fois qu’on fait des choses ensemble, c’est évident. Et puis c’est un plaisir, car on dit un milliard de conneries à la seconde, et ça fonctionne quand on joue ensemble. On se fait confiance ; c’est simple et sans calcul. Ça rejoint notre recherche permanente, parce que parfois par le passé on a pu se mettre des soucis, comme tout groupe soumis à des problématiques, des stratégies, des projets qui n’aboutissent pas toujours. Mais désormais on a décidé de faire les choses comme elles arrivent et comme on le sent. C’est comme ce qui s’est passé lors du projet qu’on avait monté à Dax, avec Olivier aussi, et qui a donné une chose monstrueuse, cohérente, car elle est tombée sur des gens qui ne sortent jamais leur guitare et ont vécu le concert de leur vie. Ça a engendré une espèce de fédération avec des groupes qui se montent, des collectifs où tout le monde se connait et joue ensemble, et qui se finissent souvent en apéro. J’avais travaillé dans une association dont le leitmotiv était de fédérer les publics des musiques actuelles. Et bien là, c’est fait! Et ça s’est fait au-delà de tout, des codes, des cases, des étiquettes, et on était six cent, et de tous âges. On appelle ça le partage.

– Denis : Il y a déjà eu Guillaume Schmidt au saxophone qui nous a rejoints. Pour le moment il n’y a pas d’autres invités, mais tout est ouvert.

– Vincent : On fait le truc en plusieurs fois, c’est-à-dire que là par exemple on a une version radio avec le saxophone de trois minutes et quelques, une version longue avec un solo, et pourquoi pas encore d’autres versions. Cela fera peut-être partie de cadeaux à offrir aux gens qui ont participé au financement, leur offrir quelques versions en bonus.

 

– Sur le site du financement vous mentionnez la création de votre propre structure de production. Lorsqu’on a un passé artistique comme le votre avec des habitudes liés au mode de production classique se faisant par le biais de labels et maisons de disque, comment prend-t-on la décision d’y renoncer pour privilégier l’autoproduction ?

– Denis : Ce n’était quand même pas évident ; on a longuement réfléchi avant de se dire qu’on y allait seuls. On a revu les propositions des maisons de disque qu’on avait, qui n’étaient ni pires ni meilleures que la dernière fois. Mais justement! Et puis on est toujours animés de cette obsession de conserver une autonomie. Peut-être même est-ce maladif. Lorsqu’on discute avec quelqu’un d’une maison de disque, très souvent on s’aperçoit que les moyens qui nous sont proposés ne sont pas exactement ce qu’on aimerait, ce qui ne veut pas dire que c’est malvenu, mais simplement qu’ils n’ont que ces moyens là. On ne peut pas rentrer dans ces cases : il y a des gens qu’on ne touchera pas, des gens qu’on ne peut pas intéresser. En revanche il y a toute une partie du public et des médias qu’on peut toucher, si on les touche en direct. Il existe aujourd’hui tout un circuit qui privilégie les contacts directs. Il y a des artistes à qui contacter un tourneur ou une boite de disque fait peur, car ils savent que les prix vont être prohibitifs, ou que la demande ne va pas aboutir.

– Vincent : Ceci dit, la structure est déjà montée.

– Denis : Mais après il faut la faire vivre. Et ce qu’on a demandé via ulule n’est pas la totalité. On avait déjà cinq mille euros, alors qu’il nous en aurait fallu vingt cinq mille. Mais on avait aussi une gêne à demander aux gens de nous faire confiance, en leur promettant ce que ça allait devenir alors que pour le moment ce n’était rien. On va essayer de ne pas décevoir, de faire les choses bien, de rester, je l’espère, inventifs et un petit peu bordéliques.

– Vincent : Ça, on ne pourra pas s’en empêcher!

– Denis : On continuera de jouer avec les gens et d’ouvrir notre gueule ; ça, ça ne s’arrêtera jamais. Si un jour ça s’arrête, ce qui serait bon signe, c’est que ce soit parce qu’il n’y en a plus besoin et que tout va mieux. Moi, j’aimerais qu’il n’y ait plus de Restos du Cœur, parce que ça voudrait dire qu’il n’y a plus de problème. Donc on ouvre notre gueule, mais notre propos principal est quand même la musique.

