C’est Jean-Yves Lenoir qui ouvre cette deuxième journée, tourangeau et auvergnat d’adoption, acteur, metteur en scène, il dirige la compagnie du Valet de Cœur à Clermont-Ferrand, écrivain, poète, passionné par la langue française et son évolution dans l’histoire.
Et Pardi ! il nous a régalés par l’ interprétation de ses textes :
– Pardi ! Ce froid sec de l’automne qui rabote le crépi des façades. Et qui frotte, polit le caniveau, le goudron.
– Propre, monsieur : grande toilette de haut en bas !
– Propre comme un sou neuf.
Textes que l’on peut retrouver dans son recueil Pardi ! Prose ou poèmes ? « Ces petits papillons qu’on appelle éphémères,
Que nous dit-tu, poète ?
Qu’un bénitier de pierre,
Dans le froid, dans la glace, a retenu leurs ailes.
Jean-Yves Lenoir nous a aussi gratifié d’une recette pour réussir nos soirées poétiques, en quatre méthodes, beaucoup d’humour et une pointe d’ironie. La soirée conviviale, hommage aux poètes de préférence vivants… Le Cercle, apologie pour poètes morts ou vivants, avec pianiste qui joue un concerto de Lizt… Soirée interprétation pour poète mort… Soirée évocation pour public éclairé, fauteuils empire, riches bibliothèques aux livres reliés, etc…
Jacques Viallebesset qui lui succède, en compagnie de Fabrice Péronnaud rectifiera le tir en précisant que les poètes font leur gamme et des exercices de style, la muse ne fait pas tout !
Et c’est Dans le vent des montagnes, en cheminant avec Gaspard , que ces deux conteurs-poètes nous entraînent, poèmes puisés dans la malle aux trésors de Gaspard des montagnes et réunis dans ce recueil
Rappelez-vous le franc Gaspard des montagnes
Qui surgissait en bondissant
Et comme un diable dans les cabarets
A l’orée des bois noirs
Dans ces pays marqués par le bruit de la cognée
Au bord de cette forêt qui bleuit sous le vent
La couche de fougères du bûcheron
C’est ici que je vous donne rendez-vous
Dans ce grand matin d’herbes et d’oiseaux… »
Après la poésie, question existentielle : Des lumières à l’intelligence artificielle, que sont nos valeurs devenues ? Avec Thierry Lambre mathématicien, Bernard Dumoulin, philosophe, Jean-Yves Lenoir, écrivain et comédien.
Le monde est une immense symbiose, est-on en train de rompre un lien sacré ? Pour Bernard Dumoulin, le problème est le contrôle de l’homme, est-ce que l’homme est capable de contrôler les machines, les robots, rester le centre de ce qu’il a produit lui-même ?
Il fut question du principe de précaution, de la grande puissance de l’intelligence artificielle pour un pays comme la Chine par exemple, des pays où l’état contrôle tout le système, et de surmonter ce problème avec l’ONU .
Le mathématicien Thierry Lambre est plus optimiste, en affirmant que l’intelligence artificielle a permis de grands progrès, en médecine notamment, un ordinateur bien informé est capable de détecter un mélanome, en le différenciant d’un grain de beauté à 95%, alors qu’un simple dermato le détecte seulement à 87%. Et que rien ne sera alarmant tant que la décision restera humaine.
Jean-Yves Lenoir, est-ce que la décision finale appartiendra toujours à l’homme ?
Il fut aussi question de Copernic, qu’est ce que sa perception de l’univers a apporté à l’homme ?
Une auditrice a posé la question de l’éthique. D’où viennent les matières premières qui servent à fabriquer les machines productrices d’intelligence artificielle, et dans quelles conditions sont -elles exploitées ?
Nous avons aussi parlé de l’importance de ne pas confondre la science et la technologie. De l’importance d’adapter les robots aux besoins des hommes.
En conclusion, l’intelligence artificielle est-elle capable de prendre le dessus, où n’est-ce qu’un écran de fumée derrière lequel il y a le pire et le meilleur ?
Ouf !
Il est temps de revenir à la chanson, avec tout d’abord Guilam et sa fille Camille que son père a convaincue de monter sur scène, et il a bien fait ! Le duo, c’est 2 Folks, un duo père fille tout en harmonie, deux voix qui se répondent où s’unissent, en parfaite harmonie, pour un voyage intérieur tout en douceur et poésie. Leur album en commun, Variations, 12 titres, auto-produit, est Un écrin de quiétude pour le cœur et pour les oreilles. Je ne saurais dire mieux..
Et quand Camille chante seule Emmenez moi, on reçoit en plein cœur sa voix limpide, aérienne , vibrante d’émotion. Des chansons de Variations, des reprises de Félix Leclerc, de Brassens, de Dimey, Cabrel… ou encore de Pierre Lapointe, Tel un seul homme :
Et si je vous disais que même au milieu d’une foule
Chacun, par sa solitude, a le coeur qui s’écroule
Que même inondé par les regards de ceux qui nous aiment
On ne récolte pas toujours les rêves que l’on sème
Déjà quand la vie vient pour habiter
Ces corps aussi petits qu’inanimés .
