Archive | juillet, 2018

Le misanthrope vs politique

26 Juil
Cette chronique de spectacle date de la création, elle remonte à la une aujourd’hui suite à une détestable affaire qui montre que le théâtre vivant n’est pas à l’abri de crétins malfaisants et méprisables, et bien sûr anonymes.  Voici ce qui s’est passé à Avignon en ce Juillet 2018.

Il est assez rare que j’exprime une colère ou un dégout mais là, je suis incapable de les retenir : l’ensemble des 200 affiches du Misanthrope posées en cet Avignon 2018 ont été sciemment découpées, arrachées. Au ciseau. Il n’en reste qu’une rue de la Carreterie. L’observation des dégâts ne laisse aucun doute quant au caractère malveillant de la chose.
Nous ne pouvons évidemment désigner personne. La malveillance et la lâcheté des auteurs sont à vomir. Je n’entrerai ni en suspicion ni en délation, cela jouerait le jeu de ces personnes.
En revanche, si vous voulez bien partager ce message, il devrait finir par les atteindre.
Qu’ils sachent que leur petite guerre ne nous a pas empêchés de vivre à nouveau un vrai succès cette année en Avignon.
Je n’éprouve à leur égard que du mépris.
Merci à tous !

Pierre Margot

 

24 Mars 2016, au Vingtième Théâtre.    D’abord présentation de la troupe,

Nastassja Girard, Emmanuel Lemire, Julie Cavanna, Pierre Margot, Benoit Du Pac, Denis Laustriat, Edgar Givry, Annick Roux.

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Et un grand salut à Claire Guyot artiste polytalentueuse, qui a mené ce projet à bonne fin, conçu et mis en scène. Bravo.

En quelques mots c’est une version totalement bluffante de ce classique de Molière. Qui a été revisité régulièrement depuis 1666, théâtre, cinéma, télévision… Les spécialistes ont de quoi expertiser à l’infini. Mais cette version a la qualité rare de faire entrer un public de 2016 de plein pied dans le propos de Molière, en lui donnant à voir des personnages d’aujourd’hui. Que ce public connaisse ou pas ou peu Molière n’a pas d’importance . Pour ceux qui ont en filigrane le Molière des classiques Larousse, Le misanthrope Duo canapé AAAA 24-03-2016 22-48-39 2536x2412les vers et les costumes du 17 ème siècle, ça remet bien les situations en place dans le contemporain. Au 17 ème siècle, Alceste et Célimène parlent d’amour en alexandrins, dans un décor qui n’est pas l’ordinaire de nos appartements, ce qui peut suggérer une certaine distance, alors que vu comme ça dans ce canapé, les mêmes alexandrins sonnent beaucoup plus concrets.

C’est ici et maintenant que les fulminations de cet Indigné majuscule qu’est Alceste prennent toute leur dimension … Au bout de quelques minutes, on a oublié complètement la forme alexandrine du texte pour entrer dans le sens et son actualité. C’est confondant de réalisme. Grâce à tous les comédiens qui donnent à leurs personnages le ton juste en parfaite adéquation avec notre temps. En un sens, c’est désespérant de constater que les mêmes archétypes humains se sont reproduits quasi à l’identique depuis Louis XIV. Et que cet atrabilaire d’Alceste a toutes les raisons d’être misanthrope pratiquant. C’est le frangin de Cyrano, Alceste, il ne transige pas avec les principes, et il y a un écho de monsieur de Bergerac,

Je voudrois, m’en coûtât-il grand’chose

Pour la beauté du fait avoir perdu ma cause.

Et il a le malheur de tomber amoureux de la jolie et coquette Célimène, mais bon, je ne vais pas vous raconter l’histoire, ses émois amoureux, ses virevoltes, ses contre-temps … On voit dans Philinte, Arsinoé, les marquis, Oronte, Eliante, tout le folklore politique qui fait le bonheur de nos gazettes et des réseaux sociaux, autant dans les colonnes du Monde que  les pages de VoiciGala. On voit les conseillers-communicants de l’ombre, les virtuoses de la langue de bois, les habitués des compromissions et les courtisaneries qui font la trame de la vie politique.

Ce que je pourrais dire en conclusion, c’est que cette version est impeccable pour tous publics, c’est un théâtre populaire dans toute la noblesse du terme, qui rejoint les Vilar ou Jean Dasté dans son choix de mettre la vie en scène, dans le réel, sans ésotérisme abstrait, Claire Guyot et sa troupe exaltent les sentiments mélangés, la sensualité des amours turbulents, les travers et les affaires diverses de personnages parfois détestables pour qui on ne peut s’empêcher d’avoir un peu de tendresse.. Humains malgré tout.

 Jusqu’au 8 mai, c’est du jeudi au dimanche, renseignements et horaires ici.         Cliquez sur l’affiche. =====>affiche Mis

Au Vingtième Théâtre, à Ménilmontant.

Et pour avoir un aperçu de ce qui se passe sur scène, quelques photos de la représentation du 24 Mars, ce qui devrait vous donner envie de réserver sans délai.

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Norbert Gabriel

Rencontre avec Loïc Lantoine et François Pierron avant leur concert au Haillan Chanté (33)

24 Juil

Le 8 juin dernier, Loïc Lantoine et son complice François Pierron, étaient de passage dans la région bordelaise, pour un concert organisé à l’occasion de l’évènement Le Haillan Chanté, par l’association Bordeaux Chanson et L’Entrepôt du Haillan. C’est donc en duo acoustique que les deux artistes venaient défendre leurs chansons, après les avoir faites vivre, rugir et rutiler sur scène avec l’ensemble de dix huit musiciens de The Very Big Experimental Toubifri Orchestra, qui signait en 2017, avec Loïc Lantoine, la sortie du double album « Nous », comprenant des versions fougueusement et fiévreusement réarrangées de ses chansons, mais également des inédits et quelques nouvelles compositions. Car l’aventure collective dans laquelle s’était embraqué le chanteur, et dont la trajectoire fut endeuillée par le décès brutal de son initiateur Grégoire Gensse, initialement pour une collaboration expérimentale ponctuelle de réorchestration de ses chansons, se prolongea -et se prolonge encore- et évolua pour aboutir à l’écriture d’un nouveau sentier de traverse, comme en naissent tant le long de la route de l’artiste : créations communes et tournée multipliant les dates, au fil desquelles The Very Big Experimetal Toubifri Orchestra et Loïc Lantoine explorent, confortent et offrent de plus en plus le sentiment d’une famille qui s’est trouvée, liée et embrassée pour longtemps. Dans l’après-midi avant leur concert en formule intime, Loïc Lantoine et François Pierron acceptaient de nous accorder un entretien.

 

– Loïc et François bonjour et merci de nous recevoir. Le disque « Nous » réalisé avec The Very Big Experimental Toubifri Orchestra est sorti l’an dernier, et continuera d’être présenté sur scène, mais ce soir vous jouez tous les deux seuls. Est-ce une nouvelle tournée parallèle ?

– Loïc : On démarre ! On vient de faire les Bouffes du Nord à Paris, et on s’y remet. L’album « Nous » va continuer à vivre. Mais tu sais, c’est un peu un suicide économique : nous sommes 19 sur scène, 21 sur la route, donc il y a des cachets à sortir. Étonnamment on a déjà plus de 20 dates prévues pour l’année prochaine, et j’en suis très content. Mais je n’ai jamais fait que seulement  ça, et les gars des Toubifri non plus : ils ont, comme moi, plein de projets en parallèle aussi. Et je n’ai pas envie de les quitter jamais. Nous sommes désormais liés.

– Vous donnez effectivement le sentiment d’une famille qui s’est trouvée pour ne plus se quitter. Est-ce une image fidèle à la façon dont vous vivez cette aventure ?

– Loïc : Complètement ! D’autant plus que maintenant  Grégoire qui a monté le groupe n’est plus là. On a fini ce qu’on avait commencé avec lui, et ça a été assez douloureux. Maintenant on en profite, sous sa grâce. Au départ on devait effectivement faire une petite saison et s’amuser. On avait décidé de faire un disque live avec quelques nouveaux inédits. Puis quand on s’est mis à bosser ensemble, on s’est vraiment fendu la gueule. Finalement on a décidé de réaliser un album entier, en gardant le live quand même, ce qui a donné ce disque double.   

– Le disque laisse entendre, en même temps qu’une unité d’esprit, une diversité d’influences et de d’originalités musicales, qui distingue chaque morceau de l’autre. Comment s’est organisé le travail de composition ?

– Loïc : C’est-à-dire qu’au départ on a commencé à travailler sous la direction de Grégoire. Il avait déjà dans l’idée de passer la main à d’autres compositeurs sur certains morceaux. Et puis il y a un arrangeur qui fait les parties de chacun. Ce n’est donc pas collégial : il y a un ou deux compositeurs par morceaux et un arrangeur, qui peut être le même ou pas. Donc quand il y a plusieurs compositeurs, forcément il y a des sensibilités différentes, des univers musicaux différents. C’est ce qui fait la force de ce groupe qui préexistait à notre rencontre et qui continue à exister. Là dedans, il y a des purs jazzeux, des musiciens qui viennent plutôt d’un truc plus rock. Ce n’est pas une seule voix ! Ensuite bien sûr quand les partitions arrivent à chacun, chacun peut donner son avis sur la façon dont il veut jouer. Sur tout l’orchestre, il doit y avoir seulement cinq ou six compositeurs qui ont travaillé avec moi, plus quelques arrangeurs, et beaucoup de musiciens qui ne sont ni l’un ni l’autre, et jouent les partitions, bien sûr avec de temps en temps des moments plus libres pour l’improvisation. Ce sont des musiciens de Jazz, donc qui savent improviser. Mais tout le monde ne compose pas ensemble ; sinon ce serait le bordel. C’est quand même assez marrant d’entendre un morceau contrebasse-voix arrangé pour dix-huit musiciens.

– Comment avais-tu rencontré Grégoire ?

– Loïc : Il est venu m’attraper pour me proposer de bosser avec lui. Je ne suis pas très réactif, alors il avait un peu insisté. Et puis il est venu à Lille et surtout m’a filé dans les pattes le disque qu’il venait de faire avec son groupe. J’ai pris une énorme claque, et je lui ai dit « quand tu veux ! ». Son décès a eu lieu pendant l’écriture de l’album. Ça nous a mis à terre. On était tabassés de chagrin. Et puis soit on repartait chacun avec un demi-album sous le bras en se disant que ça avait failli être bien, soit on décidait de terminer le boulot sous son inspiration. C’est ce qu’on a fait, et c’est évidemment ce qu’on avait de mieux à faire. Et c’est un grand soulagement.

– Que retiens-tu de ces différentes expériences d’avoir chanté seul, puis en duo, aussi avec ton groupe, et puis avec cet orchestre ?

– Loïc : Ça m’apprend des choses. C’est-à-dire qu’avec François, on a toujours décidé de ne pas rester statique. Nous avons commencé avec Allain Leprest et Jehan, et François était déjà dans la boucle, avec moi, à l’époque.  Chaque fois qu’on est arrivé sur une fin de cycle, on a toujours fait des choses différentes. On essaye de réfléchir autrement. Et on est aussi sur d’autres projets : on a remonté un spectacle avec la Compagnie des Musiques à Ouïr [https://musicaouir.fr/] autour de Brassens, qui m’a fait beaucoup de bien, et m’a fait apprendre plein de choses au niveau du chant, du calage. L’idée, c’est de ne pas rester enfermés. On fait ce métier depuis quand même assez longtemps, on ne pouvait pas rester bloqués ensemble.

– Tu es réputé émotif et timide. Et pourtant, toi qui écrivais pour d’autres artistes et aurais pu rester dans le confort d’une carrière dans l’ombre, tu es passé derrière le micro. Quelles raisons peuvent pousser un auteur à porter lui-même ses chansons?

