Comment naissent les légendes ?
Et comment naissent les dénigrements …
Depuis quelques temps je lis sur ma page FB des communications ou des partages dont le fond et la forme risquent fort de provoquer un coup de balai salutaire… Parmi ces dénigrements c’est Hugues Aufray qui est souvent la cible avec son album Aufray chante Dylan. J’ai lu que c’était une légende et qu’avant lui Dylan était chanté en France, souvenirs « précis » à l’appui. N’ayant pas la mémoire qui flanche sauf parfois pour ce qui s’est passé hier matin, les années 60 et suivantes sont y gravées fidèlement surtout en matière de chanson. Ces années-là, c’est la déferlante des néo rockeurs aux noms anglicisés et légendes bidonnées qui adaptent la plupart du temps des succès américains parolés en français avec plus ou moins de talent. Parmi eux Richard Anthony qui, dans ces années, a constamment adapté les succès de variétés US. Et parmi ceux-ci, il interprète dans la foulée Blowing in the wind (traduit par Pierre Dorsey) que Peter Paul and Mary ont vulgarisé en en faisant un tube. Anthony s’y colle en 63/64 sans jamais faire une quelconque référence à Dylan.
Dans ces mêmes années 61/64 Hugues Aufray qui a passé du temps aux USA (un an en 1961) où il a connu Peter Paul and Mary, a aussi entendu Dylan. Et de retour en France il envisage de lui consacrer un album. Avant 1960, Aufray a commencé à chanter en interprète , Gainsbourg, il est un des premiers a graver Le poinçonneur des lilas, Vian, Michel Vaucaire, Moustaki, (Le jugement dernier) Michèle Senlis, Kurt Weil, Trenet , Carmichael (Georgia...) et d’autres américains.
Pour ce projet Dylan, il demande à Pierre Delanoë de traduire, mais Delanoë n’est pas sûr de son anglais scolaire, et il travaille avec Aufray, qui a passé un an à New York et connait mieux le langage populaire. Dans ce projet soumis à Dylan, ils s’engagent à envoyer chaque traduction pour validation, ce que feront Dylan et ses avocats. Ces faits ont été rapportés par Delanoë qui avait en général la modestie enthousiaste sur ses travaux. Il remet bien les choses en place sur qui a fait quoi.
Une seule chanson a un sens différent de l’original, Tambourine man, mais Dylan a laissé faire, l’essentiel des autres traductions le satisfaisait. C’est donc en 65 que sort l’album Aufray chante Dylan… et si Blowing in the wind était connu avant, c’est quand on a entendu La ballade de Hollis Brown ou La mort solitaire de Hattie Carroll que les français, en général, ont compris la réelle dimension de Dylan. A qui Hugues Aufray rendait hommage dans les concerts ou les émissions radio-télé… Je ne me souviens pas que Richard Anthony ait parlé de Dylan et de son importance dans la chanson qui raconte la vie rugueuse, et les zones sombres de l’american way of life.
Pour mémoire, la mienne, la première fois que j’ai entendu Aufray c’était avec San Miguel, une chanson de Jane Bowers adaptée par Michel Vaucaire sur une musique de D (Dave?) Bowers, une chanson assez dylanienne… C’était en 1960 ou 61.
Lorsqu’Hugues Aufray prépare ce projet, il est suffisamment connu pour mener à bien cette affaire ambitieuse et imposer un album entier avec quelques chansons pas très propices à faire danser les teen agers dans les surboums. Comme les deux ci-dessous .
Ajoutons que dans les sons néo french rock hallydesques, les couleurs musicales du skiffle group apportaient un souffle vraiment nouveau …
et la chanson qui m’a bouleversé autant que Nuit et brouillard,
Et pour compléter quelques minutes d’entretien récent pour bien comprendre qu’une adaptation de chansons américaines sont mieux traduites quand le traducteur est aussi un musicien, c’est pas Sarclo qui dirait le contraire … Et Dylan non plus quand ils évoquent la traduction de « Like a rolling stone » et le sens du texte, quand Aufray traduit « How does it feel / How does it feel » par « Où vont ces files / Ces sans-domicile » ce n’est pas une assonance douteuse, mais comme le dit Dylan, c’est l’esprit de la chanson.
Et pour mes souvenirs San Miguel version originale intégrale avec intro parlée
PS : à lire aussi René Troin Dylan, comment ça se dit en français ?
Thats all folks.
Norbert Gabriel
26/8/2019 NB: le commentaire ajouté ci-dessous précise sans équivoque ce qu’il en est .
Témoignage sur FB d’un témoin direct, qui lève toute équivoque.
Ed Efira: je pense que mes propos sont ambigus (perdu l’habitude d’écrire en français). Dylan venait de signer avec Al Grossman qui manageait Peter Paul &Mary.. c’est PP&M qui ont rendu Blowing in the wind célèbre avant Bob. Hugues avait gagné un concours, le prix Maurice Chevalier qui lui a valu d »obtenir une résidence d’un an dans la boite où PP&M se produisaient. Mary, folle d’amour pour Hugues lui a présenté Bob, illustre inconnu a l’époque et Hugues et Bob se sont liés d’amitié. Lorsqu’il est rentré en France, Hugues a décidé de faire une adaptation des chansons de Dylan très folk a l’époque et quoique l’on pense de ses adaptations, il a rendu Dylan célèbre en France alors qu’il était totalement inconnu des français et de leurs medias de l’époque (Salut les copains etc…). Il avait aussi ramené dans ses bagages « 500 miles » traditionnel mais rendu populaire par PP&M again, que Richard Anthony (aussi surnommé richard en tonneau) lui a piqué pour en faire « J’entends siffler le train ». Voila, j’ai travaillé 11 ans avec Hugues, nous sommes toujours amis bien que vivant sur des continents éloignés.
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