– Olivier : L’album est notre nouvelle aventure. Nous sommes partis pour écrire la suite des Hyènes, avec un souci d’indépendance. Avec les labels ou dans tous les rouages de la musique, on n’est jamais contents. Alors on s’est dit, quitte à travailler avec des gens qui vont moins nous rémunérer ou qui gagnent moins que nous, autant y aller tout seul. Et puis le fait de ne rendre de compte à personne est appréciable. Donc nous sommes partis sur cette histoire de financement participatif. Ça nous a donné un rapport différent, car nous sommes d’une génération où on fonctionnait effectivement avec un label, avec un tourneur, et on attendait que ça tombe. Et là on est repartis au mastic comme quand on avait quinze ans, ce qui fait qu’on se retrouve dans un rapport avec plein de gens qui s’investissent dans notre histoire. Donc le financement est bouclé ; on n’a plus qu’à se mettre au travail et accoucher. On pousse, on pousse, on pousse! La pression, on l’a quand même, parce qu’il y a des personnes qui attendent, donc on va se battre, et d’autant plus pour ceux qui nous ont fait confiance. On se met une pression différente, mais pas seuls, avec des gens.   

 

– Denis, tu évoques une gêne à demander aux gens de faire confiance au groupe. Mais si autant de gens participent au financement, n’est-ce pas avant tout parce que ça fait plaisir, lorsqu’on est musicophile ou admirateur d’artistes, et aussi sans doute contestataire de la manière dont l’industrie du disque impose les choix musicaux selon des critères commerciaux, de reprendre la main en quelque sorte et avoir son mot à dire au sujet de ce qu’on a envie de voir produit et d’entendre? Et n’est-ce pas un plaisir lorsqu’on est artistes de constater combien de gens ont à cœur de vous soutenir et vous permettre de continuer?

– Denis : Tu verrais les messages qu’on a reçus!

– Vincent : Les messages de soutien sont hallucinants ; ça fait vraiment chaud au cœur.

– Denis : Et je peux te dire qu’on a flippé à cinq jours de la clôture de la souscription, quand il manquait cinq mille euros, parce qu’on avait décidé de ne pas mettre d’argent au bout s’il en manquait. Et les dons ont dépassé le seuil des 104%. Donc on voit que les gens ont vraiment envie que ça se fasse : s’ils ont autant contribué dans les derniers jours pour que le financement se fasse, c’est parce qu’ils voulaient voir ce projet exister. Moi-même je participe souvent à des souscriptions. Et ce rapport direct qu’on peut chercher à avoir avec des organisateurs ou des producteurs, on l’a avec le public. Et c’est ce qui fait que depuis des années, dès qu’on a terminé un concert, on vient voir les gens et discuter. Je me verrais mal sortir de scène, monter dans un bus et rentrer à l’hôtel. Ce n’est pas facile de toucher des médias et naturellement, rien que par ta musique. On regarde combien tu as de « like » sur facebook, combien tu pèses… Nous, on s’en fout de tout ça. On a quelques interlocuteurs avec lesquels on va bosser ; on a reçu plein de messages via facebook et ulule, et les gens nous parlent de musique. Ils ne nous parlent pas d’autre chose, de retro-planning, de plans de promotion ou autre.

 

– Vincent, tu expliquais un jour à propos de l’utilisation de pédales d’effet sonore pour guitares, que la dimension de l’effet ne devait pas entrer en compte pour la composition, avec cet argument qu’une composition musicale doit pouvoir exister et tenir la route à nu, sans effet. Au sein des différentes formations musicales qui sont les vôtres, la multiplicité instrumentale est variable. Compose-t-on différemment et en prenant d’autres paramètres en compte, selon qu’on envisage de jouer le morceau avec une formation réduite ou plus ample, acoustique ou rock ?

