J’en avais très envie de ces Indélébiles. J’ai aperçu Luz l’autre jour à la télé. Je savais qu’il voulait nous parler des gens de Charlie, loin du 7 janvier. Nous parler de ses collègues.
Une fois entre mes mains, son livre pesait un peu lourd. Faut dire qu’il est tout dodu, ramassé sur lui-même. Mais il ne se donne pas un genre rabougri ou grognon, non ! Il est même d’emblée rassurant.
J’avais deux-trois mails à écrire ce matin. Je voulais poser la bande dessinée sur mon bureau, je l’ai finalement gardé sur mes genoux en finissant mes courriels. Elle n’arrêtait pas de me faire de l’œil. Je sentais qu’on s’agitait drôlement sous la couverture.
« Catharsis », autre ouvrage de Luz, m’avait fait un effet différent. Il était grand, anguleux. Il m’intimait. Je savais que j’allais me blesser sur ses arêtes.
« Indélébiles » m’a invité. En vérité on dirait que ce livre est rond. Ce qui est con pour une BD rectangulaire. Rond et chaud. Ce qui est encore plus con.
Alors j’ai cédé. Je l’ai ouvert. Juste pour lire cinq ou six pages. Pas davantage. Simplement pour voir ce qui se trame là-dedans. Sérieux, je n’arrivais presque plus à écrire mes mails tellement ça faisait du bruit dans ce rectangle rond. Je suis tombée sur Luz avec un décapsuleur Simpson, il a ouvert une bière. Je me suis retrouvée à suivre ce minot, ce provincial qui débarque à Paris avec ses premiers dessins sous le bras. Et on a croisé Cabu… Si, si, Cabu ! Il pétille, je peux vous le dire. Puis on a rencontré Tignous, Charb, l’équipe de la Grosse Bertha. A un moment, avec d’autres dessinateurs, on s’est retrouvés à la rédaction de Charlie Hebdo. On a aussi célébré l’anniversaire de Luz, il a 21 ans et Cabu a sorti une part de tarte aux pommes de son sac pour fêter l’événement. Je me marre bien.
J’ai refermé « Indélébiles ».
Chuis bête. Je ne suis pas avec Luz, je ne suis pas à Paname, je ne suis pas chez Charlie.
J’ai quand même entrouvert à nouveau le bouquin. Putain ça sent la clope à des kilomètres, ils fument trop ! Y’a des chiures de gomme qui tombent des pages. Des miettes de tarte aux pommes aussi. J’entends au loin les vannes foireuses de Charb. Le bruit des rotatives, du fax. Ça sent l’encre d’imprimerie jusque dans mon bureau.
Charlie n’est pas un mausolée. Ce canard n’est pas figé dans le 7 janvier 2015. Il bat, il palpite, il est drôle. Ses dessinateurs ont fait un boulot formidable. Parce que dessiner n’est pas un métier de rigolos. C’est un travail essentiel, difficile.
« Indélébiles » est posé à côté de moi. J’entends qu’on rigole sec à travers ses pages. Mais je sais qu’ils marnent, y’a des bouclages à finir.
Ce livre n’est pas une nostalgie. Il est une réalité, une chaleur, qu’on avait presque oubliées à cause de cette saloperie de 7 janvier. Charlie et ses dessinateurs sont indélébiles.
Allez, je vous laisse. Ils chahutent de plus en plus fort. Je crois qu’il faut que j’y retourne… Il reste un bout de tarte aux pommes à finir et des bouclages à terminer.
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Dimanche 23 décembre, l’Ascenseur, un squat récemment établi à Talence (33) dans un domaine immobilier vacant appartenant à l’Université de Bordeaux pour y héberger des familles sans domicile -cent vingt femmes, enfants et hommes- organisait à l’occasion des fêtes de fin d’année, une Kermesse de Noël, premier événement festif d’une série que les occupants des lieux, parmi lesquels se trouvent nombre d’adeptes des diverses disciplines artistiques, souhaitent prolifique et inventive, et résolument orientée vers l’expression artistique et l’accueil d’artistes désireux de soutenir la cause du logement pour tous. L’installation des familles terminée, après nettoyage et remise en état des locaux, c’est une vraie vie de quartier qui se structure dans la convivialité, malgré un avenir incertain, suspendu à une décision de justice et l’éventualité d’une expulsion, même si le domaine universitaire n’utilisait plus depuis plusieurs mois ces bâtiments, devenus trop vétustes pour servir aux cours. Outre les logements réservés à l’habitation, L’Ascenseur remet en état progressivement des bâtiments aptes à servir de salle de répétition pour des groupes de musique et de danse, de salles de concert et de lieux de vie collective, pour des spectacles où seront conviés également voisins du squat et toute personne désireuse de participer. Soutenus par plusieurs associations, dont Médecin du Monde, L’Association de Solidarité des Travailleurs Immigrés (ASTI), le Réseau Éducation Sans Frontière (RESF) ou encore la CIMADE, des bénévoles et habitants du quartier, ainsi que le curée de l’église, les résidents de L’ascenseur, à l’instar des membres de l’association La Ruche qui accueille des mineurs étrangers isolés, misent sur la transparence et la communication, via entre autres la multiplication d’événements artistiques pour expliquer la légitimité et l’utilité de leur démarche, et espérer convaincre les autorités de l’intérêt de les laisser occuper ces lieux et œuvrer légalement à une cause primordiale, qui capte l’attention et suscite le soutien de l’opinion publique. Pour ce jour, la fête, bien que consacrée aux enfants et aux familles, avec une distribution de jouets et cadeaux, l’organisation d’activités sportives, ludiques et artistiques, un repas collectif suivi d’une soirée musicale, accueillit un plus grand nombre de personnes que prévu, voisins, bénévoles et citoyens ayant répondu à l’invitation. S’il est permis de parler de succès d’estime populaire, elle en fut un exemple, et c’est avec conviction que l’Ascenseur prépare pour le 12 janvier 2019 un concert de soutien qui aura lieu à la Maison des Activités Culturelles du campus de Bordeaux III (facultés de lettres) et IV (facultés de droit) à Talence, et pour lequel appel est lancé aux artistes désireux d’apporter leur soutien. Une caisse solidaire a également été mise en ligne ici, afin d’aider le lieu, vous trouverez l’adresse plus bas.
En ces jours où une année nouvelle s’annonce, sans doute malheureusement avec toujours de plus en plus de personnes sans abris et d’enfants et adultes souffrant de conditions de vie indécentes et indignes d’un pays tel que le notre, alors que la loi ELAN votée récemment a supprimé le délai légal de deux mois avant expulsion applicable au bénéfice de la « trêve hivernale », et rendu tout squat expulsable dans l’immédiateté d’une décision administrative, c’est un peu d’espoir qu’on voit renaître dans chaque initiative citoyenne en résistance contre le cynisme des législations et l’indifférence, voire la cruauté, avec laquelle elles sont appliquées parfois. Et tout ça en musique bien-sûr! Et n’est-ce donc pas à cela que sert l’art? Donner naissance à l’espoir? Initiative citoyenne, celle-ci en est, et c’est pourquoi nous avons voulu lui donné la parole. Dans l’après-midi, Félix, un des organisateurs ainsi que Tom, un voisin du lieu venu le soutenir ont accepter de nous en expliquer un peu le sens.