– LoÏc : C’est marrant, parce que justement comme j’étais embêté, je n’osais pas filer un papier à quelqu’un ; je préférais lui lire le texte. Et du coup je me suis un peu trouvé propulsé comme ça, parce qu’on me disait que quand je lisais, c’était intéressant et que je devrais faire ça. Je me suis retrouvé à lire tout seul mes textes. Ça n’a pas duré très longtemps, car j’ai très rapidement branché François. Au début il n’était pas sûr de pouvoir faire quelque chose. On s’est retrouvés dans une petite salle qu’on adorait –et qu’on adore toujours-, Le Limonaire, à Paris, et ça nous a plu, donc on a décidé de continuer ensemble. Ce qui est marrant, c’est que j’avais une date dans un festival de conteurs juste après, et j’ai rappelé l’organisateur pour lui annoncer qu’en fait on serait deux. Le mec s’est dit : « ça y est, ça commence. Il a trois semaines de métier et il commence déjà à foutre le bordel ». Et quand j’ai dit qu’il s’agissait de François Pierron, la chose est passée, car le type était un admirateur de Gérard Pierron, le père de François. C’était rigolo, car pas mal de professionnels étaient conviés à ce festival de conteurs. Et ça nous a permis de rencontrer des gens, de faire une tournée derrière, et de devenir intermittents au bout de la première année, d’avoir quelques lignes dans Le Monde, de décrocher des dates. On n’a jamais tapé aux portes. J’étais persuadé d’être monté à Paris pour profiter de neuf mois de chômage ; et puis on a fait de belles rencontres et on s’est bien marrés : ce n’est qu’une histoire de rencontres. On n’a pas eu à monter de dossier, ni à faire des démarches. Les gens nous ont proposé d’eux-mêmes. On a fait beaucoup de bistros au chapeau, et finalement, ça nous est un peu tombé dessus comme ça, par hasard et pas rasés !

– Tu as participé au disque de Jehan « Chante Bernard Dimey de Charles Aznavour », avec Agnès Bihl, Yves Jamait, Allain Leprest, Romain Didier. Peut-on parler de « petite famille » d’artistes qui ont un peu en commun un crédo, une façon de faire ce métier, une passion et aussi des liens humains ?

– Loïc : Oui ! On était déjà plus installé là dedans. J’ai rencontré Jehan en même temps que François. C’est Allain Leprest qui m’avait dit de lui écrire, et comme un con, je l’ai fait ! Je suis allé à Paris le voir. Quand on a monté ce spectacle « Ne Nous Quittons Plus », François était déjà là. Agnès Bihl, comme plein de gens, on la connait depuis l’époque du Limonaire, du début. Y avait toute une clique de chanteurs, Dikès, La Rue Ketanou… C’était effectivement une petite famille de jeunes gens assez soudés qui se lançaient là dedans. Certains étaient déjà un peu plus installés, et moi, je débarquais de mon Nord.

– François : Il y a beaucoup de gens aussi qu’on a rencontrés dans un petit café-théâtre qui s’appelait L’Ailleurs, à Bastille, où effectivement beaucoup de gens ont été programmés dont Dikès, La Rue Ketanou, Wladimir Anselme. C’était un petit bar/café concert, où ils arrivaient à payer les artistes, en se battant comme des arrache-pied.

– Loïc : A Paris, ça n’existe plus. En plus il déclarait les mecs qui venaient dans son bar ; c’était assez exceptionnel. Il y avait trois tarifs : 30, 50 ou 80 francs. Les gens mettaient ce qu’ils pouvaient, plus en début de mois qu’en fin de mois en général. Mais ça responsabilisait les gens. C’était une passion.

– Comment as-tu connu Joe Doherty ?

– Loïc : Après avoir beaucoup tourné en duo avec François, on faisait beaucoup de rencontres, et on aimait inviter les gens avec nous sur scène pour partager un moment. C’était une époque où on faisait beaucoup de co-plateaux, ce qui nous a permis de rencontrer plein de gens. On a sorti les deux premiers albums et un live sur un label nommé  « Mon Slip » qui avait été monté par Christian Olivier des Têtes Raides principalement. Et puis avec François on a décidé de faire ce qu’on a appelé une « tournée cascade », c’est-à-dire qu’on jouait avec deux musiciens en plus, mais jamais les mêmes. Ça représentait une quinzaine de musiciens, mais qu’on intervertissait et qu’on assemblait différemment. Ça allait des Ondes Martenot de Christine Ott, à Danielito [Daniel Bravo, percussionniste du groupe Tryo], en passant par Joe et Phil [Eric Philippon du groupe La Tordue] qui jouait de la guitare. Et à un moment on a voulu fixer un truc, et chacun de son côté, on a pensé à Phil et Joe, qui se connaissaient d’avant, de l’époque de La Tordue et de Sons of The Desert, leurs groupes respectifs. On se marrait bien tous les quatre.

– François : C’est différent. On a construit quelque chose de plus maitrisé, même si la « tournée cascade » était chouette aussi, car plus basée sur l’instant et une magie éphémère. Avec Joe et Phil on voulait construire un truc plus solide ; et puis ça a fait partir la musique dans plus de directions, même s’il faut faire gaffe de ne pas ouvrir toutes les fenêtres non plus. Faut en laisser pour l’imagination. Ça fait du bien de changer de toute façon. Ce sont deux choses différentes. J’aime bien quand il n’y a presque rien, parce que les gens imaginent des choses. Je considère qu’un groupe qui a réussit, c’est un groupe qui arrive à construire quelque chose de fort, mais en laissant une place pour l’imaginaire des gens.

– En parlant d’imaginaire des gens et d’appropriation individuelle des histoires que racontent les chansons, y a-t-il un être réel qui a inspiré « Pierrot » ou est-ce un personnage fictif qui parle du « Pierrot » de chacun ?

– Loïc : J’en ai parlé avec déjà pas mal de gens, qui ont tous un peu leur « Pierrot ». Et ça, c’est cool ; c’est l’idée. Une chanson appartient aux gens qui l’écoutent. Mais j’en ai un aussi ! On avait fait un train-théâtre à Portes- Lès-Valence avec un groupe qu’on aimait beaucoup, Samarabalouf [http://www.samarabalouf.fr/]. Et là dedans, y a un gars d’Amiens qui s’appelle Pierre Margerin, qui est absolument délicieux. J’ai toujours couru après lui, parce qu’il est d’une gentillesse infinie, mais d’une connerie à l’égale. Dans chaque salle où il est présent, tu vois après les techniciens et tout le monde tourner autour de lui pour entendre la dernière connerie qu’il va sortir. Ce mec, il vaut cent mille chansons ! Mais encore une fois, à chacun son « Pierrot ».

– Pouvez-vous nous parler de projets à venir ?

– Loïc : On ne se promet rien. On a eu un beau rendez-vous lorsqu’on a fait les Bouffes du Nord, qui est le plus beau théâtre qu’on connaisse. On s’est dit qu’on allait s’y mettre un peu, sans obligation de résultat. J’en suis très content : c’est allé très vite et on est parti un peu dans des directions qui étaient nouvelles, ce qui nous a mis un grand coup de vent frais qui fait du bien. On se dit qu’on a le temps, mais un nouvel album est une direction que j’ai envie de prendre. La façon naturelle de faire les choses, est de jouer les chansons d’abord. C’est l’inverse qui est bizarre. Jean Corti, qui était l’accordéoniste de Jacques Brel, nous disait : « c’est marrant, vous les jeunes, vous faites les choses à l’envers ».  Il expliquait qu’à l’époque où il faisait des chansons avec Brel, ils partaient six mois ou une saison en tournée, puis enregistraient l’album. A l’époque, on ne pouvait pas faire du montage : il y avait un micro pour le chant, des micros suspendus pour le groupe, et roule, ma poule ! Celui qui fait un pain, il paye l’apéro. Et ils défonçaient les chansons. Quand tu fais l’inverse, c’est-à-dire que tu écris et enregistre des chansons sans les avoir jouées, ce n’est qu’une clé pour pouvoir tourner.

– François : Le disque devient un outil promotionnel. Du coup il n’y a plus la même qualité discographique qu’à une autre époque.

– Loïc : C’est-à-dire aussi que tu ne sais pas comment ça va te faire. Je ne parle pas de la réaction du public, mais de la façon dont toi, tu vas pouvoir porter la chanson. Parfois tu crois que tu vas arriver complètement convaincu et flamboyant, et puis lorsque tu te retrouves devant les gens, tu deviens plus timide là dedans, et tu leur laisses une part de rage, parce que tu ne la partages pas vraiment. L’inverse aussi peut se produire, c’est-à-dire que quelque chose que tu as enregistré comme une toute petite chose, tu vas d’un coup avoir envie de la porter, et ça, tu ne peux pas le savoir, tant que tu ne l’as pas joué devant des gens. L’intérêt de chanter devant le public avant est là. Parce qu’encore une fois, une chanson appartient aux gens qui l’écoutent.

– François : Surtout que nous, on ne s’est jamais projetés dans la tête des gens au moment de la création. Quand on est dans la création, on se fait plaisir à nous. Ensuite, c’est le public qui décide si ça lui plait ou pas.

– Loïc : On ne fonctionne pas à l’applaudimètre ; ce n’est pas ça. Si ça ne fonctionne pas, c’est plutôt nous qui nous en rendons compte. Il y a des chansons qu’on a moins chantées évidemment. Mais on n’a jamais testé une chanson en public qu’on a abandonnée, au motif qu’elle n’aurait pas marché. On leur a toujours donné une chance. Ce n’est pas une histoire de sondage. De toute façon dans un processus de création, on a toujours un petit côté schizophrène, qui fait qu’on est aussi un peu public : si on ressent quelque chose en travaillant une chanson et qu’on y trouve du plaisir et une émotion sincère et pas réfléchie, à ce moment là, on la présente aux gens.

– François : Il y a aussi des choses qui peuvent être plus du domaine intime ou personnel, et pas assez ouvertes. Et là on se rend compte tout de suite si ça fonctionne ou pas.

– Pour revenir à la tournée avec les Toubifri, n’était-ce un pari risqué de vouloir créer et tourner avec dix huit musiciens à l’heure des restrictions budgétaires dont souffrent l’art et la culture et qui contraignent beaucoup d’artistes à réduire les équipes ?

– Loïc : Tout est relatif. Ce n’est pas une tournée de soixante dates par an. On en a déjà plus de vingt, et c’est un petit miracle. Mais on fait des efforts : on ne vend pas le spectacle cher, on fait de l’auto-régie ; les gars sont jeunes et ils en veulent. Je ne suis pas très porté sur les récompenses, mais ça m’a fait plaisir que le Grand Prix de la Scène de l’Académie Charles-Cros leur ait été décerné, que ce courage là soit reconnu, celui de musiciens qui ont envie de faire quelque chose et se battent pour le faire vivre. Il y a aussi des gens qui prennent des risques et font un effort. C’est important de présenter ce genre de choses. Parce que si ça continue comme ça, bientôt aucun gamin n’aura jamais vu un groupe de plus de quatre personnes.

– François : Quand tu vois ce spectacle, c’est complètement magique : personne n’est en trop. Ce n’est pas un spectacle avec des voltigeurs, des effets spéciaux, ou je ne sais quoi.

– Loïc : De toute façon le jour où quelqu’un dira qu’il faut passer à treize, car c’est trop cher, on ne le fera pas. Il y a deux choses : d’une part il y a de moins en moins d’argent qui est consacré aux musiques actuelles ; d’autre part il y a peut-être aussi une morosité, une fragilité, ou je ne sais quoi qui fait que les gens ne bougent pas pour aller voir un spectacle, du moment que c’est accessible sur internet. Il y a aussi une responsabilité des gens qui ont peut-être moins envie de se rencontrer, ou sont moins gais. Il y a une espèce de repli. Et ça ne dépend pas de Macron ; Macron est la conséquence de cet égoïsme ambiant. Nous l’avons mis au pouvoir, parce qu’on ne se rencontre plus, qu’on n’est plus en fantaisie, en poésie.

