L’Ascenseur, lieu d’accueil de personnes, de vie et d’activités culturelles et artistiques en Gironde

28 Déc

 

Dimanche 23 décembre, l’Ascenseur, un squat récemment établi à Talence (33) dans un domaine immobilier vacant appartenant à l’Université de Bordeaux pour y héberger des familles sans domicile -cent vingt femmes, enfants et hommes- organisait à l’occasion des fêtes de fin d’année, une Kermesse de Noël, premier événement festif d’une série que les occupants des lieux, parmi lesquels se trouvent nombre d’adeptes des diverses disciplines artistiques, souhaitent prolifique et inventive, et résolument orientée vers l’expression artistique et l’accueil d’artistes désireux de soutenir la cause du logement pour tous. L’installation des familles terminée, après nettoyage et remise en état des locaux, c’est une vraie vie de quartier qui se structure dans la convivialité, malgré un avenir incertain, suspendu à une décision de justice et l’éventualité d’une expulsion, même si le domaine universitaire n’utilisait plus depuis plusieurs mois ces bâtiments, devenus trop vétustes pour servir aux cours. Outre les logements réservés à l’habitation, L’Ascenseur remet en état progressivement des bâtiments aptes à servir de salle de répétition pour des groupes de musique et de danse, de salles de concert et de lieux de vie collective, pour des spectacles où seront conviés également voisins du squat et toute personne désireuse de participer. Soutenus par plusieurs associations, dont Médecin du Monde, L’Association de Solidarité des Travailleurs Immigrés (ASTI), le Réseau Éducation Sans Frontière (RESF) ou encore la CIMADE, des bénévoles et habitants du quartier, ainsi que le curée de l’église, les résidents de L’ascenseur, à l’instar des membres de l’association La Ruche qui accueille des mineurs étrangers isolés, misent sur la transparence et la communication, via entre autres la multiplication d’événements artistiques pour expliquer la légitimité et l’utilité de leur démarche, et espérer convaincre les autorités de l’intérêt de les laisser occuper ces lieux et œuvrer légalement à une cause primordiale, qui capte l’attention et suscite le soutien de l’opinion publique. Pour ce jour, la fête, bien que consacrée aux enfants et aux familles, avec une distribution de jouets et cadeaux, l’organisation d’activités sportives, ludiques et artistiques, un repas collectif suivi d’une soirée musicale, accueillit un plus grand nombre de personnes que prévu, voisins, bénévoles et citoyens ayant répondu à l’invitation. S’il est permis de parler de succès d’estime populaire, elle en fut un exemple, et c’est avec conviction que l’Ascenseur prépare pour le 12 janvier 2019 un concert de soutien qui aura lieu à la Maison des Activités Culturelles du campus de Bordeaux III (facultés de lettres) et IV (facultés de droit) à Talence, et pour lequel appel est lancé aux artistes désireux d’apporter leur soutien. Une caisse solidaire a également été mise en ligne ici, afin d’aider le lieu, vous trouverez l’adresse plus bas.

En ces jours où une année nouvelle s’annonce, sans doute malheureusement avec toujours de plus en plus de personnes sans abris et d’enfants et adultes souffrant de conditions de vie indécentes et indignes d’un pays tel que le notre, alors que la loi ELAN votée récemment a supprimé le délai légal de deux mois avant expulsion applicable au bénéfice de la « trêve hivernale », et rendu tout squat expulsable dans l’immédiateté d’une décision administrative, c’est un peu d’espoir qu’on voit renaître dans chaque initiative citoyenne en résistance contre le cynisme des législations et l’indifférence, voire la cruauté, avec laquelle elles sont appliquées parfois. Et tout ça en musique bien-sûr! Et n’est-ce donc pas à cela que sert l’art? Donner naissance à l’espoir? Initiative citoyenne, celle-ci en est, et c’est pourquoi nous avons voulu lui donné la parole. Dans l’après-midi, Félix, un des organisateurs ainsi que Tom, un voisin du lieu venu le soutenir ont accepter de nous en expliquer un peu le sens.

– Bonjour et merci de nous accorder un moment. Vous et les familles hébergées ici occupez les lieux depuis peu, et c’est déjà un premier événement festif qui se programme aujourd’hui, dans la convivialité générale et avec la participations de voisins et citoyens venus vous témoigner un soutien. Comment êtes-vous arrivés dans ces lieux et comment parvenez-vous à maintenir un esprit si convivial?

– Félix : Comme toutes les maisons qui s ‘ouvrent : on passe devant, et si ça a l’air vide, on s’informe sur la personne à qui appartiennent les lieux. En l’occurrence ici il s’agit de locaux apparentant à l’Université de Bordeaux, et qui, si nous sommes bien informés, sont vacants depuis septembre 2018. Ceci explique pourquoi les locaux sont relativement salubres et que l’eau et l’électricité y sont encore. Durant une semaine, nous nous sommes occupés des lieux, en essayant de faire les choses correctement avec le soutien d’associations, et très rapidement des familles ont pu y être accueillies. Les associations et les copains étant au courant de l’ouverture de ce nouveau lieux d’accueil, on nous a envoyé les gens, en centralisant un peu les demandes d’hébergement. La cohabitation se passe très bien, entre les différentes nationalités d’origine des résidents, comme en témoigne la fête de ce dimanche. On a fait en sorte d’éviter d’être submergés, car c’est souvent ce problème qui est à l’origine de tensions au sein des lieux d’accueil. Même si parfois certaines nationalités ne s’acceptent pas trop entre elles, en faisant en sorte qu’il y ait suffisamment d’espace pour chacun et aussi des espaces collectifs où coopérer, tout le monde arrive à vivre ensemble. On est tous dans la même « merde », donc le mieux est de se serrer les coudes plutôt que se disperser.