– Bonjour et merci de nous accorder un moment. Vous et les familles hébergées ici occupez les lieux depuis peu, et c’est déjà un premier événement festif qui se programme aujourd’hui, dans la convivialité générale et avec la participations de voisins et citoyens venus vous témoigner un soutien. Comment êtes-vous arrivés dans ces lieux et comment parvenez-vous à maintenir un esprit si convivial?
– Félix : Comme toutes les maisons qui s ‘ouvrent : on passe devant, et si ça a l’air vide, on s’informe sur la personne à qui appartiennent les lieux. En l’occurrence ici il s’agit de locaux apparentant à l’Université de Bordeaux, et qui, si nous sommes bien informés, sont vacants depuis septembre 2018. Ceci explique pourquoi les locaux sont relativement salubres et que l’eau et l’électricité y sont encore. Durant une semaine, nous nous sommes occupés des lieux, en essayant de faire les choses correctement avec le soutien d’associations, et très rapidement des familles ont pu y être accueillies. Les associations et les copains étant au courant de l’ouverture de ce nouveau lieux d’accueil, on nous a envoyé les gens, en centralisant un peu les demandes d’hébergement. La cohabitation se passe très bien, entre les différentes nationalités d’origine des résidents, comme en témoigne la fête de ce dimanche. On a fait en sorte d’éviter d’être submergés, car c’est souvent ce problème qui est à l’origine de tensions au sein des lieux d’accueil. Même si parfois certaines nationalités ne s’acceptent pas trop entre elles, en faisant en sorte qu’il y ait suffisamment d’espace pour chacun et aussi des espaces collectifs où coopérer, tout le monde arrive à vivre ensemble. On est tous dans la même « merde », donc le mieux est de se serrer les coudes plutôt que se disperser.
– Lors de notre première rencontre, il était question d’organiser une vie artistique ici, en permettant à des groupes d’utiliser les lieux pour répéter et se produire. Qu’en est-il ?
– Félix : C’est toujours d’actualité. Évidemment depuis l’ouverture du lieu, on s’est concentrés sur l’accueil. Maintenant les lieux sont pleins ; donc l’accueil des arrivants est terminé. Aujourd’hui nous avons réussi à créer le premier événement avec cette kermesse de fin d’année pour les familles. Il a été mis en place par Once Upon A Time et Out Crew, qui sont des associations intervenant bénévolement pour faire des animations. C’est un peu le Noël des enfants, et on a utilisé les bâtiments D3 et D5 qui ne sont pas habités pour qu’ils y organisent la fête. On s’est juste occupés de la logistique et de nettoyer les salles, et les associations ont organisé les animations. Il y a des jouets et peluches qui proviennent de dons, des activités sportives, artistiques et ludiques. S’en suivra un repas et une soirée avec des concerts un peu improvisés, car on n’a pas vraiment eu le temps de faire répéter des groupes, et puis la convivialité est de mise aujourd’hui. Mais notre volonté pour l’avenir est de permettre à qui le souhaite de venir répéter, produire ce qu’il veut et se produire aussi. Le bâtiment D3 a par exemple servit depuis deux semaines à un groupe de danse, qui fera très bientôt une représentation.
– Où en êtes-vous vis à vis de la décision de justice concernant une éventuelle expulsion ?
– Félix : On n’a toujours pas de nouvelle. Pas de nouvelle, bonne nouvelle, même si nous craignons évidemment l’expulsion, d’autant que notre cas est passé devant la justice en procédure accélérée, ce qui peut indiquer que l’administration publique n’a pas l’intention de laisser perdurer l’occupation de ces bâtiments, qui ne logent pourtant plus ses activités. Nous avons donc conscience d’être expulsables à tout moment, au pire demain, au mieux jamais. Évidemment les avocats et associations ne lâchent pas et on tente de voir ce qu’on peut faire au niveau juridique, avec un recours devant le conseil d’état, qui est une procédure ayant déjà fonctionné à Toulouse en 2016 pour un lieu de vie comparable à celui-ci. L’incertitude est le lot de tout squat, mais ça ne nous empêche pas de faire des choses, car si on reste suspendus à nos craintes, on ne fait plus rien.
– Tom, tu es de passage en tant que voisin aujourd’hui. Quel regard portent globalement les habitants du quartier sur l’ouverture de ce squat ?
– Tom : En fait j’ai un peu une double-casquette, car je suis militant auprès de cette cause, mais également voisin ; je suis donc venu en tant que voisin d’abord. De toute façon, il n’y a eu que de bon retours dans le voisinage pour le moment ; les gens ne se plaignent pas de la présence de familles ici. J’en avais un peu peur, car il y a trois ou quatre ans, la mairie de Talence avait ouvert un accueil, et les mouvements d’extrême-droite avaient beaucoup posté de tracts mensongers dans les boites à lettre du quartier, et certains individus étaient intervenus dans des réunions publiques de façon assez brutale, en tentant de monter la population contre le fait que la mairie ouvre un lieu d’hébergement pour des personnes à la rue. Mais pour le moment ici, tout se passe dans la bonne entente.
– Félix, quelles sont les associations principalement qui vous apportent leur soutien et quels événements prochains pouvons-nous annoncer ?
– Félix : Médecins du Monde en premier lieu ; c’est souvent cette association qui nous envoie les familles. Et puis Réseau d’Éducation Sans Frontières, l’Association de Solidarité des Travailleurs Immigrés, Droit au Logement, la CIMADE. Je vais profiter de l’occasion pour faire un peu le « spoiler », mais ça peut être intéressant que des gens soient dès maintenant au courant : nous sommes en train de rédiger une lettre ouverte au Président de l’Université qui possède les locaux, accompagnée d’une pétition, pour expliquer notre démarche et la situation des gens qui viennent ici et qui sera co-signée par plusieurs associations et collectifs, dont des associations étudiantes. Nous, ce que nous souhaitons, c’est vraiment discuter avec les pouvoirs publics. Non pas pour créer un partenariat ; on sait ce que donnent les partenariats avec les pouvoirs publics hélas. Mais au moins pour expliquer ce qu’on fait et leur demander de nous laisser tranquilles, puisqu’ils n’ont pas besoin des locaux. Il était même question de les revendre à Bouygues, mais c’est une pratique systématique désormais que de revendre le parc immobilier appartenant au domaine public à des sociétés privées. Il faut quand même savoir que sur Bordeaux, on compte dans les trente mille logements vides (chiffre du D.A.L), alors qu’une enquête de 2016 recensait trois mille et soixante cinq personnes sans domicile ou en situation immobilière très précaire. Il y aurait donc avec un peu de bonne volonté de quoi largement loger tout le monde. Mais chacun à ses priorités : certains préfèrent que tout le monde ait droit à un toit et nous en sommes ; d’autres préfèrent faire du profit financier. J’en profite pour informer qu’une caisse de soutien en ligne a également été lancé pour nous aider financièrement, et le 12 janvier nous organiseront à la Maison des Activités Culturelles du campus de Talence (Bordeaux III et IV) une soirée festive musicale. La participation d’artistes n’étant pas close, profitons en pour lancer un appel à cette fin.
