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Peine perdue et Le lambeau…

2 Jan

Fabienne Desseux partage ses notes de lecture, après « les Indélébiles »  voici  le nouveau livre de Kent,  et en bonus, une chronique  sur le 7 janvier 2015, et le livre de Philippe Lançon…  Pour mémoire…

 

La peinture qui illustre la couverture du nouveau roman de Kent s’intitule « Danse macabre », elle est signée Bruno Lecuyer.

Elle colle parfaitement à son sujet et à la « Peine perdue » du personnage principal, Vincent. Musicien revenu de tout qui semble être arrivé nulle part, Vincent devient veuf en une fraction de seconde. Un deuil brutal qui le laisse sans émotion. Un séisme qui ne l’ébranle pas ; même par politesse. Car ce cynique a depuis trop longtemps endossé le costume d’une misanthropie de bon aloi. Une armure qui lui permet de traverser les années sans être atteint par la brusquerie de son métier, le temps qui passe et les bons sentiments qu’il tient, la bride courte.

Les jours passant, Vincent ne ressent toujours rien et l’armure devient encombrante. Alors comme tout chagrin semble définitivement perdu, il va se mettre en peine de comprendre pourquoi, en dansant sur le volcan de sa vie. Déroulant le fil qui l’a mené à cette distance, laquelle lui permet, croit-il, d’être maître de ses choix.

Kent romancier, c’est retrouver un héros qui fraye avec le monde de la musique. Forcément, c’est l’univers qu’il connait le mieux. Mais bizarrement le lecteur, toujours, trouve des points d’achoppements avec ses personnages. Parce que Kent, au fur et à mesure des années (c’est son sixième opus) nous parle, comme dans ses chansons, de sujets universels. Universel ne voulant pas dire bateau, attention… je vous entends ! On dirait Vincent !

Vincent qui nous ressemble si peu qu’il nous fait écho. Finalement. Même si l’on n’est pas compositeur même si l’on n’a jamais mis les pieds à New-York, on a – comme lui – une façon bien à nous de fuir nos vérités, d’éviter l’inéluctable danse macabre. Moi qui m’affiche ouvertement misanthrope, j’avoue que ce personnage pourrait volontiers partager ma table. On aurait à causer.

Alors même si vous allez me soupçonner de partialité envers mon idole exemplaire (et vous n’auriez qu’à moitié tort), je ne saurais trop vous conseiller d’aller faire un tour chez votre libraire préféré pour commander ce roman édité par Le Dilettante.

Ce ne sera pas peine perdue ! 
(Mon dieu que je suis drôle)
Alors, vous venez ?

Et pour quelques infos de plus le FB de Fabienne c’est là –> 

(Clic sur l’image et la  page s’ouvrira)

 

 

et surtout ,  —>

 

 

 

 

 

 

 

Le 7 janvier 2015, on a tous été Charlie. D’un coup d’un seul ! Moi, comme les autres, j’ai été blessée par cet attentat. On s’est accaparés la douleur des victimes, on a donné notre avis, on est sortis dans la rue, changé nos photos de couverture, de profil… Il nous fallait extérioriser à tout crin, pour ne pas sombrer. Alors on a tonitrué.
Philippe Lançon, lui, était présent ce 7 janvier à la conférence de rédaction de Charlie Hebdo. Le canard – un peu boiteux – que plus personne ne lisait, que beaucoup jugeaient, critiquaient et descendaient. Oui, descendaient.
Le journaliste, lui, a été blessé.
Cette phrase ne comporte que six mots. Six petits mots dont nous ne pouvons saisir l’ampleur.  Alors que nous, foule anonyme, étions en train de sortir de nous-mêmes, de nous rassembler, de parler encore et encore, Philippe Lançon se taisait. Une balle avait traversé sa mâchoire, le réduisant au silence. Ce jour-là, il fut extrait du monde, devenu un revenant.
L’homme qu’il était ne sera jamais plus. Celui à venir, alors encore inconnu. Dans son livre, « Le lambeau », Philippe Lançon nous parle à voix basse. Il nous chuchote son insupportable renaissance. Il nous dépeint les soignants, nous dessine les contours de sa douleur.
Dans ce récit, on ne croise que furtivement les fantômes des frères K. Mais on fréquente Baudelaire, Proust, Goya, Vélasquez, Bach, Coltrane… Tous accompagnent Philippe Lançon durant les opérations, les greffes, les piqûres qui endurcissent les veines, les réussites et les échecs. Durant ces mois passés loin du monde, ils resteront là auprès de lui. Plus que n’importe qui d’autre en ce monde.
Nous lecteurs, devons lire aujourd’hui les mots de Lançon sans faire de bruit. Invités au creux de sa
chambre d’hôpital, nous devons nous faire petits. Tout petits.
Ne plus tonitruer.
Parce qu’on ne savait rien.
On n’imaginait même pas ce que voulait dire « être Charlie ».
(Le lambeau – Philippe Lançon chez Gallimard)

 

Fabienne Desseux

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