– François : Avec les home-cinéma, les play-stations, etc… on peut passer de superbes soirées chez soi sans sortir. Le monde est un peu comme ça. Il y a moins d’ennui. Et pourtant l’ennui est quelque chose d’important. Plutôt que de l’ennui, on ressent de la fatigue ou de la déprime. Mais l’ennui à combler en créant ou en sortant voir des gens est moins présent.

– Mais n’est-ce pas justement la morosité ambiante qui contraint les gens à un repli dans leur cocon, parce qu’on a tous besoin de posséder des espaces ou des bulles de bien-être dans la vie ?

– Loïc : Alors que justement, cela devrait donner envie de se retrouver, d’être ensemble. Et non ! Donc il y a moins de monde dans les salles de spectacles, et ça n’est pas qu’une histoire de manque de subventions. Ce qui n’empêche pas que les politiques culturelles qui sont menées actuellement sont absolument effrayantes, parce que justement tout ce qui est intermédiaire entre la sortie ou le replis chez soi, c’est-à-dire les musiques accessibles et généreuses, est mis de côté. On continue de subventionner largement l’excellence, ce qui est important. Avoir des opéras, des lieux pour grands orchestres, c’est important. Mais c’est bien aussi d’avoir des endroits de création, de fantaisie, où ça bouillonne. Et là, on nous dit de nous démerder, que de toute façon les grands artistes sont toujours sortis de n’importe où. Et paradoxalement la morosité dont tu parles met en valeur les initiatives alternatives, et montre qu’avec de l’envie, de l’amitié, on peut créer et quand ça prend, ça fonctionne du feu de dieu.

– Le rôle joué -ou plutôt non joué- par les médias révèle-t-il une cassure entre les orientations, presque la politique, des médias de masse et la réalité des gouts du public qui affectionne aussi des artistes ne bénéficiant pourtant d’aucune exposition médiatique ?

– Loïc : Les grands médias sont complètement tenus par leur audience et ne prennent pas de risque. Ils sont en train de s’enterrer aux mêmes, parce que justement la culture émerge d’ailleurs. Ils sont mêmes obligés parfois de parler naturellement d’un groupe dont ils n’ont jamais osé parler : une fois que les artistes sont établis, ils en parlent comme si ça existait avant, alors que leur rôle à eux aurait été de les faire découvrir. Ils connaissent ces artistes, mais prétendent ne pas pouvoir en parler, ne pas avoir la place dans leurs émissions ou leurs canards. C’est incroyable de voir comment en quelques années toutes les émissions de découverte de France Inter se sont écroulées, et le peu de prise de risque en playlist sur cette radio. Et c’est pareil un peu partout, sauf peut-être sur les radios comme FIP qui travaillent encore. Mais d’une manière générale, on ne réalise plus de découverte, on n’accompagne plus les artistes, et on fait comme si c’était de la génération spontanée. On en parle depuis longtemps, mais dis toi bien que ni François, ni moi, ni les potes avec qui on joue n’avons aucune pointe d’aigreur vis-à-vis de ça. C’est juste un constat. On ne va pas tomber dans ce jeu de critiquer en disant que c’était mieux avant. Ce constat est important pour nous quand on réfléchi d’une manière plus générale ; mais pour nos petits métiers à nous, on s’en fout. Il ne se vend plus de disque aujourd’hui, on découvre moins en radio : c’est comme ça. Mais on ne va pas se positionner en décrétant ce qui est bien, et ce qui n’est pas bien. Ce serait très dangereux. J’ai toujours considéré qu’on avait de la chance de faire ce métier, même s’il n’est pas toujours facile, non pas par rapport aux difficultés d’en vivre -ça, on s’en tape ; on sait que c’est un métier aberrant-, mais parce qu’on donne des efforts. On se pose souvent la question de savoir pourquoi on fait cela ; et la réponse doit être gaie et pleine d’avenir. Si un jour on se dit qu’on fait ce métier, car on ne sait rien faire d’autre, on fera de la merde. 

– François : J’espère que la réglementation va être plus souple pour les petits lieux et les moyens alternatifs par lesquels les artistes s’exprimeront, parce que pour l’instant ça semble être l’avenir.

– Loïc : Alors maintenant, avec tous les moyens accessibles, on peut s’enregistrer et faire son disque soi même, puis le diffuser sur internet. Mais il ne faut pas oublier que sur internet, il y a quand même ce filtre gigantesque pour cacher certaines choses. C’est à dire qu’il suffit d’envoyer plus d’informations pour être plus vu, et que le reste passe derrière. Tu peux être sûre que si un gros média veut passer son article avant toi, tu ne seras jamais à égalité là-dessus. Sur le principe, oui, mais pas dans les faits. Je pense à ça, parce qu’on a une chanson qui s’appelle « Quand Les Cigares » qui est dans le film « Merci Patron ! » de François Ruffin, et lorsque j’ai voulu aller voir sur internet, le premier truc sur lequel je suis tombé était un truc qui défonçait le créateur en en disant du mal. C’est à dire que quand tu fais une recherche sur le gars, tu tombes en premier sur un truc qui le descend, tout simplement parce qu’on fait tourner des machines pour que cet article là apparaisse en tête. Internet, c’est a priori la liberté. Mais c’est quand même un gros tas de merde aussi.  Le truc est vicié, car tu as un tas de mecs qui bombardent de la contre-information pour que la vraie information ne t’arrive pas. Mais encore une fois, ce n’est qu’un constat ; il n’y a pas d’amertume chez nous. On finira tous sur le darkweb !

– Certes, mais vous êtes dans la création. N’est-ce pas ce qui permet d’éviter l’amertume et la morosité, alors que la majorité des gens ne possède peut-être pas cet horizon pour sortir la tête des contingences quotidiennes et de cette morosité dont vous parlez?

– Loïc : Parce qu’on ne leur a pas appris à le faire, ou qu’on ne les a pas laissés faire. Ça m’est vraiment arrivé par des rencontres de hasard, et c’est insolent de faire ça. Tu t’aperçois ensuite que tout le monde peut le faire, tout le monde peut écrire. La musique, c’est peut-être plus compliqué, parce que déjà il faut avoir ton instrument et pouvoir apprendre à en jouer. Mais pour l’écriture, depuis que tu as deux ans, tu fais tes gammes. Et tous les jours. Tout le monde sait parler. Il n’y a pas d’histoire de virtuosité. Il y a des musiciens de classique qui connaissent leur travail, jouent de manière excellente dans des orchestres avec une partition, mais ne sont pas capables de créer. Mais tout le monde peut écrire : il suffit juste de décaler un peu le propos ou de s’éloigner. Ça s’appelle la poésie. Mais à l’école on nous apprend que ce sont des affaires de poètes, de gens pas comme nous, de génies. Quelle connerie ! Il ne faut jamais dire ça à un gosse. Tu le prives de tout en lui disant que les écrivains sont des gens particuliers, dont il ne sera jamais, parce que sinon il serait un génie et ça se saurait. C’est la plus grosse connerie qu’on peut dire à un gosse : il faut lui apprendre que les génies n’existent pas.  

Miren Funke

Photos : Carolyn C (1 ; 4 ; 5 ; 6 ; 8 ; 11), Miren (2), Francis Vernhet (9)

Nous remercions Agnès et Joe Doherty pour leur aide.

 

Liens : https://www.facebook.com/LoicLantoineOfficiel/

https://www.facebook.com/verybigexperimentaltoubifriorchestra/

https://toubifri.wordpress.com/

http://www.bordeaux-chanson.org/

http://lentrepot-lehaillan.com/

Cinquième et dernier jour des Rencontres Marc Robine 2018

18 Juil

           

Après un spectacle pour enfants, Tout ce qui me passe par la tête, avec Gil Chovet au chant et aux percussions, et Jean-Christophe Treille à la basse.

Alors, des bijoux, des cailloux, des histoires à dormir debout, la vie qui m’entoure, mes filles qui grandissent et qui n’en font qu’à leur tête, de ma maman un tout petit peu très vieille… Sur scène, je joue de la guitare, et je chante. Mon compère Jean Christophe, lui, joue de la basse acoustique, du cajun,  et du carillon. J’invente aussi des instruments rigolos, avec des bouteilles, des boîtes à thé ou des pots de confiture… Et puis, un rien nous amuse, donnez-nous un bidon, et c’est parti.

NDLR  Errata:  Ainsi que Danièle Sala l’explique ci dessous, elle n’a entendu que les applaudissements, mais c’est à Agnès Mollon qu’il faut les créditer, comme le dit Catherine ReverseauMoment jubilatoire!….. mais. Gilles Chovet n’a malheureusement pas pu chanter et a été remplacé in extrémis par Agnès Mollon également Émile Sanchis et d’autres.. Les enfants semblaient ravis..

Je n’ai pu assister à ce spectacle, mais quand nous sommes arrivées à Châtel-Guyon, avec Martine Fargeix, nous avons pu entendre les rires et les bravos des enfants. D’ailleurs, toute une rangée de ces enfants sont restés pour la Finale de la Coupe du monde de la chanson.

L’arbitre facétieux, et, entre nous pas très objectif, se présente, chaussettes violettes, caleçon rayé, c’est Patrice Mercier.

Et c’est l’attaquante belge Coline Malice qui entre sur le terrain,  pour le reste du monde, avec son accordéon et Hassen Ayèche à la guitare. Auteure, compositrice, interprète , Coline Malice a plus d’une corde à son arc, journaliste de formation, très tôt attachée aux mots, elle écrit depuis l’âge de 16 ans, entre tendresse et coups de gueule, mi-ange, mi-démon, elle nous parle des choses de la vie, les douleurs, les bonheurs, humaniste, insoumise, de sa voix chaude et ample, sur des musiques voyageuses, rythmes envoûtants, elle nous emmène sur les chemins de traverse, avec Les gens du voyage, Tarik, La petite Lola, et Gracias la vida, merci l’existence…Le match commence fort, on craint le pire !

Emile Sanchis, auteur, compositeur interprète et Simon, son fils, guitariste,  entrent à leur tour sur le terrain pour Auvergne-Rhône-Alpes, Emile Sanchis, conseiller municipal de Vic-le-Comte, auteur, compositeur interprète à l’univers intime, poétique, aux accents latino-américains : Il nous chante : Vidala, une chanson traditionnelle d’Argentine, Gracias à la vida de Violetta Parra, et Fabrice Péronnaud nous dit la traduction en français de cette chanson qui m’a tellement touchée que j’ai envie de la recopier ici :

Merci à la vie qui m’a tant donné
elle m’a donné deux étoiles et quand je les ouvre
je distingue parfaitement le noir du blanc
et en haut du ciel son fond étoilé
et parmi la multitude l’homme que j’aime.

Merci à la vie qui m’a tant donné
elle m’a donné l’ouïe qui dans toute son amplitude
enregistre nuit et jour grillons et canaris
marteaux, turbines, aboiements, averses
et la voix si tendre de mon bien-aimé.

Merci à la vie qui m’a tant donné
elle m’a donné le son et l’alphabet
avec lui les mots que je pense et déclare
mère, ami, frère et lumière qui éclaire
le chemin de l’âme de celui que j’aime.

Merci à la vie qui m’a tant donné
elle m’a donné la marche de mes pieds fatigués
avec eux j’ai parcouru des villes et des flaques d’eau
des plages et des déserts, des montagnes et des plaines
et ta maison, ta rue et ta cour.

Merci à la vie qui m’a tant donné
elle m’a donné un coeur qui vibre
quand je regarde le fruit du cerveau humain
quand je regarde le bien si éloigné du mal
quand je regarde le fond de tes yeux clairs.

Merci à la vie qui m’a tant donné .

Violeta Parra ( Cantores que reflexion)

Belle performance et c’est un match nul.  

Frédéric Bobin

Puis arrive Frédéric Bobin, avec Tant qu’il y aura des hommes et on remonte, mais Frédéric est blessé au poignet, un remplaçant entre sur le terrain, c’est l’anglo-altigérien Charles Graham, dont on ne sait pas trop si il joue pour l’Angleterre ou pour l’équipe régionale, les deux équipes s’étant arraché ses services, il chante On est des fous :Extrait de l’album du même nom. Belle découverte que ce chanteur aux accents pop rock latino, qui a aussi fait des courts métrages, notamment pour Patrice Laffont, Antenne2 et qui aimerait aussi écrire pour les autres.

