L’album s’ouvre avec le morceau « Nick Drake ». D’entrée, l’hommage à l’artiste britannique revendique sans équivoque une influence majeure qui annonce sinon le décor d’un univers, néanmoins loin de s’orienter à ce seul repère, les teintes mélancoliques qui l’ombragent et l’enluminent aussi. Premier disque solo du chanteur M.Dewis, qui sortira officiellement le 06 avril, « It’s Never Too Late » porte un titre trompeur : si la phrase anglaise tirée de la chanson éponyme baptise l’album, c’est bel et bien la Chanson Francophone que l’artiste invite à s’incarner dans la chair de la musique Folk. Une proposition originale qui sème dans nos oreilles des compositions harmonieuses dans lesquelles le Français engage son habileté à jouer avec une culture musicale, trop souvent considérée à tort comme réservée à la tradition anglo-américaine, et qui fait écho à quelques années de distances à l’inventivité du groupe rennais Dahlia. L’enregistrement, au respect du son naturel et organique, parfois cristallin, des guitares et à la présence envoutante de cordes (violoncelle, violon alto, contrebasse, mandoline), s’écoutent comme un voyage qui nous fait passer d’un paysage à l’autre, au gré d’humeurs mélancoliques et d’une sombre douceur, ou de moments plus rythmés emballant la cadence avec entrain. On pourrait certes trouver, au fil de ces morceaux, l’écho de plus d’une influence musicale. Pourtant il est impossible d’en préciser une dominante sur la créativité de l’artiste, tant celui-ci propose, développe, recentre et dépolarise, recroqueville puis élargit un univers tout personnel traversé d’émotions. Un entretien récent avec Dewis Mira (M.Dewis) nous fournissait l’occasion de nous pencher sur le propos de l’artiste.
– Dewis, bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Tu es un artiste assez impliqué dans la vie musicale locale avec ton groupe Sons on Acoustic qui reprend des classiques de folk. Comment le projet parallèle de ce premier album solo de compositions originales est-il né ?
– Dans un premier temps, on morpionne localement, et si on arrive à faire prendre le projet sur le reste du territoire, tant mieux. Jusqu’à présent, j’avais surtout des groupes de reprise. Depuis trois ans je joue avec Sons of Acoustic, que j’ai crée, c’est une formation qui interprète des reprises de musique folk / pop et se produit à raison de 30 / 40 dates par an. Cela fait longtemps que j’écris de mon côté, mais j’avais gardé ça pour moi ; je voulais le murir au fur et à mesure. Avant de faire un album complet, il faut toujours avoir 25 ou 30 titres pour avoir une sélection. Je souhaitais allez plus vers le qualitatif pour pouvoir démarcher des lieux de spectacle avec un public venu pour ça. Je ne veux pas mélanger Sons of Acoustic, qui se produit essentiellement dans des restaurants, des campings, des pubs, pour jouer des reprises, et ce que je fais avec mon projet M.Dewis : ce sont deux projets vraiment distincts. Nous avons juste fait 3-4 dates avant la sortie de mon album pour tester les chansons et les présenter au public. Mais tout est différent pour chacun des projets : quand je fais les concerts de mes productions, on a un éclairagiste, un ingénieur du son ; on essaye de faire de beaux spectacles un peu plus haut de gamme. Non pas que nos concerts avec le groupe de reprises soient sans soucis de qualité, mais ce n’est pas la même chose de jouer dans un restaurant que de jouer devant un public venu exprès pour t’écouter. Ce n’est pas la même clientèle, si on peut dire. En plus je ne pense pas que la clientèle d’un bar attende ça : elle vient autant pour faire un repas convivial qu’entendre de la musique, sans forcément devoir écouter attentivement, et aime bien retrouver ses repères, avec des standards. Les coûts engagés ne sont pas les mêmes non plus : faire un album coûte cher, et les rémunérations des musiciens ne sont pas les mêmes. Mes compositions sont travaillées pour être jouées dans des théâtres, amphithéâtres, salles de concert et les festivals.
– Parlons de tes influences : Nick Drake en est une énorme, et revendiquée. Or le chanteur n’est pas le plus populaire et accessible des artistes de Folk. En quoi sa musique te parle-t-elle particulièrement ?