– Vincent : C’est une angoisse personnelle. Prends des morceaux de U2 : si la pédale de delay ne marche pas, le morceau ne peut pas exister. J’ai cette angoisse de ne pas composer un morceau que, si mon matériel d’effet tombe en panne, je ne pourrais pas jouer avec autre chose. Mais je ne suis pas le seul à le dire : une bonne composition, quand tu la reprends à la guitare sèche ou au piano-voix,  tient la route. C’est la force de la composition. Et scéniquement, c’est la même chose : on ne peut pas faire des shows en pensant que s’il n’y a pas quarante cracheurs de feu et des artifices, ça va être chiant. Il faut que le show soit ce qu’on apporte, nous, et que notre patte soit déterminante.

 

– L’an dernier, lors de l’entretien que votre autre formation, The Very Big Small Orchestra nous accordait, nous avions évoqué la participation de certains d’entre vous  au projet de Luc Robène et Solveig Serre sur l’Histoire du Punk en France, PIND.  Aujourd’hui nous retrouvons Luc à vos côtés, récemment intégré aux Hyènes, en remplacement de Jean-Paul Roy à la guitare. Saviez-vous alors qu’il vous rejoindrait l’année suivante?

– Denis : Non. Lui ne le savait pas non plus à ce moment là!

– Luc : Ça fait très longtemps que je connais Denis, puisqu’on a joué il y a longtemps ensemble dans un petit groupe qui s’appelait Noir Désir. Et puis ça fait un petit moment que par ailleurs avec Denis et Vivi, nous faisons des choses ensemble, pour ce projet sur l’histoire de la scène punk en France, et qu’on réalise des concerts, des bœufs, enfin on essaye de donner du sens à tout ça. Donc très simplement quand Jean-Paul a exprimé le désir de quitter les Hyènes, Denis m’a demandé si ça me branchait de venir prendre la guitare. Le sentiment que j’ai pour l’instant, et j’espère que ça va durer, mais je n’en doute pas, est que c’est une superbe aventure. On peut voir les choses sous l’angle musical qui est décisif, mais ce serait réducteur, car de mon point de vue, c’est une histoire qui renvoie à la manière dont notre bande a toujours géré la musique et la manière d’en faire, depuis notre adolescence. J’ai rencontré Nini en 1981, avant d’intégrer Noir(s) Désir(s) l’année suivante (été 1982), puis de repartir pour jouer avec Kick en 1985 (Kick, Kick and the Six, puis Strychnine). Autant que je puisse l’analyser Noirdez a toujours fonctionné sur la base du collectif, et les uns sont partis, jamais très loin, et d’autres sont revenus : Serge est revenu dans Noirdez quand j’en suis sorti, Bertrand était parti en 1983, remplacé par Emmanuel, puis il est revenu, avec sa compagne Ninou, Fred est parti, Jean-Paul est passé du statut de road à celui de bassiste, puis de guitariste au sein de the Hyènes. Aujourd’hui je rentre dans the Hyènes, quand Jean-Paul en sort. Et pour moi, c’est à la fois une marque de confiance et aussi le signe que les groupes ont une véritable histoire, ancrée dans l’hu­­main. C’est une manière de dire que l’aventure Noir Désir-the Hyènes, pour moi, est une aventure qui renvoie à des sillons que nous avons tous tracés durablement, jamais très loin les uns des autres. Lorsque je monte avec Solveig le projet PIND / Punk is not Dead, Une histoire de la scène punk en France (1976-2016), le premier à répondre à l’appel pour venir témoigner sur les tables rondes du colloque d’ouverture à la Philharmonie (novembre 2016), c’est Denis (Nini). L’année suivante il revient avec Vivi (Olivier Mathios) et on répète au studio à Sore, tous les trois (c’est presque the Hyènes actuelles), et on monte des morceaux d’anthologie pour taper le boeuf punk avec tous les acteurs de la scène punk présents, dont Tai-Luc (La Souris Déglinguée), Lucas Fox (Motorhead), Arno Futur (Les Sales Majestés) , Lionel, un super sax de Lyon, Solveig, et tous les membres de l’équipe. Le Punk nous a permis de renforcer tous ces liens et cette fraternité. PIND, the Hyènes, même combat!!!  Ce sont des retrouvailles sans fin, et c’est très bien comme ça !!! Le punk est une histoire qui n’a pas de fin et se réinvente en permanence. Et pour le dire très simplement, la musique est au coeur de cette histoire. Je suis vraiment content de retrouver les potes. Cali en a parlé, mais il y a ce côté chaleureux très important que je ressens aussi.