Charles Graham

On est fous, fous,
Fous de toutes les envies
On s’en fout, fout
On ne vit qu’une vie
On est fous, fous,
Fous des nuits, fous des jours
On s’en fout, fout
D’être addict à l’amour…

Il se présente avec un fort accent anglais, mais chante en français :  Je vais chanter en français, par respect pour l’Auvergne.

Et  Frédéric Bobin  revient, gros pansement au poignet,  il nous chante Singapour, une chanson qui fait désormais partie des classiques, et que le public reprend avec lui. Il faut dire qu’il y a beaucoup de supporters auvergnats dans la salle !

L’arbitre donne un temps additionnel à Frédéric Bobin, car il y aurait eu sabotage du son par le technicien (payé par le reste du monde?)  

Frédéric chante alors Tant qu’il y aura des hommes, toujours très applaudi.

Nous dominons sur le terrain. Mais  l’arbitre siffle une faute : Je regrette que tu aies joué les célébrités dans un gratin de hooligans ! Vous avez déjà vu Frédéric Bobin jouer les célébrités ? Vraiment, il exagère cet arbitre !

La mi-temps nous permet d’écouter le tube de la chorale des festivaliers, dirigée par Agnès Mollon, que tout le monde reprend en choeur :

Quitte-moi pendant la coupe du monde :
Ah quitte-moi pendant la coupe du monde
Si possible, au tout début, quand elle vient juste de commencer
Si ça s’trouve, j’frais pas la différence
Et j’irai chanter sur nos amours passés..

Le match reprend, et c’est l’une des équipes favorites de cette finale,  redoutable adversaire, le Brésil qui entre sur le terrain, Luiz Paixao, et sa rebeca,  Guga Santos, aux percussions et au chant, ainsi que Jonathan Da Silva et Stéfane Moulin, percussions, basse, chant et rebeca. Luiz Paixao nous vient des champs de canne-à-sucre de Permanbouc, au nord est du Brésil, devenu un maître de la rebeca brésilienne, violon qui ressemble au rebab oriental, et du forro, musiques et danses traditionnelles de cette région du nord est, tous les quatre  nous entraînent dans des rythmes endiablés, des musiques festives ou lancinantes et mélancoliques, ou des airs de samba, musiques riches de sons et de sens, musiques et danses que les travailleurs des champs de coton aimaient retrouver après une dure journée de labeur.

Avec eux, c’était fatal, le reste du monde mène ! Mais l’arbitre, sans doute payé par les supporters de l’équipe Auvergne-Rhône-Alpes trouve des irrégularités dans le groupe ! Ils martèlent trop fort des pieds, et n’ont pas les crampons réglementaires… Et en plus ils ont fait entrer un joueur supplémentaire, Larsen, là, je soupçonne encore Antoine, le technicien du son, d’être responsable !

C’est un match très serré, heureusement, Emile Sanchis qui reviendra pour deux chansons de son propre cru, paroles et musique : La croisée des chemins, et Yasmine. et Frédéric Bobin, avec Tatiana sur le périph, feront définitivement pencher la victoire de notre côté.

Moi je dirais match nul, parce que je ne suis pas chauvine, et j’ai apprécié les deux équipes.

L’orage commence à menacer, c’est sous un kiosque du parc du parc thermal  que nous allons écouter ensuite des lectures sous les arbres, poèmes de Prévert par Marcel Col et Annick Lherm. Après, je ne saurais dire ce qui s’est passé, tout le monde s’est dispersé.

En conclusion, et pour finir sur ces Rencontres Marc Robine 2018, je suis partagée entre plusieurs sentiments. J’ai apprécié la programmation riche et variée, les belles découvertes, dans le désordre,  de Claire Elzière, Lise Martin, Lizzie, Luiz Paixao, Emile Sanchis, Charles Graham, Jean-Claude Drouot pour son approche de Jaurès, Jean-François Kahn et sa connaissance de la chanson française, Diane Tell, Alain Borer pour son amour de la langue française, Jacques Viallebesset pour sa poésie et son amour de l’Auvergne, Jean-Yves Lenoir pour son talent et sa fantaisie, et tous les autres philosophes ou mathématiciens pour leur pertinence, le spectacle de La feuille à l’envers pour l’audace, la coquinerie et la tradition orale et populaire, Guilam et sa fille Camille pour l’émotion, la pureté et la fraîcheur qu’ils ont su faire partager, et Patrice Mercier pour ses multiples talents. J’ai apprécié de retrouver Frédéric Bobin, très présent durant tous ces jours, Laurent Berger, Jacques Bertin, Coline Malice. Et, là, je suis très subjective, j’ai apprécié que tout se passe autour de chez moi.

Pour les bémols, je regrette le manque de communication, les changements d’artistes et les absences au dernier moment et sans préavis, je regrette que le prix Marc Robine n’ait pas été remis à Jacques Bertin, comme prévu, parce que «  Les circonstances ne s’y prêtaient pas ». Je regrette enfin qu’il n’y ait pas eu une chanson de Marc Robine à qui ces rencontres sont dédiées, et je regrette enfin l’absence de Radio Arverne, les émissions sur les rencontres que tout le monde pouvait écouter, en Auvergne et partout ailleurs sur internet.

Un espace agrandi pour ces rencontres, moins d’habitués que les autres années, plus de nouveaux, reviendront-ils l’an prochain ? Et où ?

Enfin, un grand merci à Coline Malice et à Emile Sanchis pour leur collaboration.

Danièle Sala

Photos Martine Fargeix ( sauf Gil Chovet)

Samedi 14 juillet. Quatrième jour des Rencontres Marc Robine 2018

16 Juil

                 

 

 

Une journée qui commence par un pique-nique républicain en chanté, à Volvic, dans la cour du Musée Marcel Sahut, avec la participation d’artistes, de la région Auvergne-Rhône-Alpes,  conteurs du Collectif Oralité de la région Auvergne-Rhône-Alpes, des chanteurs et musiciens du festival, avec pour capitaine Frédéric Bobin, qui s’entraîne pour la finale de la coupe du monde de la chanson, la poésie est au rendez-vous avec Fabrice Péronnaud, Lizzie  qui nous fait voguer dans son univers mélancolique et poétique de saudade, accompagnée de sa guitare folk ou de son accordéon. Et partageant la même passion que Lise Martin pour le folk américain, elle l’invite pour un duo de Jambalaya on the Bayou.

Lise Martin qui l’invitera à son tour en fin d’après midi à l’Arlequin à Mozac.

C’est vers 18 heures que Lise Martin nous invite à sa balade musicale. Courte robe à fleurs et bottines, cette jeune femme charmante au naturel  nous fait entrer dans son univers entre folk et chansons d’auteure, hors du temps, histoires de vie, questionnement sur la condition humaine, :

J’ai besoin de  comprendre. Le chaos en moi peut être très violent et l’écriture m’aide à mettre au monde l’étoile dont parle Nietzsche. Le chant adoucit tous les maux et le silence , 

confie t-elle dans Hexagone, l’amour ou la  révolte, de sa voix profonde et vibrante qui véhicule l’émotion, accompagnée de son ukulélé, de Simon Chouf  à la guitare, et Eugénie Hursch au violoncelle, nous raconte entre deux chansons, son enfance à Saint-Menoux, dans l’Allier, où elle a passé sa tête dans la fameuse débredinoire qui éclaircit les idées, la grande maison de ses parents, ses petits boulots à Paris, quand elle s’est retrouvée dans 16 m2, avec une douche au milieu, les 10 ans qu’elle a passé à s’occuper d’un vieux monsieur, leur amitié a inspiré une chanson émouvante à Lise : J’ai reçu, car elle a reçu autant qu’elle a donné pour cet homme, décédé il y a deux ans.

Chagrin d’amour ? Elle veut juste trouver Paris beau en été : Demain :

Ce soir je n’ai pas envie de rire ni de parler
Ce soir je n’ai pas envie de boire ni de fumer
Je n’veux pas m’enivrer pour rien, pour oublier
Je n’veux pas de mémoire ni d’alcool à pleurer 
Je veux juste trouver Paris beau en été…
Je veux juste marcher, ne pas penser à toi 
Si une larme coule, le vent la sèchera…

Elle voudrait : Elle voudrait s’en aller de l’hiver de son cœur
Ne pas rester prostrée à attendre son heure
S’enivrer de soleil  et retenir la nuit
Connaître ce bonheur qu’on lui a tant promis.

Elle voudrait Respirer : Je voudrais que tu me prennes dans tes bras

Je voudrais pleurer longtemps
Je voudrais que tu me serres contre toi, tendrement
Comme on berce un enfant
Je voudrais tout doucement
Que nous laissions passer le temps.
Je voudrais juste un instant
Que nous nous aimions longtemps.. .

 

Mais il y a le Matin froid, où elle noircit ses nuits blanches,

Et, quand vient l’Orage :

J’aimerais tant rire de nos bêtises
Et ne pas rester là assise
A me demander avec qui tu dors
Et j’invente des rêves fous
Des histoires à dormir debout
J’imagine n’importe quoi
Que tu arrives, que tu es là…

Alors, quelle est La conduite à suivre ?

Pour trouver la chaleur quand tu trembles de givre
Pour ne pas faire d’erreur sur la conduite à suivre…

Tant pis, on viendra pas me consoler
C’était hier que j’aurais dû pleurer
Aujourd’hui, je n’ai pas envie
Et puis demain, tout ira bien…

Où trouver La liberté ?

Et je rêve souvent d’une maison dans une clairière
Pour y poser le poids des ans
Avec une jolie rivière
Pour y déposer mes larmes de sang…

 

Mais chaque jour a sa douleur, et chaque jour connaît sa joie quand on est de toutes Les couleurs,

Chansons de vie, d’amour, et aussi de colère, Derrière le mur :

Son père a bâti une maison
Pour protéger sa fille sage
Pierre de colère, ciment de rage
Sa fille grandit en prison.

Une reprise de Damia, aussi reprise par Edith Piaf : Tout fout le camp, une interprétation originale cajun de Travailler c’est trop dur, rappelons que les paroles et la musique sont de Zachary Richard.

Quelques chansons  en duo avec Lizzie, une reprise en français de Danse me to the end of love de Léonard Cohen, et Lise parle d’un projet commun avec Lizzie, autour de leur passion commune pour le folk américain.

Lise Martin a accroché son public, moi-même, tellement scotchée par ses chansons, par  sa voix, que j’en ai oublié de prendre des notes. (merci Lise d’être venue à mon secours et un bisou à Nola).

Puis vient le temps des goguettes, vieille tradition et nouveaux chansonniers, ce soir là, ce sont les goguettes de Patrice Mercier, qui a plusieurs vies, membre d’action discrète,  faiseur de sketches pour Canal+, et entre tout ça, il détourne les chansons françaises pour la bonne cause, j’ajouterai vrai comédien, et excellent chanteur. Il décortique la société sans être moraliste, avec humour,  finesse et pertinence, c’est bien tourné, et ça a du sens. Après avoir remercié ses hôtes mozacois, deux fois de suite, ça lui a permis une introduction à son tour de chant, en compagnie de Valérie Rogozinski au piano. Et tout y passe, Le FN, Star war, sur l’air de SOS pour un terrien, l’obsolescence programmée, Johnny  Hallyday : J’ai oublié David, les bouteilles en plastiques : Je suis une bouteille à la mer, les petits scandales du sport sur l’air de  à bicyclette,  de Pierre Barouh, Macron : Des fonds pour la piscine, sur l’air du Petit pull marine d’ Isabelle Adjani, Les carbonaras pour… Le régime, Ce Jambon là  pour les vegans : Lui qui finira cru ou bien complètement cuit chez Madrange ou Herta… Sur l’air de Chez ces gens là de Brel, ses premières amours qui finissent mal, avec Madame Danièle sur l’air de Blanche de Pierre Perret, la meilleure façon de mourir : La mort de Félix Faure

Je ne veux pas m’en aller vieux
Comme oublié des dieux
Au fond du musée Grévin
D’une maison de soin
Si je dois mourir épuisé
Que l’infirmière soit déguisée
Qu’elle agite à mon dernier souffle
Non pas ma ma paire de pantoufles…

Mais aussi une très tendre, drôle et émouvante chanson sur l’euthanasie : Je l’aide à mourir, sur l’air de Je l’aime à mourir de Francis Cabrel :

Elle veut partir, on lui propose
De s’faire la belle au bois dormant
Elle veut partir, on lui propose
Des calmants
Un lit, jusqu’à quand ?
J’ai lancé une fatwa, balancé sur le net,
Qu’elle faisait le chien wa-wa en disant v’la l’prophète
Je l’aide à mourir…

Encore un excellent moment avec Patrice Mercier que l’on a retrouvé au Tour de bal, et il a dansé, lui !