– Pour moi, c’est le summum de ce qui se fait en musique. C’est vraiment l’univers qui me touche le plus. Bien sur il n’y a pas que lui dans la musique Folk. J’adore Bob Dylan, Neil Young, John Mayer et tant d’autres… aussi. Mais chez Drake il y a cet esprit mélancolique qui nous plonge tout de suite dans un univers particulier. C’est vraiment mon artiste favori. Mon album comporte d’ailleurs un titre en son hommage. Je l’ai découvert il n’y a pas si longtemps, peut-être trois ans, en fouinant. Ce sont des univers pseudo « parallèles » : en France les gens ne connaissent pas bien la musique folk. Du coup il faut fouiner sur internet, dans les magazines spécialisés, chez les petits disquaires… Et à force, je suis tombé dessus un jour, et dès le premier titre, j’ai pris une grosse claque. Je pense m’être rapproché de lui en écoutant Scott Matthews, qui, lui, joue toujours, et s’est énormément inspiré de Nick Drake. Il avait d’ailleurs fait un album complet de reprises en hommage à Drake. Ce que j’aime dans la musique folk c’est la largesse de style qui peut tirer vers le rock, le blues, la chanson, les musiques traditionnelles, irlandaises ou autres… Il reste toujours une base accès guitare-voix, avec des textes ; mais autour beaucoup de choses peuvent se greffer. Ce qui laisse une liberté artistique vraiment large. Je n’écoute pas que ça ; mais c’est vraiment ce que j’aime jouer. A l’écoute de mon album, on peut entendre qu’il y a un ensemble d’influences, mais on ne peut pas m’identifier vraiment à un autre artiste en particulier. Et pour moi, c’est une réussite, car la base artistique est là : avoir son univers propre.
– Contrairement à la plupart des artistes qui s’insèrent dans l’univers folk, tu n’as pas choisi d’utiliser l’anglais pour tes textes. Comment articules-tu ta musique avec l’usage du français et pour exprimer quoi ?
– Je n’ai pas de thématique privilégiée a priori. Quand on est artiste, on a toujours un univers propre, beaucoup de choses se passent à l’intérieur de nous, ce qui a du arriver à Nick Drake. Et il est vrai qu’il ne faut pas écrire des chansons pour que ça marche, surtout dans la Folk mélancolique qui porte des genres de sentiment qui ne vont pas du tout avec le commercial. Mais il ne faut pas non plus tomber dans le piège de rentrer dans une spirale. Si je m’écoutais, je ne ferais que des chansons très tristes, avec des accords qui tirent vers le bas, avec des textes assez pessimistes. Il faut de temps en temps essayer de se forcer à sortir de ça aussi. Mais pour moi ce n’est pas du tout déprimant d’écouter de la musique mélancolique : c’est l’effet inverse qu’elle me procure. C’est presque un exutoire. Le fait d’en écouter ou d’en jouer et de partager ça, d’être en communion avec des personnes, plutôt que seul dans cet univers, fait beaucoup de bien. Je ne me retrouve pas du tout dans l’époque actuelle, un peu volage et superficielle, où on écoute des chansons plutôt anecdotiques et légères. Je ne me force jamais à écrire ; ça me vient. Ce qui explique que je n’ai pas de thématiques pré-choisies. Pour ce qui est du Français, d’abord je ne parle pas couramment anglais, donc étant « jusqu’au boutiste » ce serait très compliqué pour moi d’écrire dans une langue où je ne peux pas exprimer exactement mon sentiment. J’ai fait l’essai, puisque « I live in New York » et un autre titre que je n’ai pas retenu pour l’album avaient été écrits en anglais à la base. Et en prenant l’avis de plusieurs anglophones différents, je me suis aperçu qu’ils n’avaient pas la même correction, bien qu’étant tous très calés en anglais… . C’est très complexe d’avoir les bons termes, les bonnes expressions. Quand on écrit des chansons, même déjà en français, il y a des choses abstraites, ou des expressions qui ne sont pas parfaites : on se permet des libertés avec la langue. Mais c’est très complexe à faire lorsqu’on ne maîtrise pas parfaitement une langue. De toute manière, je n’aurais pas fait un album complet en anglais ; mais j’aurais bien voulu inclure un ou deux titres dans la langue de Shakespeare, ne serait-ce que pour m’ouvrir d’autres portes… Et puis il y a déjà de plus en plus de groupes français qui veulent « copier » ce qu’ils ne sont pas, et du coup de moins en moins d’artistes francophones. Ce qui peut s’expliquer également par le fait que le français est beaucoup plus difficile à faire sonner en chant ; les sons et les articulations ne sont pas chantants comme ceux de l’anglais. Si je devais comparer mon style à un artiste français connu, je penserais à Gerald de Palmas, (bien que cet exercice soit difficile, car je pense avoir mon style propre… ). J’aime bien l’exploration du côté pessimiste et déprimé chez lui, associé au fait que bien qu’étant une star, il a toujours quelque chose d’authentique, à part peut-être sur son dernier album où il a dévié dans des recherches sonores synthétiques