Mis en scène par Emmanuel Meirieu au Théâtre de Châtillon
Les mots pour dire leur douleur, nous raconter leurs vies éclatées, brisées. Six hommes dont un chanteur viennent chacun exposer leur vécu sur scène derrière un micro. Faire entendre ce qu’ils ont à dire devient une nécessité, parler pour survivre ou pour enfouir davantage une plaie à vif. La douleur exprimée passe par la réminiscence de souvenirs lointains. Des hommes forts, virils, oui mais des humains avant tout. Emmanuel Meirieu s’intéresse à ce qui réside au fond des entrailles de ces hommes pour en faire jaillir toute la sensibilité. Ces paroles viscérales sont prononcées avec une nécessité impressionnante. Le talent des quatre acteurs se révèle dans leurs métamorphoses successives, incarnant différents hommes avec brio. L’acte de parole est la première phase de reconstruction de ces êtres à vif : communiquer ses émotions au public, droit dans les yeux ne peut que nous faire ressentir une certaine empathie. La sensibilité de ces hommes qui se livrent corps et âmes, souvent sans retenue, déconstruit les clichés de l’homme « fort » que nos sociétés entretiennent.
Le rendez-vous des âmes perdues
Ces fameuses réunions de « story telling », imaginées par l’écrivain américain George Dawes Green, ont attiré beaucoup de personnes dès leur création à la fin des années 1990. Partager des instants de vie qui les ont meurtris ou tout simplement marqués pour se libérer et ne pas rester seul face à leur situation. L’humain est replacé au centre. Les corps marqués et imprégnés racontent l’histoire souvent mieux que les mots. Le plateau est plongé dans un clair-obscur inquiétant avec une musique renforçant cette atmosphère déroutante aussi bien pour les personnages que pour le spectateur. La vidéo retransmise en simultané du visage des hommes avec un effet transparent permet d’être à leurs côtés, concernés par toutes leurs histoires.
Salle bondée, chaude ambiance pour accueillir Eric Frasiak et son pianiste Benoît Dangien, ce dimanche soir à l’Arthé Café. Encore une première fois sur scène pour moi, et j’ai compris pourquoi il y avait tant de fans dans la salle.
En noir et gilet noir et rouge, avec son chapeau noir de San Francisco sous lequel bout une marmite de blues man contestataire et humaniste, avec son pianiste, en noir, casquette, lunettes et moustache assorties, pianiste aux multiples talents, chanteur et joueur de mélodica, Eric est à la guitare, et la boite à rythme est chinoise, vu la scène un peu juste ! Il attaque avec Sous monchapeau :
Sous mon chapeau, y’a tous ces vers qui prennent leur pied / A me bousculer les neurones / Qu’écrivent des trucs qui font chialer / Ou qui gueulent dans l’vent des cyclones / C’est pour pas qu’mes idées s’envolent / Qu’elles partent trop tôt / Que j’les garde au chaud, ces belles babioles / Sous mon chapeau…
Il chante surtout les chansons de son dernier album, le 7ème : Sous mon chapeau, en se racontant entre chaque chanson, et ça l’agace vraiment ce Z à son nom, tant qu’il en a fait une chanson :
Mais qu’est-ce que j’leur ai fait à tous Journaux, radios, télévisions Pour qu’à chaque fois sous ma frimousse Y’a ce Z qui m’file des boutons C’est pas comme un meuble IKEA ça s’écrit sans complications Juste F-R-A-S-I-A-K
Il ne sera pas question de François Béranger ce soir, non pas qu’Eric Frasiak ait tué son père spirituel, mais il en est la réincarnation, François Béranger a dit : Chanter, c’est pas vivre maisl’espérer. Chanter, c’est survivre quand on est vidé. Eric Frasiak a tout hérité de lui, la tendresse, l’humour, l’amour, la révolte contre les injustices et la bêtise humaine, un regard lucide sur l’actualité, et l’espoir malgré tout, il nous donne l’humanité en partage, avec tous ses travers, peintre bouleversant d’une société à la dérive, il trempe sa plume dans tous les encriers de la vie, le noir quand toute la France est plongée dans l’horreur des attentats de Charlie Hebdo :
Je suis humain :
Il n’y a qu’une seule cartouche d’encre noire / Dans mon stylo désarmé / Juste une plume trempée d’espoir / D’un monde de fraternité.
Une encre d’eau qui pleure, pour un bouleversant hommage à Barbara Weldens :
La vie, la rage C’est face où pile De l’eau qui pleure Sur le pavé C’est le bonheur Qui s’est taillé
Comme un éclair Un courant d’air Coup de tonnerre L’amour par terre .
L’encre des yeux de son père, un polonais taiseux, sur le jardin abandonné, Le jardin de papa :
Si tu voyais l’jardin dans l’état ça t’f’rait comme du chagrin, du tracas Une des graines que t’as s’mé c’était moi Et tu vas lui manquer, mon papa.
L’encre bleue des mers, passages pour les migrants qui tentent de survivre :
Je n’ai plus de terre Plus aucun chez moi Sous le feu, la guerre Fous de Dieu et soldats Je n’ai plus de terre Que ce rêve là Au bout de la mer L’île de Lampedusa…
L’encre bleue de la tendresse, quand il chante : Je t’écris :
Je t’écris ces mots de silence Pour que ces rimes parlent à tes sens Parce que se taire en dit parfois Plus que la grammaire à nos voix.
L’encre grise de la nostalgie du grand Est dont il est originaire, Charleville-Mézières, des cheminées des hauts fourneaux de l’est qui dorment dans un silence qui peut être définitif, où l’on ne voit plus guère Monsieur Boulot, et pourtant :
On t’aimait bien dans le quartier On comptait tous un peu sur toi Pour la bagnole , pour le loyer Pour boucler la fin des douze mois Mais quand on t’vois à la télé Prendre la pause et faire le beau On s’dit qu’le fric t’a bien changé Pourtant tu m’manque M. Boulot
L’encre blues de sa ville d’adoption :
Bar–le-Duc City Blues :
C’est pas New York USA de Gainsbourg Ni la ville rose de Nougaro, Toulouse C’est pas Paris au mois d’mai d’Aznavour Mais c’est ma chanson, BAR LE DUC City Blues …
J’ai atterri là par hasard A une consonne des parisiens Parce qu’il faut bien vivr’ quelque part Et qu’ici c’était sur mon chemin J’ai pas dit qu’c’était l’amour fou C’est pas non plus la terre promise Mais quand j’reviens de je n’sais ou C’est là que j’pose mes valises
Mais c’est chez moi, BAR LE DUC City Blues.