Des journées bien remplies ! On a à peine le temps de grignoter avec Martine qu’on y retourne, c’est toujours à l’Arlequin, et c’est le Tour de bal, et bien croyez-moi, on a retrouvé nos jambes, nous, les filles, parce que les garçons sont plutôt restés assis à écouter la musique et les chansons ! L’orchestre, Claude Lieggi au chant, Nicolas Frache, guitare et chant, Pauline Koutnouyan, accordéon et chant,  Michel Sanlaville à la contrebasse, auxquels est venu se joindre, à la guitare Frédéric Bobin, nous a entraînées , allez entraînés, il y en avait quand même quelques uns sur la piste, dans la ronde folle d’un répertoire de 80 chansons dansantes, ou bien de danses chantées, du cha-cha-cha au rock, de la valse au madison, du paso-doble au tango, ou au souk, mais un rock sur une chanson de Trenet, Que je t’aime de Johnny en twist, ou Requiem pour un fou en paso-doble, ect… ( je n’ai pas tout noté, je dansais !)  ce n’est quand même pas courant !

Et  les artistes, comme tous les autres jours, ont remercié Catherine Reverseau, la fée lumière, et Antoine Auber au son.

Et même pas mal aux genoux le lendemain, dimanche, jour de la coupe du monde de la chanson, l’Auvergne contre le reste du monde, un match difficile, faut dire que le Brésil a bien joué, mais Frédéric Bobin a fait la différence, je vous raconterai ça demain…

 

Danièle Sala

Photos de Martine Fargeix

NDLR:  Un petit salut à Nola, qui se nourrit au biberon amélioré de la scène vivante, et en bienvenue dans le monde ce haïku de maman Lise …  

Un matin de mai,
J’ai vu fleurir ton regard
Et grandir mon cœur

(Haïku pour ma fille Nola, née le 2 mai 2018)

Vendredi 13 juillet Troisième jour des Rencontres Marc Robine 2018

16 Juil

                     

C’est dans la salle des mariages de la mairie, à Volvic, anciennement mon école primaire, que commence cette troisième journée, avec une rencontre-débat autour du livre d’Alain Borer : De quel amour blessée. Réflexion sur la langue française. Participent au débat Alain Borer,  romancier, écrivain-voyageur, André Velter, poète, Jacques Bertin, Jean-Yves Lenoir, écrivain, comédien,  Bernard Dumoulin, philosophe et le public. C’est André Velter qui ouvre le débat, par cette phrase de Camus :

On me pardonnera ce coup d’aile, je vais vous parler d’un ami.

Sans objectivité donc, mais avec sincérité.  André Velter, pour qui Alain Borer est la réincarnation de Rimbaud à 80% et d’Alphonse Allais à 20%, le seul qui est capable d’écrire sur la langue française avec autant de précision, en osant le scrupule et l’ironie. Astrophysicien de la langue et pataphysicien de la liberté. Il évoque leur amitié, leur complicité, les voyages en commun, le jour où, gravement malade, Alain Borer avait eu l’élégance suprême de faire rire ses amis. Alain Borer, très touché par les témoignages de son ami, s’adresse ensuite à Alain Vannaire, pour le remercier de son action en faveur de la chanson, soulignant l’importance de la chanson, le rythme et la rime, depuis les grecs, rappelant ces mots de Marc Robine :

La chanson est le miroir du peuple et de son histoire, nous rappelant la mise en danger de la langue française en chanson, savez-vous qu’il il y a pas moins de quatre millions de chansons en français ? Nous ne mesurons pas ce trésor de notre langue.

Puis Alain Borer nous parle longuement de son livre, exprimant les regrets, les soucis qu’il a réveillé en lui : La linguistique ne pense pas, la langue nous traverse comme l’eau entre nos mains, mais pas de l’eau gelée. Précisant le respect qu’il a pour toutes les langues, il en subsiste environ 2000 actuellement, et pour les professeurs qui les enseignent. Qu’est ce qui différencie les langues ? Ce sont des projets dans chaque gestes qui les constituent.

Et de noter la différence entre  toutes les langues qui prononcent tout ce qu’elles disent, et le français qui ne prononce que ce qu est écrit : La langue française ne peut pas être séparée de l’écriture, elle procède de l’écrit, et fait entendre sa grammaire.

Alors comment écrit on la phrase suivante : Le peu d’eau que j’ai bu(e) m’a désaltéré, avec ou sans e à bu ?  

Il fut question de l’esthétique de notre langue, beaucoup d’écrivains étrangers l’ont choisie, une langue à la palatalité universalisante, avec toutes les particularités des accents, d’une région à l’autre.

Illustrer, inventer, résister à l’anglobal, le globish, l’angolais qui nous colonisent en douceur, avec notre consentement inconscient.

Pour en savoir plus sur ce livre, je renvoie à l’article déjà fait sur ce même blog collectif:  c’est là –>

Le débat avec les autres interlocuteurs fut bref, Alain Borer étant très bavard, et justement motivé par la défense de son livre. Alors, il fut question de l’accent tonique, la langue française est elle accentuée ou non, les avis divergent,

Le philosophe, Bernard Dumoulin pense qu’Alain Borer a fait un travail philosophique , et le fameux e muet, qui, pour Jacques Bertin n’existe pas.

Pourtant, moi, je le sens bien dans cette phrase qui résume l’esprit du livre :

  Ariane ma sœur de quel amour blesséE

     Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laisséE…

                                                 Racine, Phèdre, 1677

Une dernière question fuse dans la salle : La langue française est-elle immortelle ?

Enfin,  je remercie chaleureusement Alain Borer, pour sa dédicace, sa petite fleur,  qui restera entre les pages de son livre et me rappellera la beauté des fleurs et  de ma langue maternelle, et ses baisers.

Après une courte pause, c’est Claire Elzière que nous avons le bonheur de retrouver pour certains, de découvrir sur scène pour d’autres, comme moi-même, en compagnie de ses musiciens, Dominique Cravic à la guitare,  des Primitifs du futur, dont Claire est la chanteuse attitrée, Christophe Lampidecchia à l’accordéon. C’est Sous le ciel de Paris qu’elle nous embarque pour un voyage musical, avec son joli timbre de voix qui accroche immédiatement, sans en faire trop, laissant couler les mélodies, avec une justesse et une diction impeccables, un charme naturel, en toute simplicité. Puis d’autres chansons de sa compilation  15 Faces de Paris, c’est ainsi qu’on se retrouve Sur les quais du vieux Paris, avec Un petit air de rien du tout, extrait de son album Mon cœur est un accordéon ou à Saint-Germain-des-prés.

Claire, entre deux chansons nous raconte ses voyages, le Japon où elle vient de passer tout le mois de juin, ses amitiés, les rencontres essentielles de sa vie, avec Pierre Barouh, Saravah  a produit plusieurs de ses albums, et elle chante en duo avec lui dans l’album Pierre Barouh Daltonien. ( 2006), Pierre Louki  dont elle a porté les textes depuis des années, et qui lui a confié des chansons inédites qu’elle a fait siennes,  deux albums qui rendent au mieux l’univers tendrement loufoque de ce comédien parolier et chanteur lui-même. Elle interprète plusieurs chansons de Louki,

La vie va si vite, Est-ce plus que l’adolescence ? Est-ce déjà maturité ? Suis-je retombée en enfance ? Ou ne l’ai-je jamais quittée ? Est-ce à la veillée qu’on invite Le soleil à peine levé ?

La main du masseur, Mes copains, Les sardines, Grand-Père :

Y avait comme un défaut
Dans la pendule de grand-père
Un tout petit défaut
Les aiguilles tournaient à l’envers
Plus grand-père vieillissait
Plus il retombait en enfance
On le trouvait plus jeune
Chaque fois qu’on allait en vacances…

Elle interprète aussi des chansons d’Allain Leprest dont elle a souvent fait les premières parties, et elle a réuni dans un album 14 de ces chansons, dont 10 inédites.  De la poésie brute dit-elle , faite de mots qui jouent ensemble, et parlent de la vie qui avance, de celle qui s’arrête, ou de l’amour et du passage du temps, avec tendresse ou rudesse, humour ou sensualité. Mon souhait est que ses chansons entrent dans les cœurs, que la poésie d’Allain soit connue par le plus de monde possible, que ses chansons vivent. Entre autres,  une magistrale interprétation de Quand auront fondu les banquises de Leprest, musique de Romain Didier. Ce voyage musical fait aussi escale chez Mouloudji : Si tu m’aimais, chez Nougaro, Rimes, chez Le bel Hubert, chanteur-garagiste Suisse, qui parle à l’oreille des Deux ch’vaux, comme dit Sarcloret , On revient à Pierre Barouh avec Le courage d’aimer, et à bicyclette. Et bien d’autres escales et surprises dans ce voyage musical, qui nous a transportés, à tel point que lorsque un spectateur demande à Martine Fargeix si elle a aimé, elle éclate en sanglots, trop chargée d’émotion. Claire Elzière, c’est vraiment mon coup de cœur « découverte-sur-scène » de ces rencontres.

Et on enchaîne presque aussitôt avec Jean-François Kahn, journaliste, écrivain, historien de formation, homme de radio, Avec tambour et trompette et Chantez le moi sur France Inter, entre autre, il nous parle de sa passion pour la chanson, et de la difficulté de programmer des chansons engagées à la radio, par exemple, quand il faisait le journal du matin sur France Inter, il avait insisté pour choisir la chanson qui suivait le journal, et passait du Louki, du Ferrat, du Leprest, Béranger, etc… Il a été viré au bout de six mois, pas assez consensuel.   

Et on enchaîne encore avec la lecture théâtralisée de Jean-Claude Drouot Jean Jaurès : Une voix, une parole, une conscience. Si beaucoup ne savent  pas ce qu’est devenu Jean-Claude Drouot, les plus âgés se souviennent de Thierry la fronde au début des années soixante. Mais il a su gérer son succès d’alors en faisant bien d’autres choses, pensionnaire de la comédie française, de 1999 à 2001, metteur en scène de nombreuses pièces de théâtre, écrivain, ses mémoires ont été publiées en 2015 sous le titre : Le cerisier du pirate. Comédien au théâtre, acteur au cinéma et pour la télévision, une carrière et  une vie bien remplies.

Décor simple sur fond noir,  un piano, une tribune, et un homme arrive, costume gris, redingote grise, montre à gousset dans la pochette du gilet, chapeau melon, il est Jaurès, l’homme qui a été assassiné parce qu’il prêchait la paix, la justice sociale, l’épanouissement de l’âme humaine, la liberté : Quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le droit humain. Jean-Claude Drouot nous retrace le parcours de Jaurès, du brillant élève de l’école normale supérieure, son agrégation de philosophie, professeur à Albi, puis maître de conférence à la faculté des lettres de Toulouse, sa carrière politique, il devient le plus jeune député de France en 1885, ses premiers pas vers le socialisme, son soutien pour le peuple, pour les ouvriers, il est l’un des créateur de la SFIO, et sa carrière de journaliste, fondateur et directeur de l’Humanité, et aussi collaborateur de la dépêche, éditorialiste du Matin et de la Lanterne.