– Olivier : Et puis il y a une cohérence quand on joue ensemble ; ça ne se discute pas : c’est évident. C’est Denis qui a exprimé le désir de jouer avec Luc, mais ça s’est fait naturellement.

– Luc : Entre nous, il y a une partie histoire, une partie vécue, et une partie à vivre.

 

– Vincent tu as soutenu l’existence du festival basque Euskal Herria Zuzenean [https://www.ehz.eus/fr/]. Luc nous parlait lors de l’entretien au sujet de PIND de l’appropriation de l’idéal et de la pratique punk du « do it youself » dans la ruralité, les luttes agricoles, les ZAD. Voyez-vous dans l’engagement local, notamment auprès de festival artisanaux comme celui là, une manière de donner une pratique concrète à un idéal philosophico-politique universaliste ?

– Vincent : Oui. Sans repartir sur le terrain politique, ce festival est un peu similaire à Luxey au sens où il a connu des très hauts et des très bas, et il a failli disparaitre. Une nouvelle équipe de jeunes s’est investie dedans et ça fait plaisir de voir ça. Le nom du festival parle de lui-même : Euskal Herria Zuzenean signifie « le concert du Pays Basque ». Ce n’est pas Live Nation ou une boite de production qui vient faire un festival ; c’est nous, habitants du Pays Basque qui réalisons notre propre festival avec notre propre programmation. Bien sûr il y a des choses culturelles basques, mais aussi de tous bords. Nous étions très fiers avec The Very Big Small Orchestra d’y être programmés, car nous ne sommes pas un groupe bascophone. Euskal Herria Zuzenean est fait à la main par des gens normaux. Donc ça fait plaisir de voir se maintenir des festivals comme celui-là, comme Luxey, comme Les Vieilles Charrues, qui reste le plus gros festival de France, mais étant au départ une initiative associative.

– Denis : On en revient à des choses concrètes. Je me rappelle quand j’étais petit : la production locale existait pour la denrée alimentaire et autre, puis a disparu petit à petit pour être remplacée par des choses qui venaient de bien plus loin, qui font des kilomètres et des kilomètres. Je ne crois absolument pas à la centralisation et au regroupement des choses : un jour ou l’autre à force de faire de l’intercommunalité, on sera voisins avec Paris, Nice, Grenoble ou Roubaix. Sans être chauvin ou territorialiste, il y a un moment où je pense que tu ne peux faire le bonheur des gens que dans un cercle proche. Ici il y a des gens à cinquante kilomètres qui ne savent pas ce qu’il se passe à Luxey et qui vivent très bien. Et si un jour on leur dit que désormais tout va se décider à Luxey, Sore ou Bordeaux et qu’ils vont dépendre de gens qui ne les connaissent pas, ce sera une sombre erreur. Que ce soit pour la production musicale, alimentaire ou culturelle, il faut que ça reste à taille humaine. A la base personne n’est là pour faire des bénéfices ; ce dont on a tous besoin est de vivre bien. Je dis souvent qu’on a juste besoin de ce dont on a besoin pour vivre plus un euro. Alors bien sûr tout le monde peut rêver d’une Porsche Cayenne ou d’une Rolex ; c’est naze. J’ai toujours pensé que le bonheur n’était pas le luxe. Ça me fait toujours bizarre de penser que les œuvres d’art sont aux mains de quelques gens qui ont un pognon énorme, alors que les gens qui les ont crées sont morts dans la misère pour la plupart. Et ils créaient leurs œuvres pour que le plus grand nombre possible puisse les voir, mais seuls quelques élus sont admis à venir admirer le tableau que tu as acheté quarante briques. Si on peut éviter d’appliquer ça à tout, ce serait bien. Je ne pense pas qu’il y ait des gens fermés à l’art ; simplement il faut leur donner accès à l’art au lieu de décider à leur place que ça ne va pas les intéresser. L’art peut intéresser tout le monde.