avec notamment des boîtes à rythme…. J’aime aussi beaucoup Francis Cabrel. Je trouve qu’il se bonifie avec le temps ainsi que la qualité de ses albums, et qu’il sait s’entourer de musiciens de haut vol, qui ont tout compris de ce qu’il veut faire passer, ce qui n’est pas chose facile…. Ceci dit J’aime bien la musique douée de simplicité. Et paradoxalement c’est ce qu’il y a de plus dur à jouer, car tout doit être au bon endroit. Parfois on a l’impression que c’est simple, mais c’est finalement très compliqué à réaliser. Pour moi une chanson bien écrite est belle interprétée juste en guitare-voix : ce ne sont pas les arrangements qui font une chanson. Les arrangements sont des cerises sur le gâteau, qui peuvent le rendre meilleur s’il est bon à la base, mais qui ne le rendront pas bon s’il est mauvais. C’est un peu ce qu’on peut reprocher à pas mal de musiques actuelles : si on enlève les arrangements, il ne reste rien qui tienne la route.
– Le son de ton disque est pourtant très travaillé, et on y entend un dessein singulier. Le résultat correspond-il au sens dans lequel tu voulais que ta musique se dirige ?
– J’aime beaucoup le travail du son ; je trouve ça très important. D’ailleurs si tu écoutes bien l’album, tu entendras un cachet particulier, un grain. Je m’y intéresse beaucoup et m’y entends pas trop mal. J’ai été présent tout au long de la production et j’ai vraiment tenu à ce qu’il soit réalisé à mon oreille. Je savais exactement où je voulais aller. Mon univers est assez large : quand on passe d’un titre comme « I live in New York » à « Les cœurs d’hiver », c’est le jour et la nuit. Je ne voulais pas les mêmes sons tout le long, et c’est d’autant plus difficile de garder un fil conducteur avec des univers bien séparés d’un titre à l’autre. En définitive, c’est un peu comme un voyage : des choses différentes se passent au fur et à mesure. J’ai du me battre pour ça, car même dans les studios régionaux, il y a cette volonté de formater selon des habitudes. En plus depuis plusieurs années, il y a une grosse guerre du volume : on pousse les compressions à fond pour rehausser les petits sons et tasser les gros pics sonores, et optimiser ainsi l’ensemble du signal. C’est bien d’en user, mais quand c’est bien dosé. Hélas sur la plupart des productions actuelles, il s’agit juste de faire du volume, au détriment de la dynamique. Je ne voulais vraiment pas aller vers ça ; d’ailleurs le volume de l’album est légèrement en dessous des grosses productions, mais pas le son ! Selon moi (car le son c’est aussi beaucoup une affaire de goût), la qualité du son de l’album est vraiment bonne, avec beaucoup de travail dans les medium, sans dénaturer la voix, beaucoup de chaleur, le respect du son boisé des guitares. Je voulais que ce soit un peu feutré, organique, tout en étant suffisamment moderne et « punchy » quand c’est nécessaire. Par exemple il arrive à De Palmas en voulant faire trop feutré de produire des sons trop mats à mon goût. Je préfère les sons plus ouverts, aérés, un peu à la Bashung sur ses derniers albums, qui sont de pures merveilles. C’est ce qui rend le son naturel, acoustique. Les productions commerciales obéissent souvent à des structures précises. Quand on veut inscrire des sentiments un peu plus profonds, ça ne fonctionne pas. Je suis obligé de jouer en m’écartant de ces structures pour créer des espaces d’attente et jouer ainsi avec les émotions. C’est un ensemble de choses qui permet aux émotions de passer ou pas. Si on part avec des structures préétablies qu’on doit respecter pour faire un titre radio, on est bloqué dès le départ dans sa création. Après j’aime bien la pop aussi ; il y a des titres « commerciaux » qui me plaisent beaucoup et mon album lui-même compte quelques titres qui peuvent passer en format radio sans aucuns soucis, quand le sentiment va bien avec et que le but de base n’était pas de se réduire à un format type, ça peu aussi fonctionner ! C’est un peu comme dans la vie : quand quelque chose doit être beau ou bon, on prend le temps de le réaliser, et quand ça doit être vif et dynamique, on va vite. Ce n’est pas pour forcément faire du compliqué qu’on prend le temps : par exemple Nick Drake possède des morceaux qui jouent la même ritournelle tout le long ; mais c’est la ritournelle parfaite, jouée parfaitement et avec les mots parfaits posés dessus. Plein de chansons tournent autour de 4 accords et sont très belles ainsi. Parfois certains musiciens donnent l’impression de vouloir un peu trop faire dans la démonstration et l’affirmation que si ce n’est pas complexe, ce n’est pas de la musique. Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. J’adore le vieux blues rural tout comme la musique folk, qui sont des styles assez simple à la base, qui portent une intention, une émotion, et les tripes de l’interprète. C’est plus ça qui compte que la recherche du trop.