JC Drouot 5.JPGPar un choix de lettres, d’articles, Jean-Claude Drouot nous livre son approche personnelle de Jean Jaurès. Il n’avait pas d’ambitions, pas d’orgueil, pas de besoins, il était plus juste avec ses adversaires, en particulier le nationaliste Maurice Barrès, ennemi politique, mais il y avait un mutuel respect entre les deux hommes, qu’envers ses amis. Lui, Jaurès, issu d’un milieu paysan, devenu normalien, orateur de génie, un homme dont tous les partis politiques se réclament aujourd’hui, à tort ou à raison, une espèce de saint laïc, qui commençait ses discours lentement, d’un ton monocorde, mais la pensée venait, et c’était alors une voix de cuivre qui vibrait comme le tonnerre. Une voix jamais enregistrée. Il n’avait pas d’ambition littéraire, son combat, c’est le socialisme, le sens de l’avenir, il fonde une sorte de religion du socialisme. Il avait cette confiance en la marche du temps, cet espoir en l’humanité.  Jean-Claude Drouot nous lit une lettre très émouvante de Jaurès à son compagnon de Khâgnes Charles Salomon, pour se aller à des confidences intimes, suite au décès de son père le 11 juin 1882, se libérant ainsi des détails sordides qui ont suivi ce décès, la mort est bien cruelle, qui n’attend pas que l’on soit sous terre pour entamer sa pourriture.

Jean-Claude Drouot a aussi retransmis intégralement le discours de Jaurès, revenu dans son lycée d’Albi pour parler aux étudiants, Jaurès qui a insisté toute sa vie sur l’importance de savoir lire pour les écoliers, de faire lire les écoliers  pour les professeurs : Vous tenez dans vos mains l’âme et l’intelligence des enfants. Faites-en des citoyens libres, qu’ils aillent vers une démocratie libre, qu’ils aient une idée de l’homme qui va de la fierté à la tendresse, n’en faites pas des machines à compter.

La République est un acte de conscience, il faut concilier la liberté et la loi.

Et il affirme la haute espérance socialiste qui est la lumière de sa vie et qu’une paix durable, définitive est possible. Il faut vaincre le cercle infernal de la haine.

Un grand silence et une grande attention dans la salle pour ce message d’espoir que nous a laissé Jaurès, incarné par Jean-Claude Drouot. Espoir assassiné ? La lumière s’éteint soudain, deux coups de feu éclatent dans le noir,  l’homme droit sous son chapeau melon reste impassible : Ils ont tué Jaurès crie l’écho. Et le rideau tombe avec la chanson de Brel : Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

C’est un public grave, silencieux, et pensif qui est sorti de la salle. Et chapeau bas et respect pour Jean-Claude Drouot, le Jean Jaurès d’un soir.

 

Danièle Sala

Photos Martine Fargeix

 

NDLR:  Il y a eu pas mal d’albums hommages après la disparition de Leprest, certains faisant un peu redondance dans le pathos,  mais celui de Claire Elzière (et Dominique Cravic,  Grégory  Veux et sa quadrilla fidèle) , est un des plus réussis, à mon avis, car il est témoin d’un Leprest vivant  envers et contre tout..  On ne peut pas passer son temps à s’foutre à l’eau, aurait dit Mouloudji.. (NGabriel)

Folle journée à Mozac pour le deuxième jour des Rencontres Marc Robine 2018

14 Juil

C’est Jean-Yves Lenoir qui ouvre cette deuxième journée, tourangeau et auvergnat d’adoption, acteur, metteur en scène, il dirige la compagnie du Valet de Cœur à Clermont-Ferrand, écrivain, poète, passionné par la langue française et son évolution dans l’histoire.  

Et Pardi ! il nous a régalés par l’ interprétation de ses textes :

Pardi ! Ce froid sec de l’automne qui rabote le crépi des façades. Et qui frotte, polit le caniveau, le goudron.

Propre, monsieur : grande toilette de haut en bas !
– Propre comme un sou neuf. 

Textes que l’on peut retrouver dans son recueil Pardi ! Prose ou poèmes ? «  Ces petits papillons qu’on appelle éphémères,

Que nous dit-tu, poète ?
Qu’un bénitier de pierre,
Dans le froid, dans la glace, a retenu leurs ailes.

Jean-Yves Lenoir nous a aussi gratifié d’une recette pour réussir nos soirées poétiques, en quatre méthodes,  beaucoup d’humour et une pointe d’ironie. La soirée conviviale, hommage aux poètes de préférence vivants… Le Cercle, apologie pour poètes morts ou vivants, avec pianiste qui joue un concerto de Lizt… Soirée interprétation pour poète mort… Soirée évocation pour public éclairé, fauteuils empire, riches bibliothèques aux livres reliés, etc…

Jacques Viallebesset qui lui succède, en compagnie de Fabrice Péronnaud rectifiera le tir en précisant que les poètes font leur gamme et des exercices de style, la muse ne fait pas tout !

Gaspard_Montagnes

Et c’est Dans le vent des montagnes, en cheminant avec Gaspard , que ces deux conteurs-poètes nous entraînent, poèmes puisés dans la malle aux trésors de Gaspard des montagnes et réunis dans ce recueil

Rappelez-vous le franc Gaspard des montagnes
Qui surgissait en bondissant
Et comme un diable dans les cabarets
A l’orée des bois noirs

Dans ces pays marqués par le bruit de la cognée
Au bord de cette forêt qui bleuit sous le vent
La couche de fougères du bûcheron
C’est ici que je vous donne rendez-vous
Dans ce grand matin d’herbes et d’oiseaux… »

Après la poésie,  question existentielle : Des lumières à l’intelligence artificielle, que sont nos valeurs  devenues ? Avec Thierry Lambre mathématicien, Bernard Dumoulin, philosophe, Jean-Yves Lenoir, écrivain et comédien.

Le monde est une immense symbiose, est-on en train de rompre un lien sacré ? Pour Bernard Dumoulin, le problème est le contrôle de l’homme, est-ce que l’homme est capable de contrôler les machines, les robots, rester le centre de ce qu’il a produit lui-même ?

Il fut question du principe de précaution, de la grande puissance de l’intelligence artificielle pour un pays comme la Chine par exemple, des pays où l’état contrôle tout le système, et de surmonter ce problème avec l’ONU .

Le mathématicien Thierry Lambre est plus optimiste, en affirmant que l’intelligence artificielle a permis de grands progrès, en médecine notamment, un ordinateur bien informé est capable de détecter un mélanome, en le différenciant d’un grain de beauté à 95%, alors qu’un simple dermato le détecte seulement à 87%. Et que rien ne sera alarmant tant que la décision restera humaine.

Jean-Yves Lenoir, est-ce que la décision finale appartiendra toujours à l’homme ?

Il fut aussi question de Copernic, qu’est ce que sa perception de l’univers a apporté à l’homme ?
Une auditrice a posé la question de l’éthique. D’où viennent les matières premières qui servent à fabriquer les machines productrices d’intelligence artificielle, et dans quelles conditions sont -elles exploitées ?
Nous avons aussi parlé de l’importance de ne pas confondre la science et la technologie. De l’importance d’adapter les robots aux besoins des hommes.

En conclusion, l’intelligence artificielle est-elle capable de prendre le dessus, où n’est-ce qu’un écran de fumée derrière lequel il y a le pire et le meilleur ?

Ouf !

Il est temps de revenir à la chanson, avec tout d’abord Guilam et sa fille Camille que son père a convaincue de monter sur scène, et il a bien fait ! Le duo, c’est 2 Folks,  un duo père fille tout en harmonie, deux voix qui se répondent où s’unissent, en parfaite harmonie, pour un voyage intérieur tout en douceur et poésie. Leur album en commun, Variations, 12 titres, auto-produit, est Un écrin de quiétude pour le cœur et pour les oreilles. Je ne saurais dire mieux..2 folk

Et quand Camille chante seule Emmenez moi, on reçoit en plein cœur sa voix limpide, aérienne , vibrante d’émotion.  Des chansons de Variations, des reprises de Félix Leclerc, de Brassens, de Dimey, Cabrel… ou encore de Pierre Lapointe, Tel un seul homme :

Et si je vous disais que même au milieu d’une foule 
Chacun, par sa solitude, a le coeœur qui s’écroule 
Que même inondé par les regards de ceux qui nous aiment 
On ne récolte pas toujours les rêves que l’on sème 

Déjà quand la vie vient pour habiter 
Ces corps aussi petits qu’inanimés .

Et surprise, ils sont revenus inopinément un peu plus tard pour une chanson de Jacques Bertin, en hommage , Le rêveur :  

J’étais l’enfant qui courait moins vite 
J’étais l’enfant qui se croyait moins beau 
Je vivais déjà dans les pages vides
où je cherchais des sources d’eaux 

J’étais celui à l’épaule d’une ombre
qui s’appuyait, qu’on retrouvait dormant
Je connaissais les voix qui, dans les Dombes,
nidifient sous les mille étangs…

Un très beau moment, suivi d’Emile Sanchis, un auvergnat, conseiller municipal de Vic-le-Comte, qui écrit depuis les années 80, et compose depuis plus longtemps.

Sanchis peronnaud 2

 

Il nous interprète une chanson de Leprest : Aux funérailles, au funambule, et dit Paroisse de Jacques Bertin, avec Fabrice Péronnaud. Paroisse, une chanson de toutes les époques.

Emile Sanchis qui nous confie que c’est à la médiathèque de Croix Neyrat, dans les quartier nord de Clermont-Ferrand en 97, que La blessure sous la mer de Jacques Bertin lui a ouvert un horizon.

Laurent Berger et P Bertin 1728x1862Et on enchaîne avec Laurent Berger dont certains pensent que c’est le digne successeur de Jacques Bertin, on le dit aussi héritier d’Allain Leprest et Barbara.  Brassens et Barbara, c’est la même fibre dit-il : Quand ils te parlent de solitude, d’homme, de femme, d’amour, d’amitié, c’est tout de suite sensible, tout de suite le choc.  Et sa rencontre avec Brel : on se rend compte qu’à partir de son enfance et de son milieu, il s’est créé une véritable poésie… un peu comme Gilles Vigneault le fait avec le Québec les grands espaces, avec Mon Pays c’est l’hiver…  Il y a aussi Bernard Dimey, découvert à La librairie des pas pressés, où l’on fait de belles rencontres. On connaît la chanson ne s’y est pas trompé en lui décernant le prix Marc Robine, en 2015, Laurent Berger qui poursuit ses chemins de liberté depuis 26 ans, guidé par la beauté intérieure et les sentiments  de chacun de nous, moments de vie maraudés çà et là, voix métallique, et un charme qui fait mouche, n’est-ce-pas Martine qui l’a mitraillé de ton œil admiratif  et de ton objectif ? : Tous les amours s’en vont en mer

Pour la traversée du sublime
Ils laissent les vivants derrière
Au quotidien qui les opprime
Pas de carte, pas de boussole
Ils se confient à l’incertain
C’est du prévu dont ils rigolent
Leur plan de vol est fait d’instinct. ..

Et Jacques Bertin, qui est là depuis un moment, arrivé deux heures en avance, entre sur scène. Il chante ses propres chansons, pure poésie, beau jeu de guitare, et voix claire et sonore.

J’étais l’enfant qui courait moins vite
J’étais l’enfant qui se croyait moins beau
Je vivais déjà dans les pages vides
Où je cherchais des sources d’eaux

J’étais celui à l’épaule d’une ombre
Qui s’appuyait, qu’on retrouvait dormant
Je connaissais les voix qui, dans les Dombes,
Nidifient sous les mille étangs

Il nous chante l’enfance, la vie des gros bourgs, la compassion pour les humbles, les rendez-vous manqués, et le temps assassin qui, dans son cortège de déroutes emporte en un même souffle les amours en charpie et l’écharpe nouée des amitiés qui s’enroulent. Marc Robine.

