J’y songe, ce soir, 10 janvier, bientôt minuit…
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« Dans le cadre de l’autobiographie, peut-on écrire sa propre mort…? », demande l’élève. Le professeur répond que, par définition, il n’est pas possible d’écrire sa propre mort, mais qu’un écrivain peut trouver des dispositifs pour « mettre en scène sa propre mort », l’achèvement de son œuvre, et offrir cette œuvre post-mortem. Il renvoie alors l’élève aux Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand.
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Avec le souci, peut-être, de faire de sa vie une œuvre d’art, Bowie est ressuscité avant même de mourir.
Ce lundi matin, 10 janvier 2015, il y a deux ans, alors que sur sa page FB « on » annonce son décès et qu’on a du mal à prendre la mesure, les images des deux dernières vidéos reviennent en mémoire : « Blackstar » tout d’abord (titre publié en Novembre 2015), et surtout « Lazarus » (publiée le 7 janvier 2016 sur Youtube) que l’on a visionnée deux jour plus tôt. Force est de constater que Bowie est mort, que Bowie est ressuscité.
De là à voir une manifestation du divin, il y a quelques degrés que certain-e-s graviront sans effort. Qu’il ait joué jusqu’au bout et qu’au terme, il se soit mis en scène rejoignant le ciel ou les étoiles, c’est à n’en pas douter. D’où venait Ziggy Stardust…?
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Je n’ai pas un seul album de Bowie chez moi et pourtant je connais un grand nombre de ses morceaux, écoutés attentivement ailleurs, dans d’autres salons. Et puis j’ai suivi, sans le vouloir, son travail. On croise forcément la patte de Bowie quand on écoute Lou Reed, Iggy Pop, Trent Reznor (Nine Inch Nails), que l’on suit David Lynch (qui est aussi compositeur…).
C’est une force qui n’est pas donnée à chacun de ne pas perdre son identité (il en avait tellement / « I’m deranged », dans Lost Highway de Lynch), tout en s’associant aux autres…
J’ai entendu des reproches. Il était « artiste » pendant et en dehors du boulot ? Il « jouait ». Il mentait ? Comme Dali, comme Gainsbourg, chez qui on reconnaîtra les mêmes qualités : sentir l’air du temps, voire le précéder, savoir s’entourer, savoir faire, tout en offrant une signature personnelle. Imposteur ? Oui, génial imposteur. « Beau oui, comme Bowie… ».
Il chantait, dansait, jouait de la gratte, du piano, du saxo, et la comédie… La comédie…
Parce que s’il se laissait voir à la lumière de l’étoile, Bowie est toujours resté une créature de l’Underground, jouant Andy Warhol d’ailleurs dans le film Basquiat. Ils ont tous joué ce jeu dangereux, de l’être, du paraître, du trait forcé… de l’image façonnée. La comédie…
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Ces deux vidéos, « Blackstar » et « Lazarus », deux ans plus tard, elles affichent 36 millions et 45 millions de vues … Pas prêt de disparaître le Bowie.
Vidéo « Blackstar »
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Comme le faisait remarquer Groucho Marx : « Tant qu’on n’aura pas trouvé le moyen de jouir d’un succès posthume, il faudra vous contenter d’un ersatz de Groucho. »
À quel Bowie avons-nous eu accès…?
« Something happened on the day he died
Spirit rose a metre and stepped aside
Somebody else took his place, and bravely cried
(I’m a blackstar, I’m a blackstar) »« Blackstar », David Bowie, Blackstar
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J’aime ce dernier album. Il m’émeut.
Alors, peut-on écrire jusqu’à sa mort ? Jusqu’à la dernière seconde et même le lendemain ? Oui, il l’a fait.
Qu’a-t-il offert…? Une représentation plus ou moins fidèle de sa personne, de son personnage, de l’artiste…? Son intimité, son image publique…? Se joue-t-il de nous…?
Peu importe…
Le dernier souffle.
Beau, oui, jusque dans la mort…
« Look up here, I’m in heaven
I’ve got scars that can’t be seen
I’ve got drama, can’t be stolen
Everybody knows me nowLook up here, man, I’m in danger
I’ve got nothing left to lose
I’m so high it makes my brain whirl
Dropped my cell phone down below(…)
This way or no way
You know, I’ll be free
Just like that bluebird
Now ain’t that just like meOh I’ll be free
Just like that bluebird
Oh I’ll be free
Ain’t that just like me »« Lazarus », David Bowie, Blackstar.
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Vidéo « Lazarus » :
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E.5131 / Hum Toks / Eric SABA
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