– Jouer parallèlement avec ton groupe des reprises de folk nourrit-il ta création personnelle ou est-ce pour toi un métier « alimentaire » ?
– Je n’ai jamais pris la musique dans un esprit nourricier. Avant je faisais des animations, et effectivement c’était pour gagner ma vie. Et ça ne me plaisait pas trop, alors j’ai arrêté, pour pouvoir réaliser mon projet personnel. Il faut savoir qu’hélas les animations marchent beaucoup mieux que les concerts de nos jours, et j’étais vraiment débordé : je tournais aux alentours de 80 dates par an, entre les animations et les concerts. A mon grand regret beaucoup de gens sortent non pas pour faire une découverte culturelle ou artistique, mais pour se mettre un coup dans le nez et danser. Ce qui fait qu’un karaoké est plein, et une soirée DJ est noire de monde, alors que pour faire se déplacer les gens pour un concert, il faut vraiment se battre, du moins lorsqu’on n’est pas passé à la télé. Telle est la triste réalité ; j’espère qu’en diffusant le message, petit à petit, cela aidera à faire changer les mentalités. Et je pense que c’est le cas, car pour les premiers concerts qu’on a faits, il y avait du monde, et ça a plu. Il y a pas mal de précommande pour l’album, et quelques radios s’intéressent au projet. Donc ça ne s’annonce pas trop mal. Mais je suis quand même terre à terre et je ne suis jamais parti du principe que j’allais devenir une star. Le but est de se professionnaliser et de faire ce métier correctement : mettre sur papier et en musique ce qu’on a sur le cœur et dans la tête et le partager ; faire de beaux concerts avec de beaux musiciens, pour un bon public. Et toujours dans l’esprit acoustique : la musique folk, c’est vraiment mon esprit.
– Combien de musiciens t’accompagnent ?
– Le plus souvent, nous jouons en trio sur scène. Parfois un quatrième musicien nous rejoint ; parfois il m’arrive de jouer seul pour une petite salle et de petits concerts intimistes que je nomme : « juste vous et moi ». Pour le moment nous sommes en plein démarchage pour trouver des dates, avec mon association SDL04 Production. Nous l’avons créé pour aider à produire mon album dans un premier temps, puis par la suite produire aussi d’autres artistes et promouvoir, pourquoi pas, un festival de musique Folk. C’était nécessaire d’avoir un coup de main, car c’est un travail de fou que de trouver à la fois des distributeurs pour l’album, des dates de concert, des propositions de radios ou télés locales ou nationales, le presse, l’administratif, les visuels, les répétitions, séances studio, et j’en passe….
– Quels sont les media qui vous soutiennent ?
– France Bleue Provence va nous consacrer une émission. Fréquence Mistral, une radio locale, mais qui est tout de même la plus grosse radio régionale de France, car elle possède plusieurs pôles, nous diffuse sur tout son réseau. Elle a une approche avec une liberté de ton et de temps qui permet de diffuser de la qualité et de s’intéresser à l’art avant tout. Il y a aussi Radio Meuse FM, Stud FM, LRDR, pas mal de quotidiens comme La Provence ou encore HPI, ainsi que quelques web radios qui nous diffusent. Donc ça fait son chemin petit à petit, et c’est beau, car c’est quand même un métier de business où il est difficile de se faire écouter. Bien sur il est trop tôt pour faire un bilan, mais peu à peu, on se crée un réseau.
Miren Funke
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