Il chante aussi les amis, Luc Bérimont, Jean Vasca :

Amis soyez toujours ces veilleuses qui tremblent 
Cette fièvre dans l’air comme une onde passant 
Laissez fumer longtemps la cendre des paroles 
Ne verrouillez jamais la vie à double tour

Très applaudi Jacques Bertin, plusieurs rappels qu’il accepte avec plaisir. Doit-il son humour et son sourire ce jour à un chien, présent dans l’assemblée, et qui aboyait à chaque chanson ? C’est la première fois que j’arrive à intégrer un chien à mon public nous dira-t-il.

Enfin, le soir, nous arrive la compagnie Beline avec son spectacle La feuille à l’envers, Evelyne Girardon, Sandrine Fillon, Patrick Raffin et Jean Blanchard, quatre joyeux et talentueux lurons qui nous la joue trad-érotico-coquine, chansons hardies du répertoire traditionnel français, mais jamais vulgaires, et si bien interprétées, accompagnés d’instruments de musique traditionnels comme  vielle à roue, accordéon diatonique, soufflet, etc…

Et étant des chansons répétitives, nous avons tous repris en choeur Les réveillées du placard, La meunière, La marmotte, et appris les bases du vocabulaire érotique, se faire mener en bateau, le baquet, converger, le trou: orifice, espace anatomique vide dans quelque chose,  bonjour Léonie, mouiller son mouchoir à l’eau de Cologne, arroser les puces qui sont de redoutables sauteuses, l’anguille: poisson carnassier qui n’aime pas la lumière, c’est d’ailleurs pour ça que l’on dit : Il y a anguille sous roche. Etc… Soirée très édifiante et joyeuse.

Et à suivre, avec un jour de décalage, je vous prie de bien vouloir m’en excuser, pour la journée d’hier, très riche aussi.

Danièle Sala

 

Photos Martine Fargeix ( sauf JY Lenoir DR)

Premier jour des Rencontres Marc Robine 2018

12 Juil

                            

 C’est au Musée Mandet, à Riom, qu’un public nombreux est venu inaugurer l’exposition des œuvres d’un pionnier et initiateur de l’art urbain en France et de son ami poète, écrivain, homme de radio, entre autres «  Poésie sur parole, de 1987 à 2008 » sur France culture, qui, lui, se dit voyageur.

Après les présentations et remerciements d’usage, Laure-Elie Rodrigues, nouvelle directrice du Musée Mandet, Pierre Pécoul, maire de Riom, Frédéric Bonnichon, président de Riom Limagne, Volcans, unanimes pour réjouir de la collaboration  de tous autour de cette exposition.

Un compagnonnage fertile entre ces deux hommes, Ernest Pignon Ernest et André Velter,

Habiter poétiquement le monde

une phrase du poète allemand Hölderlin, pour qui l’homme habite naturellement la terre en poète. La poésie comme philosophie, comme nécessité,  voir le monde avec les beautés qui l’entourent, mais aussi sa réalité, une attitude qui pourrait changer le monde en réveillant les consciences. Toute une vie de collaboration entre ces deux complices, l’un avec des œuvres qui font parler les murs, bouleversent les esprits, provoquent celui qui les voit, un engagement contre les guerres, l’apartheid, (jumelage Nice/ Le Cap), la situation des migrants, comme la série des Expulsés. L’humaine condition grandeur nature. Et et l’autre, « allié substantiel » évident d’Ernest Pignon Ernest, avec ses mots, avec la parole, considérant la poésie comme l’accès privilégié à la « vraie vie » entrevue par Rimbaud. .

 

Exposition suivie d’un récital inédit, André Velter, voix, Olivier Deck, guitare, chant..

Photo Danièle Sala 2018

Un enchaînement  de poèmes d’André Velter, dits par lui-même, ou mis en musique et chantés par Olivier Deck, avec une belle complicité entre les deux. Poèmes et chansons dans le même engagement que les œuvres d’Ernest Pignon Ernest que l’on vient de voir.  La poésie est sursaut d’adolescence à jamais d’infini qui se donne en partage. 

En précisant qu’on est pas obligés de rendre des comptes de ce qu’on a fait, qu’on fait escale où ça nous plaît, mais qu’on se sent une responsabilité éthique, chaque projet ayant sa propre légitimité. Poème voyageurs :  Tout départ est un rêve pour combattre nos peurs…   poèmes d’amour,

 

Là-haut, tu es, là-haut quoiqu’il advienne,

femme miracle d’un soleil à jamais

que rien ne sépare de la pure lumière

ni du souffle ascendant de notre amour promis

à une autre altitude. Tu es là, hors d’atteinte,

hors du monde où meurent les âmes et les corps.

Tu danse sur l’horizon que je porte en moi

pour abolir le temps. Tu vis à l’infini. 

Poème extrait de L’amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit.

Laissons au poète André Velter le dernier mot de ce récital : La poésie, c’est être.

 

Photo Martine Fargeix 2018

 

La poésie, nous en aurons encore avec le concert de Diane Tell, au théâtre de Châtel-Guyon, ce mercredi soir. Après la présentation du concert, qui réunit les Rencontres Marc Robine et l’association Auvergne Québec. Présentation par Fabrice Péronnaud pour les Rencontres, par Edith André, présidente d’Auvergne Québec, et sa jeune stagiaire venue de Montréal, Frédérique.

Diane Tell, qui arrive sur scène, en toute simplicité, en rouge et noir, avec d’incroyables et indescriptibles souliers assortis à sa tenue, son lumineux sourire, et ses deux guitares Franck Cheval.

Elle enchaîne les chansons, les siennes, en précisant que quand elle a débuté, il y avait très peu d’auteures compositrices interprètes québécoises. Les plus connues, comme celle  qui l’a rendue célèbre à 20 ans, et fait connaître en France : Si j’étais un homme, nous racontant qu’elle avait pris soin de travailler cette chanson au mieux pour gagner au festival de Spa, en Belgique, et que cette chanson a été éliminée au premier tour. La légende de Jimmy, On a besoin d’amour, Faire à nouveau connaissance, Dégriff’ moi, Gilberto, ou encore la chanson cadeau de Laurent Ruquier : Boule de moi et bien d’autres.

Des chansons inédites de son prochain album en préparation à La Fabrique, à Saint-Rémi-de-Provence. Et des interprétations de Boris Vian, Rue d’la flemme, Félix Leclerc, Présence, ou Jacques Brel, Voir un ami pleurer, en rappelant que Jacques Brel est venu chanter dans ce même théâtre de Châtel-Guyon. Françoise Hardy, La maison où j’ai grandi.

Une voix claire et mélodieuse où flâne une pointe d’accent, elle est pop, jazz, blues, parfois country et sait faire vibrer sa guitare au rythme des paroles, imposant ses chansons avec une sensibilité qui fait passer les émotions à un public sous le charme. Entre deux chansons, elle bavarde, partageant des anecdotes, demandant le score du match de foot en cours, heureuse au final que les anglais… Non, rien, nous disant son bonheur d’être dans ce si beau théâtre, dans une ville où l’on boit de l’eau, chose assez rare en France. C’est elle qui le dit !  Plusieurs rappels et applaudissements chaleureux.

Diane Tell coulisse 3781x3624-001

Photo Martine Fargeix 2018

Pour conclure, je dirai que j’ai redécouvert Diane Tell telle qu’en elle même, en me rendant compte que tant que l’on a pas vu un ou une artiste sur scène, on ne peut pas vraiment savoir qui il ou elle est.

Et la soirée s’est terminée par la rituelle séance de dédicaces avec elle, au milieu des commentaires sur le spectacles, et les rendez-vous pris pour les jours suivants. Oh là là ! Déjà ! Dans une heure à peine, à 14 heures, Rencontre avec Joseph Vebret, auteur de L’Invention du grand écrivain, et je ne veux rien rater de ces Rencontres ! Heureusement, c’est à deux minutes de chez moi, à pieds, au château de Portabéraud, à Mozac, à suivre donc…

Danièle Sala

 

Entretien avec Melissmell lors du concert au Haillan Chanté (33)

3 Juil

Les 5 et 6 juin dernier l’association Bordeaux Chanson, dont l’engagement assidu en faveur de la chanson d’auteur francophone permet régulièrement et depuis de nombreuses années aux artistes de rencontrer le public girondin dans des cadres dédiés à l’écoute et favorisant la proximité et la convivialité, invitait, en partenariat avec l’Entrepôt, pour la neuvième édition du Haillan Chanté à l’Entrepôt du Haillan (33), plusieurs artistes, parmi lesquels Loïc Lantoine, Barbara Carlotti, Michel Jonazs, et Melissmell, que nous avions rencontrée pour un premier entretien lors du festival Musicalarue à Luxey, (CLIC  ICIaprès son concert, qui fut et reste de mémoire un des moments de l’édition 2017 les plus intenses, éblouissants et contrastant. Contrastant, non pas du point de vue de la vigueur et de la générosité dans l’interprétation, mais de celui du bouleversement effervescent et brutal d’émotions violentes et persistantes qui semblaient s’arracher de sa voix, de son âme, pour basculer et graviter dans l’espace, percuter et ricocher dans les moindres recoins du coeur. Émotions violentes, âme insurgée, sentiments obscurs et lumineux, magie du contraste : c’est précisément de quoi il est question à travers les chansons de son dernier album « L’Ankou » dont Melissmell venait interpréter, parmi celles d’albums précédents, des versions acoustiques en duo piano-voix avec son complice François Matuszenski (dit Matu). La mélancolie, la noirceur, l’ombre du macabre même, y dansent dans des compositions musicales énergiques, parfois étrangement égayées aux faux-airs naïfs de comptine, charnellement comme instinctivement. L’instinct de vie sans doute qui surgit et s’affirme, s’exclame, face à la mort ; l’instinct de lumière qui inspire et respire dans l’obscurité, et évite à l’artiste d’enliser ses pas dans les sables mouvants du pathos morbide. A l’inverse, en même temps qu’à l’instar, d’artistes masculins sur qui l’influence, l’ascendance même, d’interprètes féminines s’impose comme une évidence -revendiquée ou pas-, Melissmell évoque irrésistiblement les noms de trois chanteurs du sexe opposé : Bertrand Cantat, Mano Solo, Damien Saez. Curieux paradoxe pas si paradoxal que ça d’une artiste qui est de celles et ceux qui nous font vivre la dimension androgyne et asexuée de la musique : celle d’un langage véhiculé par les âmes pour les âmes.

– Melissmell bonjour et merci de nous accorder ce second entretien.  Nous nous étions rencontrés lors du festival Musicalarue en aout dernier à Luxey. Lors tu nous confiais rencontrer des difficultés pour  être programmée en concert. Te voilà enfin dans la région de Bordeaux. Que s’est-il passé depuis et où en est ton actualité musicale ?

– On a été en tournée durant tout le printemps, et notre prochaine date sera le 6 juillet à Mons, au Festival au Carré. On a fait beaucoup de dates, une vingtaine, entre avril et juin ; et désormais c’est une tournée plus clairsemée, jusqu’à l’automne où on recommencera. Effectivement il n’est pas évident de trouver des dates, tant qu’on n’a pas fait un tube. C’est ce qu’on me dit : il faut que je fasse mon tube, comme Thiéfaine a réussi à le faire, comme Saez a réussi à le faire, comme Noir Désir, enfin comme tout le monde. Et un tube plus populaire que « Aux armes ! », parce que ce n’est pas suffisant. Ce soir nous allons jouer un concert en piano-voix, avec Matu, où on va reprendre les trois albums, durant une heure de show, avant de laisser la place à Loïc Lantoine pour son concert. Côté enregistrement, je fais appel à des auteurs pour les chansons du prochain album. Je suis en train de l’écrire. Et je pense l’enregistrer l’année prochaine. A l’heure actuelle, j’ai des compositions dans le placard, mais ça ne me suffit pas, donc je cherche encore des choses et j’ai sollicité des auteurs pour compléter ce que j’ai. Personnellement j’ai beaucoup de mal à écrire des textes, et j’ai tout fait jusqu’à présent pour convaincre des auteurs de m’en écrire, dont certains m’ont répondu positivement.