 

– Le dernier mot sera pour Nathalie Bidou qui est décédée le mois dernier et à qui vous avez rendu hommage en fin de concert. Elle était proche de vous. Voulez-vous en parler ?

– Denis : Ce sera bref, mais Nathalie était une copine d’adolescence. Nous avons traversé un peu toutes les périodes ensemble, parce que comme j’ai dit et disait son compagnon, bien qu’elle n’ait jamais joué une note de musique, c’était une rockstar. C’était une femme de la nuit ; elle a tenu des bars et des restaurants, et on l’a croisée régulièrement tout au long de notre parcours. Je ne me rappelle pas qu’il y ait eu une personne qui m’ait dit un mauvais mot sur elle. Elle faisait l’unanimité. Tu vois, encore quelques semaines avant sa mort, c’est elle qui me rassurait et me disait que ça allait aller. Son décès m’a scié les pattes, et pour être honnête, je ne pensais pas que ça me les scierait aussi profondément. J’ai du mal à aller aux enterrements, car ça me touche trop. Mais là c’est comme si j’avais perdu un membre de ma famille.

– Vincent : Un jour j’avais lu une critique d’un album de Noir Désir qui disait qu’un autre album du groupe était sorti et que c’était encore la bande originale de nos vies. Les chansons qui t’accompagnent te donnent l’impression d’être la musique du film de ta vie. Nathalie, c’est pareil, mais en humain : elle fait partie de gens qui t’accompagnent et font partie du film de ta vie. A toutes les étapes, tu finis toujours par les recroiser.

– Denis : On pouvait rester six mois sans se voir et se retrouver comme si on s’était quittés la veille. Et maintenant je vais faire hyper attention, parce que je sais que chaque fois que je vais faire un pot-au-feu, elle va être au dessus de moi.

 

 

Liens : site : https://www.label-athome.com/thehyenes.html

Facebook : https://www.facebook.com/The-Hy%C3%A8nes-130117367042219/

Miren Funke

Photos : Carolyn C, sauf Miren (1) , sauf Pierre Wetzel pour photo de Nathalie Bidou

La ligue des écrivaines extraordinaires..

12 Sep
Voici un relais d’infos qui  pourrait passer pour la pub, ce qui n’est pas faux, mais personne ne m’a rien demandé, et personne ne nous versera une roupie pour ce relais…  Mais j’aime bien l’idée…

5 romans pour découvrir les agentes de la ligue : aussi talentueuses que courageuses, des écrivaines affrontent le mal sous toutes ses formes lors de secrètes batailles. Le monde est en danger, et elles sont là pour le défendre.

5 romans écrits par 5 écrivaines, dignes héritières de leur aïeules héroïques :

  • Nelly Chadour (Espérer le soleil chez les Moutons électriques)
  • Marianne Ciaudo
  • Bénédicte Coudière 
  • Elisabeth Ebory (La Fée, la pie et le printemps chez les éditions ActuSF)
  • Cat Merry Lishi (la série Imago chez les Saisons de l’étrange)

Une collection dirigée par Christine Luce (déjà responsable de deux anthologies : Bestiaire humain et SOS Terre et Mer), sous l’inexorable supervision de Démona, la cousine d’enfer du Maître de l’étrange (prudent, celui-ci a préféré s’absenter loin de cette sinistre affaire)

Les livres seront livrés en mars 2020, tous en cours d’écriture, quand ils ne sont pas achevés et en relecture. Il ne manque plus que vos contributions pour donner vie à ces romans… et rendre public le combat acharné de la Ligue des écrivaines extraordinaires !

Allez vite voir là dessous, tout y est, ouvrez la boite:

Norbert Gabriel

%d blogueurs aiment cette page :