L’encre blues des fonds de verres :
J’ traîne mon folk au fond des bars
Pour des loulous qui pensent qu’à boire…
J’traîne mes mélodies , mes accords
Pour dire aux cons qu’j’suis pas d’accord
Pour moi aussi dans cette histoire
Semer ma p’tite graine d’ananar
J’traîne mon blues à Bar Le Duc Où c’est là qu’j’écris tous ces trucs Qui m’emmèneront un peu partout Simplement pour être avec vous.
L’encre en Technicolor de Noël :
Comme le beau sapin, j’ai les boules Quand j’vois ces cadeaux de maboul Qui par milliers finiront d’main Sur E Bay ou sur le Bon Coin Même le p’tit jésus dans sa crèche Lui, qu’est plutôt né dans la dèche Se dit qu’des ânes et puis des bœufs Il en a fait beaucoup l ‘Bon Dieu.
L’encre couleur d’asphalte, le long des routes, au volant d’un 44 tonnes :
Dans mon bazar de 44 tonnes Derrière mon volant, tout seul, peinard Musique à fond, faut pas qu’je dorme Long is the route for un bon plumard.
L’encre Tango de la jet’set :
C’est connaître Paris et dormir chez Hilton Un string en haut des cuisses qu’a d’secret pour personne C’est faire du cinéma sans réalisateur C’est compter sur papa pour avoir son 4 heures Au rendez-vous des snobs, pour la une de Gala : « Ce soir avec ma robe, Porsche ou Testarossa. »
L’encre haut débit d’ADSL, pour les toqués d’internet :
Quand y’a une coupure internet C’est le monde entier qui s’arrête Les mots d’amour dans les modems Ca remplace pas les vrais « Je t’aime » J’t’avais même pas imaginé, T’étais pas né
Puis une espèce hélas courante d’encre peu sympathique, celle là : Y’a pas d’danger qu’elle disparaisse, ça s’reproduit l’hiver, l’été, ça fait pas trop dans la finesse… Espèce de cons. Que l’on reprend à l’unisson.
L’encre amère du constat politique de notre pays :
Comme on compte pour des prunes faut nous lâcher la grappe C’est jamais dans les urnes que le bonheur s’attrape
Mais l’encre pétillante de La poésie reprend le dessus :
Ces p’tites pages de bonheur, un peu comme du Rimbaud Qu’on écrit dans nos cœurs sans rimes et sans dico Ces p’tits morceaux d’la vie, comme de la limonade Qui moussent et qui pétillent, ça mérite le Pléiade Les copains de nuits blanches qui passent à la maison Chanter quelques boutanches et vider des chansons Les histoires de ce mec vers les trois heures du mat’ …
De nombreux rappels, on tape dans les mains… Chacun à son rythme, comme nous le fait remarquer Eric Frasiak, et après les traditionnelles dédicaces des albums, la fameuse soupe de Marc, suivie d’un repas pour une partie du public, Eric fait le tour des tables, parle avec les uns et les autres, et c’est un bonheur prolongé, en toute simplicité.
Encore une soirée mémorable, et l’on attend avec impatience le huitième album d’Eric Frasiak qui est en bonne voie.
Danièle Sala
Et pour quelques photos de plus,
Chez Frasiak, c’est là –>
Il y a toutes les infos sur sa vie son oeuvre sa route .. clic sur la borne.
Itinéraire d’une enfant de Brassens… c’est la petite princesse du croque notes qui a tricoté à son Tio Brassens un bel habit en patchwork de souvenirs reconnaissants et aimants pour ce tonton virtuel qui l’aidée à grandir pour devenir une femme citoyenne à part entière.
C’est une histoire où une famille déracinée a trouvé un lieu où faire sa vie. Et dans ce voyage intime de migrants espagnols, les chansons de Brassens ont forgé une identité française, celle de Voltaire, de Rabelais, Musset, Villon, de tous les poètes… et s’il n’en restait qu’un, Hugo serait celui-là.
Si je devais illustrer par une image le patchwork tricoté par Christina, ce serait peut-être par un tableau de Klimt, une composition raffinée et élaborée suggérant toutes les nuances de l’âme humaine quand elle est humaniste. Tricoté, selon Christina Rosmini, avec toutes les paroles de Brassens, pas uniquement celles des chansons, et c’est là ce qui fait de spectacle un moment rare, c’est tout Brassens qu’on entend à travers Christina : l’archétype paternel solaire , universel, protecteur et émancipateur.
Il y a urgence, ce spectacle est à Paris pour deux jours encore, mardi 18 et mercredi 19, et que vous soyez fan de Brassens ou pas, c’est l’opportunité de découvrir « cette toute nouvelle création (-) un véritable hymne à la poésie et la joie avec cette pointe de truculence et d’humour propre au maître » . (Jean Dominique Rega Vaucluse matin)
Libération rappelle que ce spectacle a été récompensé par le Molière du meilleur spectacle musical en 2017. Et les amis de Georges lui ont remis le Grand Prix d’Interprétation Féminine 2018.
Last but not last, les émules de Django et les disciples de Crolla seront émus de retrouver dans les notes de Bruno Caviglia l’écho des guitares de Victor Apicella et de Barthélémy Rosso, ces tricoteurs de dentelles musicales qui soulignent avec finesse la griffe méditerranéenne que Christina Rosmini exalte avec bonheur et jubilation.
Du point de vue d’un vieux routier des spectacles qui doit bien avoir 30 à 40 spectacles Brassens au compteur, c’est une révélation et un bonheur rare de redécouvrir Brassens.