– Et pourtant tu as, d’une part une plume puisque tu as tout de même écrit les chansons du dernier album et certaines précédentes, et d’autre part surtout une personnalité artistique très singulière avec un univers intime propre. Confier l’écriture à d’autres n’implique-t-il pas le risque de dépersonnaliser un peu Melissmell ?

– Mais on me reconnaitra, parce que je choisis les textes déjà, et parce qu’on travaille ensemble avec les auteurs : je cherche des sujets que je leur propose. Pour l’album « Droit dans la gueule du loup » dont les textes ont été écrits par Guillaume Favray, on avait beaucoup discuté au préalable, et il avait écrit certaines chansons après nos discussions et tout ce qu’on s’était dit. Ça a donné des chansons comme « Madame », « Les Souvenirs » ou « Les Enfants de la Crise » qui ont été construites à partir de notre travail commun. Parfois, lorsque quelque chose ne me va pas, il m’arrive de modifier des textes après lecture.

– Pour ta part, quand as-tu commencé à écrire ?

– Je me suis mise à écrire pour le premier album, en 2003-2004. Mais la musique me venait bien plus tôt que ça. Toute petite déjà j’inventais des mélodies, alors que je n’ai jamais bien su écrire des textes. Je me suis toujours basée sur des livres ou des poèmes que j’avais lus. Par exemple je piquais une phrase et la détournais ; je trouvais des exercices à faire par rapport à ce qui avait déjà été écrit par d’autres. Ça, je sais le faire. Bien sûr on transforme toujours, parce que tout a plus ou moins été dit ; ensuite c’est à toi de mettre ta patte et ta façon de transformer. Mais inventer un nouveau texte à partir de rien m’est très difficile. Il y a des auteurs qui savent écrire, les doigts dans le nez.

– Tu as déclaré que la motivation principale qui te pousse à interpréter une chanson réside dans le fait que la chanson soit «nécessaire ». Qu’entends-tu par là ?

– C’est mon avis. Certains écrivent des chansons qui ne sont pas nécessaires, pour moi, des chansons dont on peut se passer. Mais personnellement j’ai besoin que les chansons soient nécessaires pour la société, qu’elles fassent avancer la pensée de la société, les mœurs de la société ou les conflits dans la société.    

– A propos de l’engagement de l’expression artistique, qui est un fil conducteur de ton œuvre, serait-il indélicat de revenir sur les derniers vers de la chanson « La crapule » de l’album « Droit dans la gueule du loup », dont l’une des interprétations possibles -mais peut-être n’est-ce pas le sens que tu lui donnais-pourrait paradoxalement être d’être entendu comme une critique de la chanson militante ?

 

« Et lui vient me dire il faut monter au front

La musique est une arme, les mots ses munitions

Laisse moi mon refuge, laisse la qu’elle respire

La musique était vierge, ne va pas la salir… »

– Ce n’est pas dans ce sens là que je la vois ; c’est dans le pornographique. Les chansons porno qui ne veulent rien dire et sont juste là pour choquer ou faire du fric, pour moi, sont salies. C’était le discours d’une personne, dont avec Guillaume Favray, on avait entendu que la musique ne doit pas dire les choses, n’est pas faite pour dire les choses. Donc je commence mes concerts par cette chanson, parce qu’elle porte la question principale de la musique, à savoir : qu’est-ce qu’on en fait et qu’est-ce qu’on en fait pas ? « La musique était vierge, ne vas pas la salir » est une vérité absolue, je trouve. La musique est propre en elle-même, mais l’humain la salie, suivant les textes qu’il pose dessus. Parler de politique, de révolution, d’anarchie ou de liberté dans mes textes n’est pas la salir, mais l’élever. Pour moi on salit la musique avec des textes qui parlent de cul, de sexe pornographique, de violence verbale ou physique envers les femmes, de choses qui n’ont aucune espèce d’importance dans la pensée. Je préfère que la musque soit vierge plutôt que de porter des textes de merde. Donc le sujet de la chanson est de savoir ce qui salie la musique ; et pour moi ce sont les chansons sexuelles, voire certaines chansons d’amour qui n’ont pas lieu d’être, des chansons antiféministes ou misogynes.  

– Le féminisme justement est une des thématiques qui ressurgit souvent dans tes albums. Tu nous avais dit à Luxey, tenir ton pseudonyme de la chanson de Nirvana « Smells like teen spirit », mais également de la mélisse, plante qui soigne les femmes, car tu voulais chanter pour soigner les femmes. Y a-t-il une raison particulière ?

– La chanson « Khmar » porte un discours de misandrie, c’est-à-dire de misogynie inversée, tournée contre les hommes. Je l’ai faite exprès pour montrer comme un misogyne nous blesse, en démontrant qu’il est possible d’entendre le pire dans la bouche d’une femme aussi. Le texte est violent. Mais j’ai entendu ces choses là de la bouche de ma mère, et même de ma grand-mère, qui était misanthrope ; je ne les invente pas. Les femmes de ma famille étaient très féministes, car elles ont connu et vu beaucoup d’hommes se décharger de leurs responsabilités envers leurs propres enfants.  

– L’autre thématique importante qui s’exprime dans l’album, par ailleurs marqué d’un esprit endeuillé par les attentats de 2015, est l’athéisme. Est-ce pour toi une conception nécessaire ?

– Surtout depuis les attentats contre Charlie. Je me suis dit qu’il était important de rappeler qu’on a tué le roi et séparé l’église de l’état, et que ce n’est pas pour recommencer à mettre une église au dessus de tout. Le titre « Le pendu » s’inspire à la fois de « La ballade des pendus » de François Villon et du « Bal des pendus » d’Arthur Rimbaud ; j’ai étudié ces textes et voulu faire un acrostiche : « Dieu nait du diable et il faudra bien le pendre ». L’homme prétend que la femme est née du diable ; mais il n’empêche que c’est la femme qui met les hommes au monde, et donc Dieu. De ce fait, Dieu nait du diable, car sans le diable, Dieu n’existe pas.

– Ton univers, par certaines de ses thématiques et le choix du vocabulaire, parfois résonnent comme en communauté avec celui de Damien Saez, impression renforcée par l’esthétique sonore de « L’Ankou », notamment au niveau du traitement de ta voix.  Cela relève-t-il du hasard, d’une proximité spirituelle inconsciente ou d’un parti-pris délibéré ? Et plus généralement interviens-tu dans les décisions concernant les esthétiques sonores au cours du traitement et du mix ?

– En fait j’interviens, mais on travaille trop rapidement pour moi. C’est-à-dire qu’on fait dix sept jours d’enregistrement et après une semaine de mix. Et c’est trop rapide pour avoir le recul suffisant pour moi. Mais on n’a pas les moyens, quand on est un petit artiste pas reconnu qui n’a pas fait de tube radio ayant ramené de l’argent dans les caisses. On n’a pas vraiment le temps pour faire les choses bien en dix sept jours. Mais on fait au mieux pour que ça sonne. Après si ça ressemble à un Damien Saez, c’est peut-être parce qu’on a écouté les mêmes choses, qu’on a aimé les mêmes choses, qu’on a lu les mêmes livres. Avec Damien, on s’est rencontrés et on s’est dit les choses : j’avais l’impression que c’était mon jumeau masculin. Pourtant en 2008, je ne connaissais pas encore Saez, et j’avais déjà écrit tous mes textes. Je l’ai rencontré avant de le connaitre, alors que j’enregistrais « Ecoute s’il pleut » au même studio où il enregistrait « J’accuse », et du coup après je me suis mise à l’écouter pour savoir ce qu’il faisait. La ressemblance n’est pas volontaire. Reste qu’on est de la même génération, qu’on est sensibles aux mêmes choses,  et qu’on a en commun des influences et des gouts, que ce soit en musique anglo-saxonne avec The Clash, Radiohead, Nirvana, ou en Chanson Française avec Jacques Brel, Léo Ferré, Georges Brassens. 

– L’effet de paradoxe rendu sur par le choix de compositions musicales énergiques pour porter des textes plutôt sombres sur cet album était-il un équilibre nécessaire ?

– Matu a aidé à composer sur « Les rivières », et a participé aux arrangements ; donc on entend sa patte, qu’on peut retrouver chez Indochine. Mais je voulais faire cet album ainsi. J’ai appelé Bruno Green du groupe Detroit, dont j’aimais le son, et je lui ai demandé de me réaliser ça. Ce que j’aime est sombre, mélancolique ; c’est la réflexion dans la noirceur des choses.

– Éprouves-tu le besoin de faire vivre tes chansons scéniquement avant de les enregistrer ?

– Oui bien sur ; il y en a plein que j’ai testé sur scène, et qui ne sont d’ailleurs jamais parues sur un disque. Parce que sur scène, je me suis rendu compte que ça ne fonctionnait qu’à moitié ; j’ai donc préféré les laisser au placard. Par exemple « Ma petite étoile noire » a été jouée sur scène depuis 2012, avant d’être enregistrée et de sortir en 2016. Je l’ai faite tourner avant ; elle fonctionnait sur scène, et ça a été la première chanson écrite de « L’Ankou ». Quand j’ai un doute, je teste les chansons, et je vois si je peux les porter de manière efficace ou s’il faut les modifier ou les abandonner. Mais quand je sais que les chansons vont fonctionner, je ne les joue pas nécessairement sur scène. J’ai assez le sens de la mélodie pour ne pas me tromper quand je sens que ça marche. Ma mère, de  même que ma grand-mère, m’a dit que je répétais les comptines qu’elle me chantait à deux mois, avant de savoir parler. Je n’en revenais pas quand elle m’a dit que je chantais juste à trois mois ! A cinq ans je m’exprimais en chantant aussi ; je ne savais faire que ça. Et j’inventais des mélodies ; je ne copiais pas.

– Ce qui explique que tu peines moins à composer qu’à écrire. La musique est-elle ton langage ?

– Le texte ne vient jamais ; il faut que je le cherche ! Il ne vient jamais tout seul. En revanche j’ai cinq musiques qui me traversent la tête par jour. Au minimum ! J’ai juste à noter les mélodies ; j’ai même l’impression que je ne les choisies pas, mais que je les entends. J’ai l’impression d’être folle parfois : quand j’entends le vent souffler, j’entends une mélodie. Donc je ne cherche pas les mélodies ; elles viennent toutes seules. En revanche je cherche les textes, je fouine, et parfois je ne trouve pas. Quand je demande à des auteurs d’écrire pour moi, je ne leur envoie pas de musique. J’ai essayé mille fois de faire la mélodie d’abord et de l’envoyer à un auteur, mais je n’aime pas ça. Il ne trouvait pas les mots ; ça ne sonnait pas, ça ne fonctionnait pas. Donc je demande des textes, parfois je corrige, parce qu’en lisant les textes j’entends une mélodie, et donc je vais corriger le texte en fonction de la mélodie que j’entends ou du nombre de pieds. Je préfère faire ainsi : je couds la mélodie sur le texte déjà écrit. Le contraire est très compliqué avec la langue française, moins avec l’Anglais. Personnellement je fais du yaourt phonétique anglophone, mais j’appelle une copine qui maitrise l’anglais, et lui demande de m’aider à écrire le texte à partir de ce que je voudrais dire. Ce fut le cas pour la chanson « Les restes », écrite avec Joy Pryor : j’avais l’amorce « Ici, c’est les restes » », mais je n’arrivais pas à écrire la suite en français, car ça ne sonnait pas, et je lui ai donc donné la description de ce que je voulais dire pour qu’elle écrive le texte en anglais puis nous avons corrigé pour exprimer dans le refrain ce que je voulais, à savoir « je casse mes chaines comme je devrais le faire ». Pour cette chanson effectivement, j’ai pris la mélodie d’abord et le texte est arrivé ensuite dessus et ça a fonctionné. Mais ça ne fonctionne pas en français ; c’est phonétique : en français, c’est la consonne qui est importante, alors qu’en anglais c’est la voyelle. Donc je retravaillerais certainement avec Joy.

Miren Funke

Photos : Carolyn C (toutes sauf 5), Miren Funke (5)

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