Et surprise, ils sont revenus inopinément un peu plus tard pour une chanson de Jacques Bertin, en hommage , Le rêveur :
J’étais l’enfant qui courait moins vite
J’étais l’enfant qui se croyait moins beau
Je vivais déjà dans les pages vides
où je cherchais des sources d’eaux
J’étais celui à l’épaule d’une ombre
qui s’appuyait, qu’on retrouvait dormant
Je connaissais les voix qui, dans les Dombes,
nidifient sous les mille étangs…
Un très beau moment, suivi d’Emile Sanchis, un auvergnat, conseiller municipal de Vic-le-Comte, qui écrit depuis les années 80, et compose depuis plus longtemps.
Il nous interprète une chanson de Leprest : Aux funérailles, au funambule, et dit Paroisse de Jacques Bertin, avec Fabrice Péronnaud. Paroisse, une chanson de toutes les époques.
Emile Sanchis qui nous confie que c’est à la médiathèque de Croix Neyrat, dans les quartier nord de Clermont-Ferrand en 97, que La blessure sous la mer de Jacques Bertin lui a ouvert un horizon.
Et on enchaîne avec Laurent Berger dont certains pensent que c’est le digne successeur de Jacques Bertin, on le dit aussi héritier d’Allain Leprest et Barbara. Brassens et Barbara, c’est la même fibre dit-il : Quand ils te parlent de solitude, d’homme, de femme, d’amour, d’amitié, c’est tout de suite sensible, tout de suite le choc. Et sa rencontre avec Brel : on se rend compte qu’à partir de son enfance et de son milieu, il s’est créé une véritable poésie… un peu comme Gilles Vigneault le fait avec le Québec les grands espaces, avec Mon Pays c’est l’hiver… Il y a aussi Bernard Dimey, découvert à La librairie des pas pressés, où l’on fait de belles rencontres. On connaît la chanson ne s’y est pas trompé en lui décernant le prix Marc Robine, en 2015, Laurent Berger qui poursuit ses chemins de liberté depuis 26 ans, guidé par la beauté intérieure et les sentiments de chacun de nous, moments de vie maraudés çà et là, voix métallique, et un charme qui fait mouche, n’est-ce-pas Martine qui l’a mitraillé de ton œil admiratif et de ton objectif ? : Tous les amours s’en vont en mer
Pour la traversée du sublime
Ils laissent les vivants derrière
Au quotidien qui les opprime
Pas de carte, pas de boussole
Ils se confient à l’incertain
C’est du prévu dont ils rigolent
Leur plan de vol est fait d’instinct. ..
Et Jacques Bertin, qui est là depuis un moment, arrivé deux heures en avance, entre sur scène. Il chante ses propres chansons, pure poésie, beau jeu de guitare, et voix claire et sonore.
J’étais l’enfant qui courait moins vite
J’étais l’enfant qui se croyait moins beau
Je vivais déjà dans les pages vides
Où je cherchais des sources d’eaux
J’étais celui à l’épaule d’une ombre
Qui s’appuyait, qu’on retrouvait dormant
Je connaissais les voix qui, dans les Dombes,
Nidifient sous les mille étangs …
Il nous chante l’enfance, la vie des gros bourgs, la compassion pour les humbles, les rendez-vous manqués, et le temps assassin qui, dans son cortège de déroutes emporte en un même souffle les amours en charpie et l’écharpe nouée des amitiés qui s’enroulent. Marc Robine.
Il chante aussi les amis, Luc Bérimont, Jean Vasca :
Amis soyez toujours ces veilleuses qui tremblent
Cette fièvre dans l’air comme une onde passant
Laissez fumer longtemps la cendre des paroles
Ne verrouillez jamais la vie à double tour …
Très applaudi Jacques Bertin, plusieurs rappels qu’il accepte avec plaisir. Doit-il son humour et son sourire ce jour à un chien, présent dans l’assemblée, et qui aboyait à chaque chanson ? C’est la première fois que j’arrive à intégrer un chien à mon public nous dira-t-il.
…
Enfin, le soir, nous arrive la compagnie Beline avec son spectacle La feuille à l’envers, Evelyne Girardon, Sandrine Fillon, Patrick Raffin et Jean Blanchard, quatre joyeux et talentueux lurons qui nous la joue trad-érotico-coquine, chansons hardies du répertoire traditionnel français, mais jamais vulgaires, et si bien interprétées, accompagnés d’instruments de musique traditionnels comme vielle à roue, accordéon diatonique, soufflet, etc…
Et étant des chansons répétitives, nous avons tous repris en choeur Les réveillées du placard, La meunière, La marmotte, et appris les bases du vocabulaire érotique, se faire mener en bateau, le baquet, converger, le trou: orifice, espace anatomique vide dans quelque chose, bonjour Léonie, mouiller son mouchoir à l’eau de Cologne, arroser les puces qui sont de redoutables sauteuses, l’anguille: poisson carnassier qui n’aime pas la lumière, c’est d’ailleurs pour ça que l’on dit : Il y a anguille sous roche. Etc… Soirée très édifiante et joyeuse.
Et à suivre, avec un jour de décalage, je vous prie de bien vouloir m’en excuser, pour la journée d’hier, très riche aussi.
Danièle Sala
Photos Martine Fargeix ( sauf JY Lenoir DR)
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