C’est ici que ça se passe pour tout savoir sur les créateurs de ce spectacle , et réserver,
Le public de Luxey fut cette année particulièrement joyeux de retrouver à l’affiche du festival Musicalarue le groupe Matmatah, contraint l’année précédente d’interrompre son concert, après avoir interprété six chansons, à cause d’une tempête cataclysmique déchirant le ciel landais d’orages et d’éclairs, qui donnaient pourtant au moment une merveilleuse saveur d’apocalypse météorologique digne de la Bretagne. Héroïques face aux éléments déchaînés jusqu’à la fin du morceau, les artistes avaient finalement dû se ranger à la décision des organisateurs d’annuler la soirée, promettant au public de revenir. Promesse tenue au bout d’une tournée de plus d’un an, au cours de laquelle les chansons du nouvel album du groupe reformé après 9 ans de séparation, « Plates Coutures », rencontrèrent, souvent en salle comble, un public composé bien sûr d’anciens adeptes, mais également de plus jeunes générations, et enjoué autant par la découverte des nouvelles compositions que par la reprises des anciens succès du groupe, dont les premières notes tintent à présent comme des amorces d’hymnes populaires. C’est le privilège des artistes ayant ancré au cœur des gens et dans l’histoire de la Chanson des titres qui désormais appartiennent plus à leur public qu’à eux-mêmes. Il n’en fut pas autrement cette année à Luxey. Le groupe, porteur de nouveaux morceaux aux propos incisifs et pertinents, agença habillement son concert avec intuition, intelligence et un sens très généreux de la complicité avec le public. Matmatah nous ayant auparavant déjà accordé deux entretiens, il nous semblait peu opportun de revenir plus qu’il ne fallait sur les sujets précédemment évoquées. Néanmoins c’est avec grand plaisir que nous retrouvions dans l’après-midi Manu Baroux (guitare), Benoît Fournier (batterie/percussions), et Tristan Nihouarn (dit Stan, chant et guitare) accompagnés du musicien additionnel Julien Carton (claviers/chœurs/harmonica) pour une nouvelle rencontre.
– Messieurs bonjour et merci de nous accorder cet entretien. La question porte sur la chanson « Nous y sommes » et s’adresse plus particulièrement à Stan, puisqu’en ton absence lors du premier entretien où elle avait été effleurée, Manu et Eric nous avaient répondu avec humour qu’il fallait te la poser, car ils n’étaient pas certains d’avoir compris ce que tu voulais y exprimer. Le titres accroche la question de la fin de la civilisation humaine et interpelle sur celle du transhumanisme. Qu’est-ce qui t’a porté à d’aborder ce sujet ?
– Stan : On m’a souvent parlé de chanson écolo ; ce n’est pas du tout une chanson écolo. Ou faussement. C’est même plutôt une chanson super-cynique qui dédouane l’humanité de ses méfaits. L’écologie finalement, c’est quoi ? C’est un concept humain inventé par les humains pour les humains. Il ne s’agit pas de sauver la planète ; la planète n’a pas besoin de nous : elle se sauvera d’elle même. Il ne s’agit que de sauver notre environnement, dans lequel on évolue. Sauver la planète, c’est prétentieux. Aujourd’hui j’écrirais peut-être cette chanson autrement. Je pense que l’humanité, c’est juste la planète qui a attrapé un rhume. Et ça passera. On est à un tournant de notre civilisation : on parle de plus en plus d’un point de non-retour.
– Manu : On en parle, parce que les gens en souffrent. On commence à sentir les effets climatiques ; ça devient du concret. Donc « finalement, c’est peut-être vrai en fait… »
– Stan : Cette chanson est donc cyniquement un constat. Et puis nous sommes des produits de la nature. C’est la nature qui nous a créés. Donc si on en est arrivés là, c’est que la nature a fait en sorte qu’on en arrive là. Je pense qu’il y aura une auto-régulation à un moment donné. Je ne sais pas comment ça va se passer, mais j’ai l’impression que ça va se passer plus tôt que prévu.
– Manu : Ben oui, regardez les dommages collatéraux : le pauvre homme (désignant Benoît resté stoïque), il n’a pas bougé depuis vingt minutes. Donc ça commence par les groupes de Rock, attention !
– Stan : Donc le transhumanisme est peut-être une évolution vers autre chose. La nature survivra à la destruction de l’humanité. Le problème c’est qu’on a tendance à un peu dégager toutes les autres espèces. Mais nous dégager nous mêmes, c’est naturel.
– Lors d’un des tous derniers concerts de votre tournée, à Rouillac (Charente), juste avant d’interpréter la chanson « Overcom » qui cisèle un constat acerbe sur la société de sur-communication et sur-médiatisation, tu avais ironiquement taquiné le public parmi lequel quelques personnes filmaient ou photographiaient le concert avec leur téléphone portable. Ces nouvelles mœurs consternent beaucoup d’artistes. Y vois-tu une dérive comportementale agaçante, inquiétante, ou simplement amusante ?
– Stan : J’en parle souvent, encore qu’on a la chance d’avoir un public qui ne pratique pas trop ça. Jack White a interdit les téléphones à ses concerts, et plein de gens commencent à y penser.
– Manu : On n’est pas les pires : certains artistes se voient filmés au portable durant tout le concert.
– Stan : J’ai arrêté de faire de la photo quand je pars en voyage. Parce que quand tu passes ton voyage l’oeil dans l’objectif, t’as été en voyage dans ton Canon en fait. Mais c’est bien de ne pas faire de photo, et de vivre le moment présent.
– Manu (prenant un « selfie » de lui et Stan avec son portable) : Mais on n’est un peu victimes de la société aussi…
– L’album « Plates Coutures » par lequel vous êtes revenus au devant du public sur les scènes et les ondes s’empare de thématiques sociétales très actuelles par un angle de vue concerné sinon engagé, et laisse par delà la beauté de sa poésie et la finesse de sa réalisation, le sentiment d’un groupe revenu avec beaucoup de choses à dire. Il comporte néanmoins un titre un peu « ovniesque », quasiment instrumental, « Margipop », semblant tellement en décalage avec l’esprit de chansons à propos qu’on se demande bien quel est le sien. Son sens serait-il de rappeler justement qu’une chanson n’a peut-être pas besoin de porter un message autre que celui de sa propre existence pour être utile ?
– Stan : Cette chanson, pour le coup c’est du bricolage : elle a été terminée le jour du mix. Il n’y avait pas du tout de voix dessus, et on s’est dit qu’il manquait quand même quelques voix. Du coup pendant que le gars était en train de mixer à côté, on lui envoyait des pistes en lui disant de rajouter. Mais c’est vraiment du bricolage ; on ne savait pas trop où on allait. On ne le sait toujours pas d’ailleurs…
– Manu : C’était vraiment pour s’amuser. C’est un défouloir un peu.
– Stan : On ne l’avait pas fait depuis longtemps, ça, d’avoir un morceaux instrumental sur un disque. Mais on en a fait, sur le premier album.
– Même si l’album n’aborde pas à proprement parler un sujet urgent qui interpelle nos sociétés européennes, le sauvetage et l’accueil de personnes réfugiées politiques, économiques, climatiques, sanitaires, qui arrivent sur nos côtes pour demander asile, on vous sent, par exemple à travers la chanson « Peshmerga » concernés aussi par les luttes et les drames qui se jouent loin de nos frontières. Un peu partout en France cette année des mobilisations citoyennes et des programmations événementielles ont eu lieu avec le soutien d’acteurs des scènes artistique et culturelle pour affirmer l’attachement de nos concitoyens au principe d’accueil et d’assistance de personnes en danger et leur refus du cynisme des politiques migratoires pratiquées ici à l’heure actuelle. Est-ce une cause que vous envisageriez de soutenir ?
– Stan : On pourrait écrire là dessus, mais si c’est pour enfoncer des portes ouvertes, ce n’est pas vraiment utile. On est tous des migrants. Déjà on vient tous d’Éthiopie ; l’humanité s’est construite comme ça. C’est quoi la différence entre nous ? C’est ça l’humanité. Nous sommes des nomades à la base. La sédentarité ne concerne finalement qu’une petite partie de l’humanité et de son histoire.
– Manu : C’est quand même le genre de sujet qui est délicat, car c’est bien beau de dire « il faut » prendre des gens, mais moi, personnellement je n’ai pris personne chez moi. Bien sûr on a des autorités politiques qui sont sensées nous représenter et prendre des décisions pour nous. Je ne dis pas qu’il ne faut rien faire, très loin de là. Mais je me méfie du côté « donneur de leçon », parce que sur le papier, c’est facile à dire. Personnellement je n’ai rien fait en ce sens. Maintenant je pense que si on nous demande notre soutien pour quelque chose, on le fera.
– Au cours de cette tournée, le public est massivement venu au rendez-vous des retrouvailles et vous a témoigné un accueil chaleureux et enthousiaste. Est-ce là une motivation supplémentaire qui vous propulse vers une seconde jeunesse -Eric nous parlait l’an dernier d’un « Matmatah deuxième période »- et l’envie de poursuivre et d’écrire un bout de route ensemble ?
– Stan : Oui, ça démange. On est un peu tristes de finir la tournée, parce que c’est un chapitre qui se tourne, mais on a hâte de la terminer quand même, parce que ça démange d’écrire de nouvelles chansons. On n’écrit pas trop en tournée ; on n’a plus de conneries à dire.
– Mais on accumule de la matière peut-être ?
– Stan : Oui, on engrange.
– A propos de continuation de route, une dernière question au sujet de Julien, le musicien additionnel qui vous accompagne désormais partout et semble se faire de plus en plus indispensable à vos côtés : comment envisagez-vous la suite ?
– Benoît (s’adressant à Julien) : Eh oui, tu commences à pousser maintenant un petit peu.
– Stan : Tu commences à ressembler à un homme… Mais il est quand même en piteux état. On l’avait pas récupéré dans cet état là ; il était tout neuf. Il a quand même pris une sacrée claque. Mais je crois que c’est à lui qu’il faut poser la question.
– Julien : Qu’est-ce que je t’avais répondu à Rouillac?
– Que tu n’avais pas de boule de cristal…
– Stan : En tous cas, ça fonctionne. On n’a eu que de bons échos.
– Manu : Et en plus le fait qu’il n’ait pas encore la puberté permet de défalquer les impôts. C’est un bon plan !
Aujourd’hui, je refais ainsi la définition de la révolution. Une grande lumière mise au service d’une grande justice. Victor Hugo
De tous temps et partout, des esclaves dans les champs de coton aux peuples opprimés, les hommes ont chanté les injustices, leurs engagements militants, leurs révoltes, leur envie de changer de vie, de monde.
Et le monde entier a été ébranlé par la révolution française de 1789. La déclaration des droits de l’homme fut le coup de clairon de la pensée des lumières, a dit François Furet, historien spécialiste de cette révolution qui a marqué une ère nouvelle dans toute l’Europe et jusqu’en Amérique latine. En précisant que bien sûr, il y a des abus, quand l’idéologie et la violence prennent le pas sur la raison, quand Les Dieux ont soif, rappelons que c’est un homme de gauche, écrivain, académicien qui a dénoncé ces abus, Anatole France.
Révolutions, chants de résistance, chansons contestataires, voici un choix subjectif de ces chansons, pour illustrer ces révoltes, depuis 1789 à nos jours.
Et pour commencer, la chanson emblématique de la Révolution de 1789, Ah ! ça ira, qui fut chantée pour la première fois en mai 1790, son auteur est un chanteur des rues, Ladré, il a adapté les paroles sur un air connu à l’époque, Le carillon national. Une des versions du Ah ! Ça ira, par Edith Piaf :
Et c’est toujours le peuple qui paye Les pots cassés, chanson révolutionnaire de 1795 :
Inévitablement, il y a La Marseillaise, qui fut d’abord un chant de guerre pour l’armée du Rhin, mais qui est devenu le symbole de la révolution française, un hymne universel de la liberté, un appel à la lutte contre les monarques et l’esclavage, un chant qui a accompagné de nombreuses révolutions dans le monde, et qui est devenu définitivement notre hymne national le 14 février 1879 :
Et le premier arbre de la liberté fut planté en 1782 par le comte Camille d’Albon, dans son jardin de Franconville, en hommage à Guillaume Tell. Légende ou vérité ? L’histoire officielle dit que c’est à Saint-Gaudent qu’a été planté le premier arbre de la liberté, en 1790, par le prêtre révolutionnaire Norbert Pressac. Et c’est à ce même endroit, que François Mitterrand ouvre les cérémonies du Bicentenaire de la Révolution en plantant un arbre de la liberté, en 1989. Ces plantations se multiplient sous la révolution, dans toute la France, dans les colonies, et dans tous les pays que traversaient les soldats. Cette coutume revient avec la révolution de 1848, abolie sous Louis XVIII, elle revient avec le retour de la république, en 1870, et pour chaque commémoration de la révolution, pour l’armistice de 1918, pour la libération de 1945.
Nous avons ensuite les chansons du mouvement ouvrier de 1830 à 1914, comme Le chant des ouvriers de Pierre Dupont, plus connu pour la chanson J’ai deux grands bœufs dans mon étable :
Ou Le chant des canuts, écrit en 1894 par Aristide Bruant :
Puis, il y eut la commune, troisième révolution après 1789 et 1830, appelée aussi Révolution de Février, Louis Philippe n’a pas pris conscience de la gravité des événements qui se préparaient, il se contenta de sourire et de dire : Mon prince, je ne crains rien… Je suis nécessaire.
