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Trenet Cabu la vie qui va

20 Fév

 

Quand on reçoit un livre aussi imposant, plus de 435 pages, la première « frayeur » devant le format est vite tempérée par la grâce légère de la couverture, et par la page ouverte au hasard, en tombant sur un conte du 26 mars 1932, un conte avec en exergue cette phrase de Cocteau « La vie d’un tableau est indépendante de celle qu’il imite ». Quatre pages plus tard, le charme a agi, et c’est avec une gourmandise impatiente qu’on glisse le livre dans son sac pour le déguster par petites tranches. Ou à grandes lampées…

Quid de ce monument ? C’est un patchwork de contes, chroniques, poèmes, billets, cartes postales écrites, une œuvre parallèle aux chansons de Trenet, un ensemble foisonnant qui apporte un éclairage supplémentaire sur les inspirations de Trenet dans ses chansons : un regard tourbillonnant sur la vie dans tous ses méandres, ses sentiers discrets, ses petits mystères et miracles quotidiens, ses tragédies ordinaires qui se fondent dans le paysage… Mais c’est la vie du poète réveillé,

Bonsoir aussi les petits riens

Qui se transforment au gré du rêve

En merveilles hélas qui s’achèvent

Quand le jour vient..

Et même si au bout de la nuit, la ficelle a délivré de la vie le poète vagabond, c’est pour qu’il soit plus léger dans les nuages, et dans ses chansons.. Pas toujours, mais la force d’une chanson c’est le rêve qu’elle inspire..

J’aime la chanson pour sa poésie. On croit que la poésie est pour un cénacle. Pourquoi la foule n’aurait-elle pas sa part ? Ce que les gens cherchent dans la chanson, c’est le moyen de rêver.

Si le texte des chansons est vraiment idiot, ce n’est pas, comme on pourrait le croire, la faute du public sur le goût duquel se basent de faux malins.

Aujourd’hui, certains snobs récitent du Villon : autrefois, on le chantait sur les routes. La chanson française est intéressante au même titre que la belge, l’espagnole ou l’allemande. Tous les folklores se ressemblent comme se ressemblent tous les cœurs qui chantent, mais la chanson française est plus près de mon cœur à cause de ces mots simples, français, que j’aime : « grand’route, tes yeux bleus, pigeon, ciel de Mai, etc. »

Je crois que ce qui fait la force, la forme d’une chanson, c’est le rêve qu’elle inspire

Et le rêve c’est la poésie.

Le Coq Catalan, 14 Janvier 1939

Le Coq Catalan était une revue dirigée par Albert Bausil, poète et journaliste, qui accueillit les premiers écrits de Trenet dès 1925. Trenet a participé à d’autres journaux, d’autres revues, pour parler de cinéma, de théâtre, de littérature, de faits divers, de mode, c’est une œuvre parallèle mais essentielle pour mieux comprendre ce géant de la chanson. (Et déjà, en 1930 on voit apparaître Sarasate dont la rue a inspiré Aznavour…) Mais ceci est une autre histoire..

Ce livre est né d’une rencontre entre Cabu, Vincent Lisita et Jean-Paul Liégeois, de la recherche affinée de Vincent Lisita qui a retrouvé une grande quantité d’inédits, des purs moments de bonheur, avec cette joie de vivre envers et contre tout, malgré tout.

Qui donc a décidé l’enchainement des choses ?

Le charme évanescent de leurs métamorphoses,

La fin, le renouveau, le plaisant, le tragique,

L’ange, la bête et l’homme – en substance magique

Au sein de la nature et d’un d’un monde inconnu ?

Radioscopie 28 Mars 1958

 

Chaque page apporte une pépite propre à alimenter des réflexions, des sourires, des évasions, des rires ou des pleurs,

Je n’ai pas su sourire
A tel ou tel attrait.
J’étais seul sur les routes
Sans dire ni oui ni non.
Mon âme s’est dissoute.
Poussière était mon nom.

mais au final,

Je chante !
Je chante soir et matin,
Je chante
Sur les chemins,
Je hante les fermes et les châteaux,
Un fantôme qui chante, on trouve ça rigolo
Je couche,
Parmi les fleurs des talus,
Les mouches
Ne me piquent plus
Je suis heureux, ça va, j’ai plus faim,
Heureux, et libre enfin !

Heureux et libre…

Publié en Février 2018 chez Robert Laffont.

Norbert Gabriel

Et pour quelques dessins de plus de Cabu…

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