– Lors de notre première rencontre, il était question d’organiser une vie artistique ici, en permettant à des groupes d’utiliser les lieux pour répéter et se produire. Qu’en est-il ?

– Félix : C’est toujours d’actualité. Évidemment depuis l’ouverture du lieu, on s’est concentrés sur l’accueil. Maintenant les lieux sont pleins ; donc l’accueil des arrivants est terminé. Aujourd’hui nous avons réussi à créer le premier événement avec cette kermesse de fin d’année pour les familles. Il a été mis en place par Once Upon A Time et Out Crew, qui sont des associations intervenant bénévolement pour faire des animations. C’est un peu le Noël des enfants, et on a utilisé les bâtiments D3 et D5 qui ne sont pas habités pour qu’ils y organisent la fête. On s’est juste occupés de la logistique et de nettoyer les salles, et les associations ont organisé les animations. Il y a des jouets et peluches qui proviennent de dons, des activités sportives, artistiques et ludiques. S’en suivra un repas et une soirée avec des concerts un peu improvisés, car on n’a pas vraiment eu le temps de faire répéter des groupes, et puis la convivialité est de mise aujourd’hui. Mais notre volonté pour l’avenir est de permettre à qui le souhaite de venir répéter, produire ce qu’il veut et se produire aussi. Le bâtiment D3 a par exemple servit depuis deux semaines à un groupe de danse, qui fera très bientôt une représentation.

– Où en êtes-vous vis à vis de la décision de justice concernant une éventuelle expulsion ?

– Félix : On n’a toujours pas de nouvelle. Pas de nouvelle, bonne nouvelle, même si nous craignons évidemment l’expulsion, d’autant que notre cas est passé devant la justice en procédure accélérée, ce qui peut indiquer que l’administration publique n’a pas l’intention de laisser perdurer l’occupation de ces bâtiments, qui ne logent pourtant plus ses activités. Nous avons donc conscience d’être expulsables à tout moment, au pire demain, au mieux jamais. Évidemment les avocats et associations ne lâchent pas et on tente de voir ce qu’on peut faire au niveau juridique, avec un recours devant le conseil d’état, qui est une procédure ayant déjà fonctionné à Toulouse en 2016 pour un lieu de vie comparable à celui-ci. L’incertitude est le lot de tout squat, mais ça ne nous empêche pas de faire des choses, car si on reste suspendus à nos craintes, on ne fait plus rien.

– Tom, tu es de passage en tant que voisin aujourd’hui. Quel regard portent globalement les habitants du quartier sur l’ouverture de ce squat ?

– Tom : En fait j’ai un peu une double-casquette, car je suis militant auprès de cette cause, mais également voisin ; je suis donc venu en tant que voisin d’abord. De toute façon, il n’y a eu que de bon retours dans le voisinage pour le moment ; les gens ne se plaignent pas de la présence de familles ici. J’en avais un peu peur, car il y a trois ou quatre ans, la mairie de Talence avait ouvert un accueil, et les mouvements d’extrême-droite avaient beaucoup posté de tracts mensongers dans les boites à lettre du quartier, et certains individus étaient intervenus dans des réunions publiques de façon assez brutale, en tentant de monter la population contre le fait que la mairie ouvre un lieu d’hébergement pour des personnes à la rue. Mais pour le moment ici, tout se passe dans la bonne entente.

– Félix, quelles sont les associations principalement qui vous apportent leur soutien et quels événements prochains pouvons-nous annoncer ?

– Félix : Médecins du Monde en premier lieu ; c’est souvent cette association qui nous envoie les familles. Et puis Réseau d’Éducation Sans Frontières, l’Association de Solidarité des Travailleurs Immigrés, Droit au Logement, la CIMADE. Je vais profiter de l’occasion pour faire un peu le « spoiler », mais ça peut être intéressant que des gens soient dès maintenant au courant : nous sommes en train de rédiger une lettre ouverte au Président de l’Université qui possède les locaux, accompagnée d’une pétition, pour expliquer notre démarche et la situation des gens qui viennent ici et qui sera co-signée par plusieurs associations et collectifs, dont des associations étudiantes. Nous, ce que nous souhaitons, c’est vraiment discuter avec les pouvoirs publics. Non pas pour créer un partenariat ; on sait ce que donnent les partenariats avec les pouvoirs publics hélas. Mais au moins pour expliquer ce qu’on fait et leur demander de nous laisser tranquilles, puisqu’ils n’ont pas besoin des locaux. Il était même question de les revendre à Bouygues, mais c’est une pratique systématique désormais que de revendre le parc immobilier appartenant au domaine public à des sociétés privées. Il faut quand même savoir que sur Bordeaux, on compte dans les trente mille logements vides (chiffre du D.A.L), alors qu’une enquête de 2016 recensait trois mille et soixante cinq personnes sans domicile ou en situation immobilière très précaire. Il y aurait donc avec un peu de bonne volonté de quoi largement loger tout le monde. Mais chacun à ses priorités : certains préfèrent que tout le monde ait droit à un toit et nous en sommes ; d’autres préfèrent faire du profit financier. J’en profite pour informer qu’une caisse de soutien en ligne a également été lancé pour nous aider financièrement, et le 12 janvier nous organiseront à la Maison des Activités Culturelles du campus de Talence (Bordeaux III et IV) une soirée festive musicale. La participation d’artistes n’étant pas close, profitons en pour lancer un appel à cette fin.

 

Miren Funke

 

 

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