Il y eu donc L’internationale, chanson écrite par Eugène Pottier, d’abord poème à la gloire de L’internationale ouvrière, en juin 1871, en pleine répression de la commune de Paris, et dont la musique est de Pierre Degeyter. Chanson qui est devenue le symbole des luttes sociales dans le monde :
Et le temps des cerises, écrite par Jean-Baptiste Clément en 1866, sur une musique d’Antoine Renard en 1868, chantée ici par Cora Vaucaire :
Parmi les chants anarchistes de fin XIX ème siècle, La Ravachole, chanson attribuée à Sébastien Faure, publiée en 1894 dans l’almanach du père Peinard. chantée ici par Les quatre barbus :
Pour les chansons de mutinerie et de révolte de la guerre de 14 / 18, La chanson de Craonne, une chanson dont on ne connaît pas l’auteur, chantée par les soldats français de la première guerre mondiale, censurée par le gouvernement militaire de l’époque, jugée subversive et antimilitariste, la version de Marc Ogeret :
Et La butte rouge, chantée là par Zebda :
On arrive aux chants de la résistance de la deuxième guerre mondiale, comme Le chant des marais, ou Chant des déportés, au départ un chant allemand, chant de Börgermoor, composé en 1933 par les prisonniers du camp de concentration de Börgermoor, le mineurJohann Esser et le metteur en scèneWolfgang Langhoff, sur une musique de Rudi Goguel, et j’ai choisi cette version des élèves de CM2 de l’école Jean Zay de Nantes :
Le chant des partisans, hymne de la résistance française sous l’occupation de l’Allemagne nazie, dont la musique, inspirée par un chant populaire russe, a été composée par Anna Marly, une française, émigrée russe qui avait quitté la France pour Londres en 1940, et les paroles ont été écrites par Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon, en 1943, alors qu’ils venaient de rejoindre Les forces françaises libres :
Là, un détour par l’Italie s’impose avec cette chanson qui au départ fut une chanson de révolte des mondines, esclaves dans les rizières du nord de l’Italie, cette chanson devient un succès international, de par ses paroles universelles :
Mais un jour viendra que toutes autant que nous sommes, Nous travaillerons en liberté. et elle est encore chantée de nos jours dans les manifs.
Plus près de nous, les chansons anarchistes de la fin du XXème siècle, comme Ni Dieu ni maître, ou Les anarchistes de Léo Ferré,
Et là, un détour par l’Espagne s’impose, avec cette chanson de Serge Utgé Royo : Pardon si vous avez mal à l’Espagne :
Chanson trotskiste des années 70 : Sans la nommer de Georges Moustaki :
Et parmi les chansons autour de mai 68, nous avons, entre autres, Les nouveaux partisans, Dominique Grange :
Paris Mai, Nougaro :
La révolution, par Evariste :
Société, tu m’auras pas, Renaud :
Puis on a évolué vers l’écologie, et l’on se révolte contre les espèces en voie de disparition, la banquise arctique qui ne cesse de diminuer, le réchauffement climatique, contre la destruction de la planète Terre. Et avec la pollution, il est de plus en plus difficile de respirer :
Le monde change :
Les petits jardins disparaissent :
La terre meurt :
Et l’on chante Les éoliennes :
Il y a eu aussi le printemps des révolutions arabes, où l’on chantait la liberté espérée :
Et les attentats de l’Etat islamiste qui ont fait de nombreuses victimes en France, et dans le monde : En 2015 le monde a perdu toute l’humanité… Et là, ce sont des révoltes contre la barbarie et pour défendre la liberté d’expression, et toutes les libertés.
Et l’attentat le plus meurtrier en France depuis la seconde guerre mondiale, au Bataclan, le 13 novembre 2015 :
Ils étaient cœur français ou international Ils étaient la rosée qui pleure de sous le châle Ils étaient des promesses, ils étaient des bourgeons Qui font monter tristesse, ils étaient des chansons Ils étaient des familles, ils étaient des amis Ils étaient ce qui brille dans le ciel de la nuit Ils étaient amoureux ceux qui se sont blottis L’un contre l’autre à deux, contre la tyrannie.
Il y a aussi le problème des migrants, qui arrivent, pour les plus chanceux, combien périssent en mer ? en bateau, fuyant les guerres, la misère, les dictatures, et qui sont refoulés, traités comme du bétail :
et le racisme qui persiste : Lily de Pierre Perret :
Les sans papiers :
Et toutes les infractions gouvernementales à la devise de notre pays : Liberté Egalité Fraternité, et à Loi constitutionnelle n°95-880 du 4 août 1995 – art. 8 et dont le principe est, enfin devrait être si il était appliqué : Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Phrase qui vient d’Abraham Lincoln : La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple.
Le peuple, de plus en plus accablé de taxes, le peuple à qui on rogne peu à peu tous les droits et progrès sociaux acquis de haute lutte par nos parents, aujourd’hui, le fossé se creuse entre les toujours plus riches et le peuple, et oui, Y’en a marre !
On voit de plus en plus de SDF, le nombre de morts dans les rues augmente d’années en année, 7000 SDF sont morts en France en deux ans :
Alors Que reste t-il ? De l’homme qui tenait une rose / Reste t-il encore quelque chose ? Des drapeaux rouges, des drapeaux noirs / Que reste t-il en nos mémoires ? / Des bribes de luttes perdues / Des rêves, des fruits défendus… ( Chanson du jour sur Nos Enchanteurs, merci Catherine Laugier).
Mais 50 ans après 68, le peuple bouge encore et demande justice, Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique disait Platon, mais nos gouvernants sont bien loin d’écouter cette musique, étrangers au quotidien de la grande majorité des français.
Gilets jaunes ou chiffon rouge, même combat ?
Quel avenir pour les générations futures ? Restera t-il un chant d’oiseau ?
Enfants, enfants, la terre est ronde Criez plus fort Pour que se réveille le monde S’il n’est pas mort…
Rêver…Un impossible rêve ? Un peu d’espoir ? Le Rouge après le noir ?
Danièle Sala
NB: On peut ajouter aussi Ni Marx ni Jésus d’Herbert Pagani pour les forces de la rue… C’est assez actuel … mais c’était en 1972.. pour une histoire qui devait commencer vers les années 2000..
Mademoiselle Jeanne est chafouin, sa vie est un charivari d’aventures amoureuses plus ou moins foutraques, et ça fait rire le public.. C’est pas qu’il ait mauvais fond, le public, mais Jeanne Plante, en attendant le grand amour idéal occupe son vide sentimental en faisant des chansons, c’est elle qui le dit.. On peut y croire… ou pas. Mais elle les chante. C’est un grand kaléïdoscope désopilant et néanmoins sensuel, dans une fantasia débridée de geisha sous extasy résolue à conquérir, déguster, dévorer, tous les roméos potentiels de la mythologie selon Aphrodite, Eros et Brigitte Lahaie un soir de bamboche contemporaine… (Ne craignons pas l’hyperbole langagière)
Dans les gènes de Jeanne il doit y avoir un cocktail des grandes héroïnes emblématiques, Mistinguett’, Arletty, Betty Boop, Louise Brooks, la belle Otéro, Anaïs Nin, les grandes amoureuses les grandes vestales de l’amour, toutes les filles d’aujourd’hui qui font à peu près ce que font tous les hommes depuis la nuit des temps, vous devinez quoi … Et si vous devinez pas, allez prendre quelques informations aux cours du soir de mademoiselle Plante. C’est aussi une ménagère accomplie, la preuve par la bouillabaise* des crustacés en folie qu’on peut résumer par une grande partouze culinaire et marine que nous dirons très éducative dans le fonds et la forme. Epicée et colorée…
Entre deux exubérantes fantaisies, le temps de l’amour passe aussi par des mots qui touchent, autour d’un bouton de veste et les émotions qu’il fait revivre… Et si la vie c’est jamais comme on veut, elle n’est pas toujours chafouin. Ce qu’on retient de cette soirée folle dingue tonique: aimez vous les unes les autres, et le monde ira mieux.
Dans le casting de cette comédie musicale échevelée, c’est le mot juste, il y a quelques guest stars qui viennent rendre hommage à Jeanne Plante, entre autres Ray Charles avec Georgia in my mind, bluffant, et quelques autres singing lovers dont vous aurez la surprise, je ne vais pas tout vous dire et divulgacher, ce serait dommage. .
Mais vous montrer quelques images, pour vérifier que c’est un spectacle total façon Broadway et Las Vegas, mademoiselle Jeanne ne se refuse rien, et elle le vaut bien comme disait Marylin à Carmen.. ou à Circé …
C’était le 10 Décembre au Théâtre de Poche Montparnasse, la vie de Jeanne, c’est un bon remède contre la chafouinerie et les morosités des temps de froidure.
Il y a un peu plus de 2 ans, La vie en vrac tenait la scène au Théâtre de la Contrescarpe, l’éloge enthousiaste ci-dessous reste d’actualité, mais après avoir occupé des scènes de toutes dimensions, c’est au théâtre Antoine Vitez que ce spectacle passe à une dimension supérieure grâce à un travail sur la lumière d’une qualité rare, Véronique Chanard bravo ! On peut rappeler ce que disait un maître des lumières à son élève: « Eclaire bien les artistes que j’entende bien les paroles. » Annick Cisaruk et David Venitucci sont très bien mis en lumière, c’est parfait.
3 Mars 2016 au Théâtre de la Contrescarpe.
Annick Cisaruk a trouvé son Mac Orlan, c’est Yanowski. Yanowski a trouvé le Stradivarius qui lui permet d’élargir sa palette à cette vie de femme-flamme qui mord la vie à pleine bouche, et la chante à pleine voix, c’est Annick Cisaruk. Et ils ont trouvé le musicien pour composer cette rhapsodie baroque et sauvage, David Venitucci, tiercé gagnant.
C’est une Carmen des steppes qui a décidé, jeune fille, de suivre la route bohémienne, le chemin des saltimbanques, des oiseaux de passage, les migrateurs éternels avides d’autres horizons. Au risque de se brûler les ailes, au risque de cramer sa vie dans des voyages imprudents. Mais flamboyants.(Suite ICI)
Il y a deux ans quelques images tentaient de donner une idée de cette fresque picaresque,
C’est un joli nom camarade
C’est un joli nom tu sais
Qui marie cerise et grenade
Aux cent fleurs du mois de mai
Pendant des années camarade
Pendant des années tu sais
Avec ton seul nom comme aubade
Les lèvres s’épanouissaient
Camarade
Le rendez-vous était pris depuis quelques temps, les billets aussi, car la promesse de retrouver cette belle troupe d’artistes chatouillait agréablement les souvenirs de celles et ceux qui avaient eu le privilège d’être à la création au Festival Aubercail il y a 4 ans dans la belle ambiance du Magic Mirrors. Et en 2018 Paris ouvrait ses bras et l’Alhambra pour cette fête à Ferrat. Salle comble et comblée après 3 heures d’émotions partagées
Yvan Perey : Oui c’était une belle soirée . J’avais hâte d’assister à ce spectacle car je trouve que Jean Ferrat est rarement repris par des jeunes chanteurs (contrairement à Ferré , Brel ou Brassens.) Et ils s’en sont plutôt bien tirés en sachant y insuffler chacun leur personnalité, avec des sensibilités musicales différentes , de l’humour … Le choix des chansons était assez judicieux, les grands classiques sont joliment revisités (« La Montagne », « Nuit et Brouillard » , « Potemkine « , » Aimer à perdre la raison » ) mais aussi des chansons plus rares comme » Si j’étais peintre ou maçon » , « Horizontalement » (chanson à la misogynie gainsbourienne ) ou d’autres qui semblaient être d’une brûlante actualité ( » Le bruit des bottes » , « HouHou méfions-nous » …) Coup de chapeau aux musiciens et en particulier à l’accordéoniste Viviane Arnoux (qui fut aussi celle d’Hugues Aufray qui a été fêté aussi hier soir ) et Michel Kanuty aux claviers. Bravo à celui qui est à l’origine de ce projet !
Je regrette juste que les auteurs des chansons n’aient pas été cités (hormis Guy Thomas pour » Le bruit des bottes » ). L’auteur de « Potemkine » est Georges Coulonges , l’auteur de » Ma Môme » est Pierre Frachet , l’auteur de » Maria » est Jean-Claude Massoulier … et bien sûr Aragon pour » Que serais-je sans toi ? » et » La complainte de Pablo Néruda « .
En effet, c’était très enlevé, joyeux, tendre, et drôlement mis en situation, témoin cette interprétation de « la chanson misogyne gainsbourienne » par Valeria Altaver qui retourne brillamment la situation car messieurs, vous aussi pouvez être une affaire horizontalement et pas trop verticalement… La réalité et la parité sont à l’ordre du jour…
Le spectacle vivant étant par définition évolutif, la salle a pu faire chorus avec Jules qui avait invité virtuellement un autre ardéchois célèbre Hugues Aufray, tout peut arriver avec ces artistes de bonne compagnie, heureux d’être ensemble sur le plateau, devant un public en majorité acquis à Ferrat, et qui a applaudi des interprétations très différentes, voire décapantes des standards revisités avec une certaine audace… Et c’était bien..
Wally a ouvert la fête avec L’amour est cerise , on a suivi avec enthousiasme en groupe en ligue et en procession dans la foulée de Zora, Julie a charmé avec Berceuse, que Ferrat aimait beaucoup, Jérémie a fait revivre Ouralou, autant de poèmes qui élargissent la palette Ferrat.
Nicolas Bacchus a bien résumé la direction indiquée par Thomas Pitiot: toutes les chansons revues dans tous les genres musicaux, pari tenu, quoi que… je ne souviens pas d’avoir entendu une version tyrolienne, et pas non plus une polka piquée bretonne, ce qui ouvre des perspectives intéressantes pour la suite…
Pour saluer ces talents et faire l’inventaire des chansons,
il y a un album, allez voir ce qui en est dit sur Nos Enchanteurs, tout y est.
Clic sur l’album —→
Et puis, un spectacle peut voyager, il doit voyager, soyez des spectateurs actifs, faites du lobbying pour qu’il soit invité par chez vous … Même si vous êtes dans un fief pas spécialement gaucho, le temps est propice au dialogue